mercredi, octobre 28, 2009

CLOCHETTE ET LA PIERRE DE LUNE: Entretien avec la directrice artistique Ellen Jin Over

On raconte aux Walt Disney Studios que John Lasseter a un faible pour la Fée Clochette et qu’il chouchoutte carrément la série de films qui lui est consacrée, faisant grand cas de la qualité de ces productions.
D’où, certainement, le choix d’Ellen Jin Over pour la direction artistique du deuxième film de la franchise.

Née à Séoul, en Corée, Ellen Jin Over a fait ses études au célèbre Otis College of Art and Design de Los Angeles. Durant sa dernière année, elle a commencé à travailler en tant qu’artiste de layout chez Rainbow Animation où elle a été remarquée par Pixibox Studio (The Prince of Atlantis) pour devenir l’une des première décoratrices numériques des Etats-Unis.

Des studios étrangers ont alors commencé à s’intéresser à elle par rapport à son expérience en matière de peinture numérique et c’est ainsi qu’elle a été recrutée par Hong Ying (Sonic the Hedgehog) en Chine et par S.O.B. Animation Group en Nouvelle-Zélande afin de former leurs artistes à ces techniques.

Elle est ensuite retournée aux Etats Unis pour rejoindre Mike Young Production sur Clifford. Peu après, elle devenait directeur artistique sur Les Maîtres de l’Univers. Son projet suivant pour Mike Young fut la série animée par ordinateur Jackers ! The Adventures of Piggley Winks pour laquelle elle a reçu un Emmy Award en 2004. Ce qui l’a conduite à son premier long métrange sur Doctor Strange et Iron Man pour Marvel Lionsgate.

C’est en 2006 que son rêve se réalise alors, elle qui a toujours rêvé de travailler pour Disney. Elle rejoint Disney Animation en tant que directeur artistique pour Clochette et la Pierre de Lune.


Vous avez travaillé pour pas mal de studios au cours de votre carrière. Qu’est-ce que cela fait d’être finalement chez Disney ?
C’est véritablement un rêve qui se réalise ! J’ai toujours admiré les classiques Disney et je vis probablement le plus beau moment de ma vie !

Quelles sont les grandes lignes de la direction artistique de Clochette et la Pierre de Lune ?
La direction artistique de ce film s’appuie sur ses aventures et les lieux qu’elle visite. Nous avons dessiné chaque endroit de façon à inspirer un sens de l’aventure, que l’on ressente qu’elle s’éloigne de la Vallée des Fées pour aller vers l’inconnu, des lieux que nous n’avons jamais visités auparavant…

Avez-vous utilisé des éléments issus du film original de Walt Disney, Peter Pan?
Le film commence dans la Vallée des Fées où l’on découvre un environnement entièrement nouveau pour les fées. Puis, quand on quitte la Vallée, nous avons essayé d’incorporer des éléments qui nous sont familiers car issus du film original. Par exemple, quand Clochette vole vers un certain endroit du Pays Imaginaire, vous pouvez voir des éléments de végétation et des arbres qui viennent directement du chef d’œuvre de 1953. Je suis sûre que vous les reconnaîtrez !

Comment avez-vous traduit ces éléments 2D en 3D ?
Nous avons étudié beaucoup d’éléments du film original. Nous y avons pioché beaucoup d’éléments de texture pour nos objets 3D. En fait, nous les avons isolés et étudiés. Puis nous avons appliqué ces textures sur nos décors en 3D. Nous avons d’ailleurs conçus ces décors de sorte qu’ils ressemble au plus près au style 2D du film original, qui était assez stylisé. Par conséquent, notre film est lui-même assez stylisé.
Comment avez-vous travaillé par rapport au premier film de la Fée Clochette, sorti l’année dernière?
Notre film et le leur ont été développés quasiment en même temps. Dans la mesure où il s’agit de la même franchise, il était important de conserver une certaine unité dans le style visuel. Pour des endroits comme la Vallée des Fées, que l’on va retrouver dans tous les films, nous avons conservé exactement le même style. Il s’agit d’un design très féminin, avec beaucoup de courbes et beaucoup de couleurs. Le premier film nous emmenait à Londres, tout comme le film original se passait pour partie dans cette ville. Par conséquent, ils ont dessiné leur Londres comme celui de 1953. Dans notre film, nous avons respecté l’esthétique du premier film, mais dès qu’on s’éloigne de la Vallée des Fées pour se lancer dans une aventure dans le Pays Imaginaire, nous avons essayé de prendre nos distances et créer quelque chose de différent, de plus aventureux. Il fallait vraiment qu’on ait la sensation d’aller ailleurs.


On retrouve dans votre film pas mal de références à l’Art Nouveau.
Il a été question d’Art Nouveau dès le début du développement de l’environnement des fées. Les fées sont très proches de la nature et l’on retrouve toutes sortes de formes de fleurs et de feuilles dans leur univers. Tout comme l’Art Nouveau s’inspire beaucoup de formes naturelles, interprétées de façon très élégante. Ce fut donc tout naturellement que, pour styliser la nature, nous nous sommes rapprochés de ce style.

Les fées vivent dans la nature, mais ils l’utilisent également.
C’est une question très intéressante. Comme on peut le voir dans le film, il y a un lieu appelé Pixie Dust Distribution Depot où les fées se réapprovisionnent en poussière de fée. Là, on peut voir toute une intégration d’objets naturels utilisés pour faire fonctionner cette unité. C’est ainsi que nous l’avons conçue. Nous avons essayer de partir de la nature pour créer des objets. Toute notre équipe a fourmillé d’idées originales et innovantes pour faire de cet environnement un lieu vraiment intéressant.

Combien de personnes composent votre département ?
Nous avions trois designers de layout, trois peintres, trois artistes 3D pour le design des environnement et un character designer.

Avez-vous participé à la création de Pixie Hollow à Disneyland en Californie?
J’ai dessiné la théière pour le film, et c’est cela que les designers de Disneyland on reprit pour créer ce lieu magique.

Quels sont vos projets avec Disney?
Je travaille actuellement sur le quatrième épisode de la série consacrée à Clochette. Ce sera à propos de l’hiver et nous n’en sommes qu’au début pour le moment.

Ne manquez pas prochainement l'interview du réalisateur et du producteur de Clochette et la Pierre de Lune!

Retrouvez des réalisations d'Ellen Jin Over sur Disney Central Plaza!

Venez discuter du film sur DisneyGazette

Avec tous nos remerciements à Gaëlle Besson (La Boîte).

mercredi, octobre 21, 2009

LE FESTIVAL HALLOWEEN 2009: Entretien avec Jérôme Picoche, scénographe au sein de la Division Spectacles de Disneyland Paris

Nous continuons notre immersion dans le Festival Halloween 2009 de Disneyland Paris, en compagnie cette fois de Jérôme Picoche, le concepteur/designer de toutes les décorations de cet événement pas comme les autres, et ce depuis ses tout débuts.
En prime, découvrez en exclusivité les dessins / concepts de Jérôme (cliquez sur chaque dessin pour agrandir)!
Vous avez créé tous les designs depuis les débuts du festival Halloween à Disneyland Paris. Pouvez-vous nous résumer l'histoire de ce festival?
Il y a eu pas mal d'époques, mais Halloween a toujours été basé sur l'idée d'intégrer les histoires dans le parc. Les deux premières années, nous avons créé des personnages qui étaient des épouvantails. Il y avait toute une déclinaison de personnages qui visitaient le parc et qui ont été métamorphosés en épouvantails. Au départ, ce projet était tout petit et se tenait dans la zone de Cottonwood Creek Ranch à Frontierland. Ensuite, cela s'est étendu et nous sommes partis dans un concept beaucoup plus "momie", avec bandelettes, croisière de la momie, etc. A partir de cette approche plus classique et effrayante, nous avons décidé de faire évoluer le concept et nous en sommes arrivés à quelque chose de plus amusant. C'est là que nous avons créé les personnages des Hommes-Citrouilles, complètement ludiques et encore décalés par rapport à Halloween. Par exemple, nous avions la peinture orange que l'on mettait (et que l'on met encore) partout, un peu comme des enfants qui jouent. Mais cela pouvait être aussi une forme d'interprétation plus satirique par rapport aux films gores… si ce n'est en orange! Il y a toujours plusieurs lectures possibles…
Ensuite, nous avons imaginé opposer les Hommes-Citrouilles aux Sorcières Roses. Dans le même temps, il y avait aussi toujours plus de demandes pour y associer des personnages classiques de Disney. Par conséquent, certains Personnages Disney se sont rajoutés à la fête, comme Stitch, par exemple. C'est ainsi que nous travaillons maintenant beaucoup avec Jack Skellington et Sally, de L'Etrange Noël de Mr. Jack de Tim Burton.

Dans quelle tradition d'Halloween vous situez-vous?
Même si Halloween a un côté "fête des morts", nous avons préféré l'aspect plus traditionnel avec le côté "carnaval" et festif. C'est l'époque de la fin des récoltes et on fait la fête avant l'hiver. A part la période où il y avait les momies, nous n'avons jamais vraiment joué sur le côté effrayant de cette fête. C'est un aspect déjà très exploité au cinéma et quoi que nous fassions, notre but est toujours de proposer à nos visiteurs quelque chose de différent. Après tout, Disneyland Paris est vraiment le lieu idéal pour s'amuser, non?
Vous inspirez-vous des décorations des autres parcs Disney comme Tokyo Disneyland?
Non. Le design d'Halloween de Disneyland Paris est complètement original.



Quelles sont vos sources d'inspiration?
En ce qui concerne les Personnages Disney, nous avons des chartes à respecter car ils sont tellement marqués qu'il ne faut pas en dévier. A l'inverse, pour les Hommes-Citrouilles, nous avions carte blanche car les personnages n'existaient pas avant. C'était intéressant de créer un personnage… qui a été ensuite repris par le parc de Floride! Et par rapport à tout cela, ce qui nous guide pour Halloween, c'est l'idée d'un décalage par rapport à tout ce qui se fait habituellement, pour rendre le sujet plus original.




Comment travaillez-vous avec Emmanuel Lenormand, le metteur en scène du Festival Halloween?
Nous collaborons beaucoup au niveau des scènes. A ce niveau-là, c'est un travail assez classique entre un metteur en scène et un décorateur. Emmanuel a une idée d'un spectacle, d'un thème, et à partir de cette idée thématique, je vais développer le décor et l'ambiance qui vont le mieux avec. Par exemple, pour la Trick or Treat Stage du spectacle des Sorcières Disney, je me suis imaginé qu'une troupe de forains ou un théâtre ambulant avait débarqué dans Frontierland, dans une ville western. Ils ont monté une scène et à l'intérieur un dispositif rudimentaire avec une toile de fond, deux découvertes de chaque côté et quelques accessoires devant, pour que cela garde un côté authentique par rapport à l'histoire de Frontierland. Nous avons ajouté des bâches sur les côtés, comme des vieilles bâches de chariot qui ont beaucoup servi. Ce que j'essaie toujours de faire, c'est que les décorations s'inscrivent naturellement dans le parc, dans l'architecture et dans les thèmes. Il faut toujours faire attention aux proportions des éléments, et à tout ce qui fait le parc de sorte que nos décors soient les mieux intégrés possible dans les décors existants, très détaillés et sophistiqués.




Et en ce qui concerne la décoration de lieux comme Main Street ou Halloweenland, quels outils utilisez-vous pour concevoir les différentes ambiances de ces lieux?
Pour ma part, je modélise d'abord dans mon esprit, puis une fois que l'idée est claire et après quelques esquisses préparatoires, je dessine au crayon à papier. C'est ce que j'ai trouvé de plus efficace jusqu'à maintenant! Cela se passe en plusieurs dessins. Il y a un dessin d'avant-projet, sur lequel on montre l'ambiance générale avec différents éléments. Puis, progressivement, je vais vers le particulier. C'est-à-dire que chaque décor qu'on va pouvoir réaliser après examen de sa faisabilité technique et budgétaire est alors dessiné sur des plans de construction: vue de face, vue de dessus, vue de côté… afin de les donner à des ateliers qui vont réaliser ces éléments en volume.


Comment les différents éléments sont-ils alors réalisés?
Nous avons un atelier qui réhabilite chaque année les décorations que nous avons déjà. Pour les nouveaux décors, ce sont des ateliers extérieurs. Une bonne partie des décors a été ainsi construite en Hollande, Belgique, Allemagne et France. Nous avons aussi beaucoup de contraintes de solidité et de sécurité car nos décors sont la plupart du temps accessibles au public. Il faut donc qu'ils soient extrêmement solides et répondent à des normes de sécurité. Il faut donc des structures métalliques à l'intérieur, et que tout cela passe par des bureaux d'étude d'ingénierie et des bureaux de contrôle.


Puis vient le moment de l'installation.
Tout se passe de nuit. Les décors sont réceptionnés et arrivent en différents endroits du parc, de Frontierland à Town Square. Tout cela demande alors plusieurs semaines de montage de la fermeture du parc jusqu'à 7 heures du matin où il faut tout dégager pour que le parc soit impeccable pour son ouverture. Auparavant, je fais un plan général d'implantation, mais je participe également au montage parce qu'entre le plan et l'installation sur site, il arrive qu'on change d'avis. C'est ce qui est aussi très amusant dans le travail!

Un événement comme Halloween demande à peu près combien de dessins?
Entre les avant-projets, les développements, mais aussi les plans techniques, qui doivent s'intégrer dans la décoration, cela peut aller jusqu'à une centaine!

Vu le succès toujours grandissant du Festival Halloween, il semble que tous ces efforts portent leurs fruits!
A priori, quand je vois nos visiteurs qui se font prendre en photo avec les Hommes-Citrouilles ou sur les différents points photos que nous avons installés sur le parc, j'ai l'impression qu'ils s'amusent bien. Donc, je suis assez content puisque, de mon côté, je me suis bien amusé à les dessiner!

Dessins / concepts par Jérôme Picoche (c) Disneyland Paris - Tous droits réservés
Avec tous nos remerciements à Jérôme Picoche, Isabelle Calbrecht et Gemma Klaw!

vendredi, octobre 16, 2009

BLANCHE-NEIGE EN EDITION DIAMANT: Entretien avec Marge Champion, le modèle de Blanche-Neige

Il y a toujours quelque chose de magique à rencontrer une Légende de Disney. C'est presque comme si toutes ces personnes merveilleuses qui ont travaillé avec Walt Disney avaient été touché par une sorte de poussière de fée et avaient gardé quelque chose du papa de Mickey, à commencer par son optimisme et son énergie. Ou bien est-ce dû au fait que Walt avait un sens inné pour choisir ses collaborateurs?
Probablement un peu des deux. Et Marge Champion est une de ces personnes extraordinaires!
De son vrai nom Marjorie Celeste Belcher est née le 2 septembre 1919 à Los Angeles. Elle a commencé à danser enfant sous la direction de son père, Ernest Belcher, un célèbre professeur de danse d'Hollywood qui a formé Shirley Temple, Cyd Charisse et Gwen Verdon. A 12 ans, elle devenait elle même professeur de ballet dans l'école de son père.
Peu de temps après, elle recevait la plus inattendue des propositions: auditionner pour un dessin animé! Des chasseurs de tête sont venus à l'école de son père en 1933 pour choisir trois danseuses dont elle.
C'est ainsi qu'elle est devenue le modèle de référence pour Blanche-Neige, jouant et dansant devant les animateurs de Walt Disney et filmée par eux afin de constituer une référence qui serait ensuite caricaturée pour les besoins du dessin animé afin de faire de la première princesse Disney un être humain parfaitement convainquant.
Elle a également servi de référence pour la Fée Bleue de Pinocchio et Hyacinth Hippo dans "La Danse des Heures" de Fantasia, qu'elle a également chorégraphiée.
Elle est ensuite devenue une légende du cinéma, de la télévision et de la scène (à Broadway).
Mais plus que la légende ou la star, ce que je garderai de cet entretien, c'est l'extraordinaire gentillesse et élégance d'une grande dame qui a très aimablement accepté de partager ses souvenirs uniques. Elle fut modèle pour Blanche-Neige. Elle est et restera un modèle pour chacun de nous!



Comment êtes-vous devenue Blanche-Neige ?
Je crois que Disney déjà auditionné plus de 200 filles avant de me choisir. Cela n’avait jamais été fait auparavant pour un dessin animé. Parfois ils choisissaient quelqu’un pendant une journée, avant de se décider à filmer. C’était aussi la première fois qu’il était question d’un dessin animé long-métrage. Je n’en avais jamais entendu parler avant mes 14 ans, en septembre, puis j’en ai entendu parler tout d’un coup. La première rencontre a eu lieu quand nous sommes partis tous les trois de l’école de mon père pour nous rendre chez Disney. Mon père, Ernest Belcher, avait une très grande école de danse à Los Angeles et il a également été l’un des tout premiers directeurs de danse sur un film, avant même qu’il y ait des directeurs du son. Il a travaillé pour Charlie Chaplin. Mon père connaissait M. Disney par son travail, mais ils n’étaient pas des amis proches. Il m’a autorisée à y aller parce que j’ai appris à danser à l’âge de six ou sept ans, et il a pensé que cela pourrait être une bonne occasion pour moi d’avoir une expérience sans passer réellement à l’écran. Il n’aurait jamais accepté que je tourne dans un film avant de terminer le lycée. Cela dit, j’avais une expérience dans les ballets de son école au Hollywood Bowl entre autres, et il savait que M. Disney était quelqu’un de bonne réputation et que je ne risquais rien ! Les pères, à cette époque, recherchaient des endroits sûrs pour leurs filles, surtout s’ils connaissaient le milieu!
Je suis donc arrivée, et ils m’ont montré les story-boards. Les animateurs et auteurs m’ont montré les costumes, et je me suis mise au travail peu de temps après, en septembre 1934.
Je n’ai pas vraiment réalisé ce qu’il se passait, parce que personne ne réalisait encore à ce moment. C’était la "folie" de Walt Disney. Nous faisions un dessin animé long-métrage ! J’ai grandit devant les Silly Symphonies, les Trois Petits Cochons et les Mickey Mouse, mais personne ne se doutait de l’expérience bouleversante que cela allait être jusqu’en 1937, quand le film a été présenté au Carthay Circle Theater, en décembre.
C’était une très bonne expérience qui me permettait de sauter l’école un, deux ou trois jours par mois, mais je ne me doutais pas à quel point cela allait faire sensation, et à quel point cela allait même sauver les studios Disney de la faillite.

Que deviez-vous faire?
Ils me montraient les story-boards, et je devais m’imaginer courir dans une forêt, avec des draps et des cordes qui pendaient du plafond pour la matérialiser, et je courrais jusqu’à la petite maison des nains. C’était très simple, mais très amusant parce que je me sentais très à l’aise avec tous les animateurs qui étaient en charge des différentes scènes. Il y avait aussi un réalisateur formidable qui s’appelait Ham Luske, qui a supervisé le tout. C’était une expérience que nous avons tous partagé. La plupart des gens qui travaillaient sur le projet étaient assez jeunes, mais ils avaient au moins 10 ans de plus que moi.

Comment avez-vous travaillé avec Louis Hightower, qui incarnait le Prince?
C’était un vrai Prince! Il a été mon premier cavalier. Il s’était entrainé avec mon père. Son rôle était important, puisque je devais mourir, et il venait ensuite me réveiller ! Quelques année plus tard, nous avons fait un show à Broadway ensemble. Après il s’est engagé dans l’armée. C’était aux alentours de 1941, et malheureusement il a été tué. Lui, son frère et sa sœur ont tous les trois étudié avec mon père. Il y avait aussi la sorcière, qui s’appelait Paul Gutkin, qui est devenu un danseur très célèbre, avec Agnès Mills et Jerry Robinson, qui dansaient à New York à l’époque. J’ai également fait un show à Broadway avec eux.

Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Adriana Caselotti, la voix originale de Blanche-Neige?
Elle avait terminé d’enregistrer toutes ses scènes, sauf s’ils écrivaient une nouvelle chanson et avaient besoin de la rappeler. Son père était professeur de chant et elle avait la voix parfaite pour le rôle de Blanche-Neige, mais elle n’était ni une danseuse ni une actrice. Ils ont donc eu besoin de quelqu’un pour la doubler. Je ne l’ai pas beaucoup connue, car elle avait quasiment fini d’enregistrer quand je suis venue travailler sur le film. Mais je me suis habituée à travailler avec sa voix, et j’ai même appris à synchroniser le mouvement de mes lèvres avec ses paroles. Parce que quand elle chantait Un jour mon Prince viendra ou autre chose, je devais vraiment me synchroniser avec sa voix, et j’ai du apprendre toutes les paroles. Quand il s’agissait juste de danser, alors je n’avais plus à m’inquiéter de garder ma bouche en phase avec la bonne syllabe.


En ce qui concerne la danse, vous souvenez-vous avoir improvisé quelque chose qui soit resté dans le film?
Tout n'était qu'improvisation. Je ne savais même pas ce que ce mot signifiait, mais quand mon professeur au lycée de Hollywood High a su que j’allais faire cette audition, il a pensé qu’il valait mieux me faire faire un peu d’improvisation, plein de choses un peu folles qu’il pensait que je devrais faire, et j’ai du passer outre ma réticence à faire quoi que ce soit devant l’équipe de football ou les gens de ma classe. Cela m’a beaucoup aidée et j’ai appris ce qu’était l’improvisation. Les gens chez Disney me montraient ce qu’ils voulaient voir, et parfois ils voulaient le voir d’un angle différent, donc je devais recommencer encore et encore, pour qu’ils puissent bouger l’unique caméra autour de la scène. J’ai vraiment inventé la plupart des mouvements, tout est de moi, et tout ce que vous voyez Blanche-Neige faire, je l’ai certainement répété maintes et maintes fois.

Comment avez-vous vécu l’avant-première de Blanche-Neige au Carthay Circle Theater?
J’avais 17 ans. C’était le 21 décembre 1937 et j’étais tout en haut dans les balcons parce que oncle Walt (il me disait de l’appeler oncle Walt car j’étais trop jeune pour l’appeler Walt comme tous les autres) pensait que le public ne comprendrait pas le besoin d’avoir un modèle de référence pour toutes ses scènes, et penserait qu’ils m’avaient « recopiée ». En un sens, c’est bien ce qu’ils ont fait. Mais ils avaient la possibilité de ne pas utiliser toutes les images. Les animateurs et les réalisateurs étaient libres d’utiliser ou non les modèles. Tout n’était pas recopié, c’était juste un modèle de départ. Mais Walt pensait que le public ne le comprendrait pas. On m’a très vite dit que je ne pourrais pas tirer de publicité de cet évènement. C’est Shirley Temple, qui était une actrice très célèbre à cette époque, et aussi une élève de mon père, qui a été la star de la soirée. Elle n’y était pour rien, mais je la connaissais et nous sommes devenues de bonnes amies. J’allais chez elle pour lui faire des démonstrations quand mon père lui apprenait quelques pas de danse. A cette soirée, j’ai été très impressionnée car c’était la première fois que je voyais le film terminé dans son ensemble. J’avais vu des extraits, par accident. Mais quand j’ai vu le résultat final, entendu les applaudissements et vu les gens pleurer quand Blanche-Neige meurt, c’était impressionnant de réaliser que ce film allait faire un malheur.

Votre collaboration avec Disney ne s’est pas arrêtée ici.
Après ça j’ai travaillé sur deux autres films. J’ai travaillé sur Pinocchio (la Fée Bleue) et Fantasia (la Danse des Heures). Là, j’étais plus habituée à toutes ces choses que nous avions en quelques sorte inventées ensemble.

Pouvez-vous me parler de l’animateur légendaire Art Babbitt, qui est devenu votre mari pendant un moment?
Art travaillait sur le film comme responsable de la reine, et Bill Tytla était en charge de la sorcière. Il avait l’habitude de descendre sur le plateau avec son matériel et de me photographier en train de faire ceci ou cela, puisque, bien-sûr, il était animateur. Art a été un homme très important dans ma vie très temporairement (je crois que nous avons été mariés moins d’un an), mais grâce à lui et au fait d’avoir vécu avec lui, comme il avait toujours tout son matériel d’animation pour travailler un peu après le diner, j’ai pu vraiment comprendre les différentes techniques. Lui et Bill Tytla étaient vraiment les animateurs stars chez Disney à l’époque. J’ai donc appris beaucoup plus sur tout ça que si j’avais juste fait mon travail. J’ai assisté à tout ce qu’Art créait, et j’ai connu tous les personnages qu’il a animés.

Vous parlez de Bill Tytla. Je crois comprendre que vous étiez proches de lui et Adrienne Tytla. Quels sont vos souvenirs de ce couple ?
J’étais très jeune et il y avait plusieurs couples chez Disney, mais j’ai été particulièrement proche d’Adrienne, son épouse. Bien-sûr, ils sont retournés, juste après les évènements d’Hawaii pendant la seconde guerre mondiale, dans leur ferme du Connecticut, et Bill est parti travailler à New-York. On lui rendait visite le week-end. Je suis devenue très amie avec Adrienne, jusqu’à la fin de sa vie. Elle m’a appris beaucoup de choses en cuisine. Elle a écrit un livre extraordinaire sur cette époque. Quand je passais des castings pour des shows à New-York, j’allais passer le week-end chez eux. Pendant qu’elle cuisinait, répétais et cherchait des idées pour mes auditions. Elle avait une boutique formidable avec une superbe collection d’antiquités. A cette époque (fin des années 30, début des années 40), c’était encore la dépression et vous pouviez acheter des choses fabuleuses dans différentes boutiques à travers le pays. Elle avait beaucoup de goût. Elle a été modèle pour des cours d’art, et c’est là que Bill et elle s’étaient rencontrés. John Canemaker disait toujours que Bill Tytla était le plus grand artiste parmi eux. Ils avaient une dizaine d’années de plus que moi, mais ils m’ont en quelque sorte adoptée. Et encore une fois, j’ai vraiment beaucoup appris sur les techniques, plus que si je m’étais contentée de servir de modèle.

Qu’avez-vous appris au contact d’Art Babbitt et Bill Tytla?
Je ne suis pas une artiste moi-même. J’ai même beaucoup de difficultés à tracer une ligne comme je veux. Mais d’une façon ou d’une autre, ce monde m’a toujours attirée. Et j’ai vu les techniques qu’ils devaient employer, image après image, surtout quand il y avait plus d’un personnage, oiseau ou autre dans la scène. C’était très fastidieux, mais c’est ce qu’on appelle full animation, qui est toujours utilisée dans La Princesse et la Grenouille. C’est de la caricature, mais, selon eux, cela doit garder un certain degré de réalisme. Et pour atteindre cela, c’est un travail très long et fastidieux.

Vous avez commencé à travaillé sur Fantasia juste avant que Blanche-Neige ne sorte. Cette expérience était-elle différente ?
J’ai dirigé un peu la danse. J’ai principalement fait la ballerine hippopotame, mais aussi d’autres personnages de la danse des heures. Je n’étais pas de la même forme qu’un hippopotame. Ils avaient d’autres modèles pour la forme, mais qui ne dansaient pas. Je suis allée voir les Goldwyn Follies au cinéma et j’ai vu une danseuse fabuleuse, Vera Zorina qui était à l’époque mariée à George Balanchine. Elle sortait d’une piscine et dansait, j’ai pensé que c’était une idée géniale pour l’hippopotame. Je suis rentrée aux studios, et j’ai dit : « Vous devez voir ce film ». Ils l’ont effectivement vu et ont pensé que c’était une idée formidable pour l’entrée en scène de l’hippopotame. Il y avait aussi des éléphants. Et il y avait onze autres filles que j’ai pu amener aux studios pour les faire jeter leurs ballons en l’air pour qu’ils étudient la scène où les éléphants jettent des bulles en l’air. C’était une collaboration bien plus poussée que je ne l’ai réalisé à cette époque.

Louis Hightower a servi de modèle pour Ali Gator. Comment avez-vous travaillé de nouveau ensemble ?
Parfois on devait porter des maillots de bains pour qu’ils puissent étudier les lignes de nos corps. Ils nous montraient des story-boards, mais dans tous les cas, nous pouvions improviser et leur donner matière à travailler.

On raconte que vous avez aussi servi de modèle pour la cigogne de Dumbo. Est-ce vrai ?
Je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit sur Dumbo, qui est un film que j’adore. Mais il faut remercier M. Disney d’avoir donner de l’importance à la danse dans ces films, car cela les a vraiment enrichis. Il y a des choses que les personnages font, pour lesquels je suis sûre qu’ils ont fait venir des modèles au moins un jour ou deux pour étudier les mouvements. Dans Blanche-Neige, il y avait un acteur, à l’époque, Billy Gilbert, qui faisait toutes sortes d’éternuements. Je le connaissais car il était marié à la sœur de ma meilleure amie. J’ai assisté à son travail sur Atchoum. Pour seulement un nain, ils faisaient venir quelqu’un pour un jour ou deux. J’ai parfois travaillé avec certains d’entre eux, mais je travaillais surtout avec les animateurs et les réalisateurs.

Comment décririez-vous Walt Disney à cette époque?
C’était un homme très passionné. Il ne venait pas très souvent sur le plateau. Quand il avait parlé aux animateurs et leur avait donné ses directives, il les laissait faire leur travail. C’est pourquoi il avait les meilleurs artistes de l’époque qui travaillaient pour lui, parce qu’il les laissait libres jusqu’à ce qu’il voit le résultat. J’imagine qu’il passait ses jours et ses nuits, dans son bureau ou chez lui, à regarder tout ce qui sortait des studios. Il s’impliquait personnellement dans tout ça, mais on ne le voyait pas souvent sur le plateau. Il travaillait avec les meilleurs, et il les inspirait.

Impressionnant pour un jeune homme d’une trentaine d’années seulement!
C’est vrai que c’est impressionnant, mais vous savez, le leadership se trouve dans des personnes qui ont un vrai don, et c’était son cas. Je pense que dans un certain sens, personne n’avait meilleur goût que lui. Il venait du centre des Etats-Unis, pas d’une classe d’élite, mais il était doté d’un génie certain.
Mille mercis à Marge Champion, Mindy Johnson et Doriane Iop, ainsi qu'à Angeline pour la traduction!

lundi, octobre 12, 2009

Le Prince et le Pauvre dans la collection Les Intemporels en DVD: Entretien avec le réalisateur George Scribner

Il est probable que jamais Mark Twain, écrivant Le Prince et le Pauvre en 1881, n'aurait pu anticiper que cette nouvelle serait un jour transposées par les Studios Disney en un dessin animé. Aurait-il aimé? Personne ne peut le dire, pourtant cela se pourrait bien car on ne peut que reconnaître que cette featurette créée par les studios Disney en 1990 figure parmi les dessins animés les plus réussies.

Pas seulement à cause du traitement à la fois amusant et délicat de la nouvelle, mais aussi parce qu'elle présente l'une des plus profondes et touchantes performances de notre cher Mickey Mouse, deux fois star dans le film. Après notre discussion sur le film Oliver et Compagnie, notre hôte pour la seconde fois (et nous en sommes ravis) est George Scribner, son réalisateur, qui discute avec nous de ce qui est probablement sa production préférée
.

Comment la production du Prince et le Pauvre a-t-elle commencée pour vous?
Je savais que de nombreux projets étaient développés au même moment, et qu'ils recherchaient toujours ce qui pouvait faire interagir les Fab 5 (Mickey, Donald, Dingo, Pluto et Minnie). Une fois que Bernard & Bianca au Pays des Kangourous obtint le feu vert et fut terminé, j'ai compris que Jeffrey Katzenberg voulait le sortir avec quelque chose d'autre, simplement pour lui donner plus de valeur. A cette époque, le Prince et le Pauvre n’existait que sous la forme d’un développement. Je l'ai lu et je l'ai beaucoup aimé. C'était vraiment un défi de mettre Mickey dans un cadre aussi profond sur le plan émotionnel.

En choisissant la nouvelle de Mark Twain, avec deux mickey, c'est deux fois plus de plaisir!
Cette idée vient du roman de Mark Twain qui relate les aventures de jumeaux. Une fois qu'on a décidé de le faire avec Mickey, Dingo et Donald, il fut très facile de doubler Mickey. C'était amusant car originellement, j'étais pour que Mickey ait un accent british dans sa version Prince, et une voix plus simple dans sa version Pauvre. Et Jeffrey a eu la bonne idée de proposer une autre approche en disant "non cela empêche véritablement les deux d'être identiques, ce qui justement, permet à l'un et l'autre d'échanger leur place". Et il avait raison. C'etait très facile en fait à réaliser puisque c’était déjà mis en place dans la nouvelle originale.


Comment pouvez-vous expliquer qu'après le Noël de Mickey ce soit de nouveau le format court métrage qui fut choisi ?
C'est vraiment une très bonne question, mais je n'en ai pas la réponse. Nous avons certainement pensé lorsque nous le produisions qu'il aurait pu être étendu à un long métrage. L'histoire a tellement de densité et de complexité que le film aurait facilement pu passer à 60-65 minutes, comme Les Trois Mousquetaires. Ca aurait très bien marché. Il y avait suffisamment de matériel dans l’histoire pour soutenir un moyen métrage. Je pense que cela a plus à voir avec les réalités de l'époque. Ils ne pouvaient pas juxtaposer au cinéma une diffusion de deux films l'un après l'autre, mais un petit film de quelques minutes avait une durée parfaite pour le public avant le grand film.
Qu'avez vous fait du script que vous avez reçu?
Le scénario était déjà bien avancé et bien finalisé au moment où je l’ai lu. En gros, les premières images sont restées intactes. Il y a eu quelques séquences qui ont été modifiées dans le milieu de film, ce qui fait partie du processus : vous remodelez et affinez constamment l’histoire. Finalement, certaines séquences d’action ont été étoffées et d’autres séquences ont été refaites, mais nous n’avons pas modifié la structure fondamentale du scénario. La structure de l’histoire était tellement bien posée et nous avions tellement de choses à travailler avant de commencer. Le film est devenu de mieux en mieux car la structure de base était parfaite. C’etait véritablement du « plussing » au fur et à mesure de notre avancée. C’est l’exemple parfait de ma propre philosophie en matière d’écriture : Un bon auteur peut gérer et résoudre la plus grande partie du travail de structure de l’historie. Et dans l’industrie du cinéma, particulièrement, un bon auteur fait toute la différence.

Pour moi le parfait exemple est la scène centrale, avec Mickey, ce tout petit personnage, dans la scène où le père du Prince décède. Je pensais : « Wouah c’est fantastique ! » Dans mon esprit, c’était clairement réalisable. Il y avait beaucoup d’argument comme : c’est juste Mickey. Est-ce qu’un tel personnage a suffisamment de profondeur ou est capable d’exprimer suffisamment d’émotion pour pouvoir lui faire porter le poids de cette scène ? Je pensais que nous pouvions le traiter de manière très subtile et très délicate. Et je pense que nous avons réussi. C’est pour moi la raison pour laquelle je voulais faire ça. « Whouah, pouvons nous en tirer quelque chose ? Ce serait génial ! » Nous avons passé deux ans et demi et nous avons réussi ! Je suis très fier de ce court métrage !

Comment avez-vous abordé cette scène en particulier ?
Tout d’abord, tout a été prévu dans l’histoire même. Puis j’ai travaillé avec l’animateur pour obtenir une performance correcte. Mais la structure émotionnelle était dans le déroulement de l’histoire originale. Ce n’était pas comme si nous avions tout créé ex-nihilo avec l’animateur. Tout était présent, dans les premières bobines, dans les premiers animatiques ; cette sorte de profondeur exactement mise en scène et avec le bon timing. L’animateur savait très précisément quelles poses devaient être prises. Je ne dis pas que l’animateur n’a pas fait de plussing, mais, dans cette scène en particulier, nous avons beaucoup travaillé pour avoir quelque chose qui fonctionne dans le temps imparti. Il n’y avait pas de scène sur-animée. On travaillait sur très peu de dessins. C’était plus la mise en scène qui évoquait ce qui se passait qu’une performance. On doit beaucoup au fait que Mickey baisse la tête et que la caméra se déplace sur la bougie qui s’éteint et meurt.


Comme vous deviez travailler avec les Fab5, et dans la grande tradition des dessins animés de Mickey, aviez-vous fait des recherches historiques pour vous aider à affiner la réalisation de votre film ?
Nous sommes allés voir des dessins animés très précis pour une chose : je voulais que les personnages ressemblent à ceux de la fin des années 30, le dessin le plus proche de celui de Freddy Moore. En particulier pour Mickey. Il avait tendance à être, je pense, un peu plus mignon, un peu plus court, un peu plus arrondi. J’ai beaucoup aimé les proportions que nous lui avons données. Donc nous sommes allés voir The Pointer et The Brave Little Tailor (ce dernier en particulier pour le rendu des couleurs). Nous voulions renouer avec cette esthétique. Je pensais vraiment beaucoup que ça lui donnerait une sorte de fraîcheur et que cela rendrait hommage au travail vraiment génial qui avait été fait, et, si on pouvait le plus possible s’en rapprocher, j’en serais vraiment heureux. Nous étions tous d’accord sur le fait que ce look était juste celui qu’il fallait pour véhiculer une telle histoire classique.

Avez-vous dû faire face à des défis techniques sur cette production ?
Non. C’était la dernière production qui devait être faite de façon traditionnelle. Tout était peint à la main, toutes les images étaient photographiées. Je ne pense pas que nous sommes passés par le CAPS pour photographier, car nous avons fait une très grosse partie de la production à Hollywood chez Dale Baer. Nous n’avions tout simplement pas la capacité de Bernard & Bianca au Pays des Kangourous pour utiliser le CAPS. Donc cela a été fait traditionnellement.

A propos de la musique, le choix de Nicholas Pike semble surprenant car il est plutôt connu pour ses bandes sons de films d’horreur ?
J’ai rencontré Nicholas et il m’a fourni quelques extraits de son travail. Pour le Prince et le Pauvre, nous cherchions quelques chose de plus jeune. Comme bien entendu le budget n’était pas celui d’un long métrage, nous avions certaines limites. Ce n’est pas quelque chose de mal, c’est juste la réalité de ce que nous avions pour créer le film. Donc en écoutant ses extraits, je les ai beaucoup aimés. J’ai pensé que cela pouvait apporter de la fraîcheur, quelque chose de différent car il est jeune. Dans mon esprit la musique que j’avais utilisé pour l’inspiration était les musiques des films L’Aigle des Mers et Anthony Adverse, des pièces que Korngold a écrite, là encore, en fin des années 30 début des années 40. Et cela semblait parfait pour le film. C’est pour ça que j’ai choisis Nicholas.

Il a prouvé qu’il était excellent. C’était quelqu’un avec qui je pouvais travailler. C’était très facile de travailler avec lui, car c’était un des premiers compositeur avec qui il était possible de s’asseoir, comme un animateur ou un peintre, et de travailler avec des extraits et des exemples avant l’orchestration finale de ses morceaux. Je devais aller chez lui. Nous faisions des repérages, avant d’aller plus loin. J’allais tous les après midi après le travail pour écouter ce qu’il avait fait. Avec tous les extraits numériques, vous pouviez vraiment écouter toutes les notes du morceau avant d’aller à l’enregistrement final. Maintenant c’est assez courant, mais il était très en avance sur son temps.

Et à propos du pastiche de Rigoletto pour la chanson de Mickey ?
C’était juste un petit gag simple et amusant. Nous avions été réunis sur cette chanson et nous avons trouvé cette idée qui nous semblait sympa. Et Jenny Tripp a écrit les paroles sur ce morceau.

Simple mais très efficace. D’autant plus que l’idée de parodier une pièce d’opéra a été reprise dans les Trois Mousquetaires.
En fait le coordinateur de la production du Prince et le Pauvre était Donovan Cook, le réalisateur des Trois Mousquetaires. Je n’en sais rien, mais peut-être qu’il avait aimé.

De l’histoire, à la direction artistique en passant par la musique, Le Prince et Le Pauvre est certainement un des courts métrages de Mickey les plus charmants.
Merci beaucoup. Une grande partie de cela est due aux personnages. C’était si amusant de travailler avec eux. Vous n’êtes pas assis, perdant une année de votre temps, en essayant de vous demander qui sont vos personnages. Dans ce cas, parce que les personnages sont déjà bien connus, vous n’avez pas à expliquer qui ils sont. Et nous avions des auteurs merveilleux qui travaillaient dessus. Travailler avec ces personnes amusants est toujours un grand plus. C’était réellement un plaisir. Il y a eu des moments difficiles pour réussir à rendre le produit dans les délais et dans le budget. C’était difficile mais c’était très amusant !

Est-ce que ce rapport profond avec les Fab5 vous a aidé dans votre travail pour les parcs à thème comme Philharmagic ?
Absolument. Comme je disais, nous avions fait beaucoup de recherche et cela m’a servi pour les 20 dernières années. J’ai utilisé ça dans tous les travaux que j’ai effectués à Imagineering. Je sais d’où viennent toutes les scènes et je peux vous les citer. « C’est un super gag. Je m’en souviens dans The Pointer, il font pareil. Pourquoi ne l’utiliserions nous pas ici ? » Vous construisez une accumulation de mémoire institutionnelle que vous apportez dans tous les projets que vous réalisez dans le présent.

20 ans plus tard que ressentez vous à propos du Prince et le Pauvre ?
Je suis réellement extraordinairement fier de ce court métrage, et dans une certaine mesure je le préfère à Oliver et Compagnie, car j’ai pu le réaliser exactement comme je le pensais. J’ai eu une grande latitude. Pour finir, c’était vraiment une expérience enrichissante, et nous avions fait tout ce que nous avions prévu de faire. Je n’ai pas le poster d’Oliver et Compagnie dans mon bureau, mais j’ai celui du Prince et le Pauvre. Il y a quelque chose avec ce dessin animé qui fait que je reste sentimentalement très prochede lui.

Avec toutes nos amitiés à George Scribner et nos remerciements à Scrooge pour la traduction!
George Scribner est aussi un peintre de talent, aux sujets allant de Disneyland à son Panama natal. Retrouvez ses toiles sur Disney Central Plaza!

mardi, octobre 06, 2009

BLANCHE NEIGE EN EDITION DIAMANT: Entretien avec la Directrice Creative de l'Animation Research Library, Lella Smith

Walt Disney a toujours eu une tendresse particulière pour les Sept Nains -tout comme ses successeurs: après tout, n'est pas Simplet qui trône au sommet du Team Disney Building de Burbank?
Il faut dire que c'est pour une bonne partie grâce à eux que le classique de 1937 a eu un tel succès à travers le monde, et les studios Disney leur doivent sans doute leur survie et leur développement.
Comme Walt l'a déclaré à l'époque: "Les Sept Nains étaient parfaits pour notre film. Avec eux, on pouvait y apporter un humour infini, non seulement par rapport à leur apparence physique, mais également par rapport à leurs manières, leur personnalité, leur voix et leurs action."
Pour ce faire, il a entouré leur création de tout ses soins, faisant de ces personnages a priori secondaire de véritables et inoubliables personnalités.
Et c'est cette histoire que nous avons eu le plaisir d'écouter lors d'une conférence virtuelle organisée par Walt Disney Studios Home Entertainment, autour de Lella Smith, Directrice Créative des archives Disney, à l'occasion de la sortie de l'Edition Diamant de Blanche Neige et les Sept Nains.




Comment expliquez-vous le triomphe planétaire de Blanche-Neige et les Sept Nains?
Pour moi, la raison en est que Walt Disney a été capable de donner à ses personnages tant de sentiment, avec une telle sincérité et une telle humanité que l'on ne peut s'empêcher de se sentir proche d'eux. Vous savez, ce fut un défi de taille pour tous ces artistes car ils n'avaient pratiquement dessiné que des animaux auparavant et il leur était difficile d'exprimer de telles émotions.

Ils ont donc passé des heures et des heures à développer les personnages pour les rendre vraiment humains, de sorte que l'on puisse se sentir lié à eux. Par exemple, après avoir dessiné des chiens ou des chevaux tombant d'une falaise, ils se sont posé la question de savoir comment traduire cela avec un personnage humain. Contrairement au cartoon, les humains pouvaient mourir, et cela change tout le rapport aux personnages.

Je pense également que ce succès vient des changements apportés à l'histoire originale. On a parfois critiqué Walt pour cela, mais je pense que grâce à lui, Blanche Neige et les Sept Nains est devenue une meilleure histoire. Par exemple, il y a le fait que Blanche Neige devienne la belle-fille de la reine, plutôt que sa fille, comme c'est le cas dans la version des frères Grimm. Je ne connais pas assez la version "film muet" pour pouvoir la comparer avec le dessin animé, mais si on le compare avec le conte, c'est très parlant.

Je sais par exemple que dans la version du conte, Blanche Neige devait avoir sept ans et donc avoir la reine pour mère. C'est alors que Walt Disney a dit qu'il ne pouvait pas raconter une histoire dans laquelle Blanche Neige serait tuée par sa propre mère. C'est ce genre de modifications qui a fait que le public a pu se sentir davantage connecté à l'histoire.

Vous savez, la reine de la version original meurt dans d'atroces douleurs après avoir dancé avec des chaussures dans lesquelles ont été mis des charbons ardents. C'est Walt qui a décidé de faire tomber la reine d'une falaise juste avant que Blanche Neige soit réveillée par son prince, de sorte qu'on puisse vraiment célébrer cet amour naissant entre eux deux. L'histoire n'en est que plus efficace.



Comment les artistes ont-ils travaillé pour parvenir à ce niveau d'expressivité qui nous a tous conquis et qui fait toute l'innovation et la valeur de Blanche Neige dans l'histoire de l'animation?
Ils se sont concentrés sur les désirs essentiels de ces personnages. Egalement, ils ont essayé de leur mieux de faire en sorte que les personnages interagissent, que ce soit par leurs gestes ou leurs expressions faciales. Regardez la princesse, son visage délicat: comment le prince pourrait-il ne pas en tomber amoureux? Les animateurs ont donc travaillé d'arrache pied sur ces détails subtils de façon à rendre cet histoire très spéciale.

Ils se sont aussi rendu compte que la reine, qui est extrêmement belle elle-aussi, était encore plus menaçante de par sa beauté. Une femme méchante, si elle est belle, est encore plus méchante! Ils ont donc pris des décisions artistiques qu'ils ont exprimé dans leurs dessins.


Le fait que chaque nain a une personnalité bien définie est aussi un atour majeur du film.
Il est en effet très important de noter qu'on peut très nettement différencier les nains rien qu'en les regardant. Il y a toujours un détail qui vous fait dire qui est Simplet, qui est Dormeur, qui est Grincheux, etc. On peut tout de suite les identifier.

Ce fut d'ailleurs une frustration importante que les artistes qui ont travaillé sur le film ont eue dès le départ. Dave Hand, qui était le principal metteur en scène, disait toujours qu'il n'arrivait pas à les différencier et qu'il fallait absolument trouver un moyen de le faire.

Et c'est ainsi que tout a commencé avec les noms des nains. Un processus long et compliqué.
Une quantité phénoménale de noms différents a été envisagée!

Il y avait Jumpy, Baldy, Grumpy, Happy, Doc, Sleepy…. Tout est venu d'une réunion des scénaristes, le 9 octobre 1934, lorsque Walt a dit: "Je vais vous parler des nains. Voici des descriptions de qui ils sont." A cette époque, Jumpy et Baldy étaient encore là, mais ils ont été vite remplacés.

Mais cela vous montrer bien d'où viennent les personnalités des nains. C'est là qu'on a décidé que Dormeur s'endormirait toujours au mauvais moment, qu'une mouche viendrait toujours l'enquiquiner, qu'il serait relativement mince et désordonné, avec une chaussure pas remontée. Jumpy devait être l'excité du groupe, toujours à parler à toute vitesse et à mélanger les mots: "he's asleep in my sled…. She's asleep in my bed".

C'est ainsi que chacun avait un portrait nettement défini. Il y avait aussi Wheezy ou Stubby, toujours dernier dans le rang, plus gros et plus petit que tous les autres. Je pense que Walt a compris très tôt qu'il y aurait un nain qui volerait la vedette aux autres. Il avait besoin de ces nains pour son film pour toute une série de raisons, notamment, et pas des moindre, pour apporter la touche d'humour nécessaire pour que le film ne sombre pas dans le tragique. Il pensait que les nains pourraient apporter une respiration comique et que ce serait eux les personnages auxquels le public allait s'identifier.

Dès le départ, il a pensé que Prof serait le leader du groupe, mais au final, c'est Simplet qui lui a volé la vedette! Tout le monde adorait Simplet et en revoulait!

Parmi les noms abandonnés, il y avait aussi Hicky, Gabby, Nifty, Sniffy, Lazy, Puffy, Stuffy, Shorty, Wheezy, Burpy, Dopey, Dizzy, et Tubby. Et tous ces noms étaient destinés à inspirer les dessins et les caractéristiques des nains. Comment dessiner Nifty? Cela semblait difficile. Et Stuffy? Difficile aussi. On comprend alors qu'ils n'aient pas été gardés!

Vous n'imaginez pas combien il est passionnant de lire ces comptes-rendus des innombrables réunions qui se sont tenues à leur propos entre 1934 et 1936 pour définir leur personnalité, leur façon de bouger et de réagir. Il y avait là des artistes de légende comme Bill Tytla et Freddie Moore. Ils disaient: "Il faut se concentrer sur leur façon de penser. C'est cela qui va déterminer leur action." Et le metteur en scène Dave Hand d'ajouter: " Je dois surtout savoir comment ils vont bouger afin que je puisse les reconnaître."

Ce fut donc un perpétuel échange.


Comment les nains en sont venus à travailler dans une mine?
Il y a eu un moment où on a dessiné les nains sous forme de marin, dans un bateau. Je ne saurais vous dire le pourquoi du comment, mais ils sont plutôt drôles avec leurs chapeau de marins et leur barbe! Ils semblaient avoir un sale caractère! Il faut savoir que jamais, dans les différentes versions de l'histoire, les nains ne devaient travailler dans une mine. Mais c'est ce que Walt Disney souhaitait car cela ajoutait un petit côté salissant qui contrastait avec les versions antérieures qui les décrivaient comme très méticuleux.

Walt Disney a pensé que ce serait plus drôle s'ils ne se lavaient pas souvent, s'ils travaillaient dans une mine de diamants, que leur maison soit en désordre et que ce soit Blanche Neige qui y fasse le ménage et les aide à mieux vivre ensemble. Ce n'était pas le cas dans la version des frères Grimm.



Vous parliez de Simplet. Que pouvez-vous nous dire sur sa création?
A un moment, Simplet était très grand et lourd. C'était un adulte comme les autres nains. Mais on s'est rendu compte qu'il ne ressortait pas assez. Il fallait que Simplet soit très enfantin, innocent et drôle, ce qui n'était pas possible si on en faisait un adulte. Ce qui ressortait, c'était sa lenteur et on ne voulait surtout pas se moquer de lui, ni de personne d'autre.

C'est ainsi que Simplet est devenu le seul nain à ne pas être vieux. Il n'a pas de barbe. Il est comme un enfant. De fait, son design a passablement changé.

Walt Disney a apporté toute son attention à la définition des nains, et à celle de Simplet en particulier, de sorte que personne n'imagine qu'on se moque de lui. On lui a donné un côté juvénile, augmenté la taille de ses oreilles et de son bonnet de sorte qu'il lui tombe sans cesse sur le nez. En rajeunissant, il est devenu un personnage plus intéressant.



En matière de personnalité, celle de Grincheux est elle aussi particulièrement intéressante.
Il est en effet très intéressant de voir comment la personnalité de Grincheux change. C'est la personnalité la plus sophistiquée de tous les nains dans la mesure où il commence par vouloir se débarrasser de Blanche Neige. Il apparaît au départ comme un misogyne. Il n'est pas sensé l'aimer et la laisser rester. Mais au fur et à mesure que le film avance, on remarque qu'il l'aime de plus en plus, au point que, lorsque les animaux viennent l'avertir qu'elle est en danger, c'est lui qui décide d'aller la sauver.

C'est un virage à 180° et ce fut particulièrement intéressant pour les animateurs de travailler là-dessus. Il est principalement l'œuvre de Bill Tytla, mais également de Freddie Moore, Dick Lundy et Fred Spencer. Bill Tytle fut l'un des plus grands animateurs qui a jamais travaillé chez Disney et il a beaucoup apprécié le challenge que représentait Grincheux.



Les animateurs ont aussi puisé leur inspiration dans des films de référence tournés pour l'occasion avec de vrais acteurs.
Walt Disney s'était frotté à cette technique auparavant, mais quand il a fallu travailler sur Blanche Neige, avec tous ces personnages humains, il y a plus largement fait appel. Rappelez-vous que les animateurs de Disney avaient plutôt l'habitude de dessiner des animaux. Quand on commence à dessiner une main de vraie jeune fille, vous devez vraiment savoir ce que vous faites. C'est ainsi que l'idée a surgi de faire appel à quelqu'un comme Ed Collins, en lui demandant de venir au studio pour danser et bouger comme les nains, et ce devant les artistes.

C'est donc ce qu'ils ont fait. Et il est particulièrement intéressant de noter que Freddie Moore a emporté le film chez lui, cette nuit-là, qu'il l'a passé au ralenti, puis l'a accéléré, puis de nouveau au ralenti et de nouveau accéléré et c'est comme cela que les animateurs ont véritablement pris conscience du squash and stretch. C'est à ce moment qu'ils ont compris que, lorsqu'on fait un geste comme étendre le bras, cela demande toute une série d'actions et de réactions.

On raconte que, quand il est revenu le lendemain, il y avait une telle différence dans l'animation du personnage que tout le monde a été émerveillé et qu'on a alors su qu'il était possible d'animer les nains de façon totalement convaincante.

Parmi les modèles, il y avait bien sûr l'adorable Marge Champion. Elle était particulièrement belle, et elle l'est toujours, tandis qu'elle vient d'avoir 90 printemps! Elle dansait sur une scène en faisant bouger sa robe, ce qui permettait aux artistes de voir et de comprendre le mouvement. Elle a également aidé à définir les mouvements de Simplet tandis qu'elle portait un long manteau. Je précise que les artistes n'utilisaient pas ces films pour les copier. Uniquement comme référence. Ils ont utilisé ses mouvements de danse comme source d'inspiration. Cela a permis de vraiment améliorer le film du point de vue des mouvements humains.

Ne dites jamais à ces artistes qu'ils ont animé sur les films comme on le fait dans la technique du rotoscope. Cela les mettra dans une colère noire car ce n'est pas du tout le cas! Ils utilisent ces films purement pour la référence, l'inspiration, et pour comprendre comme un tissu bouge ou un gros ventre…. C'est très important. Quand vous tournez brusquement la tête, elle rebondit en sens inverse. C'est cela le squash and stretch. C'est dans cette mesure que les films de référence ont eu un impact certain sur le film.


Comme vous l'avez évoqué, les nains apportent beaucoup d'humour au film. Comment ces gags ont-ils été imaginés?
C'était quelque chose de très important pour Walt Disney. Il proposait $5 ou $10 pour chaque gag qui serait utilisé dans le film. N'oubliez pas que nous étions au cœur de la Grande Dépression. On pouvait se payer le restaurant pour 35 cents. $5, c'était beaucoup d'argent.

Beaucoup de ces artistes venaient du monde de la presse écrite, du journal. Ils étaient contents de trouver un boulet dans la Dépression. Ils avaient l'habitude de faire des bandes-dessinées ou des cartoons, avec un gag par scène, et cela les amusait beaucoup. Je me souviens notamment d'un dessin sur lequel les nains se brossent la barbe avec une sorte de rateau. Il y avait des dizaines de gags du même genre qui étaient proposés à Walt.


Avez-vous d'autres exemples de gags qui n'ont pas été utilisés dans le film?
Il y a des séquences entières qui ont été développées et qui n'ont pas fini dans le film. L'une d'entre elles était la fabrication d'un matelas. C'était très drôle. Il y avait aussi beaucoup de gags impliquant Simplet. Par exemple, il pouvait se prendre les pieds dans des seaux ou encore jouer au bonneteau avec un écureuil et perdre à tous les coups!

Il y a une séquence de soupe qui a été supprimée. Une séquence de bagarre, également. Tout cela vient de ce que Walt Disney était très attaché au fait que l'histoire avance. C'était le plus important pour lui.


A l'époque de Blanche Neige, on n'avait pas l'habitude de conserver les dessins et concepts originaux. Comment avez-vous retrouvé toutes les archives du film que vous possédez?
Déjà, les éléments qui étaient conservés ne l'étaient pas de façon "scientifique". Walt gardait toujours les dessins d'animation car il savait qu'il pourrait les utiliser pour d'autres dessins-animés et retourner les voir pour étudier un geste en particulier. Mais à cette époque, les concepts et dessins préliminaires n'étaient pas conservés.

Nous avons eu la grande chance il y a trois ans de pouvoir acquérir une collection de dessins de Blanche Neige grâce à un collectionneur du nom de Steve Ison. Il avait réuni des dessins pendant près de 35 ans. Beaucoup de gags et de films de référence. Et quand il est parti à la retraite, il a pensé à nous. Ce fut une grande chance!

A l'époque, les artistes ramenaient leurs dessins à la maison et ils étaient récupérés par les familles. Steve Ison a donc acheté certains de ces dessins aux artistes eux-mêmes. Avec le temps, l'habitude est née de les laisser au studio. Mais ce fond nous a grandement aidés dans nos recherches.



Toutes ces archives montrent très nettement l'influence européenne de Blanche Neige.
C'est une influence fondamentale. Quand Walt Disney est allé en Europe en 1934, il a découvert la littérature, l'art et l'architecture. Et cette influence a perduré dans son œuvre pendant de nombreuses années. Il a ainsi approché plusieurs artistes européens et leur a demandé de venir à son studio. Parmi eux, j'ai appris récemment qu'il y avait Arthur Rackham, qui, à l'époque était en retraite à la campagne et a décliné l'invitation!

Walt Disney pensait vraiment que, pour apporter l'authenticité nécessaire à son film, il avait besoin de quelqu'un qui connaissait réellement par exemple l'architecture et le mobilier allemands. Et c'est aussi une des raisons du succès du film. Il y a une authenticité dans les décors que l'on retrouve dans la chaumière des nains et dans le château, et ce grâce aux nombreux artistes européens qui y ont participé: Herder, Hovarth, Tenggren et tous les autres. C'est une démarche qu'il a poursuivie sur plusieurs films. Il a continué à engager des européens parce qu'ils avaient cette formation et cette culture classiques.

La formation était d'ailleurs un élément important pour venir travailler au studio. Walt Disney faisait venir un professeur de dessin pour apprendre à ses artistes à dessiner des formes humaines, ou des animaux de sorte que même les artistes qui sortaient de Chouinard et d'autres grandes écoles pouvaient continuer à s'améliorer. Il pensait que les européens pouvaient beaucoup nous apporter.

J'ai eu la chance de pouvoir voir bon nombre des livres qu'il avait ramenés d'Europe. Maintenant, ils sont conservé dans une pièce spéciale fermée. C'était des livres d'Arthur Rackham et d'autres illustrateurs du même genre, d'un raffinement inoui.

En parlant de contes de fées, je voudrais attirer votre attention sur le fait que l'ARL (Animation Research Library) a activement participé pendant deux ans à la préparation d'une exposition qui va ouvrir ses porte au New Orleans Museum of Art le 15 novembre prochain, et ce jusqu'à mars de l'année prochaine. Elle s'intitulera Dreams Come True, Art of the Classic Fairy Tales from the Walt Disney Studio. Vous pourrez trouver tous les détails sur le site du musée.
Notre but est de montrer comment les contes de fées ont influencé les films de Walt Disney et nous y faisons des comparaisons entre les histoires originales et les versions Disney. Et en guise de conclusion, nous y parlerons de La Princesse et la Grenouille.


Justement, en quoi Blanche Neige et les Sept Nains a pu inspirer les créateurs et animateurs de La Princesse et la Grenouille?
Déjà, ils viennent souvent consulter nos archives et voir nos dessins. Particulièrement nos story sketches car ils adorent voire comme fonctionne la création d'une histoire. Dans leur film, ils voulaient retrouver l'esprit des aquarelles de Bambi et de Blanche Neige et les Sept Nains. Cette façon qu'ont les décors de Bambi de sembler inachevés, tout en vous donnant toutes les informations dont vous avez besoin pour comprendre l'histoire et percevoir l'atmosphère.

Il me semble également que, pour La Princesse et la Grenouille, ils se sont inspirés de La Belle et le Clochard en raison des détails de l'architecture de la Nouvelle Orléans.

Nous sommes très fiers du fait que pour ce film, les réalisateur John Musker et Ron Clements ont pu aller voir John Lasseter pour lui dire qu'ils voulaient créer un nouveau conte de fée, qu'il ressemble à un conte de fée, et lui demander de leur permettre de le faire en animation traditionnelle. Il a été d'accord et a donné son feu vert. Nous en sommes vraiment ravis, et les artistes également. Certains artistes sont même revenus chez nous et nous enchantés de retravailler de nouveau de cette façon.

Merci à Gaëlle Besson, Doriane Iop et Mindy Johnson

Plus de détails sur l'ARL sur Disney Central Plaza.
Venez discuter de l'Edition Diamant sur DisneyGazette