mercredi, juin 24, 2009

LA-HAUT: Entretien avec le réalisateur Pete Docter

Fils d'un professeur de musique et d'un chef de chœur, sachant jouer du violon, de la contrebasse, de la mandoline, du ukulele et du concertina, Pete Docter aurait pu devenir un grand musicien. Mais il se trouve qu'il préférait dessiner pendant les concerts que d'écouter la musique!
A travers le dessin et les arts, ce lecteur de C.S. Lewis de L. Frank Baum pouvait créer sur papier, sous forme de flipbook ou en trois dimensions avec du matériel de récupération les mondes imaginaires qui peuplaient ses rêves, et plus particulièrement les environnements qu'il avait découverts lors de vacances en famille à Disneyland. Le Muppet Show a aussi grandement contribué à forger sa personnalité artistique.
C'est donc l'art qui l'a emporté, et plus précisément l'animation, domaine dans lequel il est vite devenu non seulement un animateurs, mais également un artiste aux multiples casquettes, de concepteur d'histoires à réalisateur.
Après de brillantes études à Cal Arts (couronnées par un Oscar pour son film de fin d'étude Next Door), il commence sa carrière en animation traditionnelle chez Disney Feature Animation, Bob Rogers and Company, Bajus-Jones Film Corp, et Reelworks à Minneapolis.
A son arrivée chez Pixar en mai 1990, Pete crée et réalise des publicités animées. Puis il est nommé animateur superviseur sur Toy Story, écrit le traitement initation de Toy Story 2 et participe au storyboard de 1001 Pattes avant de se mettre à la réalisation de Monstres et Cie in 1996. Pete est aussi le producteur exécutif et a contribuer au développement de l'histoire de Wall-E en 2008.
Aujourd'hui, avec Là-Haut, il imagine pour nous une comédie d'aventure en compagnie d'un ancien vendeur de ballons de 78 ans qui réalise enfin le rêve de toute une vie tandis qu'il attache des milliers de ballons à sa maison et s'envole avec elles pour les contrées sauvages de l'Amérique du Sud. Mais au delà de l'imagination, de la poésie, de l'humour, de l'aventure et de la technique (puisqu'il s'agit du premier film Disney*Pixar produit en 3D), ce qui rend Là-Haut (et tous les films de Pete Docter par la même occasion) si magiques, c'est la reconnaissance de leur héritage...


On vous sait grand fan de Disney, et cela se sent dans Là-Haut. Sa simplicité visuelle n'est pas si éloignée d'un Dumbo, tandis que l'idée de quitter le monde en s'envolant rappelle immanquablement Peter Pan, pour ne citer que ces références.
Quelle est votre relation à cet héritage Disney et comment l'avez-vous insufflé dans votre film?

J'ai grandi à une époque où il n'y avait pas de vidéo. On ne pouvait qu'attendre impatiemment que ressortent les classiques au cinéma ou bien à la télévision dans les émissions Walt Disney Presents. Quand quelque chose d'animé sortait, je n'osais même pas cligner des yeux par crainte de rater la moindre image, car je savais que je n'allais pas revoir le film de sitôt! J'utilisais un magnétophone pour me remémorer les sons du film, c'était le seul moyen de revivre le film autrement que par les souvenirs. J'adorais ces films, et je les adore toujours. Je pense que ce que nous avons voulu mettre dans Là-Haut et qui apparaît dans bon nombre de films de Walt Disney, c'est cet équilibre entre un humour délicieux et bon enfant, l'action et l'aventure qui vous collent à votre fauteuil, et puis toujours l'émotion. Vous avez tout cela dans des chefs-d'œuvre comme Dumbo ou Pinocchio. C'est vraiment ce que le regretté Joe Grant disait, que l'essentiel est ce que le public emporte avec lui après la séance, ce qu'ils ressentent quand le film est fini. Et c'est ce que nous avons essayé de prendre en compte en réalisant Là-Haut.


Là-Haut est un mélange parfait entre la nostalgie et la modernité, un des traits caractéristiques de Walt Disney lui-même.
Absolument, et je suis ravi que vous ayez remarqué cet aspect. Il me semble que, lorsqu'on regarde les années 30 de notre propre perspective, on leur trouve une certaine richesse et une nostalgie chaleureuse. Ce n'est probablement pas l'avis des gens qui vivaient à l'époque. Mais on ne peut s'empêcher de la regarder comme une période plus simple, plus innocente, et nous avons essayé de retranscrire cela dans Là-Haut. En fait, au début du film, quand on retrace l'enfance et le mariage de Carl et Ellie jusqu'à la disparition de cette dernière, nous avons souhaité traiter cette séquence comme un souvenir de Carl, comme si tous ces événements se rejouaient dans sa tête, dans ses souvenirs, avec cette chaleur et cette tendresse, car il y met également toute son émotion. Dans le même temps, quand on travaille pour une société spécialisée dans le numérique, on est toujours intéressé par le fait d'aller toujours de l'avant du point de vue technique et de profiter des toutes dernières innovations. A chaque fois que je venais voir mes collaborateurs et que je leur suggérais de reprendre un effet ou une technique que j'avais remarqués sur Les Indestructibles ou dans Cars, ou autre, ils me disaient toujours: "Je vois, mais on ne va pas refaire la même chose. Ce n'était pas assez bien. On va faire encore mieux!" Pour moi, c'était déjà génial, mais tout le monde veut faire encore mieux et toujours mieux! C'est notre dixième film et nous avons grandi artistiquement au fil de chaque production en essayant de nous surpasser à chaque fois. Il y a donc chez nous une sorte de va-et-vient perpétuel entre le fait de nous tourner vers le passé, d'avoir cette nostalgie et celui de trouver dans le même temps notre inspiration et notre énergie en faisant avancer les choses. Et vous avez raison: nul ne réussissait cela mieux que Walt Disney!


Carl nous démontre que nos anciens apportent la sagesse qui manque au monde moderne. De votre côté, vous travaillez pour le studio d'animation le plus moderne et le plus innovant de notre temps tout en étant un historien de l'animation à travers vos entretiens avec des artistes de légende. Comment l'histoire de Disney nourrit-elle votre travail?
Si certaines choses paraissent nouvelles, je ne pense pas qu'il existe quoi que ce soit en ce monde qui ne soit basé sur la sagesse et l'expérience du passé. Quand Toy Story est sorti, beaucoup de gens ont pensé que c'était un film totalement nouveau et différent, qu'ils n'avaient jamais vu quelque chose de semblable. Et pourtant, la vérité, c'est que nous avons tous grandi avec les films de Walt Disney. John Lasseter a parcouru tous ces films image par image et a même travaillé pour Disney pendant plusieurs années. Par conséquent, Toy Story est fondé sur le travail incroyable des géants qui nous ont précédés: Frank Thomas, Ollie Johnston, Milt Kahl. Tous ces artistes nous ont montré la voie et ont découvert tous les principes de base que nous utilisons aujourd'hui. Il a fallu une véritable vision à John pour entrevoir toutes les possibilités de l'animation par ordinateur dans la mesure où, à cette époque, elle se limitait à des logos volants et des effets spéciaux. Se dire qu'on pouvait fusionner l'animation par ordinateur et l'animation de personnages –les techniques développées par ces génies-, c'était vraiment faire acte de visionnaire! Nous revenons toujours au travail de ces artistes. Ils étaient si extraordinaires! Au meilleur de leur art, ils pouvaient créer des jeux d'acteurs d'une puissance inimaginable et exprimer des nuances de sentiments qui demeurent à jamais des références.



Je me souviens de votre remarquable interview avec Art Stevens (le réalisateur de Rox & Rouky, entre autres) publié dans la série d'ouvrages intitulée Walt's People et publiée par Didier Ghez. Vous étiez aussi proche de légendes Disney comme Frank & Ollie ou encore Joe Grant, qui a apporté sa touche personnelle à l'histoire de Là-Haut juste avant de disparaître. Un souvenir d'une de vos rencontres?
Je me souviens d'un dîner en particulier. Cela fut possible principalement grâce à Howard Green. L'un des grands bonheurs d'avoir participé à Toy Story a été d'avoir cette chance de rencontrer et de discuter avec Frank Thomas, Ollie Johnston et surtout Joe Grant. Je me souviens donc de ce dîner où il y avait Frank, Ollie et Joe. Andreas Deja était là également –il était toujours là dans ce genre de rencontre car c'est un immense fan de leur travail et un grand historien de l'animation. Nous discutions de l'état de l'animation à l'époque, qui était vraiment en perte de vitesse. Rien de très bon ne sortait et Ollie s'est demandé s'il n'y avait plus personne qui aie une bonne idée pour un film. J'ai alors vu Joe sourire et dire: "on a toujours l'impression que nos idées sont bonnes… jusqu'à ce qu'on en parle à quelqu'un d'autre!" Il avait absolument raison. Les choses qu'on se dit à soi-même semblent géniales, et puis, dès que vous en parlez à quelqu'un, elles tombent vite à plat. Le processus que nous suivons à Pixar pour la création de nos histoires ressemble beaucoup à celui utilisé à l'époque par Walt Disney. Cela nous permet de rendre nos films toujours meilleurs et d'aller à l'essentiel de ce qui a inspiré l'idée originale afin de la transmettre, de la communiquer le plus clairement possible et de lui donner le meilleur éclairage. Comme je le disais, très souvent, quand on a une excellent idée et qu'on la met en avant, elle tombe à plat. Or, en changeant juste quelques détails, en accentuant certaines choses et en en atténuant d'autres, cette même idée fait son chemin et devient vraiment parlante et divertissante. Tout le monde va alors l'aimer. Souvent, c'est juste une question d'équilibre qui fait la différence.


On trouve également dans Là-Haut beaucoup de machines volantes, comme dans les films de Miyazaki. Quels sont vos liens avec le maître de l'animation japonaise?
Pour moi, Miyazaki a une capacité unique de capturer des détails de la vraie vie, caricaturés par l'animation. Ce sont parfois de simples nuances dans les gestes comme la façon de manger d'un enfant ou bien des détails de la nature: le bruissement des feuilles à travers les arbres ou la manière qu'a l'eau de ruisseler à travers les rochers. De petites choses très fugitives, mais que le public reconnaît comme étant authentiques, vraies. Je pense que les gens vont au cinéma pour, au moins en partie, voir le reflet de leur propre vie. Quand l'animation est aussi magnifique, c'est comme si elle appartenait à un autre monde. Alors que dans le même temps, vous reconnaissez quelque chose de votre propre monde dans cet autre monde. Miyazaki est capable de saisir ces nuances délicates et de les intégrer dans son sens unique de la narration. Je ne vois personne d'autre qui sache le faire aussi bien. Cela peut n'être qu'une affaire de culture, mais il ne semble pas soumis aux mêmes règles de narration que nous ou même que Walt Disney. Il existe un modèle de base pour raconter des histoire et je pense que Miyazaki propose quelque chose de différent précisément à travers son attention pour les détails et sa capacité à saisir ces moments authentiques de la vie. C'est ce qui vous permet de vous immerger dans l'univers de ses films et en fait le succès.


L'histoire de Là-Haut a commencé à partir d'un simple dessin d'un vieux marchand de ballons. A partir de là, vous avez imaginé son histoire à la fois à l'envers (son passé) et à l'endroit (ses aventures). Comment cela s'est-il passé?
D'une certaine façon, c'est ce que nous faisons sur tous nos films. On trouve des idées et des concepts qui résonnent en nous et on essaie de les relier, à l'endroit ou à l'envers, pour créer notre histoire. Il n'y a pas de raison particulière à cela. Parfois, les choses surgissent comme par accident. Par exemple, dans Toy Story, quand Buzz se met à voler à travers la chambre d'Andy, tout le monde est ébahi, sauf Woody qui dit: "J'appelle pas ça voler. J'appelle ça tomber avec panache". C'était juste une expression amusante que nous avons imaginée pour cette scène dans laquelle Woody essaie de discréditer Buzz. Puis, à la fin du film, quand ils font exploser la fusée et que Buzz vole avec Woody, Woody dit: "Buzz, tu voles!" et la réplique originale était: "Eh bien, techniquement, ce serait plutôt planer, mais ne gâchons pas cet instant!" Or, après avoir animé cette scène, nous l'avons visionnée et j'ai dit: "vous savez ce qui serait mieux? Ce serait: 'J'appelle pas ça voler. J'appelle ça tomber avec panache!' ", en faisant ainsi référence à cette scène antérieure. Finalement, nous avons fait marche arrière et enregistré les nouveaux dialogues. C'était le genre de situation où il a donc fallu aller en arrière pour faire un raccord invisible. Comme vous le voyez, ce mouvement est assez classique. C'est un avantage qu'ont les raconteurs d'histoires sur le public. Les gens voient le film de façon linéaire, chronologique alors que nous, nous sautons d'un moment à un autre de la narration dans tous les sens pour nous assurer que toutes les dimensions de l'histoire sont bien liées les unes aux autres. C'est comme ça que cela fonctionne.



de Next Door à Là-Haut


Je me souviens que, sur Mulan, le challenge du film était de traiter un concept aussi abstrait que l'honneur. Dans Là-Haut, vous parlez d'amour, de vieillesse, de mort, de nostalgie, de la difficulté de trouver sa place dans la société, etc. Comment êtes-vous parvenu à traiter autant de sujets aussi profonds en animation?
C'est une excellente observation. Frank Oz est un grand réalisateur et était un marionnettiste étonnant de la troupe des Muppets. En parlant de cette question, il disait que plus on est spécifique, particulier, plus les idées que l'on traite sont générales et puissantes. Si on reste abstrait, on ne touche personne. Mais si on parle d'un personnage en particulier, qui a des problèmes très spécifiques, au final, ni vous ni moi ne sommes des monstres ou des jouets ou des vieillards qui font voler leur maison, mais j'espère qu'il a dans ces histoires particulières des choses qui sont universelles et que l'on retrouve dans chacune de nos vies. C'est une étrange dichotomie entre le particulier et le général, et plus on va dans un sens, plus on va dans l'autre!


Passons maintenant à quelque chose de plus léger. Dans l'Upisode Le Piège au Dabou, on assiste aux multiples tentatives de Russel pour fabriquer un piège, un peu à la manière du Coyote qui veut capturer le Bip-Bip! Pouvez-vous me parler de l'humour de Là-Haut?
Les Upisodes ont été créés pour attirer l'attention des internautes sur le film. Mais il y a tout aussi bien de l'humour "Warner" dans Là-Haut. Nous avons vraiment souhaité nous fonder sur l'humour pour faire avancer l'histoire. Il y a bien quelques gags basiques, mais la majeure partie de l'humour de Là-Haut vient des personnages et de leur personnalité –et nous en sommes très fiers. En d'autres termes, vous riez parce que c'est ce personnage en particulier qui dit cela. Prenez Russel. Quand il dit: "vous venez de parler à un rocher." Cette phrase n'est pas drôle en soi, mais c'est la façon qu'il a de la prononcer et qui il est qui suscitent le rire. C'est un sens de l'humour que les artistes de la Warner avaient, ainsi que ceux de Disney. Je me souviens avoir écrit à Ollie Johnston à propos de Bugs Bunny et ses amis et il m'avait répondu quelque chose du genre: "ce sont des personnages formidables et très amusants à regarder, mais ils n'ont pas la profondeur des films sur lesquels nous avons travaillé. Je n'arrive pas à penser à ces personnages en tant que personnes." Je ne suis pas complètement d'accord avec lui. Je le comprends car je sais d'où il vient et il y a de nombreuses facettes dans les personnages Disney que la Warner n'a jamais explorées, en termes de profondeur et d'émotion. Mais cela n'empêche pas ces personnages d'être formidables et dotés de personnalités tellement identifiables que vous pouvez anticiper sur leurs réactions. On a vraiment le sentiment de connaître intimement Bugs Bunny, Yosemite Sam et les autres. Par conséquent, je dirai qu'on trouve vraiment les influences des deux studios dans notre film. Je pense que les cartoons de la Warner sont plus superficiels. Ils n'ont pas le fini des films Disney, mais souvent, ils n'en sont que plus drôles de par leur timing et leurs gags. Ils peuvent être plus extrêmes. Mais c'est juste mon opinion.


On trouve aussi des références à Disneyland comme l'Explorer's Club ou le Nickel Tour (dans la B.O. de Michael Giacchino). Aimeriez-vous, comme John Lasseter, travailler en parallèle pour Walt Disney Imagineering?
Si je repense à mon parcours et à ce qui m'a conduit à l'animation, mes deux influences principales sont Les Muppets et Disneyland. En ce qui concerne Disneyland, comme pour l'animation, une partie de vous sait que tout est faux, tout est artificiel. Vous vous trouvez dans une tranchée au milieu d'une orangeraie d'Anaheim. Et dans le même temps, tout est fait pour que vous croyiez que vous vous trouvez réellement dans une ville des Caraïbes assiégée par des pirates! Vous êtes emportés vers toutes sortes de mondes. C'était tellement fantastique que j'ai tout de suite adoré! Votre rôle à Disneyland est de vous amuser à faire semblant. C'est comme continuer à être enfant. C'est vraiment cool et cette façon de vous faire voyager fait de Disneyland une sorte de machine à remonter le temps dans le sens où vous pouvez aller tout aussi bien dans le passé que dans le futur et dans des endroits totalement différents que vous n'auriez jamais pu découvrir dans la vraie vie. Pour moi, c'est une expérience unique et je n'attends qu'une chose: pouvoir y retourner et mettre mon incrédulité de côté. En ce sens, Disneyland a eu une grande influence sur notre film, mais pas seulement car il a aussi eu un impact certain sur le fait que Là-Haut a été créé en 3D. Disneyland est comme un plateau de tournage. C'est un peu le même processus que nous suivons quand nous créons un environnement en trois dimensions par ordinateur avec la lumière, les différents angles de caméra, les accessoires et tout le reste. Nous avons utilisé beaucoup de trucs que nous avons appris simplement en parcourant The Haunted Mansion, ou l'attraction d'Indiana Jones, en découvrant les choix faits par les Imagénieurs, les trompe-l'œil qu'ils ont conçus pour mieux immerger les visiteurs dans leur univers, autant d'illusions qui ne fonctionnent que d'un seul angle de vue. Je me souviens avoir parcouru Pirates of the Caribbean toutes lumières allumées. J'y ai découvert des lumières peintes partout, des lumières qui n'existent pas réellement. Elles sont juste peintes sur le décor. Depuis le bateau, pendant que vous traversez l'attraction, vous ne remarquez jamais ce détail. C'est complètement artificiel et c'est cela qui est magnifique. C'est cela qui est magique! J'aimerais beaucoup travailler dans le domaine des parcs et j'espère vraiment que ce film sera adapté d'une façon ou d'une autre à Disneyland. Ce serait merveilleux!


Le rêve de Carl est un rêve d'aventure partagé avec Ellie. Quel est le vôtre?
Je pense que, d'une certaine façon, mon rêve s'est déjà réalisé: créer des films, créer des choses. J'ai grandi en créant par plaisir, gratuitement. C'était des spectacles de marionnettes ou des films réalisés seul ou avec des copains, des cartoons, des bds, etc. J'adore créer, fabriquer. Et j'ai la chance de pouvoir faire cela tous les jours!





Retrouvez la filmographie de Pete Docter sur Disney Central Plaza

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mardi, juin 09, 2009

DISNEY CHARACTER VOICES INTERNATIONAL: Entretien avec le directeur créatif Boualem Lamhene

On peut dire qu’un doublage est réussi lorsqu’il se fait oublier. C’est souvent le cas des doublages français, qui arrivent parfois même à occulter par leur qualité les voix originales. Et c’est à Disney Character Voices International que l’on doit ces réussites sans cesse renouvelées.
L’histoire de DCVI commence en 1988, avec la visite de Michael Eisner à Paris pour préparer la construction d’EuroDisneyland... et améliorer son français. C’est alors qu’il découvre la version française de la série THE GOLDEN GIRLS et ses lacunes en matière de traduction et de doublage. Il ne lui en fallut pas plus pour créer, presqu’immédiatement, ce nouveau département dirigé par Roy Disney, et dont le directeur créatif français est aujourd’hui Boualem Lamhene.
Rencontre avec la voix derrière les voix...


Pouvez-vous nous expliquer votre travail et votre parcours ?
Je suis directeur créatif pour DCVI à Paris. Mon travail consiste à superviser tout ce qui est production de doublage français, ce qui inclut la télévision, le cinéma et le home video, ainsi que certains projets de Disneyland Resort Paris et des logiciels de jeu. C’est donc très vaste. C’est pourquoi j’ai maintenant une équipe qui travaille avec moi et pour chaque département, j’ai un superviseur créatif qui gère chaque type de production. Mon rôle principal consiste à diriger, caster et superviser les films d’animation pour le home video et le cinéma. Mon parcours est assez simple : après des études d’anglais assez cahotiques, j’ai intégré un studio de production dans lequel j’ai suivi une formation en alternance, à la suite de laquelle j’ai été rapidement nommé responsable de montage. J’ai donc fait beaucoup de montage audio. Ensuite, je suis passé ingénieur du son, j’ai fait des enregistrements dialogues et chansons, un petit peu de mixage et très rapidement j’ai été recruté en tant que superviseur indépendant, notamment pour la Walt Disney Company et pour Pathé Cinéma France, sous la direction de Monsieur Paul Rassam, que je respecte énormément dans le métier et qui m’a beaucoup aidé. Un beau jour, j’ai été contacté par Disney pour superviser DINOSAURE avec Djamel Debouze et à la suite d’un rendez-vous à Londres plutôt intéressant et constructif, on m’a proposé de devenir manager pour intégrer l’équipe créative française. Cela s’est fait très naturellement. Je connaissais déjà les gens de Disney depuis quelques années ce qui a considérablement simplifié nos rapports et mon intégration au sein de la compagnie.

Richard Darbois

Pouvez-vous nous expliquer le rôle spécifique de DCVI ?
A la base, ce département a été créé pour trouver des acteurs dans tous les pays dans lesquels Disney fait du doublage. Il faut savoir que DCVI double en 22 langues différentes et que des antennes ont été ouvertes il y a une dixaine d’années sur tous ces territoires pour trouver des voix qui puissent ressembler le plus possible aux principaux characters de Disney, à savoir Mickey, Minnie, Dingo, Donald, Daisy, etc, c’est-à-dire les Fab 7. On les appelle des voice match, le but étant de créer l’illusion d’un Mickey qui parlerait 22 langues différentes avec la même voix. C’était donc le point de départ, et très rapidement, la production devenant de plus en plus importante et volumineuse, DCVI s’est élargi sur le plan créatif et technique : nous avons implanté des bureaux avec des superviseurs créatifs et techniques pour s’occuper de l’ensemble de la production des doublages. A chaque fois qu’une nouvelle série arrive, elle arrive au bureau DCVI qui prend alors en charge la responsabilité du doublage dans son intégralité sur le plan légal, financier, créatif et technique. Nous travaillons donc au quotidien sur tous ces domaines : négocier avec des agents pour avoir des stars sur des films, avoir une connaissance technique suffisamment complète pour pouvoir gérer ces questions sur un plan international, avoir un sens créatif assez développé et pouvoir constituer des contrats avec des artistes que l’on engage régulièrement sur nos films en parallèle avec un département légal.


Comment se passe généralement le choix d’une voix ?
Je reçois des maquettes de Los Angeles avec les voix originales, qui sont des voix officielles d’acteurs connus ou d’acteurs de studio américains, je les écoute, je cherche l’inspiration et j’essaie d’imaginer qui nous pourrions contacter, qui aurait une voix similaire. Et si j’ai de gros doutes, nous faisons des séances d’essai de voix : je fais venir 5 ou 6 acteurs en studio, je leur fais faire un essai et j’engage celui qui aura la voix la plus proche de l’original. C’est l’école traditionnelle. Maintenant, il y a une école parallèle qui existe depuis quelques temps, qui est pour nous la vraie école créative : on s’inspire d’un acteur comme John Goodman par exemple, et on va trouver en France un acteur qui n’aura pas nécessairement la même voix, mais qui va réellement apporter au personnage comme Richard Darbois (Buzz, ou plus récemment Baloo), Jacques Frantz -ci dessus- (Pacha, Sulli, Silver) ou Med Hondo (Rafiki). Ce dernier est comme vous le savez la voix officielle d’Eddy Murphy alors que leur voix ne se ressemble pas, mais il a réussi à créer un personnage en France. Quand les Français imitent Eddy Murphy, ils imitent en fait Med Hondo ! Pour nous, ce sont de vrais défis créatifs, et quand on arrive à faire ce genre de chose, on est vraiment très content : on réussit, tout en s’inspirant de l’original américain, à créer un univers et un jeu qui correspondent plus à notre public, à notre culture. Je pense également à Djamel Debbouze sur DINOSAURE : il a vraiment innové et dans le texte et dans le jeu, et c’est ce qui a fait, je pense, que le film a remporté un franc succès lors de sa sortie.

Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec deux des plus grands traducteurs de Disney, Philippe Videcoq, à qui l’on doit les versions françaises de POCAHONTAS ou de LA PLANETE AU TRESOR, et Luc Aulivier, qui a magnifiquement traduit, notamment, les chansons d’Alan Menken depuis ALADDIN ?
J’ai énormément de respect, d’admiration et d’affection pour tous les deux. Je les connais depuis très longtemps. Quand j’ai commencé ils étaient déjà là, et cela fait treize ans que je suis dans le métier. Philippe est un personnage haut en couleurs. Il est assez fermé, pas très facile d’accès, mais il a un vrai sens créatif. Il est très humain. C’est quelqu’un de très talentueux, de très efficace et de très disponible pour nous. Il a une vraie histoire d’amour avec Disney. C’est un vrai fan : il connaît l’histoire de Disney, de son animation, de ses personnages. C’est une vraie bible pour nous, l’un des fleurons de Disney France. Quand je lui ai proposé d’écrire LA PLANETE AU TRESOR, je lui ai demandé de créer autour des personnages. Pour un personnage comme B.E.N., interprété par Lorant Deutsch, je lui ai demandé de créer un maximum au niveau des dialogues parce que ce n’était pas facile de faire passer ce qu’il y a dans l’original en français en restant collé au texte anglais. Cela n’aurait pas fait voyager les enfants, et l’humour ne serait pas passé de la même façon. Je lui ai donc demandé de prendre ses distances de la version originale en lui apportant un humour un peu plus français, et il a su merveilleusement le faire. De toute façon, Philippe est quelqu’un qui m’impressionne énormément. Il a une connaissance et une maîtrise rares de la langue française et une grande affection pour Disney. Quant à Luc Aulivier, c’était un diamant brut il y a dix ans et aujourd’hui il est poli d’un côté et resté brut de l’autre, parce qu’il peut faire exactement ce qu’on a dans l’original et de l’autre côté créer quelque chose de complétement nouveau et de génial à chaque fois. Luc-Au, c’est la personne à qui je fais appel lorsque j’ai des chansons compliquées, quand j’ai envie que cela soit rythmé, que cela swingue. Quand je lui ai demandé d’écrire I’ll Try de PETER PAN 2, il n’est pas revenu avec « j’essaie » ! Il est revenu avec Je Crois. Cela résume tout ! Il sait que chanter est un art difficile et qu’il faut mettre les mots justes pour avoir une véritable interprétation. Ses traductions coulent, on a l’impression que c’est la version originale, tout en respectant le sens original.

Le choix, tant en France qu’aux Etats-Unis, de chanteurs pour des voix uniquement parlées peut paraître surprenant. Dans LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, c’est Phil Collins dans le rôle de Veinard (Lucky), le vautour en V.O. et Dick Rivers pour la version française de Shere Khan.
Si je vous dis que c’est le hasard, vous croyez ? Au Etats-Unis, ce sont vraiment des clins d’oeil, c’est pour faire plaisir aux artistes, et je le fais aussi ici à Paris, à partir du moment où cela ne dessert pas le film, créativement. Pour LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, je suis dans mon bureau, en train de regarder le film, j’ai mon casting presque complet et je cherche une voix pour Shere Khan. On frappe à ma porte, je tourne la tête et entre Olivier Margerie qui s’occupe de la communication pour Walt Disney Home Video France, avec Dick Rivers, que j’avais rencontré auparavant lors d’une soirée et qui voulait me dire bonjour. Il rentre et regarde la télé en disant d’une voix grave : « mais c’est Shere Khan ! ». Là, je ne me suis plus posé de question et je me suis dit « la semaine prochaine, j’ai besoin de toi ! » Cela s’est fait ainsi, très simplement, par le plus pur des hasards. Il est donc venu, il a fait un essai de voix, c’était lui, sans aucun effet, et en plus il avait très envie de le faire.

Nous aimerions maintenant parler avec vous de certains comédiens incontournables. En premier lieu, bien sûr Roger Carel...
Nous sommes tous un peu ses enfants dans ce métier. C’est quelqu’un de grand. Et il a encore cette vraie envie de contribuer et d’apporter au film. La passion est toujours là, intacte, avec le talent. Quand il est venu pour faire Kaa, cela l’a ramené quelques années en arrière. Et que de rires avec lui ! Car il y a toujours deux prises avec Roger : sa prise à lui, pour s’amuser, puis la prise pour le public. Et pour cette première prise, si vous êtes sur le plateau et si vous arrivez à vous contenir, c’est bien, mais en général personne n’y arrive, tout le monde éclate de rire. Il apportera toujours, c’est quelqu’un qui ne laisse pas indifférent. Lorsqu’il arrive sur le plateau, tout de suite c’est respect, sourire, bonne humeur et qualité. Il y a d’autres gens du métier dont je pourrais parler avec autant de passion. Med Hondo, par exemple, est quelqu’un que j’adore. Ce n’est pas seulement un acteur de doublage. Il produit ses propres films, tournés dans des conditions inimaginables en Afrique, tout cela pour assouvir sa passion, le cinéma. Peu de gens le savent. Quand on dit, Med Hondo (ci-dessous), on pense Eddy Murphy, mais ce n’est pas que cela. C’est un grand monsieur. On le connaît pour avoir interprété le rôle de Rafiki dans le ROI LION et celui de Yar, le père de Plio dans DINOSAURE, et je vous annonce en exclusivité qu’il aura un rôle important dans NEMO. Il y a Jacques Frantz, qui mêne de main de maître sa carrière au cinéma et qui, en parallèle, est toujours disponible pour des doublages, avec beaucoup d’humilité et de simplicité. Toujours là, jamais en retard, n’oubliant jamais un rendez-vous. Il y a aussi Patrick Poivet, la voix officielle de Bruce Willis en France, qui a prêté sa voix mieux que personne à Francis, la coccinelle de 1001 PATTES. Il y a énormément d’acteurs avec qui j’aime travailler à Paris. Je peux aussi vous parler du plus grand acteur de doublage qui existe, et qui mériterait de faire beaucoup d’autres choses : Dominique Collignon-Maurin, la voix française officielle de Nicholas Cage. C’est aussi la voix de Roberto Benigni quand celui-ci ne veut pas se doubler. Il a fait PINOCCHIO pour nous récemment et j’ai lu un article faisant l’éloge de la personne qui avait doublé Benigni en disant que c’était presque mieux que l’original ! C’est quand même marrant. C’est quelqu’un qui peut être aussi bien Hadès dans HERCULE, Le Borgne dans 1001 PATTES ou Léon Bogue dans MONSTRES ET Cie. On ne le reconnaît jamais, mais c’est toujours lui : Dominique Collignon-Maurin, un autre grand monsieur de la profession.


Vous faites vraiment un beau métier !
Nous faisons un métier qui nous passionne et qui nous prend beaucoup de notre énergie et de notre temps toute l’année. Nous espérons simplement que le public saura l’apprécier à sa juste valeur. Nous serons toujours là à la disposition du public, des artistes et des nouveaux talents, toujours prêts à aider et à développer des projets. Ce n’est pas difficile justement à cause de cette passion. Je suis privilégié, j’en suis conscient !

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