vendredi, septembre 28, 2007

LA LEGENDE DU ROI LION A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le Directeur de la Musique, Vasile Sirli

1994 : sortie du ROI LION sur les écrans.
2004 : année du Roi Lion à Disneyland Resort Paris.
Si le très réussi Carnaval du Roi Lion avait déjà rencontré un certain succès à l'époque, l'événement majeur de ces célébrations fut sans nul doute le tout nouveau spectacle La Légende du Roi Lion qui débuta le 26 juin à Vidéopolis. Pour l'occasion, le fameux aéroport de Discoveryland qui avait fait les beaux jours de Disney Classics, The Music and the Magic, de Mulan, La Légende et de Mickey's Showtime a été complètement rénové, modernisé et transformé, pouvant désormais accueillir jusqu'à 1256 "voyageurs" en quête d'évasion. De son côté, la division spectacle du parc a mis tout son savoir-faire au service de cette production de haut vol. Comme l'expliquait le décorateur Bernard Arnould, l'idée maîtresse était : "Il faut que tout soit magique, inhabituel et que le public soit propulsé hors de son quotidien."

Le fait est qu'entre rêverie poétique et récit fantastique, cette aventure palpitante transporte petits et grands dans un univers où s'expriment tour à tour la peur, la colère, la tristesse, l'amour et la joie… en pleine savane, là où l'homme et l'animal ne font qu'un : une approche originale pour un mythe universel. C'est ainsi que, sur scène, cohabitent humains, personnages Disney et marionnettes, avec comme message sous-jacent la tolérance et l'acceptation de la différence. A travers la métaphore animalière, le metteur en scène Craig Revel Horwood s'est fixé comme objectif de capter l'élément humain de cette histoire : "J'espère qu'en sortant du spectacle, les visiteurs auront le sentiment d'avoir appris quelque chose sur leur propre existence, sur eux-mêmes." Une humanité que l'on retrouve dans la splendide musique de La Légende du Roi Lion, inspirée du film original, remarquablement adaptée par Vasile Sirli.

WELCOME TO OUR WORLD!

Timon et Pumbaa, les deux facétieux compagnons de route de Simba ont décidé de rendre hommage à leur ami. La scène se passe en Afrique, sur la Terre des Lions, dans un décor vertigineux qui sublime la narration. Costumés et grimés, les villageois se glissent dans la peau des personnages de l'histoire. Ils interprètent Scar, l'oncle malveillant, Nala, l'amie de toujours, Simba et Rafiki.
Simba est invité au spectacle de sa propre vie en compagnie de Pumbaa et Zazu. Ils sont représentés par des marionnettes de différentes dimensions afin de jouer avec les perspectives. La représentation du temps qui passe illustre le grand cycle de la vie. Le décor et les effets spéciaux suggèrent le mouvement des astres, la lumière se tamise ou éblouit, la lune nimbe les retrouvailles de Simba et Nala d'un halo romantique. Des premières heures du jour à la tombée de la nuit suivante, les tableaux chantés et dansés s'entremêlent comme autant d'évocations des temps forts du ROI LION, devenu en dix ans un classique incontournable de l'univers Disney.
Dans ce monde à nul autre pareil, la musique concoctée par Vasile Sirli nous permet de redécouvrir cette histoire sous un jour nouveau, à travers les mélodies et les sonorités revisitées du film original. Son enthousiasme est aisément perceptible.


Quel fut votre rôle dans la création de ce spectacle?
J'ai produit la "bande-spectacle". Cela veut dire que je me suis inspiré du scénario de La Légende du Roi Lion pour mettre au point une partition qui utilise les extraordinaires ressources musicales du film, mais dans l'ordre dramatique de notre spectacle. Ce n'est pas un arrangement. C'est une adaptation pour scène de la musique du film. Outre les détails pratiques de l'écriture d'une telle musique, mon rôle a donc été de fédérer l'équipe artistique afin de trouver le langage propre à ce spectacle. Je me suis ainsi trouvé au carrefour du film et des désirs artistiques du metteur en scène afin d'articuler musicalement chansons et moments instrumentaux en fonction des besoins de cette nouvelle production.

Le scénario propose en effet une prise de distance originale de l'histoire du film.
Certaines choses ont été gardées à la même place que dans le film et d'autres ont été bougées. L'idée de ce scénario a été suggérée par la version Broadway du film et par le spectacle Festival of the Lion King produit à Disney's Animal Kingdom en Floride. Nous avons prolongé cette idée en imaginant un village africain dans lequel les habitants décident, sous l'impulsion de Timon, Pumbaa et Zazu, de raconter l'histoire du ROI LION, comme un mythe, à la manière des conteurs de village. Timon est bien évidemment le maître de cérémonie! C'est cela qui donne cette articulation différente du film car il fallait de fait trouver une modalité scénique spécifique pour présenter l'action de Scar, par exemple. En effet, dans une comédie musicale de 30 minutes comme la nôtre, il est difficilement "défendable" dans la scène finale du point de vue musical puisque la bataille ne pouvait être chantée. C'est pour cela que j'ai envisagé son thème, Be Prepared, en deux parties. La première fois, chantée, expliquant comme dans le film le rôle de Scar dans la disparition de Mufasa, et la deuxième fois, dans la rencontre finale entre Simba et son oncle, instrumentalement, avec une approche un peu différente. Une autre différence musicale importante d'avec le film tient au fait que nous n'avons pas utilisé la très belle musique de Hans Zimmer pour l'apparition de l'esprit de Mufasa car elle se prêtait plus à un moment silencieux, nocturne, voilé. Dans notre spectacle, l'image du père de Simba est projetée sur un écran d'eau. C'est un moment d'une grande beauté, mais il a fallu tenir compte du bruit de l'eau. Je ne pouvais pas lui donner cette qualité à la fois cristalline et nostalgique que réclamait notre approche. C'est pourquoi j'ai proposé que nous utilisions une autre musique, inspirée d'une des grandes chansons ajoutées au spectacle de Broadway, puis dans LE ROI LION II, He Lives In You. Il s'agissait simplement d'une nouvelle version de l'accompagnement de cette chanson, sans la mélodie ni les marimbas.

On reconnaît bien là votre goût pour les clins d'œil dans vos musiques!
Pour ceux qui sont familiers de la version de Broadway, il y a évidemment un air de famille, mais cela reste suggéré et n'est en rien une citation explicite!… C'est un passage qui intervient à peu près au milieu du spectacle, mais c'est une version similaire qui l'ouvre également.

Y en a-t-il d'autres?
C'est à vous de chercher maintenant!..

Nous vous proposons maintenant de revivre avec vous les grands moments de ce ce spectacle. Après une introduction presque éthérée, les percussions prennent le devant de la scène.
C'est Rafiki qui appelle les villageois, qui arrivent sur scène. Puis on retrouve le fameux chant qui ouvre le film. Dans notre spectacle, comme dans la version Broadway, c'est une voix féminine qui incarne Rafiki, mais pour le disque, j'ai réutilisé la voix de Lebo M extraite de la bande originale pour bien mettre en valeur les sources musicales du ROI LION.
Et ensuite, dans le prolongement de Circle Of Life (avec une mélodie légèrement variée), on trouve Welcome To Our World, que Lebo M a écrite il y a quelques années pour un disque magnifique pour les Nations Unies, PEOPLE : A MUSICAL CELEBRATION OF DIVERSITY, et qui a été reprise par Disney tant elle est belle et à propos dans notre spectacle, avec toujours des allusions au Circle Of Life.

Puis Timon répartit les rôles pour la représentation.
C'est cela, avec l'aide de Pumbaa et de Zazu, qui fait office de "stage manager". Timon est un véritable personnage qui évolue sur toute la scène alors que de part et d'autre on trouve des marionnettes articulées et grandeur nature de Pumbaa dans une grotte à droite et Simba adulte à gauche -ce qui fait que Simba assiste lui même à sa propre histoire! C'est alors que le villageois qui joue le jeune Simba sur scène se met à chanter I Just Can't Wait To Be King, et à la fin, Simba adulte s'étonne et se demande s'il était vraiment comme cela enfant! C'est une relation très particulière qui se crée entre la marionnette et les personnages sur scène.

C'est alors qu'intervient Be Prepared dont vous nous parliez tout à l'heure.
En effet, et au lieu de se terminer, le morceau de la chanson que nous présentons s'enchaîne directement sur une évocation de la scène des gnous qui ont tué Mufasa, suggérant par là que c'est Scar qui en est le responsable. La version de Be Prepared que nous proposons a été produite originellement pour le Festival of the Lion King, sur un arrangement de Gordon Goodwin, avec quelques changements réalisés par nos soins. C'est pour cela que j'aime à dire que ce fut une belle co-production. La version de Floride était tellement réussie, tellement forte qu'il eût été dommage de ne pas la réutiliser.
Ensuite, au gré de quelques ellipses temporelles, on passe à Hakuna Matata, à Can You Feel The Love Tonight, à la scène avec l'esprit de Mufasa et au retour de Be Prepared, mais qui attaque cette fois directement par la deuxième strophe, pour le combat final. C'est d'ailleurs le grand "production number" du spectacle, avec beaucoup d'effets, des flammes, des chorégraphies, etc. Précisons que la version du disque est un petit peu plus longue que sur scène car j'ai dû couper un certain nombre d'introductions pour des raisons dramatiques.

Votre musique pour le combat final semble plus proche des dernières avancées et de la richesse orchestrale de Mark Mancina que de la partition originale d'Hans Zimmer.
C'est certain! Il faut dire que cette scène se veut très différente de celle du film tant du point de vue musical (puisqu'on n'y trouve pas de tel développement de Be Prepared) que scénique. De ce fait, on y retrouve aussi une grande force percussive, qui est liée à l'aspect chorégraphique de ce moment.

Comment avez-vous envisagé la fin de ce spectacle?
Après la célébration de la victoire de Simba par le village, il y a un retour de Circle Of Life, mais avec des modulations-surprises qui montent de plus en plus jusqu'au grand final. C'est une très belle version, magnifiquement chantée. Tout les personnages y participent. Puis on passe à la célébration finale avec les principales chansons du film dans une version pop reprises du Festival of the Lion King afin que tout le public puisse faire la fête avec les personnages en tapant dans les mains.

LES COULISSES DE LA LEGENDE

Récompensée par l'Oscar de la meilleure musique et par celui de la meilleure chanson (Can You Feel The Love Tonight), la bande originale du ROI LION constitue un matériel d'une richesse et d'une beauté incroyables. Et l'on comprend à son écoute qu'elle ait pu inspirer tant de musiques, de spectacles et d'attractions depuis 10 ans, que ce soit la comédie musicale qui triomphe toujours à Broadway et partout dans le monde, le Festival of the Lion King à Disney's Animal Kingdom en Floride, les attractions The Legend of the Lion King au Magic Kingdom d'Orlando et Circle of Life : An Environmental Fable à Epcot ou encore Animagique aux Walt Disney Studios Paris, sans oublier les parades, comme celle du Monde Merveilleux de Disney à Disneyland Paris. Un matériel si riche que Vasile Sirli et son équipe ont su, avec leur talent, en révéler de nouvelles couleurs nées du métissage, de la rencontre toujours magique entre musique classique et musiques ethniques.

Les compositeurs originaux comme Hans Zimmer pour le film ou Mark Mancina pour la comédie musicale ont-il été impliqués d'une façon ou d'une autre?
Pas directement. En fait, pour nous aider, nous avons fait appel à deux arrangeurs et orchestrateurs qui n'ont pas travaillé sur les autres versions du ROI LION, Christopher McGovern et Mike Watts, ce dernier ayant été l'un des orchestrateurs de LA PASSION DU CHRIST. Gordon Goodwin a également participé. Tous trois ont fait un travail magnifique.

Comment se prépare une production comme celle-ci?

Ce fut une co-production, entre nous et la Walt Disney Company car c'est sur une même base qu'ont été développées deux versions de ce spectacle : la nôtre, et celle destinée à l'ouverture de Hong Kong Disneyland. Nous avions un script, et à partir de ce scénario, nous avons fait une sélection parmi toutes les sources musicales dont nous disposions : la musique du Festival of the Lion King, la bande originale du film, toutes les suites vidéo, le spectacle de Broadway. Nous avons tout écouté! Nous nous sommes tout particulièrement tournés vers le Festival, mais on ne pouvait l'utiliser tel quel car, comme son nom l'indique, il s'agissait d'un festival, alors que chez nous, ce devait être un spectacle. L'avantage d'un festival, c'est qu'on peut y mettre toutes sortes de choses : des medleys, des gags, des citations de musiques qui n'ont rien à voir, etc. C'est une fête. Nous, nous devions raconter une histoire. C'est pour cela que nous sommes partis sur des bases très concrètes pour que tous nous puissions avoir des références communes puis j'ai commencé à couper ces musiques et préparer des maquettes sur toutes sortes de supports pour former un premier canevas. J'ai fait ce travail pour l'Europe, tandis que Dan Stamper l'a fait de son côté pour Hong Kong. Cela a donné lieu à un workshop à New York, pour voir ce que cela pouvait donner avec des danseurs, et nous nous sommes alors rendus compte des points forts et des points faibles de nos projets. J'ai pu voir ce que mes collègues avaient imaginé et eux ce que j'avais fait de mon côté, et nous avons combiné tout cela pour que chacun trouve les expressions musicales et dramatiques idéales pour sa version du spectacle. De ce voyage, je suis revenu avec un maximum d'enregistrements. A partir de là, j'ai fait des remix, des montages construits différemment, par rapport à notre structure à nous. Je me suis inspiré des anciens spectacles et du script et nous avons développé cette musique avec mon équipe par rapport à la spécificité de la scène de Vidéopolis, aux décors et aux costumes. J'ajoute qu'en la matière, je ne doutais pas que ce serait magnifique car je connaissais bien les créateurs. Le travail le plus important s'est passé avec le metteur en scène, car je devais vraiment m'imprégner de sa façon de voir le spectacle, les articulations, le rythme, la durée de chaque morceau, de chaque séquence, des parties dansées, les tempos, les modulations. Mais tout cela fut considérablement simplifié par le fait que nous avions les titres ; les chansons étaient là.


Comment s'est passé la production de la musique?
Les orchestres, à Los Angeles et à Londres, ont été dirigés par Gordon Goodwin et par Mike Watts. Certains instruments additionnels ont été enregistrés à Londres et ici à Paris dans notre studio.

Ce ne sont plus les orchestres de Prague ou de Budapest comme ce fut souvent le cas pour certains spectacles ou certaines parades du parc.
Nous avions déjà travaillé avec l'orchestre de Londres aux débuts du parc, et nous y sommes revenus aujourd'hui car, comme il s'agit d'une co-production, nous avons vu plus grand que d'habitude!

Quels furent vos choix en matière de percussions?
Nous avons opté pour des instruments ethniques au sens large et non pas seulement africains, comme cela se fait souvent. Et pour ce faire, nous avons fait appel à des percussionnistes de studio renommés.

Pouvez-vous nous parler des chanteurs?
Les premières auditions ont eu lieu à Paris et à Londres. Tous les chanteurs sont d'origine africaine, mais vivent depuis longtemps en France, en Angleterre ou en Allemagne. Certains d'entre eux ont déjà participé à la version comédie musicale.

La Légende du Roi Lion est le premier spectacle chanté live de cette ampleur à Disneyland Resort Paris.
Il est vrai que nous avons déjà eu quelques spectacles chantés live comme Mickey's Winter Wonderland, mais on ne pouvait pas les faire durer trop longtemps en raison du fait qu'ils étaient le plus souvent donnés en plein air.

La Légende du Roi Lion innove également du point de vue technique.

Nous avons en effet changé tout l'équipement audio de Videopolis. Tout est neuf, de la console aux amplis en passant par les haut-parleurs. Même la disposition, la répartition du son dans la salle a changé. Beaucoup d'efforts ont été faits pour que l'on entende et que l'on voie beaucoup mieux.

UN OPERA DANS LA SAVANE

Grandiose concrétisation des vœux exprimés par Anne Hamburger, vice-présidente exécutive du département « Creative Entertainment », La Légende du Roi Lion est en fait le résultat d'une magnifique association entre le talent de conteur de Disney et le sens du spectacle combiné de la comédie musicale et de l'opéra, comme en témoigne l'équipe créative du projet. C'est ainsi que le metteur en scène, Craig Revel Horwood a travaillé en tant que chorégraphe ou metteur en scène sur de nombreuses comédies musicales comme WEST SIDE STORY à Londres ou MISS SAÏGON ou encore MARTIN GUERRE. Dans l'esprit de ce spectacle entre deux mondes, il explique : " Tout repose sur les acteurs, danseurs et chanteurs qui amènent l'histoire à la vie. La chorégraphie sera évidemment inspirée de ce que l'on peut trouver dans les villages d'Afrique. Cependant, nous voulons aussi donner au spectacle un aspect contemporain, moderne. " Le décorateur Bernard Arnould, créateur de la scène grandiose de ce spectacle, a, quant à lui, été formé à l'école Boulle puis aux Beaux-Arts, avant de travailler à l'ORTF et à l'Opéra Garnier. Enfin, l'éclairagiste Fabrice Kebour est reconnu pour son travail sur de nombreux opéras et pièces de théâtre de Zurich à Orange en passant par Washington ou Monte Carlo et a su apporter au spectacle sa dimension onirique, quasi irréelle.
Dans cette perspective, nous avons demandé à Vasile Sirli son sentiment sur la question.

Disney's California Adventure propose actuellement une splendide mini-comédie musicale d'ALADDIN, Aladdin – A Musical Spectacular et Disney's Animal Kingdom la version scénique et chantée du Monde de Némo. La Légende du Roi Lion semble se situer dans cette même tendance des parcs Disney à produire de grands spectacles musicaux.

Je pense que oui, étant bien entendu que nous devons rester modestes par rapport à ces deux merveilleuses productions américaines.

Anne Hamburger nous a confié qu'elle souhaitait faire entrer le monde de l'opéra dans les parcs Disney. Ce fut le cas par exemple avec la metteur en scène Francesca Zambello (GUERRE ET PAIX de Sergei Prokofiev à l'Opéra de Paris) pour Aladdin – A Musical Spectacular. Cela semble être également le cas avec sur cette production.
Je crois que oui, fondamentalement. Déjà, il faut savoir que Bernard Arnould, décorateur de l'Opéra de Paris, a déjà travaillé pour nous sur plusieurs spectacles parmi lesquels Tarzan, La Recontre et Mulan, La Légende. On lui doit également certaines parades. Il est venu avec un vrai concept de scène, du talent, du métier, du savoir-faire acquis au théâtre et à l'opéra et un vrai regard d'artiste. Craig Horwood, le metteur en scène, vient quant à lui du monde de la comédie musicale, mais je pense que tous les deux avaient déjà travaillé ensemble. Ce mélange existe donc, il a vraiment une raison d'être. Le monde contemporain autorise davantage cette perméabilité entre les mondes artistiques

Trois ans après, La Légende du Roi Lion est toujours un immense succès!
Ce fut une belle co-production, avec une magnifique synergie entre tous les acteurs de ce projet. C'est la grande force de Disney de pouvoir mettre ensemble toutes ces forces créatives et faire en sorte que chacun et tous à la fois puissent tirer leur épingle du jeu et produire un tel spectacle.


Photos (c) Disneyland Resort Paris et Kristof. Merci à tous!

lundi, septembre 24, 2007

HIGH SCHOOL MUSICAL 2 : Entretien avec le compositeur David Lawrence

Nous l'avions rencontré pour sa très belle partition et le fameux Status Quo de High School Musical 1. Il faut dire que David Lawrence connaît bien le monde de la télévision, de l'adolescence et de la musique de film, lui qui a commencé en tant que compositeur de Beverly Hills et surtout d'American Pie 1 & 2.
Il nous revient donc en grande forme sur High School Musical 2, diffusé le 25 septembre sur Disney Channel, dont il signe une nouvelle fois la partition ainsi qu'un des titres-phares, Fabulous.


Vous êtes le compositeur de la partition de High School Musical 2. Comment avez-vous raconté cette histoire en musique ?
Le plus important était d’incorporer, partout où cela était possible et pertinent, les thèmes de la plupart des chansons du film. De cette façon, de façon subliminale, il me fut possible de raconter cette histoire page après page. La manière la plus évidente de le faire, c’est d’utiliser le thème d’une chanson avant et après le numéro dans lequel elle apparaît, comme une sorte d’anticipation d’une part et de prolongement d’autre part.

C’est un peu ce qui se passe avec les partitions instrumentales des comédies musicales de Broadway.
Absolument. Ce fut un axe très important cette fois, décidé par le réalisateur, Kenny Ortega, le directeur de la musique de Disney Channel et moi-même. Nous voulions vraiment que High School Musical 2 soit dans la même veine qu’une comédie musicale de Broadway.


Seulement, en plus de vos arrangements des thèmes des chansons, vous avez également composés de nouveaux thèmes, purement instrumentaux, n’est-ce pas ?
Exactement. J’ai créé trois thèmes instrumentaux afin d’assurer une continuité à l’ensemble en suivant tel ou tel personnage du début à la fin et de bien marquer son évolution au fil de l’histoire. Le thème principal accompagne Troy & Gabriela. Il apparaît lorsqu’on les voit sur le cour de golf pour la première fois puis les suit tout au long de l’histoire. Le second thème original est en fait une variation sur la chanson Fabulous chantée par Sharpay. J’ai utilisé un grand nombre de motifs empruntés à cette chanson que j’ai développés afin de créer une musique totalement nouvelle pour son personnage. Je suis donc parti d’un thème de chanson pour en tirer quelque chose de complètement différent. Quant au troisième, c’est le même principe, mais basé sur la chanson You Are The Music In Me.


Quelles sont les principales différences entre votre partition pour HSM 1 et celle d’HSM 2 ? Comment avez-vous évolué de l’une à l’autre ?
Du point de vue de l’esprit, je dirai que la musique de HSM 1 avait une sorte d’innocence juvénile et était plutôt actuelle dans la forme. Celle de la suite est un peu plus sophistiquée et tend davantage vers la comédie romantique traditionnelle du fait que le sujet est à la fois plus élaboré et plus mature. J’ai donc voulu refléter cette évolution dans ma musique. Ceci dit, afin de conserver cet humour que l’on apprécie dans cet univers, j’ai vraiment fait pencher la balance du côté de la comédie romantique, sans plonger dans le romantisme pur et dur. A partir de là, je me suis tourné vers des arrangements essentiellement orchestraux que dans le 1, il s’agissait le plus souvent du base synthétique sur laquelle j’ajoutais des éléments orchestraux.

On note également que bon nombre de dialogues n’ont pas d’underscore. Cela vient-il du fait que le jeu des acteurs s’est affirmé et a moins besoin du secours de la musique ?
Partiellement, oui. Il faut savoir que j’ai composé de la musique pour toute la durée du film. Au moment du mixage final, cela nous a permis de pourvoir nous offrir le luxe de choisir si la musique devait intervenir ou pas dans telle ou telle scène. Certaines scènes fonctionnaient mieux avec, d’autres sans. Mais c’était une sécurité de savoir que, de toute façon, au cas où, nous avions toujours une musique de prête. Dans chaque cas, ce fut discuté avec le réalisateur et les producteurs.


Comment s’est passée la création de Fabulous ?
Les créateurs de HSM2 sont venus nous voir, ma partenaire Faye Greenberg et moi-même, avec un challenge : écrire une chanson qui ait le même esprit que Material Girl de Madonna –car Sharpay est très matérialiste-. Mais si la chanson de Madonna est une chanson pop des années 80, il leur fallait une chanson pop des années 2000. Dans le même temps, il fallait qu’elle contienne des éléments théâtraux dans la mesure où elle devait faire avancer l’histoire de Sharpay. Le but du jeu était donc de faire quelque chose dans l’esprit du théâtre musicale mais qui soit également une chanson pop très entraînante. Une autre direction qui nous a été donnée avec le titre de Madonna était la chanson Popular de la comédie musicale Wicked. Elle contenait le même matérialisme, sans pour autant être « pop ». Nous avons donc pris l’ensemble de ces points de vue différents et les avons rassemblés en une chanson un peu dans l’esprit de la chanteuse Fergie. C’est ainsi que nous avons créé Fabulous. Nous avons essayé de faire une chanson très énergique, très « paillettes », très accessible et très amusante, tout en préservant sa dimension narrative.

Comment en avez-vous conçu la structure ?
Tous les honneurs pour cela doivent aller à Faye. C’est elle qui a d’abord écrit les paroles et ce sont ses paroles qui ont donné sa structure à l’ensemble. Une fois que cette structure a été déterminée, il nous fut très facile à tous les deux de construire notre chanson tout autour.


Comment l’avez-vous orchestrée ?
C’est un groove très simple auquel nous avons ajouté toutes sortes de couleurs aux percussions. Les guitares assurent l’énergie dans le pont tandis que les synthétiseurs apportent toutes sortes de couleurs métalliques et clinquantes : des cloches, des sons évoquant des pièces de monnaies, des bijoux, de l’or, tout cela afin de renforcer cette idée de matérialisme forcené.

Est-ce qu’Ashley Tisdale a été aussi «diva » que Sharpay au moment de l’enregistrement ?
Absolument pas ! Elle est adorable. C’est une charmante jeune femme, très talentueuse, et qui a un grand sens de la collaboration. Elle se donne à 150% dans ce qu’elle fait. Elle connaît tellement bien le personnage qu’elle apporte toutes sorte d’améliorations de son cru à son interprétation. En fait, Fabulous a vraiment été conçue pour qu’Ashley puisse se lâcher, se faire plaisir et, de fait, cela l’a beaucoup inspirée. Elle est tout de suite rentrée dans l’esprit de la chanson, se l’est appropriée et en a fait ce que vous pouvez maintenant entendre.


Est-ce que la production de ce titre a été aussi complexe que celle de Status Quo dans HSM 1 ?
Non, cela fut beaucoup plus simple. Kenny m’a simplement dit qu’il voulait que ce titre soit une sorte de rencontre entre Madonna et Busby Berkeley. Il a simplement demandé quelques modifications au niveau des paroles pour vraiment incarner le personnage de Sharpay. Du point de vue musical, il nous a demandé de tourner autour des 3 minutes. A partir de là, les durées des différentes parties ont toutes été déterminées à l’avance, de sorte qu’il a pu préparer ses chorégraphies. Ce qui fait qu’au moment où nous avons rendu notre chanson, il avait pratiquement fini le travail de son côté et avait la vision exacte de ce qu’il voulait faire dans ce numéro.


Le cd de HSM2 comporte un titre bonus écrit par vos soins dans le style polynésien, Humu Humu, qui n’est pas présent dans le film.
Les créateurs du film sont venus nous voir avant que le script soit achevé pour nous dire qu’ils avaient besoin d’une parodie de numéro polynésien. A l’origine, ce devait être un moyen pour Sharpay de convaincre Troy de faire partie du concours de chanson du club. L’idée était que Ryan et elle venaient revenaient juste de New York où ils avaient vu huit comédies musicales parmi lesquelles Rent, South Pacific et Spring Awekening et ce numéro était donc supposé intégrer des éléments de tous ces spectacles. C’est ainsi que Sharpay fait cette danse polynésienne à l’intention de Troy et qu’au milieu de sa chorégraphie elle fait tous ces bruits de poissons pour lui montrer combien ce pourrait être amusant s’il y participait. Il serait le roi du concours. Il y avait aussi un rap polynésien avec Ryan. Cela devait être de plus en plus farfelu ! Par dessus cela, il y avait l’idée que Ryan pensait au début être le chanteur leader et qu’il réalise finalement que sa sœur cherche à faire en sorte que ce soit Troy, ce qui le met passablement en colère. Dans l’histoire, la chanson avait donc pour but de montrer que Sharpay cherche après Troy pour le concours mais aussi pour une amourette. Cela permettait de faire nous faire passer à une autre étape de l’histoire. Finalement, il est apparu que cette scène ne pourrait pas faire partie du film pour des raisons de durée du film, mais on pourra retrouver cette sorte de « version longue » dans le dvd prochainement.

Vous êtes-vous inspiré d’une façon ou d’une autre des comédies musicales classiques que Ryan et Sharpay auraient vues à Broadway ?
Absolument ! Nous adorons les comédies musicales et chaque fois que nous pouvons incorporer des éléments de grands classiques de Broadway, nous nous faisons plaisir ! Nous avons par exemple emprunté certaines couleurs aux chansons polynésiennes de South Pacific et à Flower Drum Song de Rodgers & Hammerstein. Un autre point commun avec ces chansons, c’est qu’elles sont très marquées par l’histoire, et c’est exactement le point de départ que nous avons eu sur Humu.


Comme vous le soulignez, là encore, c’est une fusion parfaite d’une chanson pop et d’un numéro qui fait avancer l’histoire.
Pour Fabulous, la beauté de la chose, c’est que les paroles à elles seules font avancer l’histoire. Une fois que les paroles ont été travaillées sur le plan rythmique, sur le plan du groove, la chanson était lancée. Humu Humu est quant à elle une parodie de chanson polynésienne. L’histoire est première et la parodie est là apporter de l’humour et de la fantaisie. On commence un peu comme un narrateur accompagné d’un léger accompagnement polynésien. Et à mesure qu’on avance dans l’histoire, l’orchestration peut devenir de plus en plus drôle, plus spirituelle et plus théâtrale car on est totalement plongé dans l’histoire. C’est précisément ce que nous avons hérité des comédies musicales classiques.

Êtes-vous plutôt nostalgique de la légèreté insouciante du premier opus ou l’énergie débordante du second ?
J’adore l’énergie de HSM2, mais je craque toujours devant l’innocence…

Quels sont vos projets ?
Je m’apprête à faire la musique de deux séries qui vont sortir sur CBS. L’une est la suite de Jericho –nous sommes tous très heureux de ce retour !- et l’autre s’appelle Cane, une nouvelle série avec Jimmy Smith. C’est l’histoire d’une famille cubaine, à mi-chemin entre Le Parrain et Dynastie. C’est très bien fait ! Pour le reste, Faye et moi nous préparons à écrire et à produire des chansons pour une comédie musicale rock pour MTV et je vais bientôt faire la musique du film de Noël prochain de Disney Channel. Cela s’appellera Snowglobe. Comme vous le voyez, le travail ne manque pas et nous en sommes ravis et très reconnaissants.


Participerez-vous au film Haunted High School Musical ?
J’espère beaucoup en faire partie. Rien n’est jamais définitif à Hollywood. Pour l’instant, les créateurs se concentrent sur le scénario et le casting. Nous sommes beaucoup, tout comme vous, à être très excités par ce projet et je croise les doigts pour y participer. L’équipe de HSM est tellement fantastique que j’ai très envie de poursuivre l’aventure et de continuer à faire partie d’un phénomène qui n’arrive qu’une fois dans une vie !

Le fait est que c’est vraiment vous qui avez apporté sa couleur à l’univers de HSM car c’est la partition qui permet d’unifier toutes ces chansons composées par des artistes différents.
J’apprécie beaucoup que vous disiez cela car c’est vraiment ce que je pense. Ce fut un défi très difficile que d’incorporer et relier toutes ces chansons et d’écrire quelque chose d’organique, tout en faisant en sorte que la partition ait sa voix propre. C’est un exercice très délicat et beaucoup se sont cassé les dents sur un exercice comparable. Je suis donc d’autant plus sensible à votre remarque et heureux que cela fonctionne pour HSM !

Very special thanks to Fred Mollin and Dani Markman.

mercredi, septembre 19, 2007

LES COMEDIES MUSICALES DANS LES PARCS DISNEY : Entretien avec Anne Hamburger, Vice-Présidente Exécutive de Disney Creative Entertainment

Depuis sa nomination à la tête de Disney Creative Entertainment, les parcs Disney ne sont plus les mêmes. Plus encore : l'art de la comédie musicale n'est plus le même.
Non seulement Anne Hamburger a amené la comédie musicale dans les parcs Disney du monde entier mais elle en a élevé les standarts. Elle a permis à des millions de gens, jeunes et moins jeunes, de découvrir et d'apprécier le théâtre musical, de Hong-Kong à Los Angeles, de Paris à Orlando, et même sur la mer. C'est ainsi qu'on lui doit Disney's Aladdin - A Musical Spectacular à Disney's California Adventure, Snow White-An Enchanting Musical au Disneyland Resort de Californie, Twice Charmed sur la Disney Cruise Line, The Golden Mickeys à Hong-Kong Disneyland et sur la DCL également, Festival of the Lion King encore à Hong-Kong, Finding Nemo - The Musical à Disney's Animal Kingdom à Orlando, sans oublier les grandes productions de Disneyland Resort Paris que sont Animagique et La Légende du Roi Lion. Tout cela en apportant un souffle nouveau à la création théâtrale par une véritable ouverture sur le monde.
Avec cet entretien, nous introduisons une série d'articles sur les comédies musicales de Disney à travers le monde, à Broadway et dans les parcs Disney, en prélude à l'ouverture prochaine du Musical du Roi Lion à Mogador.

Anne Hamburger a accepté de nous expliquer toute l'importance de la comédie musicale dans l'univers des parcs Disney.
Anne Hamburger est sur Media Magic, et c'est un grand honneur pour nous!


Comment décririez-vous votre travail ?
Je suis arrivée chez Disney il y a deux ans, en septembre. Mon titre exact est « executive vice president of creative entertainment », ce qui veut dire que je suis la directrice créative de tous les spectacles des parcs Disney à travers le monde, ce qui inclut tous types de spectacles allant des comédies musicales au parades en passant par les feux d’artifices et les spectacles nocturnes du monde entier. Mon rôle est de conserver et de développer la philosophie créative des parcs Disney, de choisir nos collaborateurs sur ces projets, et de m’occuper de tous les détails créatifs de la production.

Que faisiez-vous avant d’être appelée par Disney ?
J’avais ma propre compagnie à New York pendant 13 ans, En Garde, avant de devenir directeur artistique de La Jolla Playhouse de San Diego pendant un an. C’est là que Disney m’a trouvée et m’a enlevée !

Avec une telle expérience, qu’est-ce que Disney attend de vous ?
Ma mission est de faire venir des artistes de classe internationale dans le monde des parcs à thème, ce qui est une grande nouveauté. Historiquement, Disney a plutôt l’habitude de faire appel à des consultants, mais ce que nous essayons de faire, c’est d’atteindre le plus haut niveau professionnel du monde du théâtre. Par exemple, nous avons fait appel à Francesca Zambello, qui travaille à l’Opéra de Paris, et qui vient d’être nommée chevalier des Arts et Lettres en France, pour diriger notre production d’Aladdin - A Musical Spectacular au théâtre Hyperion de Disney’s California Adventure, ainsi qu’à Lynne Taylor-Corbett, qui a chorégraphié et dirigé Swing à Broadway.

Vous évoquiez la participation de Francesca Zambello sur Aladdin - A Musical Spectacular, qui est aussi la metteur en scène de la version Broadway de La Petite Sirène. On sent vraiment une ouverture de Disney sur les artistes du monde entier.

C’est vrai. Je souhaite vraiment travailler avec un maximum d’artistes français, allemands, belges, canadiens, etc. C’est un désir qui ne concerne pas seulement la musique, mais la mise en scène, le design et tous les artistes visuels que nous souhaitons faire venir d’Europe car c’est une communauté extrêmement riche de créateurs et d’artistes de l’image. C’est mon ambition pour le futur. Avant d’avoir le feu vert de Disney, nous faisons beaucoup de pré-développements de spectacles, et c’est ainsi par exemple que nous avons travaillé avec une troupe de marionettistes de Montréal. Pour cela, je voyage autant que possible. Je suis notamment allée à Marseille pour découvrir une compagnie française appelée Malabar. Nous jetons nos filets de façon très large afin de trouver les meilleurs troupes du monde entier, que ce soit en Europe, en Afrique ou en Australie.

Vous nous laissez entrevoir une grande modernité, mais qu’en est-il de la tradition ?
Disney a toujours eu une grande tradition en tant que conteur d’histoires basées sur leur dessins-animés eux mêmes basés sur des histoires anciennes ou récentes. C’est la raison principale pour laquelle les gens viennent dans les parcs Disney. Par conséquent, pour nous, il s’agit davantage de réinventer la façon dont nous allons raconter ces histoires. Ce sont des dessins-animés, et non des films en prises de vue réelles. La question pour nous est de savoir comment partir d’un dessin-animé et le transformer de façon innovante en un spectacle scénique qui se tienne. De plus, même si je souhaite donner une dimension plus artistique et plus internationale à tous les parcs Disney, les publics américain et européen sont différents, et nous devons également prendre cela en compte dans un sens comme dans l’autre.

Qu’est-ce que le fait de travailler pour les parcs Disney représente pour vous ?
C’est tout-à-fait passionnant car des dizaines de millions de personnes viennent chaque année dans les parcs Disney. Si, en faisant venir des artistes de théâtre de niveau international, je peux faire découvrir à tous ces gens ce qu’est vraiment le théâtre, cela peut avoir un impact considérable. C'est très excitant de faire partie de projets qui permettent à une nouvelle génération de spectateurs d'avoir accès au travail de talents créatifs d'envergure internationale à travers des spectacles courts du niveau de Broadway que toute la famille peut apprécier. Songez que des millions d'enfants peuvent ainsi assister à leur toute première comédie musicale lors d'une visite dans l'un de nos onze parcs à travers le monde! D’un côté, cela permet à la compagnie de ré-envisager et de ré-inventer ce que les gens connaissent et aiment de Disney, et de l’autre, cela peut permettre à tous ces gens de mieux connaître le théâtre et toutes ses composantes. En l’occurrence, l’ouverture du nouveau parc à Paris a permis l’ouverture d’un certain nombre de scènes supplémentaires où, je l’espère, nous pourrons faire du bon travail. Je souhaite ardemment que nous devenions encore plus intégrés à la communauté culturelle européenne et amener le meilleur de ces artistes dans notre monde.

mercredi, septembre 12, 2007

LES ORCHESTRES DE DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le clarinettiste du Ciné Classics, Jean Estève

Si le parc Disneyland possède des ensembles prestigieux, c'est aussi le cas des Walt Disney Studios. Ensemble protéiforme, le Ciné Classics sait tout à la fois animer avec classe et humour les séances de Cinémagique qu'apporter une touche très cartoon au Toon Train - Light, Camera... Music qui a égayé notre été. Un ensemble capable de tout tant ses membres excellent dans toutes sortes de répertoire, comme en témoigne aujourd'hui le clarinettiste Jean Estève.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant d’arriver à Disneyland Resort Paris ?
Je suis quasiment autodidacte. J’ai étudié la technique de l’instrument à l’âge de 20 ans. Puis je suis arrivé à Paris en 1977 pour intégrer des orchestres New Orleans de plus en plus intéressants. C’est à cette époque que j’ai fait l’apprentissage de toute la métrique des thèmes jazz sur le terrain, et ce jusqu’en 1982, avec la rencontre avec Claude Tissandier, saxophoniste toulousain, qui forme son sextet, Tribute to John Kirby, avec lequel je me suis produit pendant quatre ou cinq ans. Un an plus tard, en 1983, il me fait rentrer dans l’orchestre de jazz de Claude Bolling, d’abord au sax alto et à la clarinette, puis au sax baryton en 1988. Dans ce cadre, j’ai pu participer à de nombreuses manifestations, festivals, concerts divers, tournées à travers le monde, émissions télé (Le Grand Echiquier) et enregistrements de musiques de films (La Garçonne) et de disques (avec Stéphane Grappelli, puis Didier Lockwood). J’ai également accompagné Enzo Enzo pendant un temps et enregistré plusieurs musiques de publicités. Depuis 1998, j’ai arrêté tout cela, j’ai quitté Paris pour m’installer à la campagne.


Comment vous est venue l’idée de rejoindre Disneyland ?
Cela s’est passé dans le courant de l’année 2000. J’en ai eu assez des tournées et de cette vie. J’ai eu envie de simplicité. Progressivement, j’ai quitté tous ces groupes. J’ai même envisagé d’abandonner la musique. Je me aussi suis intéressé à la musique indienne. Mais un jour, j’ai fait un remplacement dans un groupe dans lequel se trouvait Alice Bassier, qui était contrebassiste qui faisait des remplacements à Disneyland Resort Paris, dans les City Hall Boys, qui jouait du répertoire Dixieland orchestré. Elle m’a demandé si j’étais intéressé par le fait de venir travailler dans le parc et c’est ainsi que j’ai commencé à faire des remplacements dans cet ensemble, à la clarinette. J’ai été remplaçant pendant trois ou quatre ans, et en 2002, quand les Walt Disney Studios ont ouvert, on m’a proposé une première audition pour l’Italian Ciné Band, un petit groupe qui jouait des musiques de films de Nino Rota. J’ai refusé car j’avais déjà beaucoup joué ce genre de musique. Mais quand elle m’a proposé une audition pour les City Hall Boys, en tant que titulaire, j’ai accepté car ce poste me convenait parfaitement. Quand les Walt Disney Studios ont ouvert, le City Hall Band est devenu les Fabulous Dandies, sur une base de répertoire de musique de film très finement orchestré que je viens de rejouer pendant cinq mois au sein du Ciné Classics. Je les ai donc rejoins à cette époque.

Pouvez-vous nous parler de ce dernier ensemble ?
C’est un septette, sur une base de jazz presque Dixieland, avec un sax alto en plus de la structure mélodique classique, trompette, clarinette, trombone, et qui permet d’apporter un son et d’élargir l’harmonie. Quant à la base rythmique, il s’agit d’une base classique, mais mobile composée d’un banjo, d’une contrebasse et d’une batterie ou washboard. Nous jouions des orchestrations très fines, vraiment magnifiques. Depuis cinq ans, c’est le meilleur groupe dans lequel j’ai joué, et ce dans le meilleur contexte que j’aie jamais eu. Nous jouons sur la scène de Cinémagique, c’est à dire dans une vraie salle ! A l’origine, dans le concept, c’était un pré-show, mais comme cela avait lieu dans un contexte très agréable, une grande partie des musiciens a laissé s’exprimer sa créativité et le spectacle est devenu très interactif. C’est ainsi que le contrebassiste s’est mis a faire chanter des onomatopées aux visiteurs, le sax alto les fait taper dans les mains, il y a des gags, le banjo fait des solos dans la salle, auprès des enfants, etc. Cela a pris forme petit à petit tout naturellement.


Quel est votre répertoire ?
Des musiques de films. Des musiques Disney, bien sûr, comme Les Aristochats ou Mary Poppins. Mais aussi d’autres choses. Nous avons un medley sur Rhapsody in Blue et sur Un Américain à Paris. J’aime beaucoup travailler avec cet ensemble. Auparavant, je jouais un répertoire un peu plus moderne avec un big band, le West Street Story Band, qui jouait à Studio 1, mais il est plus difficile d’avancer ensemble avec un orchestre aussi important. Aujourd’hui, je me sens parfaitement à mon aise au sein de Ciné Classics !

Que voulez-vous dire par « avancer ensemble » ?
C’est à dire qu’il y a une bonne énergie dans ce groupe, et que nous sommes tous complémentaires les uns des autres. Chacun a un parcours différent, et chacun amène des ouvertures différentes. C’est une attitude générale, la volonté d’aller toujours de l’avant ensemble.

Cela passe-t-il par des prestations ensemble à l’extérieur du parc ?
Absolument. Le Ciné Classics s’est déjà produit au festival d’Orléans et au festival des Puces de Montreuil. Ce fut très intéressant. Par la suite, j’espère vivement faire d’autres prestations comme celles-là !

Comment s'est passé votre été aux Walt Disney Studios avec le spectacle Light, Camera...Music?
En effet. Pendant un mois et demi, nous sommes devenus le Toon Train Band. Nous avons changé de costume, de musique et de concept pour la saison d’été. Nous faisions cinq sets de vingt minutes en compagnie de Tic & Tac et de Clarisse. Et depuis peu, nous avons retrouvé avec bonheur la scène de Cinémagique !


En quoi votre vie de musicien à Disneyland Resort Paris vous nourrit-elle artistiquement ?
Le risque, c’est la routine. Mais le fait est que je travaille aujourd’hui avec d’excellents musiciens et que nous sommes dirigés par un bon manager qui a vraiment envie d’aller de l’avant et d’ouvrir nos activités. Sans oublier notre répertoire : tous les concepts et les arrangements musicaux que nous jouons sont spécialement écrits pour nous, sous la supervision et la direction de Robert Fienga, chef d’orchestre et arrangeur orchestrateur des Parcs Disney. Avec tout cela, je viens tous les matins motivé et je retrouve cette motivation chez les membres de l’ensemble. Il ne m’en faut pas plus !

Remerciements particuliers à Scrooge (DMI) et Kristof (Photomagiques), ainsi qu'à Nadia (Disneyland Resort Paris).

vendredi, septembre 07, 2007

KIM POSSIBLE - LA MENACE DES SINGES EN VIDEO : Entretien avec le compositeur Adam Berry

La musique de cartoon est sans doute la plus ingrate envers ses créateurs. D’aucuns se souviennent de l’oeuvre de Carl Stalling, créateur des SILLY SYMPHONIES et du style inimitable des LOONEY TUNES, ou connaissent Mark Mothersbaugh (LES RAZMOCKET) ou Alf Clausen (LES SIMPSON). Mais les créateurs de ces musiques parmi les plus exigeantes du cinéma restent le plus souvent dans l’ombre. On commence à peine à reconnaître le talent d’un Milt Franklyn, successeur de Carl Stalling, d’un Scott Bradley (TOM ET JERRY), d’un Winston Sharples (CASPER) ou d’un Hoyt Curtis (LES PIERRAFEU).
Or, de véritables trésors comme les musiques d’Adam Berry pour les séries HERCULE, LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR ou KIM POSSIBLE méritaient vraiment qu'on s'y intéresse.
Compositeur éclectique, inventif, plein d’humour et virtuose à la fois, c’est avec un immense plaisir que nous l’accueillons dans nos colonnes.


Nous sommes ravis de pouvoir parler avec le compositeur de séries aussi passionnantes qu’HERCULE, LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR et KIM POSSIBLE !
Je suis réellement très flatté et honoré que l’on s’intéresse à leur musique !

Mais avant d’aborder la musique de ces séries, nous aimerions mieux vous connaître.

J’ai grandi en Californie du Sud, autour de Los Angeles. J’ai appris la guitare depuis l’âge de 7 ans, puis j’ai commencé à jouer du piano et à composer à 14 ans. J’ai eu mon diplôme de composition avec l’option musique de film. Ensuite, je suis allé à USC pour compléter ma formation en matière de composition. Certains de mes professeurs m’ont beaucoup marqué : les docteurs Jim Hopkins, Hartke, et Crockett…

Avez-vous étudié avec le grand Buddy Baker (ROX ET ROUKY) dans le cadre de son Film Scoring Program ?
Exactement. Sa disparition fut une grande tristesse. A la sortie de l’école, j’ai travaillé comme assistant et orchestrateur pour un certain nombre de compositeurs ; parfois même j’écrivais de la musique pour eux.


DES ZEROS AU HEROS

HERCULE – LA SERIE respecte l'esprit du film original, et ne se situe pas avant ou après mais pendant. Chronologiquement, la série se déroule à l'époque de l'adolescence d'Hercule, tandis qu’il s'entraînait à devenir un héros. Zeus insiste pour que Hercule reçoive une éducation qui ne consiste pas uniquement à améliorer ses performances physiques. Pour cela, il rejoint l'Académie Prométhée, le lycée de choix de l'élite grecque. Hercule est un demi-dieu et un adolescent maladroit doté d'une force surhumaine qu'il ne parvient pas toujours à contrôler. C'est un marginal déchiré entre deux mondes qui, pour rejoindre le Mont Olympe, devra s'affirmer comme un vrai héros. Mais pour le moment, vaincre des monstres ne constitue que la moitié de son travail. Le demi-dieu doit également relever les défis du lycée.
Dans la plus pure tradition du « Little Guy » disneyen, « Chaque épisode présente les aventures les plus délirantes et les plus incroyables qu'un héros en devenir puisse vivre », explique Tad Stones. « Mais derrière l'action trépidante et la mythologie épique, se cache le voyage que tout le monde doit entreprendre : la traversée de l'adolescence ». « Hercule est l'homme le plus fort de l'univers et peut relever tous les défis sauf un : grandir », ajoute Bob Schooley. « Nos scénarios fantastiques sont compliqués par des situations très terre à terre. Notre héros est peut-être capable de battre un lion de Némée mais peut-il trouver une fille avec qui aller danser? Nous avons voulu retracer son parcours héroïque de façon plaisante et éloquente pour le public », ce que réussit aussi brillamment à faire la musique d’Adam Berry.



Comment êtes-vous arrivé chez Disney ?
Le premier contrat sérieux que j’ai eu était pour SOUTH PARK et a duré quatre ans. C’est alors que j’ai commencé à travailler pour Disney à l’invitation de Bambi Moé. En fait, le premier compositeur choisi pour HERCULE n’a pas fait l’affaire et après trois sessions d’enregistrement, ils l’ont laissé partir. A cette époque, Bambi venait tout juste de recevoir un CD de ma musique. Nous nous sommes alors rencontrés et elle m’a proposé ce contrat le même jour ! Deux jours après, je découvrais la série, participais à ma première spotting session sur ce projet, et deux semaines plus tard, j’enregistrais pour la première fois pour HERCULE. Ce fut une opportunité incroyable qui m’a permis de travailler sur LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR et maintenant sur KIM POSSIBLE.

Les séries Disney n’ont pas vraiment le même public que SOUTH PARK !
Je suis toujours très ému quand des enfants disent qu’ils aiment ma musique car je sais qu’ils n’ont pas de sous-entendu. S’ils le disent, c’est qu’ils le pensent vraiment.

Quelles différences voyez-vous entre ces deux approches des séries animées ?
Du point de vue du processus d’écriture, les choses ne sont pas aussi séparées qu’on peut l’imaginer. Quand je regarde une scène, je ne peux m’empêcher de relever les éléments qui touchent ma propre personnalité. C’est toujours moi qui regarde. Mais la principale différence tient au conditions de travail. La production de SOUTH PARK était vraiment chaotique ! Beaucoup de choses étaient faites à la dernière minute, à tel point que je composais souvent la musique d’un épisode la nuit précédent sa diffusion à la télévision ! Je donnais souvent ma cassette vers une heure du matin, c’est-à-dire le même jour que la diffusion ! Le mixage était réalisé le matin puis envoyé à New York ! C’était fou ! L’autre différence importante vient aussi du fait que, souvent, les épisodes m’étaient présentés sous forme d’animatics, c’est-à-dire de dessins en noir et blanc représentant l’action. Cela pouvait être aussi rudimentaire qu’un personnage en bâton avec une flèche, pendant 15 secondes, accompagné par les dialogues. Dans de telles conditions, il était difficile de s’imaginer comment ma musique pouvait affecter une scène. Alors qu’avec Disney, je partais toujours de l’animation achevée, ce qui fait que les besoins de la musique étaient toujours clairs. Souvent, lorsqu’on marie la musique à l’image, cela peut ne pas correspondre à ce que vous aviez imaginé, et vous devez recommencer. Sur SOUTH PARK, je n’ai jamais eu ce genre d’opportunité car je n’avais pas les moyens de voir si cela fonctionnait ou pas. De fait, on perd toute satisfaction. Avec Disney, je sais exactement à quoi ressemble le résultat final et cela me ravit quand ma musique permet d’améliorer un tant soit peu une scène. C’est une partie importante du plaisir de ce travail.


L’arrivée de la série HERCULE a été plutôt remarquée, que ce soit pour son design ou son esprit.
La série est consacrée à l’adolescence d’Hercule, avec tous les problèmes qui se rapportent au fait d’aller à l’école, tout en devant combattre une multitude de créature mythologiques. La musique pouvait aller de l’héroisme à la folie pure ! Comme vous le savez, la musique de cartoon va dans tous les sens. Un jour, vous écrivez une musique pour indiquer que l’action se situe en Orient et le lendemain, vous devez illustrer musicalement le fait que quelqu’un est en train de dormir ou qu’il est en train de tomber sur des tonnes de nourriture.

On doit la musique du film original à Alan Menken. Quelle fut votre attitude à son égard ?
Le générique de la série est en fait un nouvel arrangement de De Zéro en Héros. J’ai également essayé de reprendre ici ou là le son de l’orgue ou du gospel. Mais plus généralement, je n’avais pas vraiment le droit d’incorporer ses thèmes dans la musique de la série, pour des raisons légales. Ce qui fait que la part de la musique inspirée de la partition originale se résume finalement à peu de choses.

Cette série se présente comme une comédie musicale.
C’est tout-à-fait le cas. Avant que je n’arrive sur ce projet, les compositeurs Randy Petersen et Kevin Quinn avaient écrit quelque chose comme 60 chansons pour la série ! Il y a une chanson dans pratiquement tous les épisodes. Parfois, j’en faisais une version instrumentale, mais la plupart du temps, il s’agissait plus pour moi de composer par rapport à ce que je pouvais voir à l’image, sans emprunter d’idées chez d’autres musiciens.

Il s’agit de cartoons, mais le mickeymousing reste assez discret.
J’essaie d’en faire le moins possible car je n’aime pas écrire ainsi. Ce n’est pas que je n’aime pas ce style, mais je préfère que ma musique se concentre sur des effets plus dramatiques et ainsi créer quelque chose de plus substantiel que d’être le miroir de ce qui se passe à l’écran. Je n’oublie pas pour autant qu’il s’agit d’animation, ce qui fait que, parfois, quand c’est vraiment nécessaire, je m’attache à accompagner l’action des personnages, mais cela ne représente en fait qu’environ 20% de ma musique. Pour les 80% restant, j’essaie plutôt de produire une bonne partition.


La série a été créée par le producteur exécutif Tad Stones et les producteurs Mark McCorkle et Bob Schooley qui ont participé tous les trois aux deux suites d’ALADDIN. Comment travailliez-vous avec eux ?
Il y avait aussi trois réalisateurs. Toutes les deux semaines, le jeudi, nous enregistrions avec de douze à quatorze musiciens : des sections de cuivres et de bois, mais pas de cordes ni de percussions. Elles étaient enregistrées dans mon studio à partir d’échantillons. Et dès le vendredi, je commençais une nouvelle spotting session pour l’épisode suivant. A chaque fois, Mark, Bob et Tad étaient présents, ainsi que, bien sûr, le réalisateur de chaque épisode. Avant que je compose, nous avions de longues conversation de trois à quatre heures sur ce que j’allais faire avec la musique. Ce fut une collaboration très étroite.

Chaque épisode avait-il sa propre musique ?
La série complète compte 65 épisodes. Nous avons eu 19 sessions d’enregistrement et lors de chacun d’elles nous avons réalisé environ 21 minutes de musique collectées dans notre bibliothèque. Ensuite, nous avions deux monteurs-musique dont le travail était de placer la musique là où cela était nécessaire. Pendant une spotting session, nous pouvions regarder jusqu’à trois épisodes. Pour le premier, je pouvais avoir 3 minutes de musique à composer, 8 minutes pour le deuxième et 10 minutes pour le troisième. Pour le premier épisode, pour le premier jour d’école d’Hercule, j’ai composé la musique du début à la fin. Pour les autres, c’était un mélange de musique nouvelle et ancienne.

Cela représente malgré une quantité non négligeable de musique !
Plutôt ! Ecrire tous les 15 jours 21 minutes de musique pour un orchestre complet, avec toutes les parties instrumentales, toutes les programmations des claviers pour les cordes et les percussions que je devais enregistrer sur bande et amener au studio pour marier le tout demande un travail énorme, qui va de pair avec de nombreuses nuits blanches ! Mais c’est un travail que j’aime !


L’une des particularités des séries Disney est que non seulement on y trouve de l’action et de l’humour, mais aussi beaucoup d’émotion.
Il n’y a rien que j’aime davantage que de travailler sur une scène porteuse d’une réelle émotion et d’écrire une musique qui aide à renforcer cette émotion. Cela ne changerait rien s’il s’agissait d’un film de 100 millions de dollars. Disney fait toujours un travail remarquable, mais quoi qu’on puisse voir à l’image, j’essaie de l’emmener à un niveau encore plus élevé. Bien sûr, l’animation tout naturellement la part belle à l’action, mais les moments les plus importants pour moi sont les moments d’émotion. Cela permet également de donner une unité à ces musiques si variées.


D’UN HEROS A L’AUTRE

« Nous avons utilisé Buzz l’Eclair comme point de départ et comme toile de fond » explique Mark McCorkle. « C’est devenu un tel archétype que, dès qu’il se met à parler, on le reconnaît. Il fait partie de notre culture. C’est un personnage original, mais d’un genre assez connu ».« C’est ainsi que nous avons imaginé les héros, bons ou méchants: nous voulions en faire des archétypes, mais avec une pointe d’originalité », ajoute Bob Schooley. « Et bien que la série ne reprenne pas l’histoire de TOY STORY, nous voulions faire en sorte que tous les personnages ressemblent à des jouets. Ainsi, Booster fait penser à un gros jouet en peluche, Mira Nova incarne la mode, et XR est le « transformer ». Nous avons essayé de rendre chacun des personnages plus grand, plus amusant et neuf, mais toujours familier ».


LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR sont en fait l’oeuvre de la même équipe que la série HERCULE.
C’était en effet de nouveau Tad, Bob et Mark. Seuls les réalisateurs étaient différents : une nouvelle fois au nombre de trois car la série complète compte 65 épisode, ce qui leur a permis de partager le travail. C’est très agréable quand les gens vous rappellent pour retravailler avec eux !

Dans ces conditions, comment votre collaboration a-t-elle évolué ?
LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR ont été une expérience formidable. HERCULE a représenté tellement de travail, et je faisais tout moi-même, la programmation, l’orchestration, etc. Pour Buzz, j’ai fait appel à un assistant et un orchestrateur s’est également occupé de certains extraits. Ce qui fait que je pouvais accorder plus de temps à la composition, libéré que j’étais des problèmes de logistiques et du téléphone. De cette manière, je pouvais avoir une vision précise de la situation, anticiper la quantité de travail et écrire la meilleure musique que j’ai jamais composée. Je suis très fier de cette série !


La musique de cette série est basée sur deux thèmes antagonistes, celui de Buzz et celui de Zurg.
Absolument. Ce sont les deux thèmes de bases de la série : la lutte ancestrale du Bien contre le Mal !

Le personnage de Buzz est très pompeux et se prend souvent au sérieux. Comment l’avez-vous traité musicalement ?
Pratiquement toujours comme il se voit lui-même. Excepté en de rares occasions, la musique ne se moque pas de lui ni n’accentue cet aspect pompeux. Sa musique a quelque chose d’une fête forraine ou d’une marche de couronnement. Même si le personnage est comique et pompeux, la musique s’attache plutôt à sa nature héroïque.


La série est très parodique et joue beaucoup sur les clichés de la science fiction. Quelle fut votre approche dans ce domaine ?
Lorsque j’ai eu ce travail, il s’est passé un mois avant que j’écrive la moindre note. La première chose que j’ai fait a été d’aller chez mon disquaire pour acheter entre $300 et 400$ de CDs de musique de science fiction ! Il n’y avait pas seulement STAR WARS, mais des musiques comme LOST IN SPACE de Bruce Broughton et d’autres compositeurs que je respecte. Bien sûr, mon influence la plus importante vient de la musique de John Williams que je considère comme l’un des plus grands compositeurs qui ait jamais existé ! Ma musique pour cette série est comme un hommage en reprenant son style d’orchestration et son approche wagnérienne des thèmes, en Leitmotive. J’adore également Aaron Copland, Claude Debussy et Maurice Ravel. Cela ne se remarque pas à première vue, mais ils sont présents dans mes orchestrations, dans mon amour des couleurs et du jeu sur les timbres instrumentaux. J’aime aussi beaucoup Edgard Varèse. En fait, dans un épisode, je voulais un effet strident et j’ai pensé à son Octandre [pour sept instruments à vent et contrebasse (1923-1924), JN]. Cela fait partie des choses que j’aime le plus : lorsque j’ai à travailler avec un orchestre ou un ensemble de 15 musiciens, j’étudie des partitions, et lorsque je trouve des choses intéressantes, je les intègre à mon propre langage et j’essaie de voir si cela fonctionne.

En fait, les premiers épisodes ont été originellement conçus comme un film, BUZZ L’ECLAIR – LE FILM : LE DEBUT DES AVENTURES, réalisé par Tad Stones en 2000. Comment s’est passé votre collaboration ?
Ce fut un projet très intéressant dans la mesure où il est né vers la fin de la production de la série ; il ne restait que deux ou trois sessions. J’avais donc déjà 9 ou 10 mois de travail sur la série derrière moi. Je la connaissais donc plutôt bien et beaucoup des thèmes avaient déjà été développés. Je n’ai disposé que de 12 jours pour écrire les 60 minutes de musique que compte le film. J’ai donc fait appel à d’autres musiciens pour m’aider, et écrire certaines parties basées sur mes thèmes. J’ai personnellement écrit environ 30 minutes de musique originale et j’ai divisé les 30 minutes restantes entre 3 compositeurs, Andrew Gross, Jake Jacobson et Christopher Lennertz. C’était donc une situation nouvelle dans laquelle je n’avais pas seulement à écrire ma propre musique mais également à m’assurer que celle composée par les autres musiciens s’intègrerait harmonieusement dans le film. Je crois que Tad n’a pas entendu la moindre note avant que nous ne nous retrouvions dans le studio d’enregistrement. Nous avons passé deux jours à Paramount, au studio M, avec un orchestre relativement important de 45 musiciens. Ce film fut assez difficile car il y avait encore beaucoup de choses à faire, mais les choses se sont réellement bien passée et Tad était très heureux. Mais il y a eu des moments de stress, notamment quand les producteurs et le réalisateur vous demandent de modifier un passage et que vous n’avez qu’une ou deux minutes pour reconcevoir 4 à 8 mesures d’orchestre ! Mais globalement, notre travail fut très similaire à ce que cela a été sur la série.


Vous orchestrez vous-mêmes vos partitions!
Pour moi, l’orchestration est l’un des aspects les plus passionnants de la musique. Il y a bien des fois où je dois faire appel à un orchestrateur. J’aime particulièrement travailler avec Perry La Marca. Mais j’aime encore plus réaliser mes propres orchestrations, ce que je fais chaque fois que j’en ai le temps. Composer est aussi agréable, mais parfois on doit se battre pour trouver une idée. Quand on en vient à l’orchestration, il s’agit alors de rendre les idées plus claires, plus passionnantes et plus colorées. C’est cela qui est amusant.


DU HEROS A L’HEROÏNE

Si HERCULE renoue avec le « Little Guy » disneyen, il fallait bien une série consacrée à une « Little Girl » ! Lycéenne de 15 ans, Kim Possible est une jeune fille pas comme les autres. Entre son travail de classe et son rôle de chef des pom-pom girls, elle ne fait rien de moins que sauver le monde ! Lorsque Kim crée une page Web déclarant qu’elle est capable de faire n’importe quoi – en d’autres termes, des petits travaux tels que du baby-sitting ou encore arroser les plantes du voisin – elle se retrouve très vite avec des demandes d’aide provenant du monde entier. Testée dans des conditions extrêmes, Kim s’aperçoit alors qu’elle peut vraiment tout faire !
Désormais, dès que Kim reçoit un message urgent de détresse de quelqu’un, elle se lance dans l’action, sauvant des personnes innocentes en danger et déjouant les plans du savant fou le Dr Ubel Drakken et d’autres scélérats méprisables. Robin Trépide, le meilleur ami de Kim, partage ses aventures. Et pour compléter l’équipe de « gentils », n’oublions pas Wallace, un génie de 10 ans qui gère le site de Kim, et Ken Du, 17 ans, qui travaille pour une agence quasi-gouvernementale, hyper secrète...
Mais, comme le rappelle Mark McCorkle, « Kim est le genre de personne qui fait le bien parce que c’est bien, et non pas parce qu’elle fait partie d’une organisation secrète ou parce qu’elle est bien payée. » Esprit Disney oblige !


Cette fois, pour KIM POSSIBLE, l’équipe créatrice n’est plus tout-à-fait au complet.
En effet, Tad Stone étant allé travailler sur la série ATLANTIDE qui n’a pu voir le jour, ce que je regrette. On le retrouve néanmoins dans LES ENIGMES DE L’ATLANTIDE.

Votre musique pour cette nouvelle série est très différente des deux précédentes.
En effet. La principale différente est que, si l’on excepte le fait que j’interprète moi-même les parties de basse et de guitare, il n’y a pas de musicien. Tout est fait dans mon studio avec des samplers. Plus générale, la musique de KIM POSSIBLE se veut proche de celle des JAMES BOND classiques à travers l’utilisation de la guitare électrique, mais dans une approche moderne, notamment en raison des loops de percussions et des sonorités techno. Mais la couleur dominante tient à l’influence sixties rétro qu’apporte la guitare électrique. Il y a aussi l’influence du style des chansons à la Britney Spears pour les séquences qui se déroulent au collège. Enfin, une partie de la musique a pour fonction de préciser le lieu, que ce soit l’Amazonie ou la France (puisqu’il y a un épisode, Le Nouveau Robin, dans lequel Kim doit se rendre à Paris !).


Votre traitement de la dimension « James Bond » n’est pas sans rappeler l’approche du compositeur David Arnold.
Vous avez absolument raison. Il a su reprendre tout cet héritage et l’intégrer dans une approche moderne de la composition.

On y décèle également quelques touches à la Mediaventures.
Sans vouloir sous-estimer la musique d’Hans Zimmer et de Mediaventures, je trouve néanmoins que, parfois, leur musique semble composée pour la clavier au lieu de sonner comme si elle avait été réellement conçue pour l’orchestre. Dans ce sens, vous avez raison de noter que, lorsque je compose pour le clavier, mon style change sensiblement. Certaines choses que j’ai écrites pour le sampler ne pourraient pas sonner de façon claire avec un orchestre. C’est pour cela que pour KIM POSSIBLE, j’ai conçu des orchestrations plus simples, avec plus de cordes, de cors, de trombone… et de piccolo, sans oublier, occasionnellement, de hautbois. La référence à Mediaventures n’est donc pas intentionnelle en tant que telle, mais elle est induite pas le processus de composition.


D’où vient ce choix de sonorités électroniques ?
Nous en avons discuté avec les créateurs de la série. Il y avait plusieurs aspects à traiter. Ils voulaient par exemple évoquer les chansons de Britney Spears. Pour ce faire, j’ai étudié ses orchestrations, ainsi que celles des Backstreet Boys, leur façon d’utiliser les instruments électroniques et j’ai repris les exemples les plus évidents de ce qu’ils font. Et cette année, pour la deuxième saison, nous allons davantage nous orienter vers Avril Lavigne. Il fallait donc prendre en compte ce qui est populaire auprès des adolescents pour représenter de façon réaliste l’univers du collège. Au contraire, les moments pendant lesquels Kim doit combattre ses ennemis comme le docteur Drakken, mon traitement est typique de celui d’un film d’action, basé sur la techno. Pour cela, après m’avoir proposé ce projet, les créateurs m’ont demandé une démo de ce que je pouvais faire dans ce style. J’ai donc repris des extraits des dialogues de Kim et de Drakken que j’ai intégrés à la musique.

Justement, là où, dans HERCULE et LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR, les dialogues étaient le plus souvent accompagnés de musique, ici, ils ne le sont que rarement.
Cela a posé problème au départ. Mark et Bob voulaient que les dialoguent fonctionnent par eux-mêmes alors que d’autres personnes à Disney Channel voulaient qu’il y ait davantage de musique. LIZZIE McGUIRE est une série en prises de vue réelles avec quelques séquences animées, mais qui est traitée musicalement dans son ensemble comme un dessin-animé, et il y a beaucoup d’effet sonores durant les séquences en prises de vue réelles. Au contraire, KIM POSSIBLE est une série animée traitée musicalement comme un film en prises de vue réelles. Ce fut un dosage assez difficile à réaliser, que nous avons beaucoup testé. Et même après que tous les épisodes eurent été terminés, nous les avons repris et ajouté de la musique en des endroits où ils n’y en avait pas au départ. Mais, globalement, nous avons conservé cet esprit « live action ». Mon idée est que, si vous avez tout le temps de la musique, elle perd de son impact et de son efficacité. J’ai donc souhaité l’utiliser de façon plus mesurée, avec économie.



Le design de la série est très prononcé et le fait de ne pas avoir de musique lors des dialogues peut permettre de la rendre plus crédible.
Je le pense. L’absence de musique donne en effet plus de réalisme aux images. Chris Bailey y est pour beaucoup dans le design de la série. Il a réalisé un travail remarquable, très inspiré par les années 50 et 60 et cela a probablement beaucoup influencé la musique.

D’où la guitare électrique…
C’est le son principal de la série. J’utilise une Fender Telecaster, ce qui permet d’évoquer parfois les partitions de John Barry. Ce fut un grand plaisir de jouer autant de la guitare. Cela faisait presque 10 ans que je n’avais pas joué autant ! Près de quatre heures par jour, que ce soit la basse ou l’électrique.




Vous parliez du design de KIM POSSIBLE. En tant que compositeur de séries animées, de quelle façon l’image vous stimule-t-elle ?
Si vous isolez une image, vous ne pouvez pas ne pas remarquer les différences entre HERCULE, LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR et KIM POSSIBLE Le type d’animation vous pousse à travailler différemment. Mais ce qui affecte vraiment la musique, ce sont le rythme de l’animation et le montage. Vous regardez une scène et l’aspect visuel est comme une suggestion -pour moi, en tout cas- ; il me suggère comment devrait être la musique. Je ne pourrais pas expliquer comme cela se passe ou d’où cela vient, mais vous entendez souvent des sons surgir dans votre tête en liaison avec les images…

Comment avez-vous utilisé le thème du générique, Call Me, Beep Me – The Kim Possible Song de Corie Lerios et George Gabril, chantée par Christina Milian ?
A chaque fois que la situation semble perdue, que Kim est sur le point de perdre face au méchant, soudain elle bondit et fait quelque chose qui sauve la situation : c’est à ce moment que j’utilise leur thème. En fait, Kim a deux thèmes : celui du générique, pour les moments héroïques et un autre que j’ai écrit pour les scènes d’actions ou d’enquête, d’espionnage. D’autre part, pratiquement chaque méchant a son propre thème, notamment Drakken. Quant à Robin, il n’a pas tout à fait un thème, ce n’est pas si net. J’ajoute que, à la différence d’HERCULE et des AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR, il s’agit de musique originale pour chaque épisode que j’écris d’un bout à l’autre. C’est agréable car cela permet davantage de contrôle. J’ai remarqué que, parfois, dans LES AVENTURES DE BUZZ L’ECLAIR, ils ont utilisé le thème de Zurg pour un autre personnage, et même si cela fonctionne, cela m’ennuie toujours d’un point de vue créatif. Dans KIM POSSIBLE, tous les thèmes restent ainsi employés de façon cohérente.


Après avoir travaillé sur tous ces projets, pouvez-vous nous expliquer la spécificité de la musique des séries Disney?

Si l’on considère LES SIMPSON par exemple, je pense qu’Alf Clausen, en particulier récemment, fait certaines choses que je fais, du point de vue de l’utilisation plus clairsemée de la musique. Dans SOUTH PARK, la musique est plus une toile de fond. Ce n’est pas l’intérêt principal de cette série. Pour moi, la musique Disney agit comme un personnage à part entière. Je suppose que cela est dû pour partie à la tradition musicale de la compagnie : cela a toujours été un lieu qui accueillait volontiers les compositeurs et respectait leur travail. La musique en acquiert alors un rôle plus important. C’est ce que je ressens quand je vais chez eux : les gens apprécient beaucoup ce que je fais. Chacune des personnes avec qui je travaille est vrai excellent dans son domaine ce qui me permet de n’avoir qu’à me soucier d’une chose : écrire de la musique –ce qui est merveilleux ! D’ailleurs, je commence actuellement la deuxième saison de KIM POSSIBLE, soit 31 épisodes, ce qui nous fait repartir pour une nouvelle année ! Cela peut sembler par trop flatteur, mais c’est la réalité. Travailler avec Disney a changé ma vie, à tout point de vue.


Remerciements particuliers à Neil Kohan (Greenspan Artist Management), Matt Walker et Wes Frye (Walt Disney Music).

lundi, septembre 03, 2007

LES ORCHESTRES DE DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec Jean-Marc Charrel, joueur de banjo du Dixieland Band

Entrez dans le parc Disneyland. Pénétrez dans Main Street, USA. Vous sentez cet esprit ? C’est l’Amérique de Walt Disney qui vous envahit avec ses devantures du début du siècle idéalisées, ses lampadaires, ses voitures et… sa musique. Car ce sont bien les musiciens du Dixieland Band qui viennent vous accueillir en musique aux portes du parc avec leur répertoire inspiré de la Nouvelle-Orléans. Un petit air d’Amérique et un petit air du Disneyland de Walt Disney qui se répand aussi à travers toute la France à l’occasion de festivals d’été comme nous l’explique Jean-Marc Charrel, qui joue du banjo dans cet ensemble.
Chronique de la vie d’un orchestre de Disneyland Resort Paris.



Quel fut votre parcours avant de rejoindre Disneyland Resort Paris ?
Je suis musicien autodidacte. J’ai eu l’occasion de jouer pendant une quinzaine d’années dans différents cadres, allant du club au parc d’attraction, et j’ai aussi fait beaucoup de pédagogie : j’ai enseigné la guitare et le banjo et j’ai animé des ateliers d’éveil musical pour de jeunes enfants.

Comment est venue l’idée de rallier Disneyland Resort Paris ?
En fait, j’avais déjà une petite expérience de parcs créés précédemment et ce contexte m’intéressait pour pouvoir me produire dans ce cadre. Il y a eu une période de recrutement un an avant l’ouverture du parc. J’ai donc envoyé mon CV et on m’a rappelé pour que j’intègre l’équipe du spectacle du Lucky Nugget.

Comment avez-vous évolué depuis ?
Du fait que je suis à la fois guitariste et banjoïste, j’ai eu l’occasion de jouer dans pratiquement tous les orchestres du parc, saisonniers ou pas, nécessitant ces instruments : le Promenade Band, le Dixieland Band sur Main Street, mais aussi le Cartoon Band de Discoveryland ainsi que de l’événementiel dans les hôtels du resort. Cela m’a donc ouvert à différents styles, enrichi mon vocabulaire et cela m’a beaucoup apporté sur le plan artistique. Car chaque style enrichit l’autre ; il y a toujours un lien entre la musique western, le jazz New-Orleans et le jazz moderne. C’est une sorte de continuum autour de la musique afro-américaine, ce qui est vraiment passionnant !

Votre orchestre, en ce moment, c’est le Dixieland Band de Main Street, USA.

Effectivement. Le Dixieland Band est une formation typique de la musique américaine des années 20 composée d’une trompette, d’une clarinette, d’un trombone et aujourd’hui d’un saxophone, et d’une section rythmique, contrebasse, batterie et banjo. Nous interprétons un répertoire typique de ces années 20 à la Nouvelle Orléans puis à Chicago après la fermeture du Quartier Français en 1917. A partir de ce moment là, les musiciens ont donc migré vers Chicago. Les orchestres « New Orleans » étaient plutôt composés de musiciens noirs tandis que les ensemble « Dixieland » de musiciens blancs, et les deux formules co-existaient à la Nouvelle-Orléans.

Comment intervenez-vous sur Main Street ?
Nous avons un nombre variable de sets, c'est-à-dire d’interventions à faire sur la journée, pour un total de 120 minutes. Ces sets peuvent être de 20, 30 ou 45 minutes. Durant la haute saison, nous avons l’habitude d’accueillir les visiteurs dès 9h00 le matin devant la gare. C’est là que nous faisons nos trois premiers sets, puis nous nous déplaçons au Riverboat Landing pour animer les files d’attente de Frontierland. Mais nous sommes appelés à intervenir un peu partout dans le parc, à condition que le land s'y prête, notamment sous le kiosque de Town Square, en fonction des événements et des besoins, d’autant plus que nous n’avons besoin d’aucun support technique : tout est acoustique, ce qui permet une grande souplesse.

L’ajout récent d’un saxophone doit apporter une nouvelle couleur à l’ensemble.
Le saxophone ténor a été introduit dans les orchestres de Dixieland un petit peu plus tard, quand l’ensemble de la scène jazz s’est déplacée vers Chicago. Cela a eu pour effet de changer la couleur de l’orchestre en induisant un changement de positionnement des instruments à vent autour de la trompette. A l’origine, la trompette exposait le thème, la clarinette caracolait au-dessus tandis que le trombone assurait les notes-relais, les glissandi, etc. Le saxophone induit une nouvelle relation au thème, avec une approche plus urbaine, très « Chicago », même si le répertoire reste à peu près le même, celui du jazz traditionnel.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre répertoire ?
Bien sûr. Royal Garden Blues est l’un de nos morceaux-fétiches. Il y a aussi That’s a-Plenty, Lazy River ou Sweet George Brown.

Comment trouvez-vous tous ces morceaux ?
En tant que jazz band, nous avons un fonctionnement un peu particulier puisque notre musique est en grande partie improvisée. Une partie de notre répertoire nous est fournie par notre chef d’orchestre, Robert Fienga, qui réalise pour nous des arrangements qui souvent tournent autour des thèmes Disney. Et par ailleurs, nous alimentons nous-mêmes notre répertoire en faisant des relevés, en écoutant et amenant des disques. Tout le monde participe à ce travail et à l’heure actuelle, nous avons constitué un répertoire d’une centaine de morceaux.

Votre ensemble est très emblématique des parcs Disney dans la mesure où on en retrouve de comparables dans chaque parc à travers le monde.
C’est un orchestre identitaire dans la mesure où il incarne la culture américaine qui est au cœur du concept de Main Street, USA. A ce titre, une partie de notre répertoire est commun avec les orchestres Dixieland de tous les Parcs Disneyland, comme Le Livre de la Jungle ou Les Aristochats, qui ont été originellement écrits dans notre style de musique.

Comment se déroule la journée-type d’un musicien du Dixieland Band ?
Actuellement, elle commence à 9 heures. Nous arrivons aux loges une demi-heure avant le début du premier set de façon à nous préparer. Nous mettons nos costumes, nous faisons quelquefois un petit raccord, si un des musiciens absent est remplacé, puis nous faisons nos sets par tranches de 20 minutes toutes les heures, jusqu’à 14 heures. Ce déroulé pouvant changer selon les saisons ou événements.

Quand les répétitions ont-elles lieu ?
Nous avons des périodes prévues pour cela, en général au début d’une saison ou à l’inter-saison. Cela peut aller de cinq à dix jours en fonction des besoins, afin d’ajouter des morceaux au répertoire et de mémoriser des arrangements apportés par notre chef d’orchestre. Je voudrais souligner ce gros travail de mémorisation qui permet de nous concentrer sur la relation avec le public.

Quelle est votre relation avec les visiteurs ?
Il y a une très forte interactivité avec les visiteurs du fait que nous sommes un orchestre acoustique qui peut se déplacer très facilement et venir au cœur du public. Les gens nous sollicitent aussi beaucoup pour faire des photos et nous consacrons assez souvent une partie du set à cela.

Qu’est-ce que vous apporte cette expérience sur le plan artistique ?
Il faut savoir que l’opportunité de jouer tous les jours dans un orchestre de jazz est assez exceptionnelle. Que ce soit sur Paris ou sur toute la France, je ne suis pas sûr qu’il existe un autre ensemble qui joue ainsi quotidiennement son répertoire. C’est quelque chose de très précieux pour nous car cela nous permet d’avoir une pratique quotidienne et d’approfondir vraiment les choses, de travailler plus au niveau du son que du répertoire. Car c’est là le plus délicat et cela ne peut se faire qu’à partir d’une pratique intensive.

Quel est l’idéal sonore que vous recherchez ?
Ce que l’on recherche avant tout, c’est une homogénéité. Déjà, au niveau de la section des soufflants, trompette, clarinette, trombone, saxophone, mais aussi au niveau de la rythmique, dont je fais partie. Pour que les soufflants puissent s’exprimer correctement et être inspirés dans leur jeu, il est indispensable que la rythmique soit cohérente et soudée. Nous travaillons beaucoup là-dessus au niveau de la mise en place et du rendu sonore entre le banjo, la contrebasse et la batterie de façon à avoir une impulsion vigoureuse mais qui, en même temps, laisse aux soufflants la possibilité de s’exprimer. Dans le style Dixieland, cela veut dire que tous les musiciens ne sont pas sur un pied d’égalité : la rythmique est au service des solistes ; ce qui n’est plus le cas dans le jazz moderne où chacun des musiciens de la formation a son mot à dire.

Mais le Dixieland Band ne se produit pas qu’à Disneyland Resort Paris !
En effet. Nous avons récemment participé aux Festivals de Jazz d’Orléans et de Vienne. Nous avons ainsi joué en « off » ainsi qu’à différentes manifestations qui lui sont liées, dans les villages avoisinants. Le but de tout cela est de faire en sorte que les ensembles de Disneyland Resort Paris puissent jouer le plus souvent possible à l’extérieur comme le Festival de Nice ou d’Armentières. Et chaque année, nous nous produisons à l’Ambassade Américaine à Paris pour la fête du 4 juillet. C’est toujours très enrichissant : cela nous permet de changer d’ambiance et de pouvoir montrer au public qu’à Disneyland Resort Paris il y a des musiciens, et que ce sont des professionnels de talent. Et à chaque fois, nous ressentons que les gens sont plutôt agréablement surpris par la qualité de la musique que nous interprétons.

Remerciements particuliers à Scrooge (DMI) et Kristof (Photomagiques)