vendredi, août 29, 2008

LES 101 DALMATIENS 2 EDITION EXCLUSIVE : Entretien avec le compositeur Richard Gibbs

Les suites Disney en vidéo sont un lieu de polémiques. D’aucuns diront qu’il ne s’agit que de surfer sur la vague du succès d’un film en salles pour empocher plus d’argent, à n’importe quel prix. Et pourtant, il suffit, parfois, de parler avec les créateurs pour mesurer la sincérité de leur engagement et de leur enthousiasme.
C'est le cas des 101 DALMATIENS 2 : SUR LA TRACE DES HEROS (PATCH’S LONDON ADVENTURE) Être à la hauteur du monument de 1961 était un défi de taille qu’ont relevé Jim Kammerud (LA PETITE SIRENE 2) et Brian Smith, deux jeunes réalisateurs qui travaillent ensemble depuis plus de dix ans, tous deux fans du film original. « LES 101 DALMATIENS fut créé par des artistes de Disney au sommet de leur art. Quand on sait comment fonctionne l’animation, il est très facile de constater qu’ils se sont vraiment amusés à dessiner ce film. Il nous a donc fallu ingérer tout leur style, tout leur savoir-faire, toute leur perception des choses pour mieux stimuler notre inspiration, précise Brian Smith. » Un vrai défi à la créativité, comme l’explique Jim Kammerud : « D’une certaine façon, l’approche du premier film est exactement à l’opposé de ce qui se fait généralement en matière d’animation. D’ordinaire, nous essayons de faire en sorte que les décors soient les plus simples possible. Avec LES 101 DALMATIENS, c’est tout l’inverse. Comme ce genre de découverte a toujours amélioré la créativité des artistes, notre travail sur LES 101 DALMATIENS 2 : SUR LA TRACE DES HEROS est donc devenu de plus en plus riche. Nous ne serions jamais parvenus à ce résultat si nous n’avions pas compris l’approche artistique du film original. »
L’un des problèmes communs à bon nombre de suites vidéo vient de l’absence d’unité du développement, l’absence d’une direction forte donnée par une équipe soudée. Certaines suites sont ainsi passées par de multiples réalisateurs et de multiples scénarios avant d’aboutir. Cela a pu, certes, porter préjudice à quelques films précédents –y compris destinés au cinéma-, mais le succès de LILO & STITCH a re-montré toutes les vertus d’une vision forte et homogène donnée par des créateurs engagés à tous les niveaux de la production. C’est le cas de LA PLANETE AU TRESOR ; c’est le cas des 101-2 avec deux réalisateurs qui sont en même temps scénaristes et qui ont le sens du travail d’équipe, comme le souligne Brian Smith : « Entre artistes, nous nous nourrissions de notre créativité mutuelle. Un film est un processus de collaboration et chacun apporte sa contribution. »
Travail d’équipe, respect de la tradition, originalité et ambition artistique, c’est ce que l’on ressent également à travers les propos que nous a confiés le compositeur Richard Gibbs, dont le choix sur ce film n’est pas anodin.


Après LA REINE DES DAMNES ou encore LES SIMPSON, votre participation aux 101 DALMATIENS 2 peut paraître surprenante.
Je ne vois pas pourquoi vous pourriez être surpris. J’ai déjà fait la musique de plusieurs dessins-animés et d’un certain nombre de films Disney en prises de vue réelles. Je crois même que j’ai davantage travaillé pour Disney que pour n’importe quel autre studio. J’apprécie beaucoup les gens qui y travaillent et j’ai trouvé le projet des 101 DALMATIENS 2 pourrait être très amusant. Il est vrai que, si l’on considère le ton des SIMPSON, cela peut paraître surprenant du point de vue de Disney, mais pas du mien. J’adore élargir sans cesse ma palette, écrire dans des styles toujours différents en étant fidèle à chaque style. Certains compositeurs ont un son propre et sont toujours fidèles à ce style. Il ne s’en écartent jamais beaucoup. Cela ne me pose pas de problème ; j’admire tout autant ces compositeurs. Mais, personnellement, j’adore me plonger dans des univers totalement différents à chaque fois. LA REINE DES DAMNES n’a rien à voir avec LES 101-2 et LES 101-2 n’a rien à voir avec I SPY, une comédie d’action dont je viens de terminer la musique. Je recherche vraiment cette diversité et les gens de Disney le savent. J’ai quelques amis au sein de leur département de musique et j’y ai la réputation de quelqu’un d’original. Quand ils veulent quelque chose qui sorte de l’ordinaire, de décalé, c’est là que mon téléphone sonne ! Et c’est ce qu’ils voulaient sur ce projet. De plus, je n’avais jamais composé pour un long-métrage d’animation auparavant, ce qui fait que c’était une opportunité des plus intéressantes. Je suis arrivé sur ce projet il y a environ deux ans, juste avant que ne commence la production de l’animation, à l’époque où le film n’existait que sous la forme d’un storyboard parce qu’ils voulaient également avoir certaines musiques avant d’animer.

Quelles sont les scènes dont la musique a été créée en premier ?
En particulier le générique d’ouverture. Il y a également la chanson du milieu du film, Try Again, que j’ai co-écrite avec Dean Pitchford (FAME). Il y a deux autres scènes pour lesquelles on m’a demandé d’enregistrer la musique en premier, simplement pour leur donner une idée de ce que nous pouvions faire, comme une musique temporaire, et que j’ai révisée pour l’enregistrement définitif.
Que pensez-vous de la partition de George Bruns pour le film original ?

Elle est vraiment brillante. Elle est aussi très caractéristique. C’est un film unique dans le panthéon de Disney. Il ne sonne ni ne ressemble à aucun autre dessin-animé. L’animation est également totalement différente, tout comme les décors. D’ailleurs, Jim et Brian ont beaucoup travaillé sur ces questions. L’apparence visuelle du film ne ressemble pas aux autres suites ; elle a été autant travaillée que pour une sortie en salle. Pour revenir à la musique de George Bruns, les autres partitions de Disney sont plus rondes et faciles à écouter, alors que celle-là est plus anguleuse et plus ‘avant-garde’. Matt Walker m’a demandé de ne surtout pas essayer de l’imiter et de trouver ma propre voie.

Disney voulait donc quelque chose qui sorte de l’ordinaire. En quoi est-ce le cas de ce film ?
La différence vient du fait que Disney voulait quelque chose de très spécifique, de très caractéristique. Le film original faisait lui appel à une musique très originale, dans le style jazz du début des années soixante. Ils voulaient donc quelqu’un qui parte de cela pour l’actualiser dans de grandes pièces orchestrales, mais avec une touche de folie. Le générique d’ouverture en témoigne beaucoup mieux que les mots : c’est exactement ce qu’ils voulaient, proche du style d’Escobar. On retrouve d’ailleurs cette touche cubaine et ‘space jazz’ tout au long du film.

Matt Walker (VP de la musique pour DisneyToon Studios) a déclaré à votre sujet : ‘Richard Gibbs a vraiment saisi les différents rythmes du dessin-animé, alternant entre les scènes d’action des séquences ponctuées de rythmes jazz et des morceaux magistraux.’
L’animation est la forme la plus savante pour laquelle composer. On se doit d’être très spécifique et de saisir le moindre mouvement, un battement de paupières, un signe de la tête, un geste de la main. Il faut donc être très rigoureux dans son écriture, et très astucieux, afin de trouver le bon tempo, les bons accents et tout ce que l’on doit souligner. C’est un travail que j’avais déjà fait et c’est sans doute le plus intense et le plus difficile qui soit en composition.

Votre musique pour LES 101-2 peut se diviser en trois styles : la musique de comédie, la musique d’action et le jazz. Quel fut votre approche de la comédie dans ce film ?
A l’intérieur du registre de la comédie, chaque film demande une approche spécifique en ce qui concerne l’orchestration ou le rythme. J’essaie d’aborder chaque film comme un interprète et non comme une star. Comme je l’ai dit, certains compositeurs excellent dans un seul style, et c’est pour ce style qu’on fait appel à eux. Il s’agit davantage pour moi de rentrer dans le film comme un personnage. C’est quelque chose qu’un compositeur comme John Debney réussit à merveille, il est très souple. J’ai une personnalité différente de celle de John mais nous partageons cette flexibilité. Lorsque j’ai écrit la partition des 101-2, il ne m’est jamais venu à l’esprit de songer à une de mes précédentes musiques. Je n’aime pas refaire les mêmes choses, d’autant plus que ce film ne ressemble à aucun autre auquel j’ai participé auparavant. C’est pourquoi je libère mon esprit et je démarre de zéro. Mon thème préféré est celui du générique d’ouverture, qui est le thème principal de comédie que l’on retrouve tout au long du film et je l’ai écris en surfant. Il m’est venu alors que j’étais dans l’eau sur ma planche de surf. Je me suis rué tout mouillé sur la première cabine téléphonique en bout de plage pour appeler chez moi et chanter cette mélodie sur mon répondeur. Puis j’ai chanté l’accompagnement afin de ne pas l’oublier. Puis je suis retourné dans l’eau pour surfer à nouveau avant de rentrer chez moi pour écouter ce que j’avais enregistré. Cela ressemblait à un petit cadeau qui m’attendait : ‘tiens, voyons comment cela sonne !’. Je l’ai écrit et c’est devenu la musique d’ouverture du film !


Est-ce que le fait que l’histoire se déroule à Londres vous a inspiré ?
Il n’y a vraiment qu’une seule scène dans laquelle cet aspect apparaît. Je n’ai pas du tout cherché à avoir une approche ‘british’ de la partition. Il y a une ou deux allusions à la musique du film original, qui avait une jolie touche jazzy, mais c’était une musique typique des années 60 et je ne voulais pas que la mienne soit un retour en arrière. L’accent, ici, a été mis sur la diversité des styles avec, en plus du jazz, de grandes pages orchestrales, ou bien encore un peu de rockabilly pour la chanson. Par contre, l’enregistrement a bien eu lieu à Londres, à Lyndhurst, et ce fut génial.

La séquence de l’épisode de QUI VA TRIOMPHER ? (THUNDERBOLT ADVENTURE HOUR) a été un véritable challenge pour l’équipe du film, comme le souligne le réalisateur Brian Smith : ‘La plus grande difficulité du noir et blanc consiste à conserver l’intégrité d’un personnage dans un environnement quel qu’il soit. Les formes, les lignes et les nuances sont beaucoup plus limitées que dans un monde en couleurs. En animation, perdre la couleur signifie perdre un outil. Tout devient dès lors plus compliqué.’ Comment avez-vous traité le paramètre de la couleur dans la musique de cette séquence ?
Ce fut la séquence la plus difficile à mettre en musique. Cela m’a pris du temps pour saisir ce que voulaient les réalisateurs et Matt Walker. Je n’étais pas assez original. Et s’il y avait une séquence de ce film que je pouvais refaire, ce serait celle-là. Je pense que j’aurais pu aller plus loin. Il s’agissait d’évoquer les séries télé animalières des années 50 comme Rintintin, et c’est le cas, mais je suis resté dans des harmonies modernes tout en les associant à des éléments inspirés d’Aaron Copland. Par contre, je pense que le thème d’Ouragan, originellement chanté, et qui faisait également partie des éléments pré-enregistrés, correspond parfaitement à l’époque et fonctionne très bien.

Pouvez-vous nous parler de la fameuse séquence de l’autobus à impériale conduit par les chiens en plein centre de Londres, avec ses 90 musiciens ?
Nous l’avons enregistrée en mars dernier. Auparavant dans le film, dans l’épisode de QUI VA TRIOMPHER ?, on assiste à une scène d’action dans un train avec un méchant qui essaie de blesser Ouragan avec un fouet. Et l’on retrouve la même chose à la fin du film à la différence que c’est maintenant Patch qui se trouve dans la même situation que son héros, Ouragan, qu’il ne s’agit plus d’un train mais d’un bus, et plus d’un méchant de télévision mais de Cruella D’Enfer, et les réalisateurs voulaient établir le parallèle entre les deux scènes par la musique. Ce qui fait que la musique de cette séquence est la même note pour note que celle de la série télé, si ce n’est qu’elle est largement développée. Mais le concept central était de ramener la série télé à la mémoire via la musique.

Une musique de cette dimension pose vraiment la question de la qualité des suites vidéo, souvent décriées. Qu’en pensez-vous ?
J’en ai vu quelques-unes qui étaient bonnes et d’autres qui ne m’ont pas vraiment impressionné. Mais le fait est que depuis que Matt Walker s’en occupe, les musiques de ces suites disposent de moyens comparables à ceux débloqués pour les grands classiques qui sortent en salles. L’approche de Disney Toon Studios en la matière est la même que pour ces films et ils demandent au compositeur de faire de même. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai jamais songé au fait que ce film était destiné à la télévision. Je savais que c’était pour la vidéo, mais l’idée était de lui donner autant de puissance qu’un film cinéma. Il a même été question à un moment de sortir LES 101-2 en salle, et cela aurait vraiment pu être le cas compte-tenu de sa qualité. La raison pour laquelle cela n’a pas été fait vient du fait que Disney a considéré que l’image des Dalmatiens avait été suffisamment exploitée au cinéma avec le film original et deux suites en prises de vue réelles, et ils ne voulaient pas en rajouter. Mais cette qualité et cette ambitions ne se limitent pas à la musique : on les retrouve tout autant dans la réalisation, le scénario ou l’animation. Je trouve ce film vraiment excellent. Il est vraiment comparable aux dessins-animés que Disney a sortis en salles. Je suis très fier de ce projet. Je regrette seulement qu’il ne soit pas sorti en salle. Je suis sûr que si le sujet n’avait pas été les Dalmatiens, cela aurait été le cas.

Jim Kammerud (LA PETITE SIRENE 2) et Brian Smith sont tout à la fois les réalisateurs et les scénaristes de ce film, ce qui est assez rare pour une suite vidéo, gage d’une réelle cohérence. Comment avez-vous travaillé avec eux ?
J’ai beaucoup aimé travailler avec eux. Ils sont originaires de l’Ohio tout comme moi. Nous nous sommes immédiatement entendus et compris. Brian a également écrit les paroles de la chanson de QUI VA TRIOMPHER ?. Ils ont été particulièrement impliqués dans la musique et ont fait attention à la moindre note. Ils sont venus à mon studio de Malibu, je leur ai joué tous les morceaux et nous avons changé tout ce qu’ils souhaitaient. Ils connaissaient déjà toute la partition avant l’enregistrement avec orchestre. Je les apprécie beaucoup et je retravaillerais avec eux avec beaucoup de plaisir.

Le film original ne fait pas vraiment la part belle aux chansons. Il y a bien Kanine Krunchies ou Dalmatian Plantation, mais rien de vraiment mémorable, si ce n’est la fameuse, Cruella De Vil. Quelle fut votre attitude concernant les chansons dans ce nouveau film ?
La chanson que j’ai écrite avec Dean Pitchford est arrivée assez tard. Je savais qu’il devait y avoir un montage aux 2/3 du film et les désirs des créateurs étaient assez clairs : le style rockabilly. Ils avaient fait des essais et cela fonctionnait. Il y a de plus une chanson au générique de fin, mais je n’y ai participé que très indirectement car il s’agit d’un montage de samples de ma musique réalisé par un groupe anglais, Apollo 440°. C’est d’ailleurs très amusant d’entendre ma musique déconstruite de la sorte !

Pouvez-vous nous parler de la création et de votre utilisation de Try Again ?
La première musique composée pour le film a été le générique d’ouverture, puis celle de QUI VA TRIOMPHER ? C’est difficile de l’entendre à la première audition mais le thème de Try Again est en fait dérivé de celui de la série télé. La chanson comporte donc des éléments communs que l’on retrouve tout au long de la partition. C’est pour cela qu’on ne peut pas vraiment dire que le thème de cette chanson a été intégré à la partition comme un Leitmotiv parce que je suis parti précisément de la partition.

Plus généralement, quelle fut votre stratégie du point de vue thématique ?
Il s’agit d’une partition résolument thématique. Différents thèmes se retrouvent tout au long du film. Il y en a un que j’appelle Happy Puppy Theme qui est en fait le thème principal que l’on entend dès l’ouverture du film, un autre pour Lars, un merveilleux personnage interprété par Martin Short (Daniel Lafourcade dans la V.F.), typique du jazz des années 60, un autre pour Ouragan, que l’on entend à chaque fois qu’il apparaît à l’écran, et quelques touches de Cruella ici ou là.

Avez-vous utilisé le thème de Mel Leven ?
Juste une fois et de façon très, très subtile. Il se trouve au moment où Cruella conduit son vieux tacot et qu’il tombe en panne. C’est à ce moment que la radio joue Cruella De Vil ! Elle est alors si en colère qu’elle donne un coup de pied dedans ! C’est la seule citation textuelle. Il est vrai qu’ici ou là, j’en ai repris le rythme, mais il s’agit simplement d’une évocation car dans ce nouveau contexte, la réutilisation textuelle de ce thème n’aurait pas eu de sens. De plus, j’avais pour cela des motivations très égoistes : je voulais plutôt asseoir mes propres thèmes !


Comment se sont passés les enregistrements ?
Nous nous sommes beaucoup amusés à enregistrer cette musique. Nous avions besoin d’une importance section de percussions latinos afin d’évoquer l’atmosphère d’Escobar et j’ai demandé à Isabelle Griffith, la personne qui employait les musiciens à Londres, de ne pas avoir de percussionnistes issus d’orchestres symphoniques pour jouer les bongos et autres congas parce qu’en général, ils n’ont pas le groove, ils ne comprennent pas le son afro-cubain que je souhaitais. Je voulais vraiment des musiciens dont c’est vraiment le style, et s’ils ne savaient pas très bien lire la musique, ce n’était pas grave. Puis j’ai commencé à plaisanter avec elle en lui disant que je voulais des gars avec des noms espagnols comme Carlos ou Juan ! Je voulais vraiment quelque chose d’authentiquement cubain. Elle a pris mes demandes vraiment au pied de la lettre. Déjà, j’avais du mal à communiquer avec les musiciens anglais : ils sont si ‘british’ dans leur accent et si polis, et ils n’utilisent pas les mêmes mots que nous pour désigner les mêmes choses. Et parmi les 8 percussionnistes engagés, un seul, Luis, parlait anglais ! Ils parlaient tous espagnol et Luis faisait le traducteur ! Si je voulais changer quelque chose pour le musicien qui jouait de la clarine -je ne savais même pas son nom-, je disais ‘Luis, pourrais-tu dire au gars avec la cloche de ne pas jouer les mesures 2, 4 et 6 ?’-. Cela donnait lieu à toutes sortes de cafouillages ! C’était très drôle. Un jour, une partie du studio s’est même écroulée pendant que nous enregistrions ! Nous nous sommes vraiment bien amusés !
Je voudrais ajouter quelque chose. Lors de chaque enregistrement, il y a quelqu’un que l’on appelle ‘boother’ que l’on place en cabine. Parfois c’est le compositeur lui-même, lorsqu’il ne dirige pas, afin de contrôler, de faire des commentaires, de changer les balances. D’autres compositeurs préfèrent diriger et c’est mon cas. C’est pourquoi en cabine nous avons besoin de quelqu’un de familier avec la partition et en qui vous pouvez avoir confiance pour réaliser cette tâche. Il faut dire que la place du chef lors d’une session est la pire pour ce qui est de l’écoute : on est sur son podium avec un casque sur les oreilles dans lequel on entend tout à la fois les dialogues et le click-track, la balance est faussée et au son du casque s’ajoute l’acoustique de la pièce dans laquelle vous enregistrez. Rien à voir avec ce que l’on entend dans la cabine. C’est pour toutes ces raisons que, généralement, c’est l’orchestrateur qui fait le ‘boother’. Mais cette fois, Matt Walker a demandé à le faire. C’est un des exécutifs de Disney et un type épatant, sans compter qu’il est aussi musicien, pianiste classique. Mais je n’avais jamais travaillé avec lui dans ce cadre. Je lui ai donc fait confiance et je dois avouer que ce fut le meilleur boother que j’ai jamais eu. J’ai été vraiment impressionné par le fait que non seulement il sait écouter la musique, mais également déchiffrer une partition d’orchestre complexe, à 28 parties, et pointer les erreurs ou les défauts de justesse de l’orchestre, toutes les choses qu’un boother doit faire. Mais en plus, il a la casquette d’un exécutif de Disney ce qui fait que lorsqu’il me demandait de réenregistrer quelque chose ou de faire une autre prise, il avait en même temps en tête la question du coût. Il n’a donc pas seulement l’approche d’un musicien. Il est très pertinent. Si je pouvais, je l’embaucherais indépendamment de Disney aussi souvent que possible ! Mais je sais que c’est impossible, je crois qu’il a un boulot là-bas!


Comment considérez-vous cette partition dans votre évolution artistique?

C’est une nouvelle corde à mon arc. Je viens de finir un CD démo pour présenter ma musique et l’une des premières compositions y figurant est justement l’ouverture des 101 DALMATIENS 2. J’en suis très fier. C’est pourquoi je parlerais plus d’expansion que d’évolution artistique : je ne rejette pas ce que j’ai fait dans le passé, je continue d’explorer de nouvelles directions. Ce film était quelque chose de nouveau, qui m’a poussé vers de nouvelles frontières et j’espère qu’il m’ouvrira les portes d’autres dessins-animés. J’adorerais composer pour un dessin-animé destiné au cinéma. Cette partition possède une plus grande dimension aventurière que les dessins-animés classiques et j’aimerais explorer cet autre aspect de l’animation. Matt n’a pas arrêter de rire pendant la production de la musique car, hasard du calendrier, j’ai été contacté en même temps pour LA REINE DES DAMNES et les 101-2 ; pour les deux films, on m’a demandé de composer des musiques avant la production visuelle et les deux emplois du temps étaient parallèles. Je n’arrêtais pas de faire des aller-retour de l’un à l’autre ; c’était comme un perpétuel grand écart artistique : un jour avec LA REINE DES DAMNES, l’autre avec les 101 DALMATIENS-2 ! On ne peut faire plus différent ! Et c’est pour cela que je fais ce métier!