lundi, octobre 29, 2007

BIENVENUE CHEZ LES ROBINSON : Entretien avec le responsable de l'histoire, Don Hall

Dans la famille Robinson, je voudrais le responsable de l'histoire (head of story).

-Don Hall?

-Bonne pioche!

Suite de notre voyage dans le passé et le présent de ce très beau film d'animation qu'est Bienvenue chez les Robinson entre rires et émotion avec un véritable conteur qui, de Tarzan à Kuzco, l'Empereur Mégalo, a mis toute sa créativité au service de Disney. Et ce n'est pas fini...

Avant tout, je voudrais vous remercier pour l'émotion qui se dégage de votre film. On parle beaucoup d'humour, mais je crois que c'est aussi une part très importante de cette très jolie production.
Merci beaucoup. Nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler à ce film. En ce qui concerne le rapport entre émotion et comédie, je dirai que la comédie fonctionne grâce à l'émotion. Dans la mesure où vous vous attachez à ces personnages, vous êtes libre de rire. Par conséquent, oui, la comédie a son importance, mais pour nous, c'est l'émotion qui est venue en premier. Nous avons été les premiers à être touchés par ce film et je suis ravi que vous partagiez ce sentiment.

Quel a été votre parcours avant Bienvenue chez les Robinson?

Je viens de l'Iowa, une région rurale au coeur de l'Amérique, très loin de la Californie. Enfant, je rêvais déjà de travailler chez Disney. Je suis allé à l'université de l'Iowa où j'ai étudié le dessin et la peinture avant de rejoindre le California Institute of the Arts, Cal Arts, où j'ai suivi le cours de "Character Animation" pendant trois ans. Dans mon Iowa natal, je me sentais très seul à vouloir faire de l'animation, je ne pouvais en parler à personne, cela n'intéressait pas. En arrivant à Cal Arts, nous étions 200 à partager la même passion et j'ai passé les deux premières semaines à m'émerveiller. J'étais là pendant le tremblement de terre de Northridge, qui a beaucoup endommagé l'école, et nous avons tous été évacués vers une base militaire où l'on testait des armes top secret. C'était assez amusant de voir tous ces artistes dans ce cadre! A Cal Arts, j'ai pu rencontrer beaucoup d'artistes qui ont ensuite intégré Disney, comme Joe Moshier, le character designer de Bienvenue chez les Robinson, et après mon diplôme, j'ai moi aussi été recruté par Disney en tant que "story apprentice" sur Tarzan.

Comment s'est passé cet apprentissage sur Tarzan?
En fait, en tant qu'apprenti, on n'attend pas grand'chose de vous car vous n'avez pas vraiment d'expérience. Vous suivez tout ce qui se passe, assistez aux mêmes réunions que les maîtres et on vous assigne un mentor. Dans ce cadre, vous faites quand même de petites choses. J'ai ainsi storyboardé la séquence dans laquelle Kerchak trouve Sabor, mais c'est une goutte d'eau par rapport à ce que d'autres story artists ont fait. Il n'empêche que je suis fier de ce que j'ai fait pour le film et du résultat final, et cela m'a permis de rencontrer Steve Anderson. On a fait appel à lui pour faire du storyboarding sur Tarzan, le courant est tout de suite passé entre nous et nous sommes vite devenus amis.

Sur quoi avez-vous travaillé ensuite?
J'ai travaillé sur Kingdom in the Sun. J'ai fait des storyboards pendant un an environ, puis j'ai eu l'opportunité d'aller travailler pour un autre studio. Là bas, je me suis rendu compte que ce n'était pas très intéressant et que ce qui m'intéressait, c'était vraiment de travailler pour Disney. Je suis donc retourné chez eux pour retrouver Steve sur Kuzco, l'Empereur Mégalo. Nous avons passé de très bons moments à faire ce film, et ce en peu de temps. Tout a été fait en deux ans.

Comment avez-vous vécu le passage de Kingdom in the Sun à Kuzco?
Je pense que ce fut plus facile pour moi dans la mesure où je suis parti entre temps. C'était une période assez tumultueuse et j'ai préféré prendre mes distances. Quand je suis revenu, je suis naturellement parti sur autre chose. J'imagine que ce ne fut pas forcément le cas pour les personnes qui sont passées directement d'une version à une autre. Mais en même temps, d'une certaine façon, je pense que cette nouvelle approche a été libératrice pour eux. Il fallait maintenant simplement faire une comédie, pas plus.

C'est alors que vos chemins se séparent d'avec Steve Anderson.
Steve est parti en Floride pour travailler sur Frère des Ours tandis que je suis resté ici à Los Angeles pour continuer à travailler avec Mark Dindal, plus exactement après avoir participé à différents projets avortés. J'ai donc rejoint l'équipe des auteurs de Chicken Little au début du développement de l'histoire. J'y ai passé entre un an et demi et deux ans.
Y a-t-il des séquences sur lesquelles vous avez travaillé que l'on retrouve dans le film?
Pas nécessairement. Quand j'ai quitté Chicken Little, ils recommençaient de zéro! C'était à l'époque du départ de Tom Schumacher et de l'arrivée de David Stanton, l'époque où j'ai rejoint l'équipe de Bienvenue chez les Robinson. J'ai bien été crédité sur Chicken Little, mais je ne le mérite pas vraiment car il n'y a pratiquement plus rien de mon travail dans le film définitif si ce n'est, je crois, le nom de son village, Oaky Oaks. C'était à l'époque où Chicken Little était encore une fille!

Venons-en maintenant à Bienvenue chez les Robinson. Il semble que vous ayez une tendresse particulièrement pour ce film, dans lequel on retrouve bon nombre d'éléments authentiquement disneyens.
Comme je l'ai dit, pour moi, c'est un film qui a vraiment du coeur. Et autour de toute cette émotion, on trouve des personnages et des situations pour le moins... bizarres. Mais tout cela est lié par l'émotion. J'adore le dinosaure, j'adore la ville du futur. Et par dessus tout, j'adore la relation entre Wilbur et Lewis et la quête de Lewis pour retrouver sa mère. Pour moi, c'est ce qui fait l'ossature du film, et une ossature digne des classiques Disney.

Qu'est-ce qui, selon vous, rend ce film vraiment unique?
En réfléchissant à cette histoire, nous avons listé les choses étranges qu'on allait y rencontrer. Il devait y avoir un dinosaure dans le futur, des voyages dans le temps, toutes sortes d'élements empruntés à l'univers de William Joyce, des grenouilles chantantes, un grand-père qui porte ses vêtements à l'envers et qui passe son temps à rechercher son dentier et surtout ce méchant unique en son genre. J'ai toujours adoré l'homme au chapeau melon et l'idée a germé que ce pourrait être Mickey Goobian, j'ai vraiment craqué pour ce personnage. Le futur de Doris est aussi extraordinaire. Tout cela fait que Bienvenue chez les Robinson est une expérience cinématographique unique.

La manière de créer l'histoire de Bienvenue chez les Robinson fut aussi inhabituelle. On parle de "The Experiment".

Ah oui, j'ai entendu ce nom! En fait, ce fut une situation assez unique. Steve avait dirigé des histoires, mais il n'avait jamais dirigé un film. Disney, de son côté, avait acquis les droits du livre "A day with Wilbur Robinson" depuis un certain temps et en avait fait un scénario. C'est à cette époque que Steve est arrivé sur le projet. Le scénario, écrit par John Berstein, était donc finalisé et les gens de Disney ont rassemblé une petite équipe et lui ont dit qu'il avait huit mois pour storyboarder l'ensemble du film. Souvent, à ce moment-là, tout arrive en même temps, et des tonnes de dessins, de développements visuels arrivent de toutes parts et le réalisateur se retrouve tiraillé dans toutes les directions. Ici, ce fut différent. Il y avait un scénario et une équipe d'artistes de storyboard. C'était tout pour faire un film. Finalement, c'est apparu comme une manière très agréable de travailler car nous étions cinq en comptant Steve à être vraiment focalisés sur l'histoire. Le résultat de cette première étape a été présenté sous forme de "reel", une sorte de storyboard filmé et succintement animé et les gens de Disney ont adoré. Je pense que ce bon résultat était dû d'une part au timing serré, au fait que nous n'avions rien pour nous distraire, rien d'autre à penser, d'autre part, et enfin au fait qu'on nous avait demandé de faire un film qui n'excède pas les 78 minutes, ce qui vous oblige à vous concentrer sur votre sujet. Cette première projection a eu lieu en novembre 2003 et à partir de là, l'histoire a un peu changé, mais pas énormément.

Concrètement, comment avez-vous travaillé à partir du scénario original?
On part du scénario, sans pour autant lui coller. C'est plus un guide. Il faut dire que notre story department est rempli d'auteurs de grand talent qui savent aussi bien écrire et dessiner. Nous faisons les deux. De fait, avec des gens de ce niveau, nous ne demandons jamais à nos storymen de coller à un scénario. On colle simplement à une structure, les lieux, les événements, les grandes lignes. Par exemple, dans le script original, l'Homme au Chapeau Melon n'était pas Mikey Goobian. C'était simplement un inventeur rival de Cornelius Robinson et on ne savait pas grand'chose de sa personnalité. C'est alors que l'un des membres de notre équipe Nathan Greno a lancé l'idée lors d'une réunion que l'Homme au Chapeau Melon pourrait être Goob, cela a fait tilt dans l'esprit de tout de le monde.
Le dinosaure était-il déjà là?
Non, nous l'avons également ajouté, et ce après la première projection. A cette époque, le dinosaure n'était pas ramené de la préhistoire par l'Homme au Chapeau Melon. C'était plutôt une course-poursuite à travers le temps entre Lewis & Wilbur et l'Homme au Chapeau Melon et Doris. Ils entraient et sortaient de différentes époques en se courant après au volant de leurs machines à voyager dans le temps. Cette poursuite était sensée se terminer à l'époque des dinosaures et c'est là que l'Homme au Chapeau Melon finissait, bani. A l'issue de cette première projection, l'un des réalisateurs de Disney à l'époque, Chris Sanders a suggéré que ce serait cool que l'on place ce dinosaure au milieu du film. Cette idée trotté dans notre tête pendant un certain temps et nous en sommes arrivés à l'idée de l'Homme au Chapeau qui va chercher un dinosaure dans le passé pour l'amener dans le futur.
Quelle fut l'implication de William Joyce dans l'adaptation de son livre?
Il faut savoir qu'à l'origine, c'est-à-dire il y a plusieurs années, le projet était de faire un film en prises de vue réelles à partir du livre de William Joyce. Or il se trouve que les dirigeants à l'origine de ce projet ont été mutés au département animation et l'ont emporté avec eux. J'ignore la part de William Joyce dans cette première étape. Puis Steve Anderson a eu la main sur Bienvenue chez les Robinson et nous avons travaillé en équipe de façon autonome jusqu'à la première projection que nous évoquions tout à l'heure. Or il se trouve que William était présent lors de cette projection et une fois que le projet a été approuvé, il a rejoint l'équipe, nous a fait part de ses commentaires et à apporté certaines choses très chouettes en matières d'histoire et de design.
A quoi ressemblaient vos réunions?
Nous étions une petite équipe très soudée. Nous nous retrouvions dans une pièce et nous montrions nos séquences. Aujourd'hui, beaucoup d'artistes travaillent sur ordinateurs, mais à cette époque nous dessinions tout à la main. En général, nous faisions deux passages car tout se passait très vite. Au premier passage, l'un d'entre nous présentait son travail et nous faisions nos remarques. Au second, nous faisions quelques remarques supplémentaires et on passait à l'édition de la séquence. C'est ainsi que cela se passait. Mais ce que j'aimais par dessus tout, quand Steve et moi donnions une séquence à un artiste, ce n'était pas quelque chose de confidentiel. Toute l'équipe était là et chacun était invité à y réfléchir en même temps et à mettre ses idées en commun. Cela nous a beaucoup aidés car quand un artiste gagnait son bureau pour travailler un jour ou deux sur une scène, il avait déjà une tonne d'idées venues de tout le monde. C'est un procédé qui a très bien fonctionné et que nous avons présenté à d'autres équipes d'artistes de storyboard. La personnalité des différents membres de la famille Robinson est peu développée dans le livre original.
Comment avez-vous donné corps à ces personnages hauts en couleurs?
Nous sommes partis des images de William Joyce. Pour les Robinson, nous savions qu'il devait y avoir par exemple un oncle qui passait son temps à se prendre pour un boulet de canon, et un autre qui voyait dans une soucoupe volante. A partir de là, nous avons lancé des discussions sur ce que pouvait être leur personnalité. C'est ainsi qu'Oncle Art est un voyageur de l'espace dans le livre, mais nous nous sommes dits que ce serait drôle d'en faire en même temps un livreur de pizzas. Physiquement, on jurerait un superhéro, mais en fait, il ne fait que livrer des pizzas à travers la galaxie. C'est Adam West qui fait sa voix et l'on retrouve chez lui cette grandiloquence qui rajoute à l'humour du personnage. Oncle Gaston est un peu différent. Sa personnalité est venue directement de mon travail sur lui, et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai fait sa voix. En fait, pour la première présentation, nous avons plus ou moins tous fait des voix différentes, et j'en ai fait une pour lui sortie d'on ne sait où! Je me suis dit que si ce gars passait son temps à se fracasser contre des murs, ce ne devait pas être une lumière. Et en même temps, j'ai cherché à garder un grand enthousiasme dans tout ce qu'il fait. Sa voix est alors venue comme ça. Beaucoup d'artistes de l'équipe ont fait des voix et cela a beaucoup participé au développement des différents personnages. Dans le même temps, il faut bien penser que les différents membres de la famille n'apparaissent pas beaucoup séparément à l'écran et nous les avons abordé plutôt en tant que groupe.

Vous avez prêté votre voix à Oncle Gaston, mais également au Coach du collège de Lewis.

Encore un personnage qui n'était pas dans le livre! Mais nous savions que le climax du premier acte devait être l'exposition scientifique. C'est moi qui ai écrit et storyboardé cette séquence et le fait est que j'ai vraiment fait attention aux juges de ce concours. Cette voie a attiré l'attention d'un exécutif de Disney qui m'a suggéré d'être encore plus drôle avec ces personnages. C'est à ce moment que j'ai imaginé ce prof de gym un peu lourdeau. A cette époque, il devait être accompagné d'un professeur de dessin, mais si le coach fonctionnait bien, l'autre ne fonctionnait pas vraiment. Je suis donc retourné à ma table de travail. Je suis reparti d'une idée qui était là depuis le début : le fait que Lewis allait finalement travailler pour cette compagnie, Inventco, et qu'il allait en faire Robinson Industries. C'est ainsi que j'ai imaginé le personnage du Dr. Krunklehorn, qui représente Inventco à l'exposition. Puis une idée en entraînant une autre, même complètement folle, j'ai proposé à Steve Anderson l'idée qu'elle puisse devenir la mère de Lewis en l'adoptant. Et le plus fort c'est qu'il m'a dit que cette idée était effectivement folle, mais qu'il l'adorait! Je suis donc retourné à ma table à dessin et j'ai fait en sorte qu'elle puisse devenir Mrs. Robinson, la grand-mère de Wilbur et son mari, Bud, devienne son grand-père. C'était un retournement très amusant.

C'est presque un retournement à la Shyamalan (le réalisateur de Sixième Sens), dans la mesure où le début du film est rempli de détails a priori insignifiants qui prennent finalement sens à la fin.

Plus vous ferez attention aux détails du début du film, plus vous apprécierez la fin. C'est quelque chose que je fais toujours quand je visionne un film. Je suis très attentif au maximum de détails que les auteurs ont pu glisser dans leur histoire et je n'en apprécie que davantage le film quand les cinéastes proposent une fin qui me surprend. C'est ainsi que je me suis dit que ce serait amusant d'avoir toujours un temps d'avance sur le spectateur pour mieux le surprendre à la fin!

Comment en êtes-vous arrivé à associer cette histoire à la philosophie de Walt Disney, judicieusement citée en fin de film et qui peut être résumée dans le fameux "Keep Moving Forward" ("Allez de l'avant")?

C'est quelque chose qui, d'une façon ou d'une autre, était toujours là. C'est venu de Steve Anderson et de son expérience personnelle, dans la mesure où il a été lui-même adopté et où il s'est lui-même longtemps posé la question de savoir qui étaient ses parents biologiques. Et puis un jour, à l'époque de Cal Arts, il a réalisé que cela faisait un certain temps que cette question ne l'obsédait plus et que le plus important, c'était le présent et le futur. Ce motif, "Keep Moving Forward", c'était tout simplement l'histoire de sa vie. Et le hasard a voulu qu'un jour il trouve cette citation de Walt Disney dans une publication interne et il a trouvé intéressant de retrouver chez lui la même philosophie de la vie. C'était étonnant de voir que Walt avait verbalisé en son temps tout l'esprit de Steve et tout l'esprit de son film. En voyant cela, plusieurs personnes dont moi-même ont conseillé à Steve d'intégrer cela dans son film et de mettre cette citation à la fin. C'est quelque chose de très touchant pour moi car je veux croire que Walt aurait aimé ce film.

Du point de vue de la band originale, comment avez-vous intégré les chansons dans votre histoire?

En fait, la création des chansons a été gérée par le département de musique et nous les avons reçues toutes faites. Le plus incroyable, c'est qu'elles s'intégraient parfaitement dans notre histoire, et tout particulièrement par la chanson de Rob Thomas, Little Wonders. En l'écoutant pour la première fois, nous avons senti les larmes monter tellement elle correspondait à ce que nous ressentions pour la fin du film. Nous ne voulions pas d'un grand final et cette chanson était exactement ce dont nous avions besoin. C'est Steve qui a storyboardé tout le montage final qui renferme cette chanson, et qui est pour moi le sommet émotionnel du film.
L'Homme au Chapeau Melon est lui aussi une pure invention.
Déjà, dans le script original, il y avait cet inventeur rival de Cornélius, qui avait été rajouté par rapport au livre. Mais nous n'en étions pas satisfaits. Il était prévisible et n'était pas intéressant. Les premiers développements l'avaient déjà vêtu de noir avec une chapeau noir et nous nous sommes dits : pourquoi ne pas y aller franchement dans ce registre et jouer sur les clichés de méchants. Cela nous a donné une certaine liberté dans l'imagination et nous a permis d'imaginer pour lui des gags basés sur sa stupidité, et tous ses échecs successifs seraient la base de la construction de sa personnalité. Il est devenu une sorte d'éternel enfant de 6 ans qui considère que sa vie depuis lors est un échec. De fait, il n'a jamais grandi, il n'a jamais muri. C'est un gamin dans le corps d'un adulte. A partir de là, il avait besoin d'un complice, quelqu'un à qui parler, pour faire ressortir sa personnalité. C'est ainsi que nous en sommes venus à l'idée de prendre son chapeau, qui serait une invention de Cornélius qui aurait mal tourné.
Comment avez-vous abordé les deux héros, Lewis et Wilbur?
Lewis est à l'évidence le coeur émotionnel de cette histoire. Cela n'a jamais vraiment changé depuis le départ. Wilbur, par contre, était un peu différent. Il devait être un adolescent qui s'ennuie de tout, sans cesse blasé. Puis nous nous sommes rendus compte que cela ne fonctionnait pas : ce n'est pas très amusant de voir des gens qui s'ennuient. A partir de là, nous avons regardé quelques films pour nous inspirer et notamment Bottle Rocket, le premier film d'Owen Wilson, dirigé par Wes Anderson. C'est l'histoire d'un homme très enthousiaste qui veut devenir un voleur. Il essaie de tout planifier pour cela, mais cela ne marche pas. Nous avons repris certains éléments de cet enthousiasme et nous l'avons injecté dans la personnalité de ce jeune, Wilbur, qui parle comme un agent secret quand il raconte à Lewis qu'il est un policier du futur voyageant dans le temps! Là, nous nous sommes dits que ce serait un partenaire intéressant pour Lewis, qui est plus rangé.

Durant la production du film, Walt Disney Feature Animation a connu de grands changements avec l'arrivée de John Lasseter aux commandes. Quelles furent les conséquences de cette arrivée sur le film?

Quand les gens de Pixar ont vu le film pour la première fois, ils ont bien senti tout son potentiel. Cependant, ils ont trouvé que certains éléments n'étaient pas forcément à la bonne place pour le film s'exprime totalement. C'était de notre faute car certaines choses étaient dans nos têtes mais n'apparaissaient pas à l'écran. En gros, les changements suggérés tournaient autour de l'Homme au Chapeau Melon. Il nous fallait un climax dramatique pour la fin du film, un climax qui contraste avec le futur drôle et lumineux des Robinsons. Un futur horrible, presque post-apocalytique qui soit plus le futur de Doris que celui de l'Homme au Chapeau Melon (car lui ne va pas plus loin que sa vengence de Lewis). Dans nos esprits, c'était clair, mais nous n'avions pas vraiment mis l'accent là-dessus. Par conséquent, les gens de Pixar nous ont bien dit qu'ils adoraient le film, mais nous ont suggéré de mieux expliquer cet aspect de l'histoire, de le rendre plus clair et plus dramatique. De là est venue l'idée de faire de Doris le véritable méchant de l'histoire. Pour ce faire, l'idée a surgi de raconter son histoire à elle -qui n'apparaissait pas dans notre version.
On raconte que John Lasseter a versé sa petite larme lors de la projection de votre film.
J'ai entendu cela moi aussi. En tout cas, ce que je sais, c'est que j'étais moi-même en larmes!

Quelle est l'idée dont vous êtes le plus fier?
C'est une question difficile. J'ai adoré travailler sur le coach, sur le Dr. Krunkelhorn ou encore sur le futur de Doris. Mais la chose la plus intéressante pour moi, ce fut de développer la personnalité de Wilbur. Le développement de Lewis est vraiment l'oeuvre de Steve. Il savait exactement ce qu'il voulait faire de ce personnage. Mais les réunions sur Wilbur furent pour moi les plus agréables et les plus drôles. Je voudrais simplement insister sur le fait que je ne peux prendre tout le crédit de cela : ce fut, comme tout sur ce film, un véritable travail d'équipe. Nous étions unis comme les cinq doigts de la main.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment?
Je suis head of story sur The Princess and the Frog.
Un film pour le moins attendu!
La pression est énorme! Ceci dit, nous travaillons dans une ambiance excellente et je suis impatient de vous montrer ce film terminé!
With all our gratitude to Travis Beckner and Floriane Mathieu!

vendredi, octobre 26, 2007

HALLOWEEN PUISSANCE 15 A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le metteur en scène Emmanuel Lenormand

Des spectacles terrifiants, des personnages inquiétants en liberté, le tout dans une ambiance festive…c’est sûr, Halloween s’installe une nouvelle fois à Disneyland Resort Paris pour notre plus grande frayeur! Avec un monde entièrement consacré aux festivités d’Halloween – Halloweenland – et des spectacles quotidiens mettant à l’honneur les plus célèbres Méchants Disney, les célébrations du 15e Anniversaire de Disneyland Resort Paris vous préparent encore de monstrueuses surprises. Et pour nous en parler, Emmanuel Lenormand, toujours bouillonnant d'invention et d'idées pour faire de ce deuxième Halloween qu'il met en scène, le plus inoubliable de tous!

Monsieur Lenormand, qu’est-ce que cela fait de mettre en scène le Festival Halloween du Parc Disneyland pour la deuxième année consécutive ?
C’est un plaisir non dissimulé, surtout cette année avec notre nouveau spectacle. J’ai pu réaliser certaines idées que j’avais depuis un certain temps, et tout cela semble plutôt bien fonctionner. J’en suis ravi !


Ce nouveau festival se situe à la fois dans la droite ligne de tous les festivals qui ont précédé, tout en faisant évoluer le concept, et dans le cadre très particulier du 15e Anniversaire. Comment vous-être vous situé par rapport à cette situation exceptionnelle ?
Déjà, par rapport aux festivals précédents, ma position est très simple dans la mesure où je ne m’en occupe que depuis deux ans. Quand on m’a proposé cette mission, j’ai reçu un monde avec plein de Sorcières Roses et plein de citrouilles et ma première réaction a été de me réjouir. Les Hommes-Citrouilles sont nés ici et ils plaisent beaucoup, tant à Disneyland Resort Paris qu’aux Etats-Unis. Les Sorcières Roses sont vraiment rigolotes et font craquer les petites filles qui adorent se déguiser comme elles.

J'ai voulu alors ajoutant une touche de Disney en plus, déjà en invitant Stitch à venir mettre la pagaille dans cette fête déjà bien agitée. C’est un personnage qui peut se permettre beaucoup de choses et qui est très populaire auprès des plus jeunes : c’était vraiment l’invité idéal pour Halloween. Je me suis aussi intéressé au spectacle hip hop qui avait été créé il y a quelques années. Il est vrai que le hip hop plaît beaucoup aux enfants, mais pour les captiver pendant les 20 minutes que dure ce genre de spectacle, rien de tel qu’un personnage Disney. C’est ainsi que j’ai créé l’année dernière Dingo et la Marmite Magique. Cette année, j’ai encore plus accentué cette tendance en profitant de la venue massive de personnages dans le parc à l’occasion du 15e Anniversaire. Chicken Little, Tic & Tac, Donald, Daisy, Lilo et Clarisse sont tous déguisé en Sorcières Roses et en Hommes-Citrouilles, ce qui plaît beaucoup.

Mais surtout, la grande nouveauté de cette année, c’est la mise à l’honneur de nos Méchants Disney dans une grande fantaisie musicale sur la scène centrale devant le Château.

Pouvez-vous nous présenter ce nouveau spectacle, Les Méchants Disney font leur Halloween Show ?
C’est la première fois qu’à Disneyland Resort Paris on voit tous ces personnages s’amuser ensemble sur une même scène, et pas n’importe laquelle puisque c’est la scène centrale du parc. C’est une sorte d’Halloween puissance 15. Musicalement, je suis allé piocher avec l'aide de notre Département Musique dans la mémoire musicale de Disneyland Resort Paris, et j'ai redécouvert des choses fabuleuses, notamment Disney Classics : The Music and the Magic. C’est ainsi que l’on retrouve la chanson de Gaston, celle de Frollo, celle de Cruella et d’autres. Je me suis également tourné vers nos amis de Tokyo Disneyland pour l’ouverture du spectacle. Nous travaillons beaucoup ensemble et nous aimons échanger nos musiques et nos expériences musicales et artistiques. Cet Halloween n’y fait pas exception. On passe en revue comme cela toutes les stars des Méchants Disney d’une façon me semble-t-il assez prestigieuse. C’est un peu le fer-de-lance de notre Halloween cette année. Je voulais depuis longtemps créer un événement qui dure tout au long de la journée, qui plus est sur cette scène qui est vraiment un endroit central, par lequel tout le monde passe. Je suis heureux aujourd’hui de pouvoir prouver que c’est possible. On propose ce spectacle dès le matin à nos visiteurs et cela donne le ton pour toute la journée. Une autre chose que j’aime à propos de ce spectacle : nous avons des shows très spécifiques comme La Légende du Roi Lion ou encore Mickey et la Magie de l’Hiver et je pense qu’il est bon dans un parc comme le nôtre d’avoir des spectacles-medleys dans lesquels on retrouve plein de personnages issus de dessins-animés différents qui se retrouvent pour 20 minutes de folie et de chorégraphie. Je me souviens que mon premier contact avec le parc de Floride, c’était exactement ce genre de spectacle, avec plein de personnages très différents réunis pour une folie d’une demi-heure et j’avais trouvé cela génial. Je me suis toujours dit que j’aimerais recréer cette ambiance ici. Nous l’avons fait et il semble que cela fonctionne plutôt bien auprès de nos visiteurs. En une demi-heure, on est nourri de plein, plein de choses, c’est formidable.

Comment avez-vous abordé l’idée d’une chorégraphie pour les Méchants Disney ?
J’ai voulu en fait aller plus loin qu’une simple chorégraphie de Méchants Disney. Certes, chacun d’entre eux arrive d’abord pour chanter sa chanson. Mais je me suis souvenu de certains produits dérivés vendus dans le parc où l’on voit tous les Méchants Disney réunis. C’est à partir de cela que je me suis demandé ce qui se passerait si on les mettait tous ensemble. Et comme la musique était délirante, je me suis dit : pourquoi ne pas faire une grande fête avec tous ces Méchants Disney à l’unisson. J’ai donc voulu aller plus loin, dépasser la question d’une chorégraphie spécifique à Jafar ou Cruella pour mieux privilégier la fête. Cela bouscule un peu les idées reçues sur ces personnages et propose autre chose qu’une présentation classique de tous ces personnages en train de préparer une potion ou de lancer un sortilège. Finalement, pourquoi n’auraient-ils pas le droit de s’amuser eux-aussi ?

Pour l’occasion, l’énorme citrouille- icône d’Halloween ne trône plus devant le Château de la Belle au Bois Dormant.
Oui. On l’a retirée, festivités du 15e anniversaire oblige, afin de laisser la place à la Bougillumination qui se déroule tous les soirs sur la scène devant le Château. L'atelier de maquillage qui se trouvaient à l’intérieur a alors été déplacé dans Halloweenland et plus précisément à Woody’s Roundup, le nouvel endroit à la mode de ce land, destiné aux enfants, avec des ateliers et des rencontres avec des personnages autour de l’univers de Woody et de Jessie. Mais les citrouilles sont quand même toujours là. C’est comme le sapin de Noël : pas d’Halloween sans elles !

Et que se passe-t-il de nouveau à Halloweenland ?
C’est le spectacle Minnie et les Bat Boys. L’année dernière, j’avais écris Donald et les Bat Boys et cette année, je l’ai un peu détourné. J’ai voulu cette fois quelqu’un pour représenter les Sorcières Roses et j’ai trouvé Minnie. Nous lui avons d’ailleurs trouvé un costume magnifique et elle dirige un peu ses camarades sorcières à travers le parc.

Et en plus, comme j’adore tout ce qui est spectacle et comédie musicale, j’ai voulu que Minnie et Les Bat Boys soit accompagné par une dizaine de musiciens live avec une chanteuse. C’est un live total dans la grande tradition des comédies musicales américaines, reprenant tout le répertoire des Méchants Disney et d’Halloween. Sinon, pour le reste, nous avons renoué avec l’histoire de l’année dernière, à savoir l’idée que les Hommes-Citrouilles allaient chercher la peinture orange au centre de la terre pour redécorer le parc. On a toujours notre arbre où naissent les Hommes-Citrouilles. Sinon, Stitch se promène beaucoup plus de La Maison Hantée, où sont tous les Hommes-Citrouilles tandis que Minnie déambule plus du côté de la Trick or Treat Stage, non loin du Cowboy Cookout Barbecue où sont rassemblées les Sorcières Roses. C’est la seule véritable modification à Halloweenland… jusqu’à l’année prochaine, où l’histoire devrait évoluer…

Avez-vous adapté des événements du 15e Anniversaire façon Halloween ?
Pas pour Halloween. J’ai préféré imaginer une pré-parade avec deux unités, pour les Hommes-Citrouilles, les Sorcières Roses et tous nos personnages Disney. Je suis persuadé que la Parade des Rêves Disney va devenir un grand classique pour les années à venir et je me suis dit que les gens souhaiteraient la voir dans sa version originale.

Vous parlez de "pré-parade". Quelle est la différence avec une "cavalcade", comme ce fut le cas l’année dernière avec celle de Stitch ?
Pour moi, une pré-parade, c’est quelque chose de beaucoup plus ambitieux qu’une cavalcade. Dans l'univers Disney, ce mot de parade évoque beaucoup de choses très précises : des chars, des danseurs, des personnages, l’idée d’un événement unique dans la journée. Une cavalcade, cela peut être plutôt une jolie roulotte avec une trentaine de danseurs avec des "push-units" et des squelettes, comme celle que j’ai faite l’année dernière. On s’arrête dans la rue, on fait une fête… Nous avons créé toutes sortes de cavalcades ici à Disneyland Resort Paris depuis 1992 pour Halloween, Pâques, Toy Story, etc. C’est un mot moins connu, c’est presque un mot du jargon Disney qui ne met pas nos visiteurs en attente de quoi que ce soit, contrairement au mot « parade », et cela permet toutes les fantaisies avec des structures plus légères. Cette année, nous avons appelé cela « pré-parade ». Cela aurait pu s’appeler cavalcade, mais le fait qu’elle constitue un événement destiné à précéder la Parade et donc à évoluer sur la route de la Parade l’a emporté.

Quel est votre message d’Halloween ?
Amusez-vous, amusez-vous ! La vie est trop courte ! Venez chez nous pour, dans un décor de rêve, oublier le quotidien. Si vous avez envie de vous déguiser en Homme-Citrouille ou en Sorcière Rose, faites-vous plaisir ! En cette saison d’Halloween, prenez tout ce que nous vous offrons comme un cadeau et amusez-vous sous la lune et les étoiles, dans une atmosphère incroyable !

Et rendez-vous à la suite de la soirée Halloween du 31 octobre pour la suite de notre entretien!


Remerciements particuliers à Emmanuel et Lily!
Merci également à Kristof (Photos Magiques)

mardi, octobre 23, 2007

L'ETRANGE NOEL DE MR. JACK 3D : Entretien avec l'artiste de storyboard Michael Cachuela

Véritable pionnier du stop motion à sa sortie en 1993, L’ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK a su combiner l’énergie, la magie et la dimension artistique du film d’animation en volume avec la technologie pour créer un spectacle qui a touché et fait rêver des millions de spectateurs à travers le monde. OEuvre culte pour de nombreux cinéphiles et film préféré de beaucoup de familles, son succès auprès du public est toujours aussi vivace. Alors que sa vision originale d’Halloween en a fait un incontournable du divertissement pour enfants, son humour noir et son incomparable créativité lui ont assuré une place durable et toute particulière dans le coeur des adolescents et des adultes, qui connaissent par coeur les chansons du film et endossent les costumes de ses personnages à chaque Halloween.
A l’occasion de son 13e anniversaire, L’ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK, fait son retour sur les écrans transformé par le procédé Disney Digital 3D™. Ce film culte, alliance unique d’univers visuel, de musique et d’exploit technique, s’est imposé dès sa création comme un spectacle à part. Aujourd’hui, le monde magique et fantasmagorique mêlant humour et épouvante créé par Burton prend vie comme jamais et vous ouvre ses portes, pour mieux vous entraîner au coeur de toutes ses émotions…
L'occasion pour Media Magic de revenir sur les origines de ce chef d'oeuvre avec l'un des créateurs de son histoire, l'artiste de storyboard Michael Cachuela.
Portrait d'un artiste "incredible".

Pouvez-vous nous tracer les grandes lignes de votre parcours ?
J’ai toujours aimé dessiner et quand j’ai grandi, j’ai été très marqué par les films de Star Wars. Cela m’a donné envie de faire le même métier de Joe Johnston : être le gars qui conçoit tous les véhicules, les costumes, etc. Auparavant, la séquence préhistorique de Fantasia au également eu beaucoup d'impact sur moi. J'ai été littéralement captivé par ces images de la formation de la Terre présentées de façon dramatique, violente et en même temps sublime. J'ai été ébloui par le fait que des cinéastes pouvaient vous emmener vers un monde aussi loin de nous. Les artistes Disney ont fait de leur mieux pour représenter des événements se déroulant en un temps et en des lieux que personne n'avait jamais vu et ce de façon impressionnante et émotionnelle. C'était vraiment quelque chose! Ensuite, je me suis tourné vers USC et UCLA pour passer une maîtrise de cinéma en prises de vue réelles. Mais au cours de mon parcours, j’ai rencontré certains animateurs de Disney qui ont vu mes dessins et qui m’ont conseillé de postuler à Cal Arts, ce que j’ai fait. J’ai beaucoup aimé cette école car on y travaille sur toutes sortes de media et on y étudie une grande variété de disciplines. On y trouve notamment un fabuleux département d’animation. Là mon désir de participer à des films à travers mes dessins devenait réalité.

Dans votre travail, il ne s’agit pas tant de faire du cinéma que de raconter des histoires à travers l’illustration et le storyboard.
Joe Johnston a fait du storyboard plusieurs Star Wars également, mais c’était plutôt technique. Ceci dit, c’est ce qui m’a poussé à m’y intéresser. Au lycée, le hasard a voulu que je soie dans la même classe que Rob Gibbs, qui est lui-même storyboard artist chez Pixar. Nous nous installions l’un à côté de l’autre au fond de la classe et nous essayions de nous faire réagir l’un l’autre à travers des dessins que nous nous faisions passer. Nous ne pouvions pas parler… mais nous pouvions dessiner des histoires drôles! Ce fut quelque part la meilleure formation : avoir à raconter des histoires visuellement sans le secours du moindre mot. Une autre étape fut bien entendu Cal Arts. Quand vous arrivez là, vous entrez tout de suite dans le métier et vous êtes très vite amené à faire votre propre film. Ce qui veut dire que l’une des premières choses que vous devez faire, c’est un storyboard. Si cela vous intéresse, vous pouvez le présenter devant la classe et faire des ajustements en fonction des réactions. Et j’ai remarqué que les étudiants qui faisaient cela avaient de meilleurs films.

Qui avez-vous eu comme professeur ?
Dans ce cadre, j’ai eu la grande chance d’avoir Joe Ranft, l’un des gourous du storyboard moderne. C’est lui, par exemple, qui a eu l’idée de créer le poste de directeur de l’histoire (head of story) sur les projets Disney pour faire le lien entre les artistes de storyboard et les réalisateurs. Il faisait passer une vraie sagesse dans ses cours. Je me souviens d’un exercice qu’il nous faisait faire. Il nous demandait d’inventer une histoire et de la raconter devant la classe pendant 10 minutes. C’était terrifiant car les animateurs sont des gens timides en général. Mais en même temps, c’était un test excellent pour les gens doués pour les histoires car il fallait en 10 mn proposer une histoire divertissante, qui attire l’attention d’un bout à l’autre, donne envie d’aller plus loin à chaque étape, qui vous émeuve et qui vous marque. Qu’importe si ensuite cette histoire est racontée à l’écrit ou par le biais de dessin, il faut avant tout proposer une chaîne d’événements qui donne envie de la suivre.


Quelles sont selon vous les qualités d’un bon storyboard ?
Du point de vue du dessin, je pense que c’est la capacité de conduire l’œil à l’intérieur d’une image simplement à travers le jeu sur les ombres et les lumières et la composition. Il s’agit aussi de comprendre et de représenter les besoins émotionnels d’une scène, de donner une représentation clair du parcours émotionnel des personnages dans une scène. C’est un aspect très important de ce travail. On doit comprendre comment le monde dans lequel on les plonge les affecte et interagit avec eux. En ce sens, il me semble que le storyboard artist tient un peu du réalisateur. Bien sûr, nous sommes au service du réalisateur, mais les questions que nous nous posons en termes d’émotions et de leur représentations sont les mêmes.

Vous débutez très vite sur des projets importants, à commencer par l’Etrange Noël de Mr. Jack. Comment cela est-il arrivé ?
Par l’entremise de Joe Ranft. A Cal Arts, nous discutions souvent entre amis sur les projets les plus cools sur lesquels nous aurions aimé travaillé après nos études. Nous connaissions le court métrage en stop motion Vincent et plusieurs d’entre nous ont alors dit que ce serait bien qu’il y ait un long-métrage de Tim Burton en stop motion. C’est alors que j’ai appris que cela allait se réaliser à San Francisco. Un réalisateur de grand talent, Henry Selick, devait le diriger et Joe Ranft était directeur de l’histoire. J’ai donc appelé, parce que le projet me plaisait et parce que je n’étais pas très bien à Los Angeles, j’étais un peu fatigué de ce qui ce passait alors dans le monde de l’animation. Je m’étais déjà rapproché de Pixar un peu avant, à l’époque où eux-aussi se trouvaient à San Francisco. Ceci dit, j’ai donc appelé Joe Ranft et il se trouve qu’il cherchait des artistes de storyboard pour son projet. Mon intention était donc de travailler quelques temps sur l’Etrange Noël puis d’aller cher Pixar, qui commençaient à envisager leur premier long-métrage en images de synthèse. Or, ce qui n’était envisagé que comme un boulot à temps partiel est devenu le film sur lequel j’ai le plus passé de temps de ma carrière soit un an et demi !


Dans quelles conditions avez-vous travaillé sur l’Etrange Noël ?
Cela se passait dans un ancien studio de télévision qui était prévu pour être démoli et faire un parc. Henry Selick aime beaucoup créer une ambiance créative dans les lieux où il travaille. De fait, des artistes un peu fous ont fait des graffitis sur les murs et avaient réalisé des sculptures un peu partout à partir de carcasses de motos. Cet environnement a d’ailleurs beaucoup influencé l’esprit du film !

Quelles sont les scènes sur lesquelles vous avez eu le plus de plaisir à travailler ?
Je dirai la séquence de Am, Stram et Gram. Il y a aussi celle dans laquelle Jack distribue les cadeaux de Noël et le combat final avec Oogie Boogie.


Comment travailliez-vous ?
La façon de travailler de Joe Ranft est la suivante : il sélectionne un artiste de storyboard pour telle ou telle scène et les fait travailler en groupe tant qu’ils ne se lassent pas. Si tel est le cas (car on peut se lasser de faire et refaire encore une même scène), il remplace l’artistes. Ce qui a pour effet qu’il peut y avoir plusieurs artistes qui ont travaillé sur une même scène, à des époques différentes. A partir de là, la manière de travaille dépend des séquences. Sur L’Etrange Noël, nous avions à notre disposition les paroles des chansons de Danny Elfman, que nous avons utilisées comme guide. Parfois vous vous occupez seul de votre propre séquence, parfois vous êtes par deux, dans une sorte de brainstorming. A la fin d’un travail, je présentais ce résultat à Henry, et quand il n’était pas disponible, je le présentais à Joe et tous deux me faisaient part de leurs commentaires et des modifications à apporter. C’était un travail très collaboratif. J’ai aussi fait de l’animation d’effets, fantômes et ombres diverses. Je travaillais dans une sorte d’atrium sans mur. Nous avions installé là nos bureaux ce qui fait qu’à chaque instant nous pouvions voir ce que faisaient les autres. De la même façon, le département artistique se trouvait tout à côté, ce qui fait qu’il était facile de passer d’un lieu à un autre, de faire des allers-retours, discuter avec le directeur artistique, le designer, etc. et voir avec eux comment les environnements qu’ils étaient en train de créer pouvaient affecter une scène. Henry encourageait beaucoup cet échange et cette collaboration entre les différents départements. Il avait une vision très forte de ce qu’il voulait faire sur ce film, mais en même temps, il aimait encourager de nouvelles idées nées de l’interaction entre tous ses artistes.


Il est très inhabituel d’avoir à composer une histoire à partir de paroles de chansons.
C’est vrai. Il y avait d’une part ces paroles de Danny Elfman et d’autre part une ébauche de scénario, très flou, en fait différentes idées liées entre elles par une vague histoire. Cela n’aidait pas beaucoup et l’histoire s’est vraiment construite à partir d’essais successifs de notre part, en essayant de combler les vides entre les chansons avec les meilleures transitions possibles.


Pouvez-vous nous donner un exemple de transition que vous avez imaginée ?
J’ai travaillé sur le parallèle entre les habitants d’Halloween Town qui préparent leurs paquets et les Elfes qui font de même au Pôle Nord, au milieu de la chanson Making Christmas. Je suis aussi particulièrement fier du moment où Sally saute par la fenêtre, tombe sur le sol en plusieurs morceaux et se recoud elle-même. Ce fut un passage assez délicat car les exécutifs de Disney n’étaient pas très à l’aise avec cette idée. Henry est donc venu avec l’idée qu’il n’y avait pas de sang puisqu’il s’agissait d’une poupée de chiffon et j’ai quant à moi eu à coller tous ces morceaux d’histoire et en faire quelque chose qui ne soit pas grotesque. Ensuite, j’ai imaginé le serpent d’Halloween avalant le sapin de Noël.


Avez-vous été en contact d’une façon ou d’une autre avec Tim Burton ?
Pas vraiment. C’était plutôt Henry car Tim était pris par une autre production dans le même temps. Il n’est venu au studio que trois ou quatre fois durant la production, ce qui fait que nous ne l’avons vu que très rarement. Ceci dit, ses dessins et ses idées ont été cruciales dans le développement du film. C’est vraiment à lui que l’on doit le design des personnages, et en particulier de Jack. Nous sommes partis de ses dessins pour faire nos storyboards. Il avait des idées très arrêtées quant à la façon dont cette histoire devait évoluer…jusqu’à les défendre bec et ongle. La salle de montage en a fait les frais ainsi qu’un des murs du studio, qu’il a frappé avec sa chaussure à coque métallique, tellement il était en colère ! C’était tellement impressionnant que j’ai suggéré à Henry de découper la section du mur qu’il avait enfoncée et de l’encadrer !

Qu’est-ce qui l’avait mis autant en colère ?
Le fait qu’Henry et moi avions storyboardé une fin différente de celle que Tim avait prévue. Nous avions imaginé que Jack et le Père Noël pouvaient avoir gardé le contact avec les années et l’on apprenait que c’était le Dr. Finkelstein qui, en fait, était le créateur d’Oogie Boogie. C’était une fin plus heureuse que ce qui était envisagé par Tim Burton et il a fait valoir sa prérogative sur le sujet…avec un coup de pied !


Après L’Etrange Noël, on vous retrouve dans James et la Pêche Géante et les parties animées de La Vie Aquatique, tous des films dirigés par Henry Selick.
C’est vrai, et le fait est que nous avons développé une certaine amitié à l’issue de l’Etrange Noël. Cela ne veut pas dire que nous avons toujours été d’accord, mais la plupart du temps, nous aimons travailler ensemble !

Quels souvenirs gardez-vous de la production de James et la Pêche Géante ?
J’étais l’un des directeurs de l’histoire avec Kelly Asbury. Nous avons eu la responsabilité de mettre sur pied le département Storyboard en engageant un certain nombre d’artistes et à réaliser les premiers storyboards tandis que le script était en train d’être écrit. C’est ainsi que nous avons storyboardé plusieurs séquences-clefs du film. Puis il y a eu un hiatus et je suis parti travailler pour les studios de Walt Disney Feature Animation Paris. Cela a duré quelques temps, puis quand je suis rentré, j’ai recommencé à faire du storyboard pour James. J’ai dessiné notamment l’attaque de requin et la séquence de pirate, avec Jack en cameo, et réalisé un peu d’animation d’ombres.


Le cameo de Jack Skellington, c’était votre idée ?
Non, c’était l’idée d’Henry. C’est un charmant clin d’œil.

Sur quoi avez-vous travaillé à Paris ?
J’ai commencé à storyboardé le court-métrage Mickey Perd la Tête et fait un peu d’animation. J’étais très intimidé par le talent des jeunes animateurs français, qui savaient dessiner de façon incroyable. Cela m’a bloqué et je n’ai pas pu animer Mickey. Il est si faussement simple. C’est l’un des personnages, en fait, les plus difficiles à animer. Et puis, dessiner Mickey au cœur de Paris, cela avait un côté bizarre qui m’a fait très drôle.

Quel fut votre rôle sur La Vie Aquatique ?
En fait, Henry dirigeait la division « stop motion » du film tandis que le réalisateur Wes Anderson était en tournage en Italie avec les acteurs. Mon rôle a été de dessiner des storyboards et de les transformer ensuite en animatiques, c’est-à-dire combiner des dessins de storyboards et du modeling pour faire une ébauche d’animation. De cette manière, Wes Anderson pouvait avoir une idée extrêmement précise de ce à quoi la séquence devait ressembler avant de se lancer dans l’animation en stop motion proprement dite. Nous avons donc communiqué avec de cette façon en lui envoyant des fichiers Quicktime par Internet, et personne n’a eu de mauvaise surprise. Ce fut un grand moment car, pour ce faire, j’ai pu travailler dans un atelier (modelshop) qui a servi pour Star Wars. C’est un rêve d’enfant qui est devenu réalité !


Et vous retrouvez aujourd’hui Henry Selick sur Coraline, qui est actuellement en cours de tournage. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est un projet en stop motion pour lequel j’ai fait beaucoup de storyboard et que je co-réalise avec Henry. C’est un projet très intéressant, qui sortira dans le courant de l’année prochaine.


Pouvez-vous maintenant nous parler de votre collaboration avec Pixar ?
J’ai beaucoup aimé travaillé au tout début d’un studio comme ce fut le cas ici. Ce fut aussi quelque chose de pouvoir travailler sur le tout premier Toy Story. C’est un peu ce qui est en train de se passer ici, aux studios Laïka où je travaille actuellement à Coraline. A l’époque, il y avait tout au plus 40 personnes sur ce projet. Je n’ai travaillé que 6 mois sur Toy Story. Ensuite, je suis retourné sur James et la Pêche Géante. Mais ce furent de grands moments. Imaginez de grands tableaux pour fixer un grand nombre de dessins et pour travailler avec moi, rien moins que John Lasseter, Andrew Stanton, Joe Ranft et Pete Docter réunis dans la même pièce, en plein brainstorming. Ce furent des moments exceptionnels. De plus, passer du premier long-métrage en stop motion de l’histoire au premier long-métrage en images de synthèse de l’histoire est une expérience assez unique et vraiment passionnante. De plus, faire cela à San Francisco, loin de tout l’establishment, des studios historiques, était une invitation à oser davantage, expérimenter davantage, d’aller hors des sentiers battus.


Vous avez participé à deux premières, chacun selon une technique d’animation différente. Dans quelle mesure le medium (stop motion ou CGI) influence-t-il votre approche de l’histoire ?
Quand on travaille sur une histoire pour un film en stop motion comme L’Etrange Noël de Mr. Jack, on doit prendre en compte les limites induites par la taille des décors –d’où l’utilisation de perspectives forcées pour donner plus de profondeur de champ. Sinon, il faut prendre en compte le fait que l’expressivité des personnages en stop motion ne peut pas passer par les mêmes moyens que ceux animés par ordinateurs qui peuvent à loisir être étirés et compressés (squash and stretch), même si on peut faire beaucoup de choses en stop motion. Sinon, que ce soit en CG ou en stop-mo, on travaille beaucoup sur les textures, même s’il est possible de mieux rendre les choses en stop motion car on photographie des éléments réels avec une vraie lumière. Aujourd’hui, les gens de Pixar sont passés maîtres sur ces questions, mais à l’époque, ce sont ces questions de matières qui ont orienté l’histoire avec les jouets car les êtres humains ne pouvaient être rendus correctement.


Comment travaille-t-on avec John Lasseter ?
Très bien ! Il est très bon quand il s’agit de choisir les meilleurs créateurs d’histoire du métier et de les laisser expérimenter tous les idées qui leur passent par la tête. Il a également su s’entourer des meilleurs monteurs. Je me souviens par exemple d’une scène dans laquelle il y avait trop de dialogues et trop d’informations à l’écran. C’était six mois seulement avant la sortie du film. L’équipe de l’histoire et l’équipe des monteurs se sont concertés sous l’égide de John et je peux vous dire que le résultat que vous voyez à l’écran est vraiment la perfection, le bon équilibre entre tout ce que nous voulions dire dans cette histoire. John est donc quelqu’un qui vous laisse toute liberté créative, mais qui sait aussi obtenir de vous le meilleur. C’est la raison pour laquelle, chez Pixar, on ne parle de pas de « storyboarding », mais de « story re-boarding » ! Cela me fait penser à un de mes amis, Rob Gibbs, qui a du recommencer 32 fois la séquence du yéti de Monstres et Cie ! Je n’exagère pas ! John Lasseter tient à ce que l’essentiel du temps de production soit passé à l’histoire. Rares sont ceux qui peuvent prétendre apporter autant de soin que lui à ses histoires !

Quelles sont les idées que vous avez apportées au film ?
En fait, des idées qui ne sont jamais passées à l’écran. Mais elles sont aussi très importantes. Par exemple, j’ai storyboardé une séquence à partir du script original dans laquelle Buzz et Woody font une compétition sur le lit. Cela fonctionnait sur le papier, mais finalement le storyboard a montré que dans cette scène, Woody semblait le méchant de l’histoire et n’apparaissait pas comme un personnage aimable. Nous avons présenté cette scène aux gens de Disney et ils s’en sont tout de suite aperçus. C’est grâce au storyboard que l’on s’est rendu compte de ce problème et il a été corrigé. J’ai beaucoup travaillé avec Kelly Asbury sur le storyboard, et j’ai aussi fait un peu de design, pour les « méchants » jouets, chez Sid.


Vous avez retrouvé Pixar avec Les Indestructibles, mais cette fois sous la direction de Brad Bird.
En fait, j’avais déjà travaillé avec Brad Bird sur un projet appelé Ray Gunn, un film d’animation et de science fiction vraiment très intéressant qui est toujours quelque part dans les cartons, probablement chez Warner. Ce film a été complètement storyboardé à partir d’un script remarquable de Brad, mais le projet a été bloqué d’en haut pour une raison ou une autre. J’ai donc travaillé sur Ray Gunn avec lui, Mark Andrews et Lou Romano, qui ont aussi participé aux Indestructibles et à Ratatouille. C’est là où j’ai fait leur connaissance et que j’ai beaucoup apprécié de travailler avec eux. Quand j’ai appris que Brad Bird allait rejoindre Pixar, j’ai immédiatement appelé Mark pour lui demander s’il y avait un poste d’artiste de storyboard disponible. Je suis principalement intervenu au début de la production. J’aime beaucoup cette étape durant laquelle l’histoire se forme peu à peu par l’addition de séquences. A cette époque, Brad avait fini la moitié de son script et j’ai travaillé sur la présentation à Helen par Edna Mode des nouveaux costumes de la famille, avec ce passage par toutes sortes de tests, machines et lance-flammes possibles ! Cette séquence porte vraiment la marque de Brad et fonctionnait déjà parfaitement sur le script. A partir de là, mon travail a été de partir des dessins de la direction artistique et faire en sorte que la scène fonctionne du point de vue chorégraphique, notamment avec cette plateforme sur laquelle se trouvent Helen et Edna, qui avance et revient à son point de départ un peu à la manière d’un rouleau de machine à écrire ! Il y eut aussi la séquence durant laquelle Bob visite Nomanisan pour la première et la deuxième fois. Là, Brad n’avais pas vraiment de script. Lou Romano et moi sommes allés voir comme les illustrateurs avaient designé l’île et nous en avons déduit ce que fait Bob en arrivant, ce qu’il y voit -la base secrète au cœur du volcan, comme dans les James Bond, et l’ensemble de la base qui se révèle tandis qu’une chute d’eau s’ouvre en deux comme un rideau, etc. Il y a eu également pas mal de discussions avec Brad et Mark à propos de la façon dont Bob devait découvrir la fin tragique de tous ces superhéros et dont il devait être prévenu de prendre ses distances de ce lieu dangereux. Il est très agréable de travailler avec Brad car tantôt il arrive avec une page de script bien définie, tout en étant ouvert à toutes les idées qu’on pourrait lui apporter, tantôt il arrive simplement avec une idée (« Bob arrive à Nomanisan ») et c’est à nous de lui donner corps.


Quels outils utilisez-vous pour storyboarder aujourd’hui? Faites-vous toujours cela à la main comme au temps de L’Etrange Noël ?
Non. Aujourd’hui, aujourd’hui nous utilisons beaucoup le Cintiq de Wacom. C'est un écran d'ordinateur sur lequel vous pouvez dessiner avec un crayon spécial. Je l'utilise en tandem avec Photoshop. Je pense qu’Enrico Casarosa et moi avons été parmi les premiers à l’utiliser, sur Ratatouille (ous partagions le même bureau au début de la production !). Nous avons fait office de cobayes ! Je dois avouer que j’aime toujours travailler sur papier. Cela permet d’aller très vite, de corriger et d’afficher directement son travail. Mais l’ordinateur permet d’autres avancées, notamment la réutilisation de décors. Cela permet de gagner du temps en n’ayant pas à refaire sans cesse le même décor, quand les personnages restent au même endroit. Un autre avantage du numérique tient au passage d’une image à l’autre. Quand vous affichez vos dessins, vous voyez comment évolue la scène, mais on ne visualise pas totalement comme se passe l’enchaînement. Grâce à ce système, les choses sont plus simples et plus proche d’un film. Cela permet de résoudre toutes sortes de problèmes qui n’apparaissaient auparavant que lorsque l’animation avait commencé.


Vous évoquiez Ratatouille. Là encore, vous êtes arrivé en tout début de production.
Exactement. J’ai tout de suite aimé l’idée de Jan Pinkava : un rat dans une cuisine car c’est la chose la plus improbable dans un restaurant français ! C’était une idée charmante mais qui soulevait bon nombre de problèmes très intéressants en termes d’histoire. J’ai ainsi passé 6 à 8 mois à storyboarder ce film mais aussi à monter une pré-visualisation du plan prévu originellement pour l’ouverture du film. Je suis parti de dessins de storyboard et de dessins des designers pour l’architecture et j’ai assemblé tout cela en un seul mouvement de caméra qui vous fait rentrer progressivement dans le restaurant. Ce fut un travail énorme, mais cela faisait également partie des choses présentées à Steve Job pour lui soumettre ce film à la production. Cela valait donc la peine. Durant ce pitch, Ronnie Del Carmen a présenté un storyboard réalisé à la main et j’ai de mon côté présenté ce montage, ainsi qu’un travail réalisé au Cintiq : c’était vraiment un exemple de tout ce qui se fait actuellement en matière de storyboard !


A quoi ressemblait l’histoire à ses débuts ?
Les bases étaient là, sauf que Rémy venait espionner la cuisine où se trouvaient Linguini et Gusteau. A l’époque, il n’était donc pas mort et il y avait beaucoup d’interaction entre Linguini et lui. Cependant, il me semble que la transformation de Gusteau en fantôme a beaucoup aidé à la simplification et à la clarification de l’histoire.

Et comment s’est passé pour vous le passage de Jan Pinkava à Brad Bird ?
Tout simplement en n’y étant pas. Je suis parti avant !

De Space Girl, à vos débuts à Cal Arts, à cette impressionnante séquence d’ouverture de Ratatouille, on ne peut qu’admirer vos talents non seulement d’artiste de storyboard, mais aussi de réalisateur. Et aujourd’hui, vous co-réalisez Coraline avec Henry Selick. La mise en scène est elle votre prochaine étape ?
Oui. Je travaille actuellement au développement de différents projets dans ce sens. Cela m’aide beaucoup d’avoir cette expérience du storyboard. Cela m’a permis de travailler avec de grands réalisateurs comme Brad Bird, John Lasseter et Henry Selick, qui savent la fois vous diriger et vous laisser une certaine liberté pour vous exprimer. Pour moi, c’est une progression naturelle, rendue possible par ces artistes qui ont su déceler ce désir en moi. Après avoir fait du storyboard, du design et de la co-réalisation, je pense avoir fait le tour de la question et j’ai envie de me frotter à d’autres défis, selon mes propres orientations artistiques.


Photos of Michael Cachuela and storyboards of The Incredibles and of Ratatouille, courtesy of Michael Cachuela. Many thanks!