mardi, septembre 28, 2010

PRINCE OF PERSIA - LES SABLES DU TEMPS EN VIDEO: Entretien avec le compositeur Harry Gregson-Williams

Quels défis avez-vous rencontrés lors de l'écriture de Prince of Persia?
Avant tout, le principal challenge a été de composer pour un film de Jerry Bruckheimer. C'est quelque chose de très particulier. Quand j'ai commencé à Hollywood, j'ai travaillé avec Hans Zimmer sur des films comme The Rock et avec Trevor Rabin sur Armageddon. Quelques années plus tard, j'ai fait deux films avec Jerry, Veronica Guerin -qui n'était pas un film typiquement "Bruckheimer", et Déjà Vu qui, même s'il était produit par Jerry, était davantage un film de Tony Scott. Ce qui fait que Prince of Persia a été mon premier véritable film d'action avec Jerry. Je me suis sincèrement demandé si cela me conviendrait, mais la nature "géographique" du film me tentait trop pour refuser!

A vos débuts, vous avez enseigné la musique en Afrique du Nord en général et en Egypte en particulier. Est-ce que cette expérience vous a aidé d'une façon ou d'une autre pour ce film?
Pas vraiment. Faire Kingdom of Heaven m'a sans doute beaucoup plus aidé car j'ai fait pas mal de recherche à cette occasion sur les instruments du Moyen Orient, J'ai également pris le temps de réfléchir à la question de savoir si je devais écrire une musique orientale avec des arrangements conventionnels ou bien écrire une partition occidentale avec un arrangement perse. J'ai dû mener la même réflexion sur Prince of Persia.

Tout cela fait partie du métier très particulier de compositeur pour Hollywood: on recherche sans cesse de nouveaux challenges, et je savais que Prince of Persia serait une partition pas comme les autres. Quand j'ai vu Jerry pour la première fois sur ce film, il m'a dit: "nous cherchons à faire quelque chose de grandiose, une romance épique comme Lawrence d'Arabie." Il avait tout dit. De toute évidence, ma musique ne ressemble pas à celle de Lawrence d'Arabie, mais cette référence m'ouvrait toutes sortes de possibilités stylistiques, à l'image de ce grand classique.

Avec Jerry Bruckheimer, on s'attend en effet à une grande musique d'action alors que votre partition est surtout lyrique, voire romantique.
C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné Hans tout à l'heure. Je suis une personne réaliste. Je suis sûr que si Jerry avait brandi sa baguette magique, il aurait pu avoir Hans pour faire la musique de Prince of Persia. C'est un peu comme quand j'ai fait Kingdom of Heaven: il ne fallait pas que je me force à faire un Gladiator 2! Je devais rester moi-même essayer de faire ce que je sais faire sans me soucier des standards et des conventions fixées par mes collègues dans d'autres films de Jerry Bruckheimer ou de Ridley Scott. J'ai donc visionné attentivement Prince of Persia et, tout de suite, j'ai été frappé par la relation entre Dastan et Tamina, et non pas par les scènes d'action. C'est ce qui m'a inspiré musicalement.

Comment êtes-vous passé de Kingdom of Heaven à Prince of Persia?
Les deux partitions n'ont finalement pas tant de choses en commun si ce n'est leur situation géographique. Kingdom of Heaven était basé sur des événements historiques, sur les croisades, ce qui fait qu'il y a beaucoup de références religieuses. Il n'y a rien de tout cela dans Prince of Persia, c'est de la pure fantaisie. C'est inventé. Et je pense que cela s'entend dans la musique. Pour les thèmes principaux des Sables du Temps, j'ai voulu essayer quelque chose qui, si vous fermez les yeux, vous fasse imaginer un film d'autrefois, je ne sais pas, des années 60 ou 70, même si c'est aussi un film qui doit parler aux plus jeunes générations. C'est la raison pour laquelle il y a des musiques d'action. Mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel de cette partition réside dans sa dimension romantique.

Comme dans vos musiques pour Le Monde de Narnia, vous associer de façon très originale et efficace des instruments ethniques, un grand orchestre symphonique et des instruments électriques comme le violon de Hugh Marsh.
Il s'agit d'une partition hybride mêlant différents éléments, organiques, électroniques, orchestraux et non-orchestraux. Cela fait vraiment partie de mon langage personnel. Cela fait partie de mon son. Cela n'empêche pas que ma musique est toujours inspirée par les personnages et par les besoins spécifiques du film.

Vous êtes-vous penché sur le jeu vidéo original?
Pas le moins du monde! Le réalisateur, Mike Newell m'a explique qu'il avait d'une certaine façon pioché dans le jeu et associé tous ces éléments pour un faire un film. Mais ce sont bien deux choses très différentes. Je n'ai vu le jeu que de très loin et je peux vous assurer que j'avais bien assez de travail avec le film! Le scénario de Prince of Persia a été mon premier contact avec cet univers, puis un premier montage du film... de trois heures! Cela a pris du temps au réalisateur et aux monteurs pour "trouver" le film, son identité, son équilibre, et pendant tout ce temps, j'ai écrit une musique pour un film beaucoup plus long que ce que vous connaissez!

C'est d'ailleurs souvent le cas. Cela s'est passé exactement de la même façon sur le film de Ben Affleck dont j'ai fait la musique cet été, The Town. J'ai écrit la musique pendant la période de post-production, alors que le montage final n'était pas encore achevé. Cela veut dire que les différentes musiques qui s'intégraient au départ parfaitement au film ont eu besoin d'être totalement ré-examinées pour aller avec la version finale. En tant que compositeur, vous devez en avoir conscience et l'accepter, et ne surtout pas essayer d'aller à l'encontre de ce processus!

mercredi, septembre 01, 2010

LA PRINCESSE ET LA GRENOUILLE EN BLURAY: Entretien avec les réalisateurs John Musker et Ron Clements (Part. 3)

A quel moment Randy Newman a-t-il prit part au projet?
John Musker; Très tôt dans le processus. Nous avons suggéré de travailler avec Randy à cause de sa connaissance de l'Amérique et de la Nouvelle-Orléans. John Lasseter a aimé l'idée. Le script n'était pas encore écrit mais nous avons montré à Randy quelques visuels, lui avons parlé de l'histoire et expliqué comment nous envisagions la musique dans ce film.

A quel point était-ce important pour vous d'avoir de grandes chansons, qui accrochent l'esprit des gens, dans ce film?
John Musker; Nous adorons les comédies musicales, et nous trouvons que les chansons sont un moyen parfait pour montrer les émotions des personnages, tout en étant drôles pour le public. La musique est une facette importante de La Nouvelle-Orléans, elle fait partie de la structure de la ville. Il était donc naturel de l'utiliser. Nous avons assisté au festival annuel de Jazz quand nous étions en voyage d'études là-bas, et nous avons voulu utiliser les différents styles musicaux que nous y avons entendu: Gospel, Dixieland, Swing, Zydeco, etc. Randy Newman a passé son enfance à la Nouvelle-Orléans, et il était donc la personne idéale pour donner vie à cela.

Le Jazz tient une place important dans le film, ce qui est logique puisque l'histoire se passe dans un lieu qui est le berceau de cette musique. Que pensez-vous des dessins animés d'autres studios, comme le récent Dragons, où les personnages ne chantent pas une seule chanson, et qui pourtant ont beaucoup de succès dans les salles?
Ron Clements; J'ai beaucoup aimé Dragons, et je ne pense pas qu'un dessin animé a besoin de chansons pour être un bon film. Mais travailler avec la musique est génial, et je pense que la chanson et l'animation font bon ménage.

Vous avez travaillé sur plusieurs autres films ensemble. Est-ce difficile de diriger un film à deux?
John Musker; Cela nous a aidé, Ron et moi, d'avoir écrit le script ensemble. Du coup, nous avons eu l'occasion d'être réellement sur la même longueur d'onde, et de m'assurer que nous allions raconter la même histoire. Nous avons chacun nos points forts que nous essayons de mettre en commun. Ron s'oriente vers la structure, et est doué avec les émotions. Je tends plus vers l'aspect comique et l’action.

Quelle a été votre expérience la plus forte en travaillant sur La Princesse et la Grenouille, et quelle a été la partie la plus compliqué dans la création du film?
John Musker; Nos voyages à La Nouvelle-Orléans étaient mémorables, tout comme la rencontre avec des gens extraordinaires comme Coleen Salley, une pétillante septuagénaire, un conteuse qui a inspiré le personnage de Mama Odie. Nous avons aussi rencontré Leah Chase, une grande dame qui dirige le restaurant Dooky Chase avec son mari. Je crois qu'elle a dans les 80 ans, elle travaille toujours, et elle a commencé comme serveuse. Elle est formidable mélange de sympathie, de gentillesse et de détermination. Elle a en partie influé sur notre approche du personnage de Tiana. Nous avons aussi enregistré Dr John là bas, et avons fait un tour sur un char à Mardi Gras. Le plus gros obstacle que nous ayons rencontré, c'était quand mon partenaire Ron Clements a appris qu'il allait devoir subir une intervention à coeur ouvert pour un problème d'artères. Il s'en est très bien remis, mais à l'époque nous ne savions pas s'il allait avoir des séquelles.

Tout comme dans les films de Miyazaki, il semble que la nourriture ait une place très importante dans vos films: La soupe au crabe, le ragoût, le gumbo de Tiana et son père. Est-ce un moyen pour le dessin animé de faire participer tous les sens, en plus des belles images et des belles musiques? Avez-vous goûtés les spécialités dans vos voyages d'étude?
Ron Clements; Pas toujours. En fait, nous avons évité les fruits de mer quand nous travaillions sur La Petite Sirène. Mais un des gros avantages d'avoir travaillé sur La Princesse et la Grenouille a été de passer un peu de temps à La Nouvelle-Orléans, et de déguster une des meilleures cuisines qu'il m'ait été donné de goûter. Dans cette ville, les gens sont passionnés de musique et de gastronomie, et nous voulions donc que ces deux aspects aient un rôle important dans le film.


La scène du restaurant a un style d'animation distinct, quel était le but derrière cela?
John Musker; C'est parce qu'il s'agit de son fantasme, et c'était une opportunité pour nous d'utiliser un style très différent du reste du film. Sue Nichols Maciorowski, une extraordinaire artiste, a attiré notre attention sur le travail de Aaron Douglas. C'était un Afro-américain qui a participé à la renaissance d'Harlem, et il a produit des dessins extraordinaires dans un style Art Déco. Nous avons pensé qu'illustrer son rêve dans ce style, et en faire le point de départ de la création de son restaurant, serait quelque chose de visuellement palpitant. Et à l'apogée du film, quand Facilier propose à Tiana de réaliser son rêve, nous avons pu réutiliser ces images en leur donnant un peu de dimension, pour la séduire encore plus.

Vous semblez passionné de Bande Dessinée. Que pensez-vous des adaptations récentes sur grand écran, comme celles de 300, de l'univers de super-héros Marvel ou de la saga Batman?
Ron Clements; John Musker et moi sommes tous les deux de grands fans de BD, en particulier les DC et les Marvel des années 60, l'époque de notre enfance. J'ai adoré le Superman de Richard Donner, les deux premiers Spiderman par Sam Raimi, et d'autres encore. J'ai été époustouflé par le récent "Dark Knight" de Christopher Nolan, je trouve qu'il a atteint un excellent niveau. J'ai aimé 300, et je suis un grand fan de Watchmen. Parmi nos films, celui qui s'approche le plus d'une BD, ce serait Hercule, que l'on a imaginé comme le premier des super-héros.

Y-aura-t-il d'autres films dans l'avenir qui utiliseront ces techniques traditionnelles?
John Musker; Les Studios travaillent actuellement sur un autre long métrage animé à la main. C'est la suite des aventures de Winnie l'Ourson. Nous ne travaillons pas personnellement sur ce projet. Mais nous espérons travailler sur un nouveau long métrage animé traditionnellement. Nous en sommes actuellement aux toutes premières étapes mais nous espérons que cela va continuer.

Avez-vous déjà une opinion sur le prochain film Disney, Raiponce?
John Musker; Il va être spectaculaire. Il comportera des chansons de Alan Menken et Glenn Slater. Glen Keane (le producteur exécutif) s'évertue à pousser les limites des effets spéciaux pour les rendre plus souples et donner plus d'expressions aux personnages. Vous allez adorer.

Pouvez vous nous parler de votre prochain projet?
John Musker; "C'est en cours", comme on dit. Nous explorons plusieurs idées, toutes envisagées en animation traditionnelle.

Vous êtes passés de débutants aux plus hauts niveaux de la hiérarchie à Disney. Qu'est ce que cela vous inspire?
John Musker; Ces 33 années ont été géniales. L'animation a commencé à m'attirer il y a 37 ans quand j'ai entendu le grand directeur de Warner Brothers Chuck Jones parler de l'animation comme d'une discipline dans laquelle vous aviez toujours quelque chose à apprendre, quel que soit votre âge. Cette idée m'a plu, et il avait raison. J'ai toujours l'impression que j'ai encore beaucoup à apprendre.

Ron Clements; Je suis chez Disney depuis 36 ans, et ces années ont passé très vite. Avant ça, j'étais déjà un très grand fan Disney, et je rêvais de travailler pour les studios depuis l'âge de 9 ans, quand j'ai vu Pinocchio. A mes débuts, j'ai travaillé comme apprenti sous l'aile de Frank Thomas, un des légendaires "9 old men". Depuis, j'ai assisté à beaucoup de changement aux studios comme dans ma propre carrière. Mais à l'origine, j'ai été inspiré par l'évidente passion, la créativité et l'intégrité artistique que Walt mettait dans ses films. Il était très impliqué et voulait que ses films soient d'une qualité irréprochable. J'ai gardé cette idée en moi, et j'ai toujours voulu faire pareil. Je me sens très chanceux de travailler chez Disney. Ça a toujours été un rêve devenu réalité.

D'un point de vue personnel, cela fait quoi de faire partie de l'enfance de tant de personnes à travers vos films?
John Musker; C'est amusant pour nous, par exemple, de croiser des petites filles qui s'appellent Ariel ou Jasmine. Quand nous avons fait la promotion de La Princesse et La Grenouille, beaucoup de personnes, garçons et filles, nous ont dit à quel point ils avaient aimé La Petite Sirène, et à quel point ce film faisait partie de leur enfance. La percée des cassettes et DVD a amené la possibilité de voir et revoir ces films à loisir, et les enfants aimant répéter leurs expériences, ces films ont été vus un nombre incomptable de fois. Je considère que j'ai beaucoup de chance d'avoir travaillé sur quelque chose qui dure si longtemps, et qui je l'espère trouvera encore un public nombreux. La musique extraordinaire de ces films a joué un grand rôle dans leur longévité, et Howard Ashman, s'il était encore en vie, serait sûrement ravi de voir que son travail fait de l'effet sur tant de gens.


Vous avez créé des personnages extraordinaires et adorés du public. L'un d'entre vous a-t-il un préféré?
Ron Clements; C'est dur de choisir. C'est comme choisir votre enfant préféré. Mais j'ai toujours eu une attirance particulière pour Sébastien, le crabe de La Petite Sirène. Et pareil pour Ray la luciole de La Princesse et la Grenouille.

Vous avez parlé des enfants qui regardent encore et encore les films Disney. Est-ce-que parfois vous en arrivez à ne plus pouvoir regarder vos films?
John Musker; Je n'ai pas l'habitude de beaucoup regarder nos films après leur sortie. Nous les voyons tellement pendant leur production que nous en rêvons la nuit. Je pense toujours aux erreurs ou aux choses que que j'aurai voulu changé. Si j'y pense trop cela pourrait me rendre encore plus fou que je ne le suis déjà.

Vous dites que vous rêvez de vos films. Ça doit être de beaux rêves!
John Musker; Et ça donne aussi des sueurs froides.

Après une vie passer à animer, êtes vous capable d'entrer dans une salle SANS identifier l'objet qui serait le plus apte à prendre vie et à commencer à chanter?
John Musker; On essaie de ne pas se laisser submerger par le monde qui nous entoure, mais j'ai toujours sur moi un carnet de dessins, et parfois des gens se retrouvent dans nos films sans le savoir. Oh, cette machine à café, là !...


Merci à Angeline pour sa traduction!