vendredi, août 29, 2008

LES 101 DALMATIENS 2 EDITION EXCLUSIVE : Entretien avec le compositeur Richard Gibbs

Les suites Disney en vidéo sont un lieu de polémiques. D’aucuns diront qu’il ne s’agit que de surfer sur la vague du succès d’un film en salles pour empocher plus d’argent, à n’importe quel prix. Et pourtant, il suffit, parfois, de parler avec les créateurs pour mesurer la sincérité de leur engagement et de leur enthousiasme.
C'est le cas des 101 DALMATIENS 2 : SUR LA TRACE DES HEROS (PATCH’S LONDON ADVENTURE) Être à la hauteur du monument de 1961 était un défi de taille qu’ont relevé Jim Kammerud (LA PETITE SIRENE 2) et Brian Smith, deux jeunes réalisateurs qui travaillent ensemble depuis plus de dix ans, tous deux fans du film original. « LES 101 DALMATIENS fut créé par des artistes de Disney au sommet de leur art. Quand on sait comment fonctionne l’animation, il est très facile de constater qu’ils se sont vraiment amusés à dessiner ce film. Il nous a donc fallu ingérer tout leur style, tout leur savoir-faire, toute leur perception des choses pour mieux stimuler notre inspiration, précise Brian Smith. » Un vrai défi à la créativité, comme l’explique Jim Kammerud : « D’une certaine façon, l’approche du premier film est exactement à l’opposé de ce qui se fait généralement en matière d’animation. D’ordinaire, nous essayons de faire en sorte que les décors soient les plus simples possible. Avec LES 101 DALMATIENS, c’est tout l’inverse. Comme ce genre de découverte a toujours amélioré la créativité des artistes, notre travail sur LES 101 DALMATIENS 2 : SUR LA TRACE DES HEROS est donc devenu de plus en plus riche. Nous ne serions jamais parvenus à ce résultat si nous n’avions pas compris l’approche artistique du film original. »
L’un des problèmes communs à bon nombre de suites vidéo vient de l’absence d’unité du développement, l’absence d’une direction forte donnée par une équipe soudée. Certaines suites sont ainsi passées par de multiples réalisateurs et de multiples scénarios avant d’aboutir. Cela a pu, certes, porter préjudice à quelques films précédents –y compris destinés au cinéma-, mais le succès de LILO & STITCH a re-montré toutes les vertus d’une vision forte et homogène donnée par des créateurs engagés à tous les niveaux de la production. C’est le cas de LA PLANETE AU TRESOR ; c’est le cas des 101-2 avec deux réalisateurs qui sont en même temps scénaristes et qui ont le sens du travail d’équipe, comme le souligne Brian Smith : « Entre artistes, nous nous nourrissions de notre créativité mutuelle. Un film est un processus de collaboration et chacun apporte sa contribution. »
Travail d’équipe, respect de la tradition, originalité et ambition artistique, c’est ce que l’on ressent également à travers les propos que nous a confiés le compositeur Richard Gibbs, dont le choix sur ce film n’est pas anodin.


Après LA REINE DES DAMNES ou encore LES SIMPSON, votre participation aux 101 DALMATIENS 2 peut paraître surprenante.
Je ne vois pas pourquoi vous pourriez être surpris. J’ai déjà fait la musique de plusieurs dessins-animés et d’un certain nombre de films Disney en prises de vue réelles. Je crois même que j’ai davantage travaillé pour Disney que pour n’importe quel autre studio. J’apprécie beaucoup les gens qui y travaillent et j’ai trouvé le projet des 101 DALMATIENS 2 pourrait être très amusant. Il est vrai que, si l’on considère le ton des SIMPSON, cela peut paraître surprenant du point de vue de Disney, mais pas du mien. J’adore élargir sans cesse ma palette, écrire dans des styles toujours différents en étant fidèle à chaque style. Certains compositeurs ont un son propre et sont toujours fidèles à ce style. Il ne s’en écartent jamais beaucoup. Cela ne me pose pas de problème ; j’admire tout autant ces compositeurs. Mais, personnellement, j’adore me plonger dans des univers totalement différents à chaque fois. LA REINE DES DAMNES n’a rien à voir avec LES 101-2 et LES 101-2 n’a rien à voir avec I SPY, une comédie d’action dont je viens de terminer la musique. Je recherche vraiment cette diversité et les gens de Disney le savent. J’ai quelques amis au sein de leur département de musique et j’y ai la réputation de quelqu’un d’original. Quand ils veulent quelque chose qui sorte de l’ordinaire, de décalé, c’est là que mon téléphone sonne ! Et c’est ce qu’ils voulaient sur ce projet. De plus, je n’avais jamais composé pour un long-métrage d’animation auparavant, ce qui fait que c’était une opportunité des plus intéressantes. Je suis arrivé sur ce projet il y a environ deux ans, juste avant que ne commence la production de l’animation, à l’époque où le film n’existait que sous la forme d’un storyboard parce qu’ils voulaient également avoir certaines musiques avant d’animer.

Quelles sont les scènes dont la musique a été créée en premier ?
En particulier le générique d’ouverture. Il y a également la chanson du milieu du film, Try Again, que j’ai co-écrite avec Dean Pitchford (FAME). Il y a deux autres scènes pour lesquelles on m’a demandé d’enregistrer la musique en premier, simplement pour leur donner une idée de ce que nous pouvions faire, comme une musique temporaire, et que j’ai révisée pour l’enregistrement définitif.
Que pensez-vous de la partition de George Bruns pour le film original ?

Elle est vraiment brillante. Elle est aussi très caractéristique. C’est un film unique dans le panthéon de Disney. Il ne sonne ni ne ressemble à aucun autre dessin-animé. L’animation est également totalement différente, tout comme les décors. D’ailleurs, Jim et Brian ont beaucoup travaillé sur ces questions. L’apparence visuelle du film ne ressemble pas aux autres suites ; elle a été autant travaillée que pour une sortie en salle. Pour revenir à la musique de George Bruns, les autres partitions de Disney sont plus rondes et faciles à écouter, alors que celle-là est plus anguleuse et plus ‘avant-garde’. Matt Walker m’a demandé de ne surtout pas essayer de l’imiter et de trouver ma propre voie.

Disney voulait donc quelque chose qui sorte de l’ordinaire. En quoi est-ce le cas de ce film ?
La différence vient du fait que Disney voulait quelque chose de très spécifique, de très caractéristique. Le film original faisait lui appel à une musique très originale, dans le style jazz du début des années soixante. Ils voulaient donc quelqu’un qui parte de cela pour l’actualiser dans de grandes pièces orchestrales, mais avec une touche de folie. Le générique d’ouverture en témoigne beaucoup mieux que les mots : c’est exactement ce qu’ils voulaient, proche du style d’Escobar. On retrouve d’ailleurs cette touche cubaine et ‘space jazz’ tout au long du film.

Matt Walker (VP de la musique pour DisneyToon Studios) a déclaré à votre sujet : ‘Richard Gibbs a vraiment saisi les différents rythmes du dessin-animé, alternant entre les scènes d’action des séquences ponctuées de rythmes jazz et des morceaux magistraux.’
L’animation est la forme la plus savante pour laquelle composer. On se doit d’être très spécifique et de saisir le moindre mouvement, un battement de paupières, un signe de la tête, un geste de la main. Il faut donc être très rigoureux dans son écriture, et très astucieux, afin de trouver le bon tempo, les bons accents et tout ce que l’on doit souligner. C’est un travail que j’avais déjà fait et c’est sans doute le plus intense et le plus difficile qui soit en composition.

Votre musique pour LES 101-2 peut se diviser en trois styles : la musique de comédie, la musique d’action et le jazz. Quel fut votre approche de la comédie dans ce film ?
A l’intérieur du registre de la comédie, chaque film demande une approche spécifique en ce qui concerne l’orchestration ou le rythme. J’essaie d’aborder chaque film comme un interprète et non comme une star. Comme je l’ai dit, certains compositeurs excellent dans un seul style, et c’est pour ce style qu’on fait appel à eux. Il s’agit davantage pour moi de rentrer dans le film comme un personnage. C’est quelque chose qu’un compositeur comme John Debney réussit à merveille, il est très souple. J’ai une personnalité différente de celle de John mais nous partageons cette flexibilité. Lorsque j’ai écrit la partition des 101-2, il ne m’est jamais venu à l’esprit de songer à une de mes précédentes musiques. Je n’aime pas refaire les mêmes choses, d’autant plus que ce film ne ressemble à aucun autre auquel j’ai participé auparavant. C’est pourquoi je libère mon esprit et je démarre de zéro. Mon thème préféré est celui du générique d’ouverture, qui est le thème principal de comédie que l’on retrouve tout au long du film et je l’ai écris en surfant. Il m’est venu alors que j’étais dans l’eau sur ma planche de surf. Je me suis rué tout mouillé sur la première cabine téléphonique en bout de plage pour appeler chez moi et chanter cette mélodie sur mon répondeur. Puis j’ai chanté l’accompagnement afin de ne pas l’oublier. Puis je suis retourné dans l’eau pour surfer à nouveau avant de rentrer chez moi pour écouter ce que j’avais enregistré. Cela ressemblait à un petit cadeau qui m’attendait : ‘tiens, voyons comment cela sonne !’. Je l’ai écrit et c’est devenu la musique d’ouverture du film !


Est-ce que le fait que l’histoire se déroule à Londres vous a inspiré ?
Il n’y a vraiment qu’une seule scène dans laquelle cet aspect apparaît. Je n’ai pas du tout cherché à avoir une approche ‘british’ de la partition. Il y a une ou deux allusions à la musique du film original, qui avait une jolie touche jazzy, mais c’était une musique typique des années 60 et je ne voulais pas que la mienne soit un retour en arrière. L’accent, ici, a été mis sur la diversité des styles avec, en plus du jazz, de grandes pages orchestrales, ou bien encore un peu de rockabilly pour la chanson. Par contre, l’enregistrement a bien eu lieu à Londres, à Lyndhurst, et ce fut génial.

La séquence de l’épisode de QUI VA TRIOMPHER ? (THUNDERBOLT ADVENTURE HOUR) a été un véritable challenge pour l’équipe du film, comme le souligne le réalisateur Brian Smith : ‘La plus grande difficulité du noir et blanc consiste à conserver l’intégrité d’un personnage dans un environnement quel qu’il soit. Les formes, les lignes et les nuances sont beaucoup plus limitées que dans un monde en couleurs. En animation, perdre la couleur signifie perdre un outil. Tout devient dès lors plus compliqué.’ Comment avez-vous traité le paramètre de la couleur dans la musique de cette séquence ?
Ce fut la séquence la plus difficile à mettre en musique. Cela m’a pris du temps pour saisir ce que voulaient les réalisateurs et Matt Walker. Je n’étais pas assez original. Et s’il y avait une séquence de ce film que je pouvais refaire, ce serait celle-là. Je pense que j’aurais pu aller plus loin. Il s’agissait d’évoquer les séries télé animalières des années 50 comme Rintintin, et c’est le cas, mais je suis resté dans des harmonies modernes tout en les associant à des éléments inspirés d’Aaron Copland. Par contre, je pense que le thème d’Ouragan, originellement chanté, et qui faisait également partie des éléments pré-enregistrés, correspond parfaitement à l’époque et fonctionne très bien.

Pouvez-vous nous parler de la fameuse séquence de l’autobus à impériale conduit par les chiens en plein centre de Londres, avec ses 90 musiciens ?
Nous l’avons enregistrée en mars dernier. Auparavant dans le film, dans l’épisode de QUI VA TRIOMPHER ?, on assiste à une scène d’action dans un train avec un méchant qui essaie de blesser Ouragan avec un fouet. Et l’on retrouve la même chose à la fin du film à la différence que c’est maintenant Patch qui se trouve dans la même situation que son héros, Ouragan, qu’il ne s’agit plus d’un train mais d’un bus, et plus d’un méchant de télévision mais de Cruella D’Enfer, et les réalisateurs voulaient établir le parallèle entre les deux scènes par la musique. Ce qui fait que la musique de cette séquence est la même note pour note que celle de la série télé, si ce n’est qu’elle est largement développée. Mais le concept central était de ramener la série télé à la mémoire via la musique.

Une musique de cette dimension pose vraiment la question de la qualité des suites vidéo, souvent décriées. Qu’en pensez-vous ?
J’en ai vu quelques-unes qui étaient bonnes et d’autres qui ne m’ont pas vraiment impressionné. Mais le fait est que depuis que Matt Walker s’en occupe, les musiques de ces suites disposent de moyens comparables à ceux débloqués pour les grands classiques qui sortent en salles. L’approche de Disney Toon Studios en la matière est la même que pour ces films et ils demandent au compositeur de faire de même. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai jamais songé au fait que ce film était destiné à la télévision. Je savais que c’était pour la vidéo, mais l’idée était de lui donner autant de puissance qu’un film cinéma. Il a même été question à un moment de sortir LES 101-2 en salle, et cela aurait vraiment pu être le cas compte-tenu de sa qualité. La raison pour laquelle cela n’a pas été fait vient du fait que Disney a considéré que l’image des Dalmatiens avait été suffisamment exploitée au cinéma avec le film original et deux suites en prises de vue réelles, et ils ne voulaient pas en rajouter. Mais cette qualité et cette ambitions ne se limitent pas à la musique : on les retrouve tout autant dans la réalisation, le scénario ou l’animation. Je trouve ce film vraiment excellent. Il est vraiment comparable aux dessins-animés que Disney a sortis en salles. Je suis très fier de ce projet. Je regrette seulement qu’il ne soit pas sorti en salle. Je suis sûr que si le sujet n’avait pas été les Dalmatiens, cela aurait été le cas.

Jim Kammerud (LA PETITE SIRENE 2) et Brian Smith sont tout à la fois les réalisateurs et les scénaristes de ce film, ce qui est assez rare pour une suite vidéo, gage d’une réelle cohérence. Comment avez-vous travaillé avec eux ?
J’ai beaucoup aimé travailler avec eux. Ils sont originaires de l’Ohio tout comme moi. Nous nous sommes immédiatement entendus et compris. Brian a également écrit les paroles de la chanson de QUI VA TRIOMPHER ?. Ils ont été particulièrement impliqués dans la musique et ont fait attention à la moindre note. Ils sont venus à mon studio de Malibu, je leur ai joué tous les morceaux et nous avons changé tout ce qu’ils souhaitaient. Ils connaissaient déjà toute la partition avant l’enregistrement avec orchestre. Je les apprécie beaucoup et je retravaillerais avec eux avec beaucoup de plaisir.

Le film original ne fait pas vraiment la part belle aux chansons. Il y a bien Kanine Krunchies ou Dalmatian Plantation, mais rien de vraiment mémorable, si ce n’est la fameuse, Cruella De Vil. Quelle fut votre attitude concernant les chansons dans ce nouveau film ?
La chanson que j’ai écrite avec Dean Pitchford est arrivée assez tard. Je savais qu’il devait y avoir un montage aux 2/3 du film et les désirs des créateurs étaient assez clairs : le style rockabilly. Ils avaient fait des essais et cela fonctionnait. Il y a de plus une chanson au générique de fin, mais je n’y ai participé que très indirectement car il s’agit d’un montage de samples de ma musique réalisé par un groupe anglais, Apollo 440°. C’est d’ailleurs très amusant d’entendre ma musique déconstruite de la sorte !

Pouvez-vous nous parler de la création et de votre utilisation de Try Again ?
La première musique composée pour le film a été le générique d’ouverture, puis celle de QUI VA TRIOMPHER ? C’est difficile de l’entendre à la première audition mais le thème de Try Again est en fait dérivé de celui de la série télé. La chanson comporte donc des éléments communs que l’on retrouve tout au long de la partition. C’est pour cela qu’on ne peut pas vraiment dire que le thème de cette chanson a été intégré à la partition comme un Leitmotiv parce que je suis parti précisément de la partition.

Plus généralement, quelle fut votre stratégie du point de vue thématique ?
Il s’agit d’une partition résolument thématique. Différents thèmes se retrouvent tout au long du film. Il y en a un que j’appelle Happy Puppy Theme qui est en fait le thème principal que l’on entend dès l’ouverture du film, un autre pour Lars, un merveilleux personnage interprété par Martin Short (Daniel Lafourcade dans la V.F.), typique du jazz des années 60, un autre pour Ouragan, que l’on entend à chaque fois qu’il apparaît à l’écran, et quelques touches de Cruella ici ou là.

Avez-vous utilisé le thème de Mel Leven ?
Juste une fois et de façon très, très subtile. Il se trouve au moment où Cruella conduit son vieux tacot et qu’il tombe en panne. C’est à ce moment que la radio joue Cruella De Vil ! Elle est alors si en colère qu’elle donne un coup de pied dedans ! C’est la seule citation textuelle. Il est vrai qu’ici ou là, j’en ai repris le rythme, mais il s’agit simplement d’une évocation car dans ce nouveau contexte, la réutilisation textuelle de ce thème n’aurait pas eu de sens. De plus, j’avais pour cela des motivations très égoistes : je voulais plutôt asseoir mes propres thèmes !


Comment se sont passés les enregistrements ?
Nous nous sommes beaucoup amusés à enregistrer cette musique. Nous avions besoin d’une importance section de percussions latinos afin d’évoquer l’atmosphère d’Escobar et j’ai demandé à Isabelle Griffith, la personne qui employait les musiciens à Londres, de ne pas avoir de percussionnistes issus d’orchestres symphoniques pour jouer les bongos et autres congas parce qu’en général, ils n’ont pas le groove, ils ne comprennent pas le son afro-cubain que je souhaitais. Je voulais vraiment des musiciens dont c’est vraiment le style, et s’ils ne savaient pas très bien lire la musique, ce n’était pas grave. Puis j’ai commencé à plaisanter avec elle en lui disant que je voulais des gars avec des noms espagnols comme Carlos ou Juan ! Je voulais vraiment quelque chose d’authentiquement cubain. Elle a pris mes demandes vraiment au pied de la lettre. Déjà, j’avais du mal à communiquer avec les musiciens anglais : ils sont si ‘british’ dans leur accent et si polis, et ils n’utilisent pas les mêmes mots que nous pour désigner les mêmes choses. Et parmi les 8 percussionnistes engagés, un seul, Luis, parlait anglais ! Ils parlaient tous espagnol et Luis faisait le traducteur ! Si je voulais changer quelque chose pour le musicien qui jouait de la clarine -je ne savais même pas son nom-, je disais ‘Luis, pourrais-tu dire au gars avec la cloche de ne pas jouer les mesures 2, 4 et 6 ?’-. Cela donnait lieu à toutes sortes de cafouillages ! C’était très drôle. Un jour, une partie du studio s’est même écroulée pendant que nous enregistrions ! Nous nous sommes vraiment bien amusés !
Je voudrais ajouter quelque chose. Lors de chaque enregistrement, il y a quelqu’un que l’on appelle ‘boother’ que l’on place en cabine. Parfois c’est le compositeur lui-même, lorsqu’il ne dirige pas, afin de contrôler, de faire des commentaires, de changer les balances. D’autres compositeurs préfèrent diriger et c’est mon cas. C’est pourquoi en cabine nous avons besoin de quelqu’un de familier avec la partition et en qui vous pouvez avoir confiance pour réaliser cette tâche. Il faut dire que la place du chef lors d’une session est la pire pour ce qui est de l’écoute : on est sur son podium avec un casque sur les oreilles dans lequel on entend tout à la fois les dialogues et le click-track, la balance est faussée et au son du casque s’ajoute l’acoustique de la pièce dans laquelle vous enregistrez. Rien à voir avec ce que l’on entend dans la cabine. C’est pour toutes ces raisons que, généralement, c’est l’orchestrateur qui fait le ‘boother’. Mais cette fois, Matt Walker a demandé à le faire. C’est un des exécutifs de Disney et un type épatant, sans compter qu’il est aussi musicien, pianiste classique. Mais je n’avais jamais travaillé avec lui dans ce cadre. Je lui ai donc fait confiance et je dois avouer que ce fut le meilleur boother que j’ai jamais eu. J’ai été vraiment impressionné par le fait que non seulement il sait écouter la musique, mais également déchiffrer une partition d’orchestre complexe, à 28 parties, et pointer les erreurs ou les défauts de justesse de l’orchestre, toutes les choses qu’un boother doit faire. Mais en plus, il a la casquette d’un exécutif de Disney ce qui fait que lorsqu’il me demandait de réenregistrer quelque chose ou de faire une autre prise, il avait en même temps en tête la question du coût. Il n’a donc pas seulement l’approche d’un musicien. Il est très pertinent. Si je pouvais, je l’embaucherais indépendamment de Disney aussi souvent que possible ! Mais je sais que c’est impossible, je crois qu’il a un boulot là-bas!


Comment considérez-vous cette partition dans votre évolution artistique?

C’est une nouvelle corde à mon arc. Je viens de finir un CD démo pour présenter ma musique et l’une des premières compositions y figurant est justement l’ouverture des 101 DALMATIENS 2. J’en suis très fier. C’est pourquoi je parlerais plus d’expansion que d’évolution artistique : je ne rejette pas ce que j’ai fait dans le passé, je continue d’explorer de nouvelles directions. Ce film était quelque chose de nouveau, qui m’a poussé vers de nouvelles frontières et j’espère qu’il m’ouvrira les portes d’autres dessins-animés. J’adorerais composer pour un dessin-animé destiné au cinéma. Cette partition possède une plus grande dimension aventurière que les dessins-animés classiques et j’aimerais explorer cet autre aspect de l’animation. Matt n’a pas arrêter de rire pendant la production de la musique car, hasard du calendrier, j’ai été contacté en même temps pour LA REINE DES DAMNES et les 101-2 ; pour les deux films, on m’a demandé de composer des musiques avant la production visuelle et les deux emplois du temps étaient parallèles. Je n’arrêtais pas de faire des aller-retour de l’un à l’autre ; c’était comme un perpétuel grand écart artistique : un jour avec LA REINE DES DAMNES, l’autre avec les 101 DALMATIENS-2 ! On ne peut faire plus différent ! Et c’est pour cela que je fais ce métier!

samedi, août 23, 2008

PETER PAN 2 EDITION EXCLUSIVE: Entretien avec la chanteuse Nathalie Fauran

On l'avait connue dans LA PETITE SIRENE 2. Elle avait su séduire les équipes de Disney pour l'enregistrement de la voix parlée et chantée de Mélodie, la fille d'Ariel. La voix vibrante et toute empreinte de sa Corse natale de Nathalie Fauran a ainsi marqué les esprits et les coeurs à un tel point que trois ans plus tards, Disney refaisait appel à elle pour enregistrer les chansons de PETER PAN 2: RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE et ainsi incarner Jane. Nouveau succès, couronné par un single et un clip. A l'époque, nous avions rencontré cette petite fée. Souvenir...

L’effet PETITE SIRENE 2 se fait-il encore sentir ?
De temps en temps, encore, c’est vrai. La petite sirène sera toujours mon identité de départ, mais les gens commencent aussi à me reconnaître en tant qu’artiste à part entière.

D’autant plus que vous faites une apparation tout aussi remarquable dans PETER PAN 2 : RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE, et très personnelle si on la compare à la version originale de Jonatha Brooke.
Avant tout, j’aurais été incapable de faire du country sur des paroles françaises. On a bien essayé de faire du « yaourt », mais, si vocalement, c’était faisable, ce n’était visiblement pas la bonne solution ! Nous avons donc essayé une approche à la fois personnelle et disneyenne.

Que voulez-vous dire par « disneyenne » ?
Une voix chaude et pleine d’émotion, une certaine innocence, mais surtout beaucoup de naturel. J’ai donc fait appel à mon feeling et fait confiance au feeling de George Costa, le directeur musical du projet.

Je Crois semble avoir fait forte impression sur le public.
Comme il n’y a pas eu d’avant-première du film en août, les gens de Disney sont allés voir le film en salle, avec le public, et c’est à cette occasion que Bernard Montibert, directeur marketing, m'a dit qu'il a senti qu’il se passait quelque chose dans la salle et il a entendu les gens se demander qui chantait. Je me souviens qu’il m’a dit « on sent vraiment dans ce film que tu fais complèment partie de la magie de Disney ». Il faut dire que sur ce film, j’ai vraiment senti une alchimie entre la chanson de Jonatha Brooke, l’histoire et ma voix.

Votre prestation a également été remarquée par les Etats-Unis.
En effet. Boualem Lamhene, de Disney Character Voices m’a d’abord dit que Disney France avait reçu des centaines d’appel pour dire que la musique était très belle et demander qui j’étais, puis Bernard m’a annoncé qu’ils avaient reçu les félicitations de Disney USA après qui ont reçu la bande. C’est assez ahurissant de penser que cette chanson est allée de l’autre côté de la planète et que, malgré les différences de style avec la version originale, elle a séduit les américains !

Avez-vous été en contact avec la compositrice et interprète originale de Je Crois, Jonatha Brooke ?
En effet. Elle est vraiment très gentille. Nous correspondons régulièrement par email. Elle m’a envoyé son dernier album en anglais et je lui ai envoyé ma version de sa chanson ainsi que certaines de mes chansons et j’ai été très touchée de ses compliments, d’autant plus que, comme je l’ai dit, mon interprétation est très différente de la sienne. Je lui ai ensuite dit que je préparais un album et lui ai demandé si elle avait éventuellement des chansons en français pour moi. Elle m’a alors fait parvenir la version européenne de son album, avec notamment des titres en français et nous devons maintenant nous recontacter pour une éventuelle collaboration. C’était très intimidant pour moi, mais maintenant je suis ravie de cette relation ! Le jour où j’ai reçu son premier email, j’ai littéralement sauté de joie !

Comment vous situez-vous maintenant par rapport à Disney et par rapport aux ambassadrices Disney comme Douchka ou Anne ?
Je ne me situe pas du tout dans cette mouvance des années 80-90. Par contre, il est clair que je resterai toujours une enfant de Disney. J’en chantais déjà pour mes amis toute petite et quand j’ai été choisie pour LA PETITE SIRENE 2, c’était vraiment inespéré ! C’est vraiment le seul concours de chant auquel j’ai participé et c’était pour Disney, et aujourd’hui, je me sens comme une artiste « indépendante », mais avec une grosse pensée pour Disney !

Entre les chansons Disney et vos propres chansons, les différents registres que vous pratiquez impliquent-ils des différences dans votre interprétation ?
Effectivement. Disney fait ressortir mon côté enfantin -il faut dire que je n’en suis pas encore très loin !- et ma voix rajeunit. C’est l’une des raisons pour lesquelle j’aime chanter ce genre de chansons : le fait de pouvoir changer de personnalité et de pouvoir retourner en trois minutes dans l’enfance et en ressentir toute l’émotion. Ma voix se transforme et devient beaucoup plus innocente. Dans mes autres chansons, ma voix me semble beaucoup plus mûre, à tel point que quand je les ai faites entendre à l’équipe Disney, ils ne m’ont pas reconnue ! Je pense qu’il est très important que les gens voient que je peux donner des choses différentes pour chaque chanson en fonction de ce que je ressens.

Votre famille semble également avoir beaucoup d’importance pour vous.
Mes parents, tout d’abord, jouent un rôle essentiel. S’ils n’étaient pas là, il est certain que je ne ferais pas ce métier. Ils sont à la fois très présents et très discrets. Ils sont toujours là quand j’ai besoin de conseil, pour savoir ce qu’il faut faire ou surtout ne pas faire. Je pense que ce sont les seuls capables de me dire sincèrement ce qui me va ou ne me va pas, tout ce qui a trait à mon image. Quand on fréquente beaucoup de personnes du milieu artistique, on a tendance a se perdre en copiant les autres. Le fait d’avoir mes parents me permet de grandir et de mûrir dans ce métier, tout en restant moi-même. En même temps, ils savent me faire confiance chaque fois que c’est nécessaire. Pour moi, le fait de les avoir auprès de moi est un avantage considérable. J’ai besoin d’avoir des gens que je connais autour de moi, d’être en confiance pour donner le meilleur de moi-même. Chaque membre de ma famille s’investit à sa manière. Ma soeur, Sabrina, est très franche. C’est important d’avoir quelqu’un qui donne son avis avec sincérité. Si elle ne peut me suivre partout, elle est toujours là dans les moments-clefs. Elle me fait connaître autour d’elle, collecte toutes les impressions des gens et m’en fait part. C’est comme cela qu’on avance. Quant à mon frère, il est un peu plus en retrait physiquement, mais tout aussi présent. Dans la famille, on est un peu avare de compliments, un garçon d’autant plus. C’est pour cela que ses encouragements me font toujours énormément plaisir. Ma famille est donc tout à la fois une protection et un encouragement. Si je ne les avais pas, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience de la scène ?
Il s’agit tout à la fois de grands bonheurs et de galères. J’ai chanté principalement en Corse pour des premières parties d’artistes comme Dave, Michael Jones, Lio, Patrick Bosso, Umberto Tozzi, Anthony Kavanagh ou Gilbert Montagnié. Cela m’a également permis de rencontrer des artistes comme Patrick Bruel ou Michel Mallory et de m’inspirer de l’expérience de tous ces grands professionnels. J’ai pu également faire la connaissance de David Hallyday à l’occasion de la promotion de LA PLANETE AU TRESOR, grâce à Disney. C’est à la fois incroyable et passionnant ! D’un autre côté, cela m’a permis de me trouver confrontée à différentes scènes, différentes sonos… et différentes galères. Je me suis retrouvée parfois avec le câble dans une main et le micro dans l’autre, ou encore la sono ne marchant pas 10 minutes avant de monter sur scène,… mais c’est comme cela qu’on apprend et on y prend maintenant à la rigolade ! C’est ce côté Disney qui ne me quittera jamais ! Un soir, nous étions plusieurs chanteurs à partager une scène. Il y avait là Francis Lalanne, Nathalie Cardone, Thierry Obadia, Phil Barney et Michel Mallaury. Nous passions l’un après l’autre avec notre chanson et le soir, nous sommes allés manger ensemble. Là, nous nous sommes tous mis à chanter des chansons Disney. Francis a chanté LE BOSSU DE NOTRE DAME, moi LA PETITE SIRENE, et plein d’autres comme MULAN. Cela montre bien l’impact de ces chansons, que ce soit auprès du grand public, mais également auprès d’artistes confirmés. Ce fut aussi une très grande émotion quand Francis Lalanne m’a dit « mes enfants sont de grandes fans de toi ! » . Il avait la cassette de LA PETITE SIRENE 2 et l’entendre me dire cela, ce fut incroyable !

Thierry Obadia est au coeur de votre prochain album.
Il se trouvait en effet à la même table, à chanter lui aussi des chansons Disney. Sa voix m’a personnellement beaucoup touchée et comme il était à cette époque en train de travailler à un duo, il m’a invitée à Toulouse pour y travailler avec lui. J’y suis donc allée cet automne. La première expérience n’a pas vraiment accroché, mais nous avons tenté un second duo, Le Même Sang et l’alchimie a fonctionné. De là est né le projet d’un album, en parallèle à ma tournée, et une équipe s’est formée autour de cela. Thierry m’a présenté son producteur, Francis Delmas, ancien producteur de Gold, l’ingénieur du son Bruno Milonas et tout le monde est venu ici en Corse pour travailler à 6 titres, en plus de ceux de Michel Mallory, avec qui je suis toujours en contact, et je compte bien mettre une ou deux de ses chansons dans l’album. Je pense que, juste après PETER PAN 2, un single devrait sortir.

Comment voyez-vous l’avenir ?
Mon rêve serait de chanter en anglais le générique d’un film américain ou une chanson avec grand orchestre, un peu dans le style d’Alan Menken ou de James Horner, qui font partie des mes compositeurs préférés. Le doublage m’intéresse aussi toujours beaucoup car j’ai aussi une âme de comédienne. J’essaie au maximum de me diversifier : je viens d’ailleurs de me mettre au piano et à la danse, afin de m’ouvrir à toutes les disciplines artistiques…

La séquence "Je Crois" sur You Tube: http://fr.youtube.com/watch?v=e9XddoFCwf8
Entretien réalisé pour la première sortie du film en vidéo, en janvier 2003.

vendredi, août 15, 2008

WALL-E: Entretien avec l'animateur Victor Navone

"Objets inanimés, avez-vous une âme?" La réponse à cette célèbre question de Lamartine est "oui" sans hésiter quand il s'agit de Wall-E. Si ses congénères sont inanimés à plus d'un titre, c'est bien une âme qui se dessine derrière les deux optiques de ce petit robot.
Une âme que l'on doit notamment à ses animateurs (littéralement, pourvoyeurs d'âme!) qui ont su donner cette personnalité irrésistible et ô combien touchant à un simple assemblage de métal.
Eh bien, c'est tout le génie des artistes de Pixar que d'avoir su nous émouvoir avec Wall-E, et parmi eux, Victor Navone, génie de l'animation autodidacte, que nous avons eu le privilège d'interviewer pour vous!

Pouvez-vous nous parler de votre parcours à Pixar?
J'ai commencé chez Pixar en 2000 dan le département de Développement pour travailler sur un projet qui a finalement été supprimé. A partir de là, j'ai rejoint le départment Animation pour travailler sur Monstres & Cie, et j'y suis resté depuis. J'ai participé au Monde de Némo, Les Indestructibles, un petit peu de Ratatouille et beaucoup de Wall-E. Je suis en train de co-réaliser des spots pour Disney Channel avec les personnages de Cars. Chaque film sur lequel j'ai travaillé a son propre style, ses propres règles et ses propres défis. Sur Monstres & Cie, j'ai appris à animer dans le cadre d'une grande production. Sur Némo, nous avons dû apprendre comment faire en sorte qu'un poisson donne l'impression qu'il évolue dans un milieu aquatique, ce qui signifiait rompre avec certaines des règles d'animation que nous avions apprises. Les Indestructibles a été notre premier film impliquant des humains comme personnages principaux, ce qui fait que nous avons dû faire pas encore plus de recherche et de planification. Les personnages de Cars étaient beaucoup plus simplifiés, bien sûr. De fait, le challenge était de trouver des moyens de leur permettre de s'exprimer sans membres ni colonne vertébrale, tout en respectant leur spécificité de voitures. Ratatouille a demandé un emploi du temps très ramassé et une maîtrise de l'animation de personnages très organiques. Sur Wall-E, enfin, ce fut un challenge assez proche de celui de Cars, sans le luxe de dialogues et de contrôles faciaux.

Vous avez absolument tenu à travailler sur Ratatouille, en dépit de ce timing très précipité. Vous avez animé la scène de patins à roulette entre Linguini et Colette (esquisses ci-dessous)
Comme je l'ai découvert sur Les Indestructibles, travailler avec Brad Bird est une expérience fantastique. Je savais que Ratatouille serait un film génial et je ne voulais pas qu'il m'échappe totallement!

Cela fut-il un choix personnel de travailler sur sur Wall-E?
Après Cars et un projet publicitaire, j'ai littéralement imploré Pixar de me prendre sur Wall-E! J'avais entendu dire combien c'était un film différent. Je suis un vrai fan de science fiction et il me semblait que ce film me correspondait parfaitement. Je cherchais également à participer le plus tôt possible à un film afin de pouvoir avoir le plus grand impact du point de vue créatif.

De votre point de vue, quels défis, tant techniques qu'artistiques, représentait Wall-E?
Nous avons commencé par essayer de faire en sorte que Wall-E et tous les autres robots ressemblent à des machines avec des tâches spécifiques. Puis nous nous sommes inquiétés de la façon dont nous pourrions les faire ressentir des choses et s'exprimer. Il fut souvent difficile de rendre leur processus de pensée clair et nous avons sans cesse essayé de trouver des mouvements qui soient propres à la physiologie de chaque robot, de telle sorte que leur animation ne se réduise pas à une simple imitation de mouvements humains.

Dans The Art of Wall-E, Andrew Stanton, le réalisateur, a écrit: "tous les éléments essentiels pour produire un film jouent un rôle vitale et unique dans la narration. Si vous en retirez un (dans notre cas, ce fut les dialogues qui ont été drastiquement réduits), les éléments restant doivent combler le vide. Le travail sur la communication devient alors un impératif dans chaque détail." Les dialogues vous ont donc été quasiment supprimés, mais également certains paramètres fondamentaux de l'animation comme le "squash and stretch" (la déformation de personnage) dans la mesure où il s'agit que de créatures de métal. Comment avez-vous géré ces contraintes?
Aussi impressionnant qu'il paraisse, c'est vraiment le genre de défin que les animateurs adorent! Nous aimons donner vie à des objets inanimés et raconter des histoires du point de vue visuel plutôt qu'avec des dialogues. Luxo Jr. en est le parfait exemple, et ce personnage a beaucoup de points communs avec Wall-E. Wall-E est le premier film pour lequel nous avons véritablement pu explorer l'idée de pantomime à grande échelle, sachant que nous avons toujours travaillé là-dessus dans le passé. Il y a toujours une dimension non-verbale dans nos productions. Simplement, le public s'en rend davantage compte quand on lui retire les dialogues. Pour nous y préparer, nous nous sommes plongés dans toutes sortes de films muets, particulièrement ceux de Buster Keaton et bien sûr ceux de Charlie Chaplin. Ils nous ont été d'une grand inspiration en termes de mise en scène et de communication d'idées et de situations complexes sans le secours des dialogues ou même d'expressions faciales. En tant qu'animateurs, nous imaginons tous ces dialogues intérieurs dans notre têtes avant d'essayer de jouer ce dialogue visuellement à l'intérieur d'une séquence d'actions claire du point de vue de la communication. Par exemple, quand Wall-E découvre le laser rouge sur le sol, sa première réaction est la curiosité, puis il a un petit peu peur quand le point se met à bouger. Tandis qu'il le poursuit, il essaie de le saisir dans ses mains, puis il commence à penser que le point essaie de jouer avec lui, alors c'est Wall-E qui essaie de lui faire peur pour s'amuser! C'est alors que commence la course-poursuite. Pour cette séquence, j'ai essayé de donner à Wall-E une progression de pensée et d'émotions naturelle. J'ai également utilisé la métaphore du chat poursuivant un jouet pour établir un lien à la fois plus réaliste et plus amusant avec le public.

Avez-vous également étudié de vrais robots?
Nous avons fait beaucoup de recherches et d'observation de vrais robots et de machines en tous genres pour établir un vocabulaire du mouvement mécanique. La mission d'Andrew était de faire en sorte qu'on ait une vision claire de l'emploi fonctionnel de chaque robot en premier, et de la personnalité en second. A partir de là, nous avons fait des tests d'animation pour chaque robot pour essayer de trouver leur personnalité et en même temps les rendre vraiment mécaniques. Parfois, il ressortait de ces tests des idées que le réalisateurs aimait et souhaitait utiliser dans son film.

A cette époque, vous veniez tout juste d'avoir votre deuxième enfant. Vous êtes-vous inspiré de sa façon de communiquer, au-delà des mots, pour animer Wall-E?
Pas du tout de ce point de vue. Son inspiration fut toute autre! On m'avait confié la scène où Wall-E se réveille le matin et essaie de mettre ses chenilles comme on le ferait pour des pantouffles. A cette époque, je ne dormais pas beaucoup, précisément à cause du bébé. De ce fait, j'avais une certaine expérience du fait de tourner dans ma maison dans le noir, à moitié endormi, butant sur toutes sortes d'objets! Ce qui me fait dire que, pour moi, Wall-E n'a pas les expressions d'un bébé mais plutôt d'un enfant. Il est innocent. Je pense que c'est ce qui le rend si touchant car il est toujours amusant et intéressant de voir le monde avec des yeux d'enfant!

Comment avez-vous animé Wall-E?
Ce serait plus facile de vous le montrer que de vous l'expliquer, mais je vais essayer! Avec un personnage aussi limité que Wall-E ou Eve, vous devez plutôt compter sur des changements subtils et sur le timing dans la mesure où vous n'avez pas de membres ou de moyens d'expression faciaux pour permettre au public de comprendre le sens de leurs attitudes. Vous pouvez seulement suggérer cette attitude par l'inclinaison de la tête, le plissement du cou et la position de ses épaules, mais le mouvement est ce qui "vend" réellement l'idée. Les changements entre deux poses sont aussi importants que la pose en elle-même. Les Muppets sont en cela en très bon exemple. Ils n'ont pas d'expression faciale complexe –il s'agit la plupart du temps d'une bouche qui s'ouvre et se ferme –et souvent, ils n'ont même pas de mains expressives. Mais en se basant simplement sur la vitesse de leurs mouvements, l'angle du corps et l'angle de leur tête par rapport à leur corps, on peut dire ce qu'ils ressentent, même quand il n'y a pas de son.

A la différence de la méthode d'animation traditionnelle avec un animateur superviseur par personnage, chaque animateur de Pixar avait en charge une séquence complète, avec tous les personnages que cela implique.
C'est bien ainsi que nous fonctionnons chez Pixar sur chaque film. C'est génial parce que cela nous permet de travailler sur toutes sortes de personnages et de trouver ainsi nos forces et nos préférences. Au final, un ou deux animateurs vont présenter une forte adéquation avec un certain personnage et ils deviendront le superviseur non-officiel de ce personnage. Le réalisateur utilisera souvent leur travail comme référence et les autres animateurs pourront aller les voir pour avoir des conseils. Il dépend du réalisateur et des animateurs superviseurs que toutes les animations d'un même personnage soient cohérentes pour l'ensemble du film. Bien évidemment, deux animateurs n'auront jamais la même solution pour une scène, mais s'ils utilisent le même vocabulaire au niveau des mouvements pour decrire cette solution, l'animation aura cette cohérence.


Comment travaillez-vous sur une scène?
Nous commençons généralement par les storyboards ainsi qu'avec la version "layout" de la scène qui contient la caméra digitale (CG camera), l'environement et les accessoires prêts pour l'animation. Le réalisateur vous explique ce qu'il souhaite qu'il arrive dans cette scène et quels sont les moments forts de l'histoire et des émotions. A partir de là, je planifie généralement ma scène au travers d'esquisses et de croquis qui me permettent d'établir les poses que je réalise ensuite sur ordinateur. Parfois, quand j'ai une idée vraiment précise en tête, je passe tout de suite sur l'ordinateur. Une fois qu'il y a assez d'éléments dans ma scène pour exprimer mes idées, je la présente au réalisateur pour avoir son avis. Il me fait ses commentaires et j'y travaille de nouveau pour faire les ajustements nécessaires en fonction de ce qu'il m'aura dit. En général, je lui présente une scène 3 à 4 fois avant qu'elle soit définitive.


Quelle fut votre séquence la plus difficile?
La séquence la plus difficile fut celle où Eve réactive Wall-E et s'aperçoit qu'il a perdu la mémoire. Wall-E en lui même était assez simple à faire –à ce moment, c'était juste une machine sans personnalité. Mais Eve fut beaucoup plus difficile. J'ai dû planifier toute ces séquence en fonction de ses émotions et de comment elles allaient évoluer sur plus de 13 plans. J'ai donc fait un plan de la séquence dans son entier et pointé son état émotionel pour chaque plan. Puis je me suis interrogé sur la façon de communiquer tout cela à travers son langage corporel et la forme de ses yeux. J'ai beaucoup travaillé en partenariat avec le réalisateur et j'ai fait beaucoup de changements. Il avait une idée très précise de la façon dont il souhaitait que cette séquence évolue et je devais coller le plus possible à cette vision. Souvent, il m'a demandé d'en faire moins ou d'aller moins vite car il ne fallait pas qu'elle soit frustrée ou triste trop tôt. Il voulait qu'elle ait un véritable cheminement émotionel pour en arriver à un point, une émotion très précis, toute une série d'étapes très précises avant qu'elle en arrive à l'affliction. Ce fut un équilibre très difficile à trouver. Au final, cette séquence va tellement vite que même moi, j'ai du mal à remarquer tout le travail que j'y ai fait!

Quelle fut votre séquence préférée?
Probablement celle durant laquelle Eve est en veille et où Wall-E et elle sont sur un banc à admirer le coucher de soleil tandis qu'il essaie de lui prendre la main. Andrew m'a laissé toute latitudde pour explorer cette action et la jouer comme un gars qui va à son premier rendez-vous et qui essaie de mettre son bras autour du cou de la fille! Pour cela, j'ai dû aller beaucoup plus loin que ce qui était prévu sur le storyboard!


Comment est-ce, de travailler avec Andrew Stanton?
Andrew est génial. C'est vraiment quelqu'un d'ouvert à toutes les bonnes idées, d'où qu'elles viennent. Il m'a souvent permis d'ajouter du temps à un plan afin que je puisse y inclure davantage d'idées au niveau du jeu d'acteur et du divertissement. En tant qu'animateurs chez Pixar, nous échangeons toujours directement avec le réalisateur, pour avoir son avis sur nos interprétations. Comme des acteurs dans un film en prises de vue réelles!

Beaucoup d'artistes Pixar ont une vie artistique en dehors de l'animation. Qu'en est-il pour vous?
Je n'ai pas vraiment de projet artistique en dehors de Pixar parce que je n'en ai pas le temps. Ma famille et mon travail m'occupent à plein temps. Je dessine un peu et j'apprends la guitare, mais c'est tout. Je donne aussi des cours sur AnimationMentor.com, ce qui me demande beaucoup de mon énergie créative en dehors de Pixar.

Vous avez fait une partie de vos études en France. Comment cela s'est-il passé?
J'ai passé ma cinquième année d'études supérieures à Bordeaux, principalement parce que je cherchais un prétexte pour aller dans un pays étranger et m'amuser avant de trouver un job. J'ai fait mes études en Arts et non en animation. J'ai appris l'animation par moi-même et tandis que mon diplôme en Arts m'a servi au début de ma carrière, l'enseignement que j'ai reçu ne m'a pas beaucoup aidé. J'ai dû combler ces lacunes par moi-même au fin des années. En tout cas, j'ai beaucoup aimé la France et j'ai beaucoup appris en termes de relation aux autres. Je recommande à tous de vivre dans un pays étranger, tout spécialement aux Américains!

Sur votre signature, on peut lire "2-4D artist". Que voulez-vous dire par là?
Quand je créé des œuvres sur ordinateur, c'est en 2D et en 3D. La quatrième dimension, c'est le temps. C'est ce qui rend l'animation possible. Et mon travail en 3D et 4D est très influencé par les principes de l'art 2D, spécialement en matière de composition, de design et de pose.



Artworks by Victor Navone, all rights reserved. Illustrations (c) Disney/Pixar

vendredi, août 08, 2008

WALL-E: Entretien avec Tim Hauser, auteur du livre "The Art of Wall-E"

Les livres "Art of..." (l'art de...) sur les films Pixar sont devenus une tradition. C'est une façon pour le studio qui a créé le premier film entièrement en images de synthèse de rappeler que leurs films ne sont pas dû uniquement à la dernière technologie, mais qu'ils parlent aussi d'art. De The Art of Monsters, Inc à The Art of Ratatouille, Chronicle Books a accompagné les efforts de Pixar pour faire partager cet art, et The Art of Wall-E ne fait pas exception à la ligne éditoriale de ces livres toujours appréciés.
Dans ce dernier livre, Tim Hauser, écrivain, créatif exécutif et producteur dans l'animation depuis plus de vingt ans, est allé en coulisses pour nous rapporter l'histoire de Wall-E et de son monde, de la manière dont il a été imaginé et créé jusqu'à ce qu'il vienne à la vie sur nos écrans. La très rare utilisation de dialogue dans le film a été un très gros défi pour l'équipe, car pour pouvoir communiquer des émotions comme l'humour, la tristesse, l'amour etc. il a fallut user de tous leur talent en matière de pantomime.
Pour en arriver à ce résultat, des dizaines de dessins préparatoires ont été réalisés, et le livre contient une myriade de ces "arts": storyboards, pastels, dessins numériques ou au crayon, études de personnages, scripts couleur et plus encore, agrémentés des explications de Tim présentant de nombreuses citations du réalisateurs, des artistes, animateurs et de l'équipe de production.
Ce livre est le compagnon artistique parfait du film qui a encore repoussé les limites de l'animation.



Tim, avez travaillé dans de nombreux aspects de l'animation. Mais comment tout cela a-t-il commencé pour vous?
J'ai commencé en tant qu'animateur à ma sortie de CalArt, puis j'ai travaillé comme auteur, créatif exécutif, et producteur dans l'industrie de l'animation, avec des emplois chez Walt Disney, Warner Bros et à la Fox. J'ai contribué à des productions telles que Beauty and the Beast, The Brave Little Toaster, et FernGully; The Last Rainforest, et j'ai créé l'histoire originale du dessin animé de Mickey nommé aux Oscars: Runaway Brain. J'ai aussi été éditeur pour le site SaveDisney.com de Roy E. Disney et Stanley Gold.
En plus du livre The Art of WALL-E, j'ai écrit The Pixar Treasures, qui doit être publié par les Editions Disney en 2009, et je suis aussi en plein travail pour The Art of Up pour Chronicle Book toujours pour 2009.


Comment en êtes-vous venu à écrire un livre d'art sur Wall-E?
J'ai connu à CalArt Ralph Eggleston, designer de production et Andrew Stanton, le réalisateur. Tous les deux ont aimé mes articles en ligne et ont été très gentils de me recommander pour le livre.

Comment avez-vous écrit ce livre?
Le processus pour le début de ce livre commence avec une idée pour le texte inspiré par une projection du story reel et une avant première des artworks de la production. Puis une série d'interviews a été arrangée avec des personnes clefs de l'équipe des créatifs, où j'ai pu sonder les créateurs du films alors qu'ils étaient simplement en milieu de production. Ensuite tout n'est plus qu'une question d'écriture et de réécriture.

Avez-vous été un simple observateur ou avez-vous eut l'occasion de discuter de différentes choses sur le film ou même de faire des suggestions qui ont contribué à la création du film?
Un observateur. Mon rôle est de transmettre aux lecteurs les intentions des créateurs du film en resituant cet art merveilleux dans son contexte.

Au regard de votre expérience en matière de production de film, qu'est-ce qui, pour vous, rend Wall-E si spécial?
Au travers de l'utilisation de pantomimes, Wall-E perpétue la tradition des histoires visuelles qui remonte aux acteurs des films muets par le biais des maîtres de l'animation.

Comment avez-vous sélectionné les œuvres qui allaient figurer dans votre livre sachant que Wall-E est un des films qui a demandé le plus grand nombre de dessins préparatoires?
Pour cela, il faut remercier le talent merveilleux de l'équipe de Wall-E. La sélection et la mise en page des matériels visuels a été le travail du designer de livre Laura Lovett, sous le regard d'artiste de Ralph Eggleston et de Kat Chanover, la manager de publication de Pixar. J'ai en fait fourni le texte qui est ma déclaration d'amour pour cet art de raconter des histoires visuellement!

Quel fut le processus pour rencontrer les artistes et examiner leurs artworks?
En fait, l'équipe entière de Wall-E n'aurait pas pu être plus impliquée. La passion de la création d'Andrew et l'enthousiasme pour son travail se ressent dans son cinéma. Et ce film me fait monter les larmes aux yeux (dans le bon sens), et ce déjà quand je n'en connaissais que l'histoire. J'ai vraiment beaucoup apprécié la relation de travail avec Pixar. Etant un des rares studios formant les artistes, Pixar exsude une générosité d'esprit, une joie de vivre et partage une certaine vision de la création à tous les échelons. A Emeryville, on est entouré par de l'art et des idées. C'est un peu comme un "Camelot" du dessin animé. Souvent, le travail le plus inspiré créé pour n'importe lequel des films d'animation est celui généré durant la pré-production, et je suis reconnaissant à Chronicle Books de m'avoir permis de présenter ces esquisses au public dans leur série de livres "Art of".

Actuellement dans l'animation, il semble y avoir beaucoup moins d'artworks créés sur papier, car même les concept-arts utilisent la voie du numérique (y compris les storyboards, faits avec le Cintiq). Que pensez-vous de cet aspect du développement des films d'animation?
Même si les programmes de story reels offrent beaucoup d'avantages dans la prévisualisation d'un film et son découpage, j'ose espérer que les storyboards traditionnels et les talents de dessinateur demeurent dans la boîte à outil des artistes. La spontanéité, la performance et l'invention partagée seront toujours essentielles pour créer une histoire visuellement, à partir d' éléments clefs qui ne peuvent être générés par les seuls scripts ou par des mises en scènes imaginées tout seul dans son coin.

Si vous pouviez choisir un seul artwork du film, quel serait-il et pourquoi?
Je suis particulièrement sous le charme du concept du vaisseau spatial "Axiom", avec son environnement ultramoderne destiné contenir l'échec de la vision utopique de l'humanité.


Lorsque votre livre a été planifié pour sortir avant la sortie sur les écrans du film, qu'en était-il du fait de publier quelques spoilers comme le design des "Gelatins", les études préparatoires des humains de l'Axiom?
J'ai averti mes amis d'acheter le livre dès sa sortie, bien entendu, mais de ne pas le lire réellement avant qu'ils aient vu le film! Nous avons tous besoin d'avoir quelques surprises plaisantes dans la vie, et regarder Wall-E sur grand écran en fait partie.

Il y a de nombreuses références à Walt Disney lui-même dans votre livre et à son “great, big, beautiful tomorrow”.
Il y a beaucoup de Walt Disney en Pixar. Sur de nombreux points, ce sont les studios qui suivent le plus les traditions de Walt de créativité et de qualité qui les emmènent vers de nouveaux mondes et de nouvelles technologies. Ils sont devenus les avocats de notre principale culture pour l'enfant qui est en nous.
Plus particulièrement, dans The Art of WALL-E, les membres du département d'art de Pixar expriment leur admiration pour le futurisme optimiste de Walt Disney dans son Tomorrowland de 1967, et ils décrivent la façon dont ce design a influencé leur concepts pour Wall-E. Je rêve qu'un jour, ce parcours d'inspiration termine son cycle et repasse alors de l'Axiom à Anaheim!


Traduction signée Scrooge. Avec nos remerciements!
Merci également à April Whitney (Chronicle Books) et à Cobain (http://artofdisney.canalblog.com/)

dimanche, août 03, 2008

GRAND CONCOURS WALL-E: Gagnez des cds de la bande originale!

Media Magic et Walt Disney Records/EMI Music France ont le plaisir de vous inviter à participer à notre concours exceptionnel

WALL-E
afin de gagner des B.O. du film, composée par Thomas Newman (Le Monde de Nemo).
Pour participer, cliquez sur le cd!