jeudi, mars 31, 2016

LE BOSSU DE NOTRE-DAME - A NEW MUSICAL : Entretien avec le directeur musical Michael Kosarin



Avec cette nouvelle comédie musicale produite à New York et le CD qui a suivi, Le Bossu de Notre Dame confirme la place importante qu’il tient dans l'histoire de la musique, du dessin animé à la comédie musicale ?
Je l'ai toujours dit et je crois que c'est la pièce maîtresse d'Alan Menken et de Stephen Schwartz, dans tous les sens du terme. Je pense qu'il s'agit véritablement d'un chef d’œuvre classique, une œuvre de maturité des deux artistes.
Vous êtes vous-même un membre éminent de l'équipe d'Alan Menken. Pouvez-vous me dire comment tout cela a commencé pour vous ?
Tout cela est dû à Danny Troob, un bon ami et un collaborateur génial. À l'époque, je vivais dans le même quartier que Danny à New York. Il est un peu plus âgé que moi et était déjà installé et il m'a demandé de l'aider sur plusieurs choses. Nous sommes devenus amis. À un moment donné, lorsqu'il était question de créer le spectacle musical «Beauty And The Beast» vers le début de 1993, David Friedman, qui, en tant que directeur de la musique pendant des années, avait collaboré avec beaucoup de succès avec Alan, lui avait dit qu'il voulait prendre son indépendance et commencer sa propre carrière en tant que compositeur. Il n'était donc pas disponible pour créer «Beauty And The Beast» avec Alan. C'est alors que Danny a proposé mon nom à  Alan. Je suis allé à un rendez vous à Katonah (New York) où Alan vivait à l'époque.  Tout s'est très bien passé. Je pense que dès le départ, Alan a compris que nous nous retrouvions sur les points principaux de la musique, et que nous avions des goûts très similaires en musique classique et en musique en général. Je pense que c’est grâce à ça que  notre collaboration professionnelle a si bien fonctionné pendant toutes ces années. Et nous avons découvert cela dès le début. J’ai été embauché presque immédiatement.
J'ai été directeur musical et arrangeur sur Beauty And The Beast, et cela n'a été que quelques années plus tard, environ cinq ou six ans, qu'Alan m'a dit: « Ça se passe très bien, entre toi et moi, à partir de maintenant, tu seras mon directeur musical: absolument tout ce qui vient de ma part sera automatiquement à toi. En échange, je demande que nous discutions ensemble de tout ce que tu feras qui ne vient pas de moi pour voir s'il y a un conflit potentiel » Et c'est ce que nous avons fait au fil des ans. Ce n'était pas le cas quand il a obtenu le « Bossu ». Je crois qu'il a commencé à travailler dessus au début 1995 et j'étais alors de toute façon trop occupé avec toutes les versions internationales de « Beauty And The Beast ». Je pense que je montais alors 17 versions internationales pour ce spectacle, et j'étais à peu près à 100% du temps sur la route!
Selon la façon dont vous voyiez les choses à cette époque, qu'avez-vous pensé du « Bossu » quand il est sorti au cinéma?
J'ai eu la chance d'habiter à proximité de New York dans les années 60 et quand j'étais jeune, mes parents m'ont emmené aux concerts de Bernstein (un de mes rêves d'enfant était d'être chef d'orchestre de la Philharmonie au Lincoln Center, qui est maintenant devenu le David Geffen hall, et je l’ai finalement réalisé : j’ai donné le mois dernier une version de concert de « The Secret Garden » l'un des spectacles dont j'avais dirigé la musique dans les années 90. En tant que fan depuis l'enfance de comédie musicale, et de musique classique, je ne pouvais pas croire la chance que j'avais d'entendre ça. J'ai toujours été fan de la musique de Alan mais en entendant la musique du « bossu », la profondeur de la partition, de Bells Of Notre Dame, très influencé par la musique sacrée, à Out There, qui est, je pense  l'une des meilleures ballades jamais écrites, ou encore le charme de A Guy Like You ... il m'a complètement bluffé.
Le spectre stylistique et émotionnel de cette musique est en effet incroyable.
Vous savez, le ton de cette partition est encore en évolution. Son parcours est vraiment très intéressant. Elle a commencé, comme vous le savez, par un film d'animation, mais sur un sujet vraiment incroyable pour un film d'animation, car c'est une histoire très grave. Et si vous regardez la véritable histoire de Victor Hugo, cela finit de façon horrible, avec des squelettes en bas dans la crypte. C'est une histoire très adulte avec de la luxure et de la passion. Que cela finisse en film d'animation Disney pour enfants est quand même ahurissant. C'est presque comme dire: "Hey, il y a cette chose appelée Sweeney Todd. On pourrait en faire une comédie musicale animée pour les enfants !" Maintenant, pour coller au genre, c'est à dire le film d'animation - ils l'ont écrit de façon amusante, avec des plaisanteries, des personnages attachants comme les Gargouilles. Ils avaient la musique de « A Guy Like You », chantée par Jason Alexander et d'autres qui permettaient de  donner brillamment un ton de comédie. C'est ce qui a permis à l'histoire de fonctionner dans le film d'animation.

Puis, trois ans plus tard, comme vous le savez, nous sommes allés à Berlin pour créer une comédie musicale complète. À ce moment-là, nous allions vers un genre différent, bien entendu, celui du  théâtre musical. Pour ce faire, nous avons fait les changements que nous estimions nécessaires. L'histoire est devenue un peu plus sérieuse et un peu plus sombre, mais pas beaucoup. Esmeralda est morte, mais dans l'ensemble, nous avions encore un ton très similaire au film, en particulier avec les Gargouilles: nous avions conservé  a Guy Like You avec un ton très amusant pour conserver le côté léger.
Maintenant, pour cette toute dernière version qui vient de sortir, nous avons fait un véritable retour aux sources. Les Gargouilles ont plus de présence sur scène. Elles sont devenues le choeur, avec sept ou huit chanteurs, et représentent vraiment plus que simplement la voix intérieure de Quasimodo. On a supprimé A Guy Like You – j'aimais cette chanson, mais nous sommes dans une nouvelle version du spectacle. Nous ne sommes pas dans un genre de spectacle jovial, voir charmant. C'est vraiment une sorte d'exploration en profondeur de toutes ces passions. Le spectacle est très, très concentré sur ces sujets, et je dois dire que je pense que cela fonctionne incroyablement bien. La partition a également évolué au fil des ans, de même que ma propre écriture. C'est amusant ! je suis maintenant à un âge où je peux regarder ce que je faisais il y a 20 ou 25 ans et dire: "euh, j'aurais pu approcher ça de façon un peu différente". Je pense que lorsque vous êtes jeune vous voulez en montrer beaucoup et que quand arrive la maturité, la ligne principale est plus forte que la fantaisie des harmonies. Telle tonalité ne fonctionne finalement pas et il faut moduler... alors j'ai changé l'écriture au fil des ans, et ça a beaucoup évolué. Je pense que les gens vont vraiment s'asseoir et redécouvrir la partition. Toutes les personnes à qui j'ai joué la partition de Berlin l'ont adorée, mais maintenant que nous avons ce nouvel enregistrement que nous avons fait il y a quelques mois pour New York les spectateurs vont vraiment redécouvrir la partition. Le CD se vend extrêmement bien ici. On est à des niveaux très élevé sur I-Tunes, et très bientôt nous arriverons à la première place des Bandes Originales, ce qui est vraiment incroyable !
Quand il a été annoncé que le spectacle arriverait aux États-Unis depuis Berlin, certains craignaient qu'il ne devienne plus léger. C'est tout à fait l'inverse. Le spectacle a encore plus gagné en profondeur !
Oui, il est devenu plus sombre et plus profond. Nous voulions vraiment devenir plus fidèles à l'histoire originale parce que c'est une histoire plus intéressante. Il est normal que des choses mauvaises se produisent et que les gens soient poussés par leurs désirs plus ou moins sombres. C'est très intéressant et je suis content que nous l'ayons fait. C’est maintenant devenu un spectacle très mature, et je dois dire que nous recevons beaucoup d'attention des théâtres qui veulent utiliser cette nouvelle version. Je ne sais pas ce que sera la prochaine étape, mais je pense que nous monterons 11 ou 12 spectacles au cours de la prochaine année.

Comme arrangeur vocal vous avez aussi fait un travail incroyable, avec de nombreux styles différents, allant du chant gitan au chant vocal le tout réuni dans ce magnifique Entr'Acte.

Je vous remercie ! À un certain moment, lorsque nous travaillions à La Jolla, on m'a donné la mission d'écrire un entracte qui bien entendu, s'appuierait sur tous les thèmes d'Alan. La mission était intéressante: écrire un entracte a capella pour valoriser l'incroyable talent des chœurs. Je ne me souviens pas si c'était mon idée ou non, mais je pense que ça vient de moi, j'ai pris les thèmes et j'ai écris les paroles en latin, ainsi on n'entend aucune paroles anglaise pendant ce morceau. C'était très difficile d'obtenir ce que nous voulions juste avec un chœur, donc à un certain moment Michael Starobin a choisi de s’inspirer de Carmina Burana pour l'orchestre. Il complète parfaitement bien la mélodie du chœur. La durée était beaucoup plus longue au départ , mais nous savions que le public ne voulait pas s'asseoir pour écouter un morceau de plusieurs minutes, aussi je pense que la durée finale fonctionne bien. Ce fut un incroyable plaisir d'écrire ce morceau.
Une des grandes joies de travailler pendant ces nombreuses années avec Alan Menken est qu'il me permet d'écrire mes arrangements pour beaucoup de types de musique différents dont on lui passe commande, mais aussi de conserver mes compositions et ainsi conserver l’intérêt du travail. Par exemple, pour Galavant, j'ai produit jusqu'à 65 chansons sur deux ans et chacune était littéralement un type de musique différent, allant du doo-wop au tango en passant par des compositions de théâtre musical très spécifiques. De la même manière, sur le « Bossu », j'ai pu écrire une sorte de scène gitane dans une coloration européenne et d'autres scènes de musiques classiques de coloration plus théâtrale, ce qui est bien plus amusant. De nos jours, il est plus facile d 'effectuer des recherches sur les styles. Il suffit d'aller en ligne et de commencer à chercher et de passer de recherche en recherche. Je suis encore un étudiant. Je peux passer une journée entière à faire des recherches et à essayer d'aller au cœur de ce qu'est le son. Et c'est ce que j'ai fait. Et heureusement, le résultat qui en ressort est tout à fait évocateur de tous ces styles.

Avez-vous un exemple précis d'un morceau de musique qui vous a influencé ?
Sans aucun doute, Carmina Burana est la base de l’écriture chorale du Bossu. Mais je ne dirai pas que j'ai vraiment essayé d'utiliser tout ce que j'y ai entendu. C'est plutôt comme un Chef, qui consulte 30 ou 35 recettes pour essayer de trouver dans son esprit des idées pour une nouvelle recette. Vous ne pouvez pas vous diriger uniquement vers un plats de poulet ou de pâtes. Vous devez essayer de tous les mélanger dans votre esprit. Finalement le mixeur est votre esprit et vous en sortez quelque chose de nouveau !
Quel genre de références musicales partagez-vous avec Alan Menken ?

C'est difficile de pointer quelque chose en particulier. Chaque fois que je suis dans une voiture lorsqu'il conduit, et que nous écoutons une station de radio classique, il dit: «Oh mon Dieu, j’adore ça », et je dis « Moi aussi! ». Nous partageons une sensibilité. Il aime la musique française, et j'aime Ravel, Debussy, Saint-Saëns. Nous aimons aussi la musique romantique, Brahms, Beethoven, Schumann. Je pense que je tends pour ma part davantage vers le jazz, j'ai plus une histoire de jazzman, mais je ne pense pas qu'il partage nécessairement ce côté de ma sensibilité. C'est ainsi que j'ai apporté des éléments de jazz à la comédie musicale d’Aladdin, et je pense qu'il les a appréciés comme tout bon musicien.
En parlant de la comédie musicale d’Aladdin, elle a été un grand succès mondial.

Oui en effet. C'était à l'affiche sur Broadway il y a deux ans, et d'ici la fin de l'année prochaine, nous aurons six ou sept salles qui le présenteront. En plus de New York, nous avons des représentations à Hambourg et Tokyo, qui se passent parfaitement bien, et nous avons l'Australie et le West End qui le proposent cette année, avec des tournées qui se dérouleront l'année prochaine. Ce qui fait que je suis en voyage un peu partout pour superviser ces nouvelles productions.



Avez-vous été impliqué dans l'écriture de la pièce « A Bronx Tale » de Glenn Slater et Alan Menken qui vient juste de débuter au Paper Mill Playhouse?

J'ai vu « Bronx Tale » hier soir, et j'ai parlé à Alan à l'entracte et je lui ai dit: «Alan, je t'avoue que j'adore cette pièce », mais c'est comme une expérience de voyage hors du corps d'être assis dans le théâtre et d'écouter une musique d'Alan Menken  à laquelle je n'ai pas participé. Malheureusement, il n'y avait aucune possibilité pour moi de travailler sur cette pièce. Dès le départ du projet Ron Melrose était attaché au projet, et il a fait un travail superbe vraiment afin de tout arranger, associer les morceaux et superviser le tout, Donc, c'était amusant de regarder, mais en même temps très étrange!

En effet, actuellement vous travaillez sur le film de « Beauty And The Beast ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Je travaille depuis plus d'un an sur ce projet. Toutes les prises de vue sont terminées. Pour l'instant, nous nous dirigeons vers l'enregistrement des premières chansons pour le film. Nous avons travaillé de la façon suivante sur le film : nous avons d'abord enregistré les voix afin d'avoir des maquettes. A partir de ça, nous pouvons changer certaines choses comme les tempos. Évidemment, quand on travaille en numérique, on peut faire toutes ces choses. Enfin nous enregistrons l'orchestre. Donc, nous sommes allés à Londres le mois dernier pour enregistrer un orchestre de 92 pièces. Danny Troob a eu la chance de réinventer ses orchestrations pour les chansons existantes. Quant à moi, certaines des choses les plus difficiles, amusantes et enrichissantes que j'ai fait ont été de réarranger les musiques de la comédie musicale que j’avais composées avec Alan. J'ai associé d'une part le point de vue dramatique et d'autre part le point de vue musical. C'est ce qui me plaît tant dans la musique de film. Comment arriver faire ceci ou cela, ou  aller du point A au point B en donnant l'impression que le déroulement est naturel, d'un point de vue dramatique et émotionnel? Et donc, Alan m'a laissé faire ça pour la première fois sur un film, pour l'aider à écrire une partie de la partition. Donc, en ce moment je vérifie les chansons et la musique entre les chansons. C'est ce qui occupe la plus grande partie de mes journées en ce moment !


Merci à Scrooge pour sa traduction!

samedi, mars 19, 2016

LA FORET DE L'ENCHANTEMENT - UNE AVENTURE MUSICALE DISNEY A DISNEYLAND PARIS : Entretien avec le compositeur Gordon Goodwin et la parolière Lisa Goodwin

Comment le projet a débuté pour vous?  
Gordon Goodwin : Nous avons été contactés par Vasile Sirli, le directeur musical de Disneyland Paris, qui est venu nous voir à Los Angeles avec le metteur en scène du spectacle, Christophe Leclercq, et la productrice, Claire Salmon. Nous avons passé deux jours ensemble dans notre studio à étudier le script, à parler du spectacle et à lancer des idées. Travailler avec eux fut un plaisir de chaque instant.  
Lisa Goodwin : Vasile adore la musique de Gordon, et notamment ses arrangements pour le Big Phat Band. La signature musicale de Gordon est unique, et je pense que Claire, Vasile et Christophe ont été inspirés par ces sonorités. Ils étaient aussi enthousiastes que nous à l’idée de pouvoir travailler ensemble. Et quand une collaboration commence comme aussi bien, c'est bon signe !
Justement, comment s’est passée votre collaboration ?  
GG : Il est rare de collaborer avec des gens qui ont la même vision que vous. Et je peux vous dire que Lisa et moi sommes très souvent tombés d'accord avec les choix de Vasile et Christophe. Le travail avec eux a été particulièrement simple et naturel. Ils aiment autant ces chansons que Lisa et moi.
LG : Ils ont apporté beaucoup de joie et d'énergie à ce projet. Dès le moment où ils nous ont présenté le design incroyable de cette forêt, la scène était prête à accueillir notre musique.  

La musique a un rôle de guide tout au long du spectacle. Comment l'avez-vous envisagée?  
GG : Il est rare d'avoir l'opportunité de pouvoir travailler sur un spectacle dans lequel la musique a un rôle aussi crucial. Le plus souvent, dans les parcs à thème et encore plus dans le cinéma, la musique doit servir avant tout le visuel. Mais pour ce spectacle, nous pouvions vraiment nous libérer et créer des arrangements intéressants. Les chansons que nous avons choisies ont une histoire riche au sein de la Walt Disney Company, et notre rôle était de proposer aux Visiteurs une expérience musicale apportant une nouvelle dimension à ces chansons qui représentent déjà tant pour eux. 
LG : Gordon et moi avons une longue et heureuse expérience avec la musique de Disney et nous sommes reconnaissants chaque fois que nous avons l'opportunité de présenter des classiques, anciens ou nouveaux, d'une manière qui rende hommage aux versions originales, tout en les arrangeant d'une manière qui surprenne nos auditeurs.  

Pouvez-vous nous parler de la chanson originale qui sert de fil rouge à l'ensemble du spectacle ?  
LG: C'est la chanson d'Enchantella, la conteuse. C'est une sorte d'invitation musicale à la rejoindre dans son voyage à travers cette forêt enchantée. Nous l'avons imaginée de telle sorte qu'elle suscite la curiosité du public et l'envie de découvrir toutes les surprises qui l'attendent dans cet environnement.  

Vous avez écrit cette chanson conjointement. Comment se passe le travail en couple?  
GG : Lisa et moi écrivons des chansons ensemble depuis des années, ce qui fait que les choses se font très vite et très naturellement. Chacun connaît le style de l'autre sur le bout des doigts et, plus important encore, avec le temps, nous avons appris à travailler ensemble tant dans le mariage que dans l'écriture de chansons. A la base, j'écris la musique et Lisa les paroles. Mais dans la mesure où elle chante très bien, je lui demande son sentiment sur mes mélodies. Et de mon côté, je suggère un mot ici ou là. 
 LG : En général, Gordon me donne une démo instrumentale de la chanson. J'aime trouver une façon de m'exprimer à l'intérieur de cette structure, tout en incluant les concepts importants. Et en plus de me donner une magnifique base musicale sur laquelle travailler, Gordon me donne un coup de main dès que je butte sur un mot.
Quelles furent vos sources d'inspiration pour cette chanson?  
GG : Le magnifique décor du spectacle a été déterminant pour l'ambiance de la musique. Nous voulions une musique agréable qui donne de l'énergie, avec une petite touche dramatique. Et dans la mesure où notre chanson ouvre et ferme le spectacle, il fallait quelque chose qui reste dans le contexte des autres chansons. C'est ce qui fut le plus difficile à réaliser, car les musiques du spectacle sont toutes de styles très différents !  
LG : Tout dans les paroles devait accompagner cette forêt incroyable et ses transformations. J'ai été très inspirée par les dessins préparatoires de cette forêt sous toutes ses formes. Les costumes ont été la cerise sur le gâteau ! Le mystère, la curiosité, l'attachement à la terre : j'avais beaucoup d'éléments passionnants pour m’inspirer !  

Du côté des chansons Disney, comment êtes-vous parvenus à renouveler les classiques tout en conservant leur identité ?  
GG : C'est une question essentielle qui me préoccupe tout particulièrement en tant qu'arrangeur. Parce que je suis moi-même compositeur, j'ai le plus grand respect pour l'intention originale d'un confrère et je tiens à ne jamais la trahir. D'un autre côté, aurions-nous besoin d'un arrangement de “Let It Go” qui reproduise exactement celui du film ? Un spectacle scénique est inspiré d'un film, mais ce n'est pas le film, et je crois que la musique doit aller dans le même sens. C'est vraiment une question de goût : préserver les intentions du créateur original tout en les développant.  
LG : L'idée est d'amener l'original, qui est la référence du public, vers un autre niveau – ce qui est loin d'être facile ! De nos jours, les familles ont la possibilité d’écouter en boucle les partitions originales, qui ont demandé des heures de préparation et l'implication de centaines de musiciens. Conserver cela est essentiel. Si vous ne le faites pas, inconsciemment, le public suivra son cœur et fera le choix de ne pas retourner voir le spectacle. Mon but à moi est d'apporter une note de fantaisie et de magie aux paroles. C'est ce que j'aime dans les chansons des classiques Disney, et les arrangements de Gordon vont dans le même sens. Il excelle également quand il s'agit de partir d'un orchestre d'une taille donnée et d'arriver à lui donner une ampleur comparable à celle du film, de sorte que le public remarque à peine la différence. Cela contribue énormément au succès du spectacle.  

A quel type d’orchestre avez-vous fait appel ?
GG : La musique de ce spectacle est orchestrale par nature, mais il y a également du jazz et d’autres musiques rythmées comme pour Le Livre de la Jungle et Tarzan. Nous avons donc commencé par enregistrer la rythmique avec basse, batterie, claviers, guitare et percussions. Puis nous avons fait une autre session avec les trompettes, les trombones, les cors et les bois. Puis enfin les cordes. Les musiciens auxquels nous avons fait appel sont parmi les meilleurs du monde. Ils peuvent jouer tous les styles et déchiffrer une partition à la perfection. C’est toujours une émotion que de se trouver face à eux et de les diriger parce qu’ils font littéralement surgir la musique de la page et lui apportent des nuances incroyables. Cela nous a pris environ trois jours pour enregistrer les chansons du spectacle, puis deux jours pour les voix et enfin trois autres jours pour mixer le tout.
Vous connaissez bien les spectacles des parcs Disney, vous qui avez commencé vos carrières respectives dans les parcs Disney. 
GG : J’ai décroché mon premier emploi à Disneyland juste après ma sortie de l’université. C’est la meilleure chose que me soit arrivée ! C’est là que j’ai vraiment appris ce que c’était qu’être musicien professionnel. J’ai appris à jouer à mon meilleur niveau chaque fois que je montais sur scène. C’est également à Disneyland que j’ai eu mon premier contrat de compositeur. Nous avons noué des relations excellentes et durables. Je suis très fier d’être un petit rouage de cette extraordinaire compagnie. 
LG : En fait, je suis allée à l’Université Disney en guise d’études universitaires (rires). Ce qui veut dire que pendant que la plupart des étudiants faisaient leurs études, je commençais à travailler pour Disney. J’ai commencé à Walt Disney World en Floride en tant que performer. J’y ai appris énormément sur ce qui fait le succès d’un spectacle grâce à tous ses merveilleux créateurs, metteurs en scène, chorégraphes, performers, musiciens et équipes techniques que j’ai eu le privilège de côtoyer. Ce n’est qu’ensuite que je suis allée à Disneyland. 
GG : C’est d’ailleurs à la cafeteria des Cast Members de Disneyland que nous nous sommes rencontrés. Il n’y a pas de doute : Disneyland a changé nos vies !  
LG : C’était le destin !  

Forts de cette expérience, comment voyez-vous le rôle de la musique live dans un parc Disney ? GG : Bien sûr, en travaillant dans un parc Disney, vous voyez toutes ces attractions qui attirent et font rêver nos visiteurs, mais la musique live apporte un niveau de sens supplémentaire aux parcs. Elle apporte une forme d’intimité et de réelle connexion humaine quand les visiteurs s’arrêtent quelques instants pour écouter les orchestres des parcs. Il y a une différence évidente entre la musique live et la musique enregistrée, et je suis reconnaissant envers Disney de toujours croire à l’importance de la musique live dans l’expérience des visiteurs.  
LG : Absolument ! L’une des choses que Disney a faites depuis le début est d’intégrer la nostalgie dans la modernité. Quand vous associez performances live et attractions extraordinaires, vous créez une expérience sensorielle totale. C’est aussi une source d’inspiration pour les plus jeunes qui découvrent et réalisent tout ce qu’il est possible de faire quand le plaisir et le talent se marient. J’ai visité mon premier parc Disney à l’âge de 10 ans et c’est l’interaction avec la musique, les spectacles et les artistes qui m’a conduit à y revenir encore et encore !
Un souvenir en particulier de cette expérience dans les parcs Disney ?  
LG : Il y en a tant ! Mais une m’a particulièrement marquée, c’est quand un groupe de visiteurs a tenu à venir remercier notre « cast » pour avoir inclus la langue des signes dans notre spectacle sur la scène du Château de Walt Disney World. La surdité avait rendu leur visite un peu différente et la surprise de nous voir signer l’une de nos chansons est un souvenir très fort qu’ils n’étaient pas prêts d’oublier. Je suis si heureuse qu’ils aient souhaité nous faire savoir ce que cela représentait pour eux. C’est l’un de ces moments où l’on réalise que nous faisons plus que du divertissement, et c’est l’une des nombreuses raisons qui me font dire que mon passage à Walt Disney World est le moment où j’ai le plus appris.  

Un grand merci à Mathias et à Caroline !

mercredi, mars 09, 2016

LA FORET DE L'ENCHANTEMENT - UNE AVENTURE MUSICALE DISNEY A DISNEYLAND PARIS : Entretien avec le Metteur en Scène Christophe Leclercq

Comment vous est venue l’idée de La Forêt de l’Enchantement : Une aventure musicale Disney ?
En fait, à l’époque du spectacle Chantons La Reine des Neiges, nous nous sommes rendus à Chaparral Theater et en regardant autour de nous, nous avons pris conscience que nous nous trouvions au cœur d’une forêt. Dans le même temps, notre spectacle était destiné à être joué durant la saison « Swing into Spring », et cette idée de swing nous plaisait beaucoup Nous sommes donc partis sur l’idée de swinguer au milieu d’une forêt. Au départ, nous avons même eu l’idée d’un concert avec un orchestre live, puis nous avons ajouté l’apparition de Personnages Disney qui viendraient ponctuer cette aventure musicale.  

Comment s’est opéré le choix de ces Personnages Disney ?
Même si notre spectacle est un hymne à la nature, nous n’avons pas cherché à transmettre un message. Nous avons simplement cherché parmi les Personnages Disney ceux qui incarnaient un rapport particulier à la forêt, sous toutes ses formes. Pocahontas nous a tout d’abord paru une évidence. Elle fait découvrir à John la vie de la forêt et des animaux et le lien qui existe entre tous les êtres. Et quand la nature nous prodigue ses bienfaits, on pense tout naturellement au Livre de la Jungle. De la même façon, cette nature fournit un abri et un lieu de vie privilégié à Tarzan, qui la choisit plutôt que de retourner vivre parmi les hommes. Nous avons également voulu mettre en scène une Princesse Disney. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers Raiponce. Quand elle sort pour la première fois de sa tour, elle découvre de toutes nouvelles sensations liées à la nature : poser son pied dans l’herbe, respirer l’air frais, virevolter au milieu des arbres et des feuilles. De la même manière, Merida est une princesse « nature », qui aime parcourir les forêts d’Ecosse pour s’entraîner au tir à l’arc. Au départ, nous avions songé à Blanche-Neige, mais sa vision de la nature est très effrayante quand elle fuit le chasseur. De plus, le monde du swing lui était un peu trop éloigné. 

 La Forêt de l’Enchantement : Une aventure musicale Disney est un spectacle particulièrement original.
Nous avons pris le parti de ne pas faire un spectacle avec danseurs, mais de rassembler des chanteurs et des acrobates, ce qui crée une approche artistique totalement différente. Dans la mesure où il s’agit d’un spectacle live, la manière d’interpréter les chansons change à chaque spectacle, tout comme les prouesses des acrobates, qui cherchent à chaque fois de nouvelles façons de nous surprendre. Nous avons énormément misé sur le visuel et la musique pour raconter notre histoire. Il ne s’agit pas pour nous d’essayer de simplement reproduire des scènes des dessins-animés de Disney. C’est une véritable réinterprétation avec notre sensibilité, afin d’offrir à nos visiteurs des expériences toujours différentes.  


A l’opposé d’un Chantons La Reine des Neiges très narratif et littéral, La Forêt de l’Enchantement : Une aventure musicale Disney semble plus abstrait. Qu’en pensez-vous ? 
Tout à fait. Nous voulions parler directement au cœur et à l’imagination du public, le laisser libre d’interpréter nos différents tableaux au gré de son propre ressenti. C’est une nouveauté, et une vraie prise de risque. Mais c’est le lot de toute création.  

Quelles furent vos sources d’inspiration ? 
Je suis un très grand fan du Cirque du Soleil, et notamment les spectacles Varekai et Amaluna. On retrouve également quelque chose du musical du Roi Lion, avec ces personnages mi-hommes, mi-plantes autour de l’arbre de Rafiki. Ces inspirations extérieures nous aident à donner sans cesse un nouveau souffle à nos productions. C’est ainsi que nous avons fait appel à de nouveaux collaborateurs. Nous avons demandé au coach vocal Guillaume Coignard, qui a déjà travaillé à Mogador sur les productions du Roi Lion ou encore de Mamma Mia! et pour la télévision sur la Star Academy, de nous rejoindre. C’est aussi lui qui s’occupe d’Anaïs Delva, la voix française d’Elsa. Les acrobaties, et notamment celles de Tarzan, ont été supervisées par Yoann Benhamou, un ancien de Disneyland Paris qui a ensuite rejoint le Cirque du Soleil. Et pour la chorégraphie, nous avons fait appel à Caroline Roelands, qui a elle aussi travaillé à Mogador et intervient tant à la télévision que sur des scènes classiques.  
Outre les Personnages Disney, cette Forêt de l’Enchantement est peuplée de toutes sortes de créatures fantastiques. Comment les avez-vous imaginées ? 
Autour d’Enchantella, notre conteuse chanteuse, pilier de tout cet univers fantastique, toutes les créatures qui peuplent notre forêt représentent les quatre éléments, et toute leur personnalité découle de là. Cela se ressent aussi à travers les couleurs de chaque costume. Par exemple, Root Man, l’homme-racine, apporte une dimension terrestre, organique. Lucille, la libellule, qui représente l’air, a les yeux grands ouverts sur le monde et s’émerveille de tout ce qui l’entoure. Notre Lézard, Lezardo, est tout de rouge vêtu. C’est le caractère fort et flamboyant de la forêt, à l’opposé de Waterlilo, le Nénuphar, connecté avec l’eau, qui apporte une forme de sérénité. Et pour la fantaisie, nos costumières ont imaginé des habits extravagants comme on pouvait en trouver juste après la Révolution française, avec ses Incroyables et ses Merveilleuses. Des habits très élancés et très stylisés, mais marqués par la nature. Pour ce faire, les costumes ont été très travaillés, avec des collages ou bien de la peinture à même le tissu pour donner cette impression de rapport très brut à la nature. Tout comme les maquillages qui ont été créés spécialement pour exprimer cette dualité homme/nature. 

Comment avez-vous abordé les décors, eux aussi très originaux ? 
L’idée de cette mise en scène est de permettre aux personnages et aux animaux de surgir de tous côtés, et ce en utilisant tous les effets du décor permettant une surprise visuelle de tous les instants. Le décor est l’œuvre d’ Yves Ollier, qui en tant que scénographe pour Disneyland Paris a conçu de nombreux projets. Notre inspiration de départ était d’utiliser l’idée du principe du « Popup Book » . Nous avons donc consulté Matthew Reinhart, spécialiste de ce type de livres d’enfants. Cet échange a permis à Yves de concevoir un décor qui, tel un livre ouvert, se transforme au fil des tableaux.  
Avec La Forêt de l’Enchantement : Une aventure musicale Disney, vous avez réussi le tour de force de revivifier la tradition des spectacles de Disneyland Paris. 
Faire revenir Pocahontas et Tarzan sur la scène de Chaparral Theater, c’était en effet rendre hommage, d’une manière différente, à une tradition de spectacles inoubliables qui remonte à l’inauguration de cette scène avec Pocahontas – Le Spectacle, en mai 1996, puis avec Tarzan : la Rencontre, lancé en avril 2000. Les premières réactions du public sont très positives et j’en suis le premier ravi !

Photos Caroline Noyer