lundi, juillet 20, 2009

LA FÊTE MAGIQUE DE MICKEY A DISNEYLAND PARIS: Entretien avec le Directeur de la Musique, Vasile Sirli

Une musique de Vasile Sirli, ça se vit toujours à plusieurs niveaux.

Il y a d'abord le plaisir de la découverte, l'expérience musicale proprement dite où l'on est charmé par les thèmes et leur traitement tantôt poétique, tantôt rythmé. Un voyage fait de couleurs et de danse.

Puis vient le moment où le Directeur de la Musique de Disneyland Paris nous fait le plaisir de venir parler avec nous de ses créations. Et là, on s'aperçoit que ces musiques que l'on croyait connaître recèlent encore d'infinis trésors, de par leurs influences et de par la manière dont elles sont produites. L'occasion, en fait, de redécouvrir et d'apprécier encore plus profondément ces compositions qui animent de façon magique nos journées.

C'est dans cet esprit qu'ont été conçues es musiques de La Fête Magique de Mickey et c'est à une célébration véritablement multiculturelle que nous invite Vasile Sirli!

Quel est, pour vous, en tant que Directeur de la Musique de Disneyland Paris, l’esprit de la Fête Magique de Mickey ?
Au moment d’imaginer la musique de la Fête Magique de Mickey, je me suis interrogé sur la manière de transmettre l’esprit de la fête à une population de visiteurs qui ont un sens différent de la fête d’un pays à l’autre. Certains l’associent à la musique latino, d’autres à la musique pop ou encore au rock. De plus, il ne s’agit pas seulement de questions culturelles, mais également générationnelles. C’est un défi passionnant : comment toucher tous ces publics, comment donner au plus grand nombre le sentiment d’avoir fait l’expérience d’un événement et d’un environnement qui véhiculent le sens de la fête ? A partir de là, il fallait également prendre en compte toutes les manières différentes dont la Fête Magique de Mickey se décline sur l’ensemble du resort, que ce soit dans Place à la Fête... avec Mickey et ses Amis devant le Château de la Belle au Bois Dormant, dans Place à la Danse... à Discoveryland, avec nos orchestres et nos autres spectacles initiés lors de saisons précédentes. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes proposés dès le départ d’avoir une différence entre les différents événements que nous proposons à cette occasion, mais également des points communs. Musicalement, cela s’exprime par des thèmes de chansons Disney que l’on retrouve sous différentes formes, notamment rythmiques, dans différents spectacles. C’est ainsi que l’on retrouve la chanson de Scott Erickson, Mickey’s Magical Party Time tant dans Place à la Fête...avec Mickey et ses Amis qu’à Discoveryland ou encore sur Main Street, mais dans des versions différentes. Même chose pour des thèmes classiques Disney.

Justement, comment avez-vous revu les grands thèmes classiques à travers cette idée de fête et de diversité ?
D’un point de vue général, tous les arrangements sont plus contemporains qu’à l’origine. Par exemple, nous avons voulu introduire une couleur disco qui, après 30 ans, est toujours d’actualité. Pensez au succès de Mamma Mia !, la comédie musicale, mais aussi le film, tous deux basés sur les chansons d’Abba. C’est ainsi que pour A la File Indienne de Peter Pan, nous avons lié une approche ethnique, Sud-Africaine au disco proprement dit. D’un autre côté, la musique associée à Tigrou revêt maintenant des accents celtiques, tandis que celle associée à Donald des accents d’Europe Centrale. C’est vraiment la fête déclinée sous toutes ses couleurs, de l’ethnique au disco en passant par le jazz, le jazz-rock et la pop, avec toutes sortes de mélanges entre ces différents styles, ces différentes références. Parce qu’il ne faut pas oublier que le sens originel du jazz, c’est la fête. Il est devenu plus intellectuel avec le temps, mais son origine est bien festive. Le résultat est une incroyable diversité musicale concentrée sur le temps de ces spectacles pour transmettre la joie et l’énergie de la fête.

Chaque arrangement a d’ailleurs été conçu avec un grand souci d’authenticité par rapport aux références de chaque style.
Avant tout, je voudrais insister une nouvelle fois sur la qualité du matériel musical sur lequel nous travaillons, à savoir les musiques Disney. C’est une joie de faire des variations sur ces thèmes. Ce sont des musiques qu’on peut siffler ou fredonner dans n’importe quelle circonstance. On peut en faire tout ce que l’on veut...à condition de les aimer. Et c’est vraiment le cas pour moi ! A partir de là, nous nous sommes proposés de prolonger musicalement chaque Personnage Disney à travers des couleurs et des rythmes différents. Prenez Tigrou. Il est vraiment la vivante expression de l’idée de « sauter de joie » et les chansons que les frères Sherman ont composées pour lui sont réellement débordantes d’énergie. Comment aller encore plus loin sans pour autant se répéter ? Il m’est apparu que le style celtique était la solution idéale, tant par son approche rythmique ternaire très entraînante que par ces couleurs instrumentales. A ce propos, nous avons enregistré cette musique avec des musiciens d’origine celtique dans les studios Real World (ci-dessus) près de Londres, de véritables spécialistes de ce type de musique. Je pense notamment au fiddle, ce violon traditionnel, mais également aux différentes flûtes celtiques qui apportent une couleur et une rythmique certaines. Même chose pour la musique sud-africaine avec A la file Indienne : nous avons fait appel à des musiciens spécialistes de ce répertoire utilisant des instruments authentiques. La flûte utilisée dans cette musique est ainsi une flûte très simple, en bois, avec un accord très particulier qui fait tout son charme et son authenticité. Je me souviens très bien de la grande réussite et du très grand succès qu’a rencontré l’album Graceland de Paul Simon dans les années 80, dans lequel il faisait appel à des musiciens sud-africains. J’ai donc voulu retrouver cet esprit, ce rythme à la fois très positif, mais également très serein. J’ai pensé que ce serait intéressant d’associer Mickey à cet esprit, à cette sérénité. Pour ce qui est de la musique disco, nous sommes revenus aux archétypes de ce style non seulement du point de vue de la rythmique, mais également du point de vue des violons, de la reverb et du type de mixage qui nous transportent immédiatement dans une certaine époque et qui donnent ce plaisir. C’est ainsi que les musiques de la Fête Magique de Mickey sont truffées de ces références, parfois fugaces, mais qui sont autant de surprises, de clins d’œil, de sourires. Prenez Donald. J’ai imaginé utiliser pour lui un thème moins connu qui lui est dédié, Macho Duck, joué par un merveilleux musicien hongrois au cymbalum. Comme c’est un excellent improvisateur, et que c’était un plaisir pour lui d’avoir à jouer un thème Disney, il a réalisé plusieurs versions parmi lesquelles il a fallu choisir. Ce fut une rencontre magnifique avec lui comme avec les autres musiciens car à chaque fois, ils apportaient leur style et leur personnalité à la musique. Et par-dessus cela, j’ai ajouté un violon traditionnel d’Europe Centrale qui joue une chanson folklorique romaine très célèbre dans mon pays appelée L’Alouette. C’est un véritable moment de bravoure car le violoniste doit imiter le chant des oiseaux avec son instrument un peu dans l’esprit imitatif des musiques du 18e siècle d’un Léopold Mozart, le père du grand Wolfgang Amadeus. Avec Donald, cela devient non seulement une référence, mais un gag car ce dernier ne peut pas voler, et c’est la musique qui le lui permet, d’une certaine façon ! En fait, c’est en pensant à ce morceau que j’ai eu l’idée d’arranger tout ce passage dans l’esprit de la musique d’Europe Centrale.
Ceci dit, avec tous ces styles, il y avait toujours un risque de s’éparpiller. Or, nous avons gardé à l’ensemble une logique, un fil directeur très fort dans la mesure où le maître mot de notre fête, c’est l’humour et la joie. Et dans le même temps, nous sommes toujours habités à un très grand respect par rapport au matériel que nous utilisons et par rapport à nos visiteurs. A partir de là, la voie était toute tracée, il suffisait, pour chaque morceau, d’avoir le déclic, la petite étincelle, l’idée qui allait le rendre intéressant.

La production d’une musique est toujours l’occasion de nouvelles rencontres musicales et j’imagine que cela fut de nouveau le cas ici.
J’ai travaillé à Budapest avec un magnifique orchestrateur/arrangeur appelé Peter Pejtsik (ci-dessus). Comme moi, il a fait des études classiques puis s’est mis à jouer du jazz et du rock. Il a d’ailleurs un groupe de rock progressif en Hongrie. C’est quelqu’un de toujours très énergique et très enthousiaste, toujours prêt à s’amuser en musique- c’est d’ailleurs pour cela que nous nous sommes très bien entendus. Il s’est beaucoup impliqué dans cette production, notamment en jouant de la basse (il a une formation de violoncelliste) et du violon traditionnel roumain dans la partie consacrée à Donald dont nous parlions tout à l’heure. Et pour qu’on se rapproche le plus de l’esprit folklorique, je lui ai chanté et sifflé le thème de L’Alouette afin qu’il joue d’oreille. En aucun cas je voulais que cela passe par l’écrit car cela implique un autre rapport à la musique, plus rigide, plus figé. La musique traditionnelle est une musique de tradition et de transmission orales, ce qui implique une approche plus fluide, plus improvisée, plus vivante. Il ne s’agit pas de jouer une partition, mais de chercher à charmer le public par tous les moyens possibles : vibrato, jeu d’archet, timbres, etc. C’est ce que j’ai voulu pour ce passage.


D’un autre côté, pour Place à la Danse... à Discoveryland, vous vous êtes tourné vers la techno, avec un nouveau mix de Pirates des Caraïbes, à la suite des versions produites par Hans Zimmer et par DJ Tiesto. Comment avez-vous conçu votre propre version ?
Mon attitude en la matière s’inscrit dans la lignée de ce dont nous venons de parler. De la même manière que nous avons souhaité faire un hommage à la musique celtique, à la musique d’Afrique du Sud, au jazz-rock et au disco, nous avons imaginé un hommage à la techno. Sauf qu’il nous paraissait plus pertinent de le faire à Discoveryland, un monde plus directement dédié à la technologie. A partir de là, je me suis tourné vers le metteur en scène de ce spectacle, Emmanuel Lenormand. Comme vous le savez, quand j’aborde un projet, j’interroge toujours les créateurs sur leurs chansons préférées afin de faire un choix. C’est là qu’il m’a parlé de Pirates des Caraïbes. Je me suis donc lancé dans ce projet avec l’idée de rester dans la même famille que ce qui a été fait par le passé, dans les archétypes de ce genre de mixage. Pour cela, j’ai fait une première maquette à partir de la rythmique de Pirates des Caraïbes, et de certaines cellules musicales de l’intérieur du thème. Le thème de Klaus Badelt est à ce titre très bien fait dans la mesure où on peut en extraire quelques notes et toujours identifier de quelle musique il s’agit. Quelques notes suffisent pour que le public le reconnaisse. J’ai donc soumis cette maquette à Emmanuel pour savoir si cela lui convenait du point de vue de la danse. A partir de là, nous avons discuté de l’instrumentation, des sonorités que nous pourrions y mettre, et en utilisant tout le schéma de la musique techno, j’ai contacté Doru Apreotesei de Stockholm pour lui proposer ce projet. Il s’est enflammé très vite et ensemble nous avons créé 8 versions différentes avec des mixages différents –parce que c’est une musique qui se base également beaucoup sur le mixage, sur le travail sur le son pas seulement du point de vue du jeu, mais également du point de vue de la sonorité. Nous avons ainsi pu apporter une nouvelle personnalité à ce thème, tout en restant dans la même famille que les autres remixes. Ce fut un peu comme écrire une symphonie à la manière de Beethoven en respectant tous les idiomes de son style. Ce cadre n’empêche pas, en effet, d’être personnel, pour ne pas dire original –bien au contraire. Beaucoup pense que la musique techno est très stéréotypée. Au contraire, je pense que ce style offre toutes sortes de possibilités, et ce fut un plaisir de travailler dans ce cadre !

Comment avez-vous transformé musicalement la parade Disney Stars and Motorcars des Disney Hollywood Studios en cet événement qu'est Disney's Stars 'n' Cars* mêlant cavalcade et spectacle?
Ce fut un véritable travail collectif dans la mesure où il s'agit d'une sorte de "collage", pour reprendre ce terme emprunté aux Beaux-Arts dans les années 30, une déclinaison de matériels pré-existants sur lesquels on ajoute des éléments nouveaux. C'est le metteur en scène Emmanuel Lenormand qui s'est plongé dans ce concept, qui a une parfaite connaissance du répertoire Disney et qui a choisi les musiques de base pour son spectacle. Vous savez, le parc Walt Disney Studios, c'est comme une visite guidée à travers un conte de fée contemporain. On travaille avec des mythes récents, des histoires qui ont moins de cent ans et la musique de Stars 'n' Cars* est en ce sens un hommage à tous les plus grands moments de l'histoire du cinéma, une présentation de Personnages Disney dans des costumes magnifiques, véhiculés par des automobiles elles-aussi magnifiques, célébrant une certaine culture de divertissement. Mais pas seulement, car il y a une certaine sagesse dans chaque sujet. Et même une grande sagesse. Ensuite, pour la rencontre du public avec les Personnages Disney, nous avons utilisé des musiques tirées de différents spectacles comme une sorte de résumé du monde du cinéma et du spectacle. Et je trouve que cet assemblage apporte une fraîcheur nouvelle à ces musiques, ce qui rend ce spectacle particulièrement agréable et en fait l'un des grands moments d'une journée sur le parc. Pour moi, c'est un autre type de travail, mais tout aussi réjouissant que les autres.

Vous êtes également producteur de disques pour Disneyland Paris. Vous venez d'ailleurs de sortir deux nouveaux albums, Disneyland Resort Paris en Musique et Les Parades en Musique, dans lequel on retrouve l'intégrale de la musique de la Parade des Rêves Disney, sans compter le single de Mickey's Magical Party Time. Pouvez-vous nous parler de cet aspect moins connu de votre travail en tant que Directeur de la Musique?
Pour moi, c'est une manière d'équilibrer les différents aspects de mon métier. J'aime beaucoup alterner entre écriture et production. La production de disque est une passion qui vient de loin, tant dans le temps que dans l'espace. C'est le métier que j'exerçais en Roumanie il y a de cela presque trente ans quand j'étais le directeur artistique de la seule maison de disque de Roumanie. C'était très intense car je produisais à peu près 250 albums par an. Nous éditions tous les types de musiques, mais également toutes sortes de disques car on publiait également des disques de littérature. Grâce à Disneyland Paris, c'est pour moi un véritable retour aux sources. J'ai la possibilité de ne produire que pour le parc, ce qui veut dire que nos disques sont destinés à la vente sur le site seulement et se concentrent sur nos musiques de spectacles anciennes ou récentes et même des versions jamais utilisées pour permettre aux passionnés de musique Disney d'apprécier le travail fait à travers des versions inédites de musiques qu'ils adorent. C'est ainsi que, pour la musique de La Parade des Rêves Disney, nous n'avons pas présenté la musique exactement de la manière dont vous pouvez l'entendre dans le parc car là, la bande-son évolue toujours en fonction du déroulement de la parade et du positionnement des chars. Nous avons donc préféré proposer un medley présentant l'intégralité de la musique de chaque char, un peu à la manière dont cela a été donné en concert par le Royal Philharmonique Orchestra au Royal Albert Hall de Londres il y a deux ans. C'est un travail très minutieux car chaque piste est produite de façon particulière dans le parc, tantôt en mono, tantôt avec une reverb. différente en raison de l'acoustique du lieu. Pour le disque, nous avons un mixage stéréo qui s'approche vraiment des conditions d'écoute idéales. C'est dans cet esprit que je conçois mon métier de producteur: proposer au public des programmes qui lui plaisent, mais également mettre en valeur les talents de mes collègues et des différents interprètes. A l'époque, en Roumanie, pendant quatre ans, je n'ai jamais publié ma propre musique sur disque, pour avoir la liberté d'être le plus juste possible. Et c'est la raison pour laquelle je conçois les disques que je produis comme une mise en valeur des artistes avec lesquels je travaille. Je pense également à mon équipe, les ingénieurs du son du Studio, Michael Obst, Sylvain Chesneau et Xavier Bongrand, sans oublier Estelle Champeau et la contribution toujours très pertinente et très professionnelle de Robert Fienga. Je n'oublie pas non plus nos collègues de la division Merchandising, avec lesquels nous travaillons sur les pochettes, les présentations pour avoir une cohérence avec le design d'une saison ou d'un spectacle. D'ailleurs, je peux vous dire que nous préparons en ce moment-même l'album de l'année Mickey, qui sortira pour la saison d'été, avec des musiques de la Fête Magique de Mickey et d'autres surprises…

Par rapport aux parcs américains, il semble que la tendance des productions discographiques de Disneyland Paris tende davantage vers les spectacles que vers les musiques d'attraction. Qu'en pensez-vous?
En tant que producteur de disque, la vocation de Disneyland Paris est de faire des disques destinés aux visiteurs du parc. Après, je suis le Producteur des musiques du parc. C'est la raison pour laquelle, je produis des musiques de spectacle avec l'idée que le public va adorer les écouter sur disque à la maison comme un souvenir. De plus, je considère que c'est notre vocation de donner la priorité à nos productions, toujours par respect pour les artistes qui nous font l'amitié de travailler avec nous.

Pour finir cet entretien, j'aimerais que nous évoquions la voix originale de Mickey, Wayne Allwine, qui nous a quittés le 18 mai dernier, et qui avait donné de la voix pour bon nombre de spectacles et d'événements de Disneyland Paris.
Pour mes collaborateurs et moi-même, Mickey, c'est lui. C'est pour toujours notre Mickey. Je ne peux encore parler de lui qu'au présent. Je n'ai pas encore réalisé. J'ai eu le plaisir de travailler avec lui à Los Angeles ainsi qu'avec son épouse Russi Taylor, qui fait la voix anglophone de Minnie et j'ai toujours été impatient de le revoir chaque fois qu'on travaillait ensemble. Il est aussi venu plusieurs fois à Disneyland Paris, notamment pour les 5e et 10e anniversaires, du parc. Wayne Allwine, c'est un relation humaine extraordinaire, une générosité, une sorte de désir d'être avec les autres comme on n'en rencontre que chez les gens exceptionnels. A chaque fois, nous avons ri aux éclats, et en même temps, nous avons eu des moments d'une grande profondeur, de réflexion sur la vie, sur le monde, sur l'amitié, sur l'être humain. Les artistes qui, comme lui, font les voix des personnages sont d'une grande richesse humaine. Ils ne peuvent pas faire semblant. On peut faire semblant une fois, deux fois, trois fois, et puis on se lasse et le naturel réapparaît. C'est pour cela qu'il restera notre Mickey. C'était un immense acteur et un immense personnage, un pilier de l'organisation Disney. Ce n'est pas pour rien que tout le monde l'adorait et l'adore encore, et qu'il bénéficiait du profond respect du métier et des fans. C'est la grande perte de ce printemps et pour nous, c'est un grand ami qui s'en est allé. Nous sommes de tout cœur avec Russi.

A ce titre, l'album que vous produisez pour l'année Mickey sonne également comme un hommage.
C'est en effet un hommage car, au delà du fait que Mickey est le symbole-même de notre compagnie, nous avons toujours pensé à lui en faisant nos disques et nos spectacles et nous cherchions toujours le moyen de lui faire dire quelques mots pour avoir le plaisir de le retrouver, soit par téléphone, soit en direct ici ou à Los Angeles, et toujours avec la même chaleur.

(*) en voiture avec les Stars Disney!

Venez en discuter sur DisneyGazette!


FreeCompteur.com

mardi, juillet 07, 2009

MONSTRES ET Cie en BD: Entretien avec le compositeur Randy Newman

De TOY STORY à CARS, un film Disney/Pixar ne serait pas complet sans une musique de Randy Newman. Son style inimitable fait définitivement partie de leur personnalité. Comme l’explique le réalisateur, Pete Docter, « L’un des choses que j’ai apprises de John [Lasseter] est que la lumière et la musique sont des moyens très importants de communiquer avec les spectateurs, que ce soit à un niveau conscient ou subconscient. » Car il ne s’agit pas d’éblouir le spectateur par un débordement d’effets spéciaux ou encore de chercher à bouleverser la tradition sans rien construire pour autant. Il s’agit de nouer une relation affective avec le public. C’était le cas pour TOY STORY et pour 1001 PATTES ; ça l’est aussi avec MONSTRES ET COMPAGNIE. « Le film ne devait pas seulement distraire et surprendre, souligne John Lasseter, il devait émouvoir et marquer les esprits. Le sujet offrait un potentiel énorme, les personnages sont attachants et le traitement est chaleureux. Le public va plonger dans un univers original qui puise ses ressources en chacun de nous... » Randy Newman était donc le compositeur idéal : « La musique de ce film exprime tout l’humour de Randy, ajoute le génial créateur de TOY STORY. Elle dit aussi son grand coeur et sa sensibilité. »
Et c’est bien un homme au grand coeur que nous avons rencontré, qui a signé l’une de ses partitions les plus réussies.



MONSTRES ET COMPAGNIE est votre quatrième collaboration avec Disney et Pixar, et c’est encore un succès...monstre !
Ce fut une très fructueuse collaboration, avec des gens excellents. Quatre films aussi bons d’affilée, ce n’est pas rien ! Pour ce film, j’ai écrit une musique que je n’aurais jamais écrite autrement. Ils vous poussent à élargir vos possibilités, à développer votre technique. J’ai été très heureux de travailler avec eux.


Pouvez-vous nous parler de votre approche des deux héros, Bob et Sulli ?
Comme Woody et Buzz, ils sont amis. C’est le propos de la chanson. Mais leur démarche est différente. C’est cette démarche qui m’a inspiré, leur façon de traîner les pieds ! J’ai aussi voulu introduire de nouveaux instruments comme un harmonica basse et un accordéon. Je réagis de façon immédiate à ce que je vois à l’écran. Sulli est un solide gaillard, pas vraiment un personnage très droit, mais plutôt un véritable héros, à n’en pas douter, un héros qui s’engage. J’adore particulièrement cette scène avec les portes à l’intérieur de l’usine. J’ai imaginé cette musique dans le style « muzak », musique d’ambiance ou d’ascenseur typique des années 50. J’aime particulièrement ces personnages, entre la sympathie et la stupidité !


The Scare Floor (L’Effrayodrome) est proprement irrésistible !
Les créateurs du film aimaient le jazz des années 40. J’avais utilisé ce style dans MILLE ET UNE PATTES (A BUG’S LIFE), dans The City. C’est ce qu’il voulaient d’un point de vue affectif. Ce n’est pas nécessairement ce que j’aurais fait si j’avais été seul. J’aurais sans doute opté pour un style plus mécanique, plus industriel, un peu dans le style d’Arthur Honegger dans les années 30.

N’oublions pas Bouh !
Au départ, je l’ai traitée comme un monstre car c’est comme cela que les monstres la perçoivent. Dans tous mes films avec Disney et Pixar, j’ai pris les émotions des personnages au sérieux, au premier degré. Tous ces héros sont des adultes, pas des enfants. Bouh est certes une enfant, mais les personnages ont des émotions d’adultes. Ils la considèrent comme une sorte d’extraterrestre, c’est pourquoi j’ai écrit une musique effrayante et dissonante pour elle. On est sensé rire, mais pour les personnages, c’est la terreur ! L’autre thème de Bouh est une sorte de berceuse. Il y a une scène dans laquelle Sulli commence à ressentir quelque chose pour elle alors qu’elle dort dans son lit. Elle commence à lui apparaître différemment.


Randall Appears est plus proche de Nino Rota, une référence que l’on retrouve souvent dans votre musique.
J’adore sa musique, et le son typique de ces orchestres italiens, avec trombone solo et saxophones. Et en même temps, je peux rendre ce thème « méchant » en accentuant son côté mineur.


Vos productions pour Disney/Pixar semblent faire majoritairement appel au Mickey Mousing, dans une sorte de génial « zapping musical ».
Je pense que, si vous ne faites pas cela dans un film d’animation, cela n’ira pas. Je ne pense pas que l’on puisse faire la musique d’un tel film en espérant qu’il fonctionne si vous ne prenez pas en compte la façon « animée » qu’on les personnages de bouger, la spécificité du mouvement en animation : chaque fois qu’ils tombent, qu’il courent, etc. On doit vraiment accompagner, soutenir le personnage. Dans les films d’action en général, du fait du manque de temps, les compositeurs utilisent souvent des notes longues. Peu de personnes font attention à cela, mais dans un film comme GLADIATOR, j’ai parfois le sentiment que la musique pourrait bouger davantage qu’elle le fait. C’est bien sûr une bonne partition, mais, dans les scènes de bataille, je pense qu’un morceau de bravoure aurait encore renforcé le film et rendu l’action plus efficace.

L’animation par ordinateur demande-t-elle une approche spécifique ?
L’apparence générale d’un film comme celui-ci est si complexe et si profonde que cela appelle les possibilités d’un grand orchestre. Les créateurs voulaient également que la musique apporte une certaine chaleur à l’image, et encore plus sur TOY STORY, pour lequel la technique n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle ils ne voulaient pas d’une musique synthétique. Sinon, l’approche est très similaire à celle de l’animation traditionnelle. Ce fut un peu différent pour JAMES ET LA PECHE GEANTE, qui est plus lyrique. Dans ce film, les personnages ne sautent et ne courent pas de partout, ils ne se retrouvent pas dans des situations aussi dangereuses. C’est un film plus calme. Mais globalement, ce sont tous des films animés, donc basés sur l’action. Il est vrai que, parfois, on peut écrire une musique qui va à l’inverse que l’action projetée sur l’écran, comme par exemple dans DANSE AVEC LES LOUPS. Mais je ne pense pas qu’on puisse autant l’envisager dans les productions actuelles. Je pense que cela déservirait le film.

Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur Pete Docter ?
Ce fut une étroite collaboration. John Lasseter était aussi très impliqué. C’était sa première réalisation, mais il a vraiment l’étoffe d’un vrai réalisateur. Quand je n’étais pas d’accord avec quelque chose, je lui en faisait part. Parfois, j’arrivais à le convaincre, mais le plus souvent, c’est lui qui l’emportait. Après tout, c’est lui le patron !


L’orchestration est un élément important de votre discours musical. Comment se passe votre travail en la matière ?
C’est en effet très important pour moi. J’écris des esquisses sur douze portées car c’est assez compliqué et je dois donc écrire de façon large, et je note le plus de détails possibles. Mes orchestrateurs doivent écrire cela pour toutes les parties d’orchestre. Mais s’il leur vient une idée intéressante comme un trombone qui pourrait doubler un violoncelle, une suggestion, on pourra également l’intégré. Quelqu’un comme Jonathan Sacks, l’un des orchestrateurs de MONSTRES ET COMPAGNIE, connaît vraiment bien l’orchestre, et a été d’une aide précieuse. Je m’intéresse beaucoup à l’orchestration. C’est amusant de constater que, durant le siècle dernier, l’orchestration n’a jamais été aussi imaginative que chez Maurice Ravel. Cela n’intéressait pas les gens. Ils préféraient le dodécaphonisme, les musiques séquentielles comme celles de John Adams. Le Sacre d’Igor Stravinski date de 1913 et personne n’est vraiment allé plus loin. Ce goût pour l’orchestration me vient sans doute de ma famille. Une chose est sûre, si je n’écrivais ma musique que sur quatre portée, en laissant quelqu’un d’autre s’occuper des orchestrations, je ne ferais pas de musique de film, car c’est vraiment l’orchestre qui m’intéresse.

Les différentes parties instrumentales de vos partitions sont souvent très aigues, notamment les cordes et les flûtes, comme si vous cherchiez perpétuellement à repousser les limites de l’orchestre.
J’aime le son aigü des cordes. Il y a des instruments que l’on peut pousser et d’autres pas, mais j’aime repousser les limites des instruments. Par exemple, on ne peut pousser un hautbois dans l’aigü, c’est affreux, mais à l’inverse, le piccolo offre de très belles sonorités dans le grave. Comme je l’ai dit, c’est un domaine qui m’intéresse énormément, alors, je fais certaines expériences...


MONSTRES ET COMPAGNIE fait montre d’un grand équilibre entre grand orchestre et solistes. En particulier à travers la présence de Ralph Grierson, qui interprète le thème de Bouh au piano, et que l’on connaît notamment pour sa très belle interprétation de Rhapsody in Blue dans FANTASIA/2000.
C’est un très grand pianiste, et, plus largement, de très grands musiciens ont participé à ce film. Il fait en effet plus de place aux instruments solistes. Cela vient du fait que, parfois, sur ce film, j’ai pu écrire une ligne mélodique que je pouvais développer un petit peu. Mais c’est très rare. Vous pouvez toujours écrire sans vous préocupper de l’action, et développer tous vos thèmes, mais, dans la mesure où l’action change très rapidement, cela ne me semble pas convenable.

Diriger tous ces musiciens lors des sessions a donc dû être une expérience extraordinaire !
Ca l’est toujours ! Les moments que je passe avec l’orchestre sont les meilleurs.

La musique de MONSTRES ET COMPAGNIE offre un contrepoint particulièrement riche et complexe. Considérez-vous votre travail avec Disney/Pixar comme une progression ?
Oui. Je pense que MONSTRES ET COMPAGNIE est la meilleure musique que j’ai jamais faite, et certainement la meilleure d’un point de vue technique -le contrepoint et l’harmonie. J’ai écrit des chansons pendant longtemps, et cet aspect n’est pas naturel pour moi. Je dois faire attention à chaque note. Ce qui fait que je suis particulièrement fier de ce que j’ai fait sur ce film. C’est vraiment une musique du vingtième siècle.

Dans vos films, l’utilisation des chansons est très différente de celle des films d’animation traditionnels, plus proches de la comédie musicale.
Je n’aime pas le vocabulaire harmonique de Broadway. Je ne le comprends pas. Pour moi, c’est comme du mauvais Puccini ! Le vocabulaire harmonique que j’utilise dans mes chansons m’est propre. Je ne saurais dire leur influence ; elles sont vraiment moi. Strange Things est certes emprunté au rock’n roll, mais la ballade I Will Go Sailing No More n’a rien à voir avec une ballade de comédie musicale. Seul TOY STORY faisait référence à une utilisation classique, narrative, de la chanson dans un dessin-animé, et encore, il s’agissait d’une narration intérieure, tout comme la chanson de Jessie dans TOY STORY 2. Il s’agit de traduire l’intériorité des personnages. Les créateurs du film ne voulaient pas que les personnages chantent. C’était le cas dans JAMES ET LA PECHE GEANTE, mais, dans ces films, j’utilise plutôt sur les thèmes. Les gens de Pixar ne m’ont pas demandé une implication dans la narration. Ils m’ont demandé de l’émotion et de l’intériorié, ce que les personnages ressentent. Et dans ce dernier film, Si je ne t’avais pas est juste une chanson sur les deux personnages principaux.


Quel est le message de MONSTRES ET COMPAGNIE, et le message de votre musique ?
Le message du film est que les apparences n’ont rien à voir avec la véritable personnalité. C’est qui est sympathique chez Bob et Sulli, c’est qu’ils vont dépasser leur peur de l’inconnu (Bouh). C’est un message qui se retrouve forcément dans la musique, mais ce n’est pas son rôle. Parfois, elle peut montrer le véritable sens de l’histoire, mais il s’agit avant tout d’émotion. Il s’agit de rendre le film plus excitant ou plus tendre. C’est un medium philosophique.


Quel est votre conclusion sur MONSTRES ET COMPAGNIE ?
Ce fut une expérience formidable, et, par-dessus tout, cela m’a permis de me prouver à moi-même que j’étais capable de réussir un travail aussi difficile. Je me rappelle Johnny Williams écrivant HOOK : c’était le travail de compositeur le plus complexe que j’avais jamais vu. MONSTRES ET COMPAGNIE fut aussi très difficile, et j’en suis d’autant plus fier ! C’est un très bon film. C’est une chose plutôt rare, et je suis très heureux d’avoir pu en faire partie.

Venez en discuter sur DisneyGazette!