vendredi, juin 29, 2007

TOON STUDIO A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec l'imagénieur Laurent Cayuela

Certains sont punis pour cela. Laurent Cayuela, lui, c’est son métier de raconter des histoires ! Tout simplement parce qu’il le fait bien !
Véritable encyclopédie vivante du resort parisien, il est une référence historique et artistique. Mais son plus grand talent est de faire véritablement passer la magie dans les histoires qu’il nous raconte.
Retrouvons donc ce magicien des mots pour une visite privilégiée de Toon Studio, le tout nouveau land des Walt Disney Studios Paris
.

Comment Toon Studio s’est-il fait sa place dans l’histoire des Walt Disney Studios ?
Déjà, il faut savoir que Walt Disney a commencé sa carrière par l’animation. Il était donc impensable d’ouvrir des studios Disney sans un lieu consacré à cet art. Mais cette fois, au lieu d’avoir l’animation vue par les humains, Toon Studio nous invite à la découvrir faite par les toons eux-mêmes. C’est une sensation qui grandit à mesure que l’on progresse à l’intérieur du studio. Ainsi, quand on entre à Toon Studio, on a Art of Disney Animation qui nous explique comment on fait un dessin-animé. En face, on trouve Animagique, là où les animateurs entreposent leurs bobines. Mais à partir de là, ce sont les toons qui règnent en maîtres ! Souvenez-vous, en ouvrant les boîtes des bobines de film, Donald les délivre tous et les personnages se mettent à faire leur propre film. C’est ainsi que le Génie d’Aladdin se met à faire « tourner » (au sens propre comme au sens figuré) les visiteurs dans son propre film dans l’attraction Tapis Volants. Et maintenant, nous avons les derniers arrivants des studios Disney* Pixar. Même chose : ils ont recréé leur film pour inviter les visiteurs à venir tourner avec eux. Enfin, au bout du land, vous découvrez le portail qui ouvre sur Toon Town, où les hommes ne peuvent pas entrer, mais d’où sortent les personnages pour venir rencontrer les visiteurs et faire des photos avec eux. C’est vraiment l’esprit de Qui Veut la Peau de Roger Rabbit?, avec l’idée que les toons sont bien réels et qu’ils vivent dans un monde à eux aux côtés des hommes. C’est ainsi que plus on s’éloigne de Studio 1 plus le décor devient « toonesque ». Les lampadaires sont de plus en mous et arrondis, comme dans les dessins-animés. Ce mobilier urbain rappelle ainsi celui de Toon Town aux Etats-Unis : tout en arrondis, tout en couleurs.

Le passage de la dénomination « Animation Courtyard » à celle de « Toon Studio » témoigne bien de cette prise de pouvoir des toons sur les Walt Disney Studios !
Effectivement. Toon Studio, ce sont les studios dans lesquels les toons travaillent et cela a contaminé tout le land. C’est ainsi que les bâtiments existants, plus « sérieux », ont été « toonisés ». Ils étaient dans les tons d’ocre rappelant Front Lot. Maintenant ils sont dans des tons de bleus avec des dégradés. Le grand chapeau de Mickey Apprenti Sorcier a été embelli avec une Fée Clochette tout en haut et Peter Pan et Wendy qui tournent autour. Comme vous le soulignez : les toons ont pris le pouvoir!


L’ajout de Crush’s Coaster et Cars Quatre Roues Rallye n’était bien évidemment pas prévu dans le plan original des Walt Disney Studios.
C’est comme pour Space Mountain. L’attraction finale ouverte en 1995 n’était pas ce qui avait été prévu en 1992. Les projets évoluent. Nous avons des nouveautés liées aux derniers succès cinématographiques qui ne pouvaient pas être prévues à l’ouverture des Studios. On ne pouvait pas non plus prévoir le succès des films et qu’ils soient tellement riches qu’ils pourraient nous offrir une telle diversité d’expériences. Alors certes le projet initialement prévu concernait plutôt 1001 Pattes (une version adaptée pour la France du Tuck’N Roll Drive’Em Buggies de Disney’s California Adventure, JN), mais c’est plutôt Cars qui l’a finalement emporté.


Ces nouvelles attractions permettent de renforcer la dimension familiale des Walt Disney Studios qui manquaient cruellement d’attractions pour petits et grands.
Effectivement. Toon Studio apporte un peu de fun dans la façon qu’ont les Walt Disney Studios de parler du cinéma et propose une offre beaucoup plus importante à nos visiteurs les plus jeunes. Nos principaux visiteurs sont des familles. Il était normal de penser à eux dans ce sens.


Après le Visionarium, après Space Mountain et Mission 2, Toon Studio est un nouveau « cocorico » !
En effet. Disneyland Resort Paris s’enrichit une fois de plus d’attractions uniques, développées spécialement pour nous, avec des personnages que Disney n’utilisait pas d’habitude et, pour Crush’s Coaster, des technologies de pointes, des technologies améliorées. C’est même une combinaison de technologies qui, séparément, sont déjà utilisées de façon impressionnante dans nos parcs et qui, là, sont associées pour donner un résultat encore plus surprenant. Même les parties en lumière noire possèdent un degré de détail encore plus élevé que ce qu’on connaît car nous avions vraiment les studios Pixar pour nous donner les instructions. Par exemple, nous avons créé plus de 100 coloris de peinture réagissant à la lumière noire pour les scènes sous-marines. Tout l’univers de Némo était déjà dans la tête des animateurs et dans leurs ordinateurs, avec cette richesse de détail qui caractérise le dessin-animé. De ce fait, ils savaient exactement comment créer ce monde en trois dimensions. C’est presque dommage que l’attraction aille aussi vite tant le souci du détail est important. La technologie est invisible. Où que vous soyiez, à 360°, tout est thémé. On est en « immersion » totale dans le monde de Némo. Même chose pour les scènes dans lesquelles les personnages nous parlent. Dire que ce sont des projections, c’est presque un sacrilège tant leur qualité dépasse de beaucoup ce qu’on a l’habitude de voir. C’est le vrai Némo qui nous parle, animé par Pixar !

Le passage de la partie en lumière noire au roller-coaster s’accompagne d’une modification technique au niveau de la carapace de tortue qui nous sert de véhicule.
En effet. Dans la partie en lumière noire, votre carapace se comporte comme un véhicule classique. Or quand on arrive au point le plus haut de l’attraction et que l’aventure se transforme en coaster (puisque dans l’histoire, vous passez dans le courant Est-Australien), en plus d’être emporté par la gravité, votre véhicule va se mettre à pivoter sur lui-même. Ce qui ajoute à la simple sensation de chute. De plus, en fonction de là où vous êtes dans le véhicule, en fonction des personnes avec qui vous êtes, de leur corpulence, etc, la façon dont le véhicule va réagir sera différente. On est vraiment devant une attraction que vous pouvez refaire dix-quinze fois, si vous n’êtes pas avec les mêmes personnes et au même endroit, vous n’aurez pas les mêmes sensations, même si le circuit lui-même ne change pas.

Cette partie « roller-coaster » de l’attraction est basée sur un parcours standard de la firme allemande Maurer Söhne. Qu’est-ce que Walt Disney Imagineering lui a apporté d’unique ?
C’est vrai qu’il y a une base technique standardisée. Mais Disney a modifié la façon d’utiliser le ride en l’intégrant à l’intérieur d’une histoire, avec toute cette partie en lumière noire et en y ajoutant ce que l’on appelle le « drop », cette partie du ride à l’extérieur. Dans la première scène, en fait, vous ressortez du bâtiment pour mieux y entrer à nouveau. Tout cela a été rajouté par rapport au concept d’origine. Cela participe d’apporter de la vie à Toon Studio. On a une belle boîte, mais on veut savoir ce qu’il y a dedans. Grâce à ce petit drop, les visiteurs peuvent voir les véhicules, voir les gens qui s’amusent dans l’attraction.


Qu’en est-il du point de vue musical ?
La bande sonore est diffusée en continu dans l’attraction et c’est le même compositeur que pour le film, Thomas Newman, qui a écrit une musique supplémentaire pour la partie Est-Australienne.


Cars Quatre Roues Rallye est lui-aussi basé sur une technique standard, mais Disney lui a apporté une touche de magie en plus…
Cela repose sur la façon dont on a « thémé » le lieu. Grâce aux animateurs de Pixar, nous avons un décor très détaillé et très fidèle. Quant aux véhicules, ils n’existent pas dans le film et ont été spécialement créés par Pixar pour l’attraction. Quand vous allez à Cars Quatre Roues Rallye, vous ne montez pas dans une des voitures du film, mais dans une voiture totalement originale imaginée par les mêmes créateurs. Vous savez, cette attraction s’adresse plutôt à un jeune public… et ce sont nos critiques les plus redoutables ! Les enfants ont vu le dvd en boucle et connaissent par cœur toutes les scènes et toutes les répliques. Avec eux, il faut être encore plus précis. C’est pour cela que tous les décors de l’attraction reprennent avec une minutie extrême les moindres détails des décors du film. Même les proportions entre les véhicules et les bâtiments sont respectées. Nous parlions tout à l’heure du mobilier urbain de Toon Studio. Certes, les lampadaires sont tordus, etc, mais malgré cette joyeuse pagaille apparente, tout est strictement identique au film ! C’est très impressionnant ! Et nous, adultes, nous voyons cela à une certaine hauteur. Honnêtement, ce serait intéressant de rabaisser sa vision à la hauteur des enfants pour être encore plus immergé dans cet univers proportionné à leur taille. Les yeux des véhicules sont à la même hauteur que les leurs, et cela donne ainsi l’impression d’être soi-même un toon en trois dimensions !

Vous évoquez les personnages. Comment participent-ils à l’attraction ?
A l’extérieur, on retrouve tout naturellement Luigi avec sa fameuse pyramide de pneus, et à l’intérieur, Flash McQueen et Aston Martin, l’un s’adressant au public en français et l’autre en anglais, pour encourager nos jeunes pilotes. Il faut savoir que, dans le film, Flash McQueen a énormément de problèmes à conduire dans le désert et à faire des dérapages, à tel point qu’il finit toujours dans les cactus ! Notre idée, avec les véhicules qui tournent sur eux-mêmes, c’est que nos visiteurs viennent apprendre à maîtriser leurs réactions lors de dérapages dans le désert. Maintenant que l’on se situe après le film, Flash peut se permettre de donner des conseils !


Musicalement, on retrouve également l’un des créateurs de la musique du film : l’orchestrateur de Randy Newman, Jonathan Sacks. Que du beau monde !
Absolument ! Sur ces attractions, vu qu’il s’agit de films récents, nous avons voulu rester le plus près possible du concept d’origine.


Le fait que John Lasseter dirige de concert les Walt Disney Animation Studios et Walt Disney Imagineering n’y est peut-être pas non plus étranger…
Effectivement. C’est beaucoup plus facile pour nous. De l’extérieur de la Walt Disney Company, on a l’impression que c’est tout pareil puisque tout est « Disney ». Mais de l’intérieur, c’est vraiment tentaculaire. Or, maintenant, nous avons la chance d’avoir très facilement accès aux deux mondes, celui des films et des attractions, pour le plus grand bénéfice de nos visiteurs.

Est-ce que le fait de situer ces attractions dans un parc dédié au cinéma a induit une approche particulière de l’histoire ou des décors ?
Quand vous arrivez devant Crush’s Coaster, vous découvrez un bâtiment qui, même s’il est dans des tons de bleu avec tout un travail de rochers sous-marins en extérieur, se trouve être bien un studio de cinéma, à l’instar d’Animagique ou Studio 1. De plus, comme sur les Tapis Volants, la file d’attente reprend l’idée que vous entrez « backstage » avant d’arriver sur la scène. Sur Cars Quatre Roues Rallye, on se retrouve plus directement sur le plateau. Mais, dans la façon dont le fond est fait, on retrouve cette fameuse technique du « mate painting » où on peint le décor sur une toile en arrière-plan. A travers ces effets visuels sur la longue distance, on comprend qu’on est dans un décor de cinéma, avant de se retrouver dans le film, dans l’immersion totale cette fois. Les visiteurs ne sont pas seulement invités à vivre une expérience au cœur de l’histoire, mais également à découvrir et à comprendre comment, mis bout à bout, tous les éléments de la fabrication d’un film permettent de donner vie à cette histoire.

Nous arrivons maintenant au bout du land, là où se trouve l’entrée « toonesque » de Toon Studio.
Dans la majeure partie du land, on retrouve généralement des tonalités de bleu. Or, là, on a des couleurs plus vives, dans les jaunes-oranger, sur les façades. Ces façades en deux dimensions s’élèvent vers des collines hollywoodiennes… sauf que ce sont celles de Toon Town. On a ainsi un grand écran presque en trois dimensions, fait d’éléments en deux dimensions mis en perspective les uns derrière les autres. Même si c’est à plat, cela donne l’impression d’être en relief, sans qu’on puisse vraiment savoir si c’est dessiné, si c’est vrai. C’est vraiment le monde des toons. C’est cette accroche visuelle qui fait que, lorsqu’on se trouve au milieu du land, on remarque tout de suite ce lieu et cela donne envie d’aller le voir.
Arrivé là, vous trouvez un portail, comme si c’était le portail des studios, allant dans la ville de Toon Town. C’est l’entrée réservée aux Toons. Et de ce portail vont sortir des personnages avec des points photo. L’un pour les VIP (Mickey et ses amis) et l’autre pour l’événementiel, les sorties cinéma.

C’est donc là que l’on retrouvera Remy & Emile de Ratatouille et Lewis & Wilbur Robinson…
Par exemple…

On a le sentiment que c’est une nouvelle vie qui vient alimenter les Walt Disney Studios.
Cette nouvelle vie n’a pas commencé avec l’ouverture de Toon Studio. Depuis un certain temps, Walt Disney Imagineering a fait grandir l’univers et la thématique des Walt Disney Studios par rapport à quelque chose voulu très réaliste à l’origine, à l’ouverture en 2002, très réaliste. Progressivement, l’idée est venue de rajouter de la magie et de l’imaginaire. Toon Studio en est une manifestation éloquente, mais ce processus a vraiment commencé bien avant, quand on a rhabillé les pilonnes qui se trouvent sur le chemin de la parade. Ces pilonnes étaient là pour montrer justement le côté « industrie » du cinéma. On a finalement décidé de les habiller avec des posters pour ajouter de la couleur. On a également ajouté un certain nombre de lieux pour les personnages : le trône de la Sorcière Blanche de Narnia, Chicken Little et surtout Monstres & Cie, qui a tout de suite été très populaire –davantage que ce qu’on prévoyait. Depuis lors, on peut vraiment dire qu’il y a une grande dynamique sur les Studios, et cela apparaît de façon encore plus concrète avec Toon Studio.

Toon Studio signe une nouvelle réussite dans la fructueuse collaboration qui unit WDI France et WDI Glendale.
C’est devenu pour nous une façon habituelle de travailler. On a toujours les « blueprints », le gros œuvre, qui vient des Etats-Unis puis notre mot à dire pour « européaniser » tout cela. Un exemple de cela, les mouettes du Monde de Némo. Dans le film en version française, elles ne savent que dire « à moi », « à moi »…. pour se l’approprier. Et dans la version anglaise, elles disent « mine ». Pour bien faire, mes collègues américains ont eu l’idée de leur faire dire leur texte une fois en français, une fois en anglais. Mais, quand c’est sorti du contexte, qu’on ne voit pas les mouettes et qu’on entend « à moi » quelque part dans l’attraction, on a plutôt l’impression que quelqu’un appelle au secours ! C’est là que nous entrons en jeu et que nous intervenons pour qu’il n’y ait pas de malentendu.

Et finalement…
Finalement, on est à Sydney. Elles parlent donc anglais. Les enfants français connaissant le film par cœur, si on fait dire aux mouettes des choses différentes du film dans leur langue, ils vont se dire que ce ne sont pas les vraies et ils auront raison. Le bilinguisme est quant à lui conservé dans la scène entre Némo (qui parle français) et Squiz (qui parle anglais).

Maintenant que Toon Studio vient juste d’ouvrir, quel est votre sentiment ?
Déjà, quand Toon Studio était en chantier, nous avions le sentiment que c’était quelque chose de vraiment nouveau et d’inclassable. Maintenant que le public commence à arriver, nous voyons les réactions très positives des premiers visiteurs et cela confirme notre idée que nous avons un très bon mini-parc dans le parc. C’est un très bel univers qui s’ouvre. Et même quand on fait le rapprochement avec les Toon Town américains, ce qui est inévitable, on sent vraiment qu’on a un lieu nouveau, une ambiance nouvelle. Un lieu vraiment unique !


Photos (c) Disney et Kristof (Photos Magiques), avec nos remerciements. Merci également à Isabelle (Disneyland Resort Paris)

mercredi, juin 27, 2007

PIRATES DES CARAÏBES - JUSQU'AU BOUT DU MONDE : Entretien avec le compositeur de musique additionnelle Atli Örvarsson

La richesse du studio Remote Control vient pour une bonne part de tous les artistes qu’Hans Zimmer a su réunir autour de lui, autour de sa personne et autour de son style, dans le but de créer des musiques à nulle autre pareilles par l’ampleur, la force et la diversité.
C’est ainsi qu’après l’Allemagne de Klaus Badelt et autres Ramin Djawadi et l’Angleterre d’Henry Jackman, c’est vers l’Islande que le compositeur de Pirates des Caraïbes – Jusqu’au Bout du Monde s’est tourné pour trouver la perle rare. Atli Örvarsson associe des études classiques du plus haut niveau à une expérience de groupe de rock et une passion pour les musiques électroniques. Tout pour plaire au maître Zimmer. Tout pour nous plaire aussi…
Personnalité musicale riche et atypique, il a su composer une musique qui l’est tout autant pour la séquence de la folie du captain Jack, Multiple Jacks, tandis que notre héros délire, prisonnier qu’il est dans l’antre de Davy Jones.
Y a-t-il un psy dans la salle ?....



Comment êtes-vous entré en piraterie… pardon en musique ?
A l’origine, je suis un compositeur islandais, mais je travaille avec M. Zimmer depuis à peu près un an. J’ai commencé en jouant dans un groupe pop-rock très célèbre en Islande, Sálin hans Jóns míns. Nous avons reçu trois disques d’or et deux disques de platine. C’est là, en 1993, que j’ai décidé d’étudier la musique plus sérieusement aux Etats-Unis. J’ai donc fait mes études au Berkeley College of Music et j’ai passé ma maîtrise à la North Carolina School of the Arts. A partir de 1998, j’ai travaillé à Los Angeles. C’est ainsi que j’ai composé les musiques de The Last Confederate ou de Stuart Little 3 pour le cinéma et que j’ai collaboré avec Mike Post au niveau télévision. C’est une légende. Il a l’habitude d’inviter de jeunes compositeurs à venir étudier avec lui pendant quatre à six semaines, et c’est lui qui m’a donné ma première chance.


Comment votre collaboration avec Hans Zimmer a-t-elle commencé ?
Après mon travail avec Mike Post, j’ai signé dans la même agence que Hans, Gorfaine/Schwartz, et c’est Sam Schwartz qui m’a présenté à Hans. C’est ainsi que j’ai débuté avec lui sur The Holiday. Puis il y a eu Pirates des Caraïbes – Jusqu’au Bout du Monde, et maintenant le film des Simpson.

C’est vous qui vous êtes occupé de la schizophrénie du Captain Jack. C’est grave, docteur ?
Je me suis en effet occupé du morceau Multiple Jacks, une pièce de sept minutes qui se déroule dans l’antre de Davey Jones. La première partie est en fait basée sur le thème comique de Jack composé par Hans pour le film précédent, mais mon travail a consisté à en faire quelque chose un peu plus « avant-garde », comme venu d’un autre monde. Car Jack est au purgatoire, d’une certaine façon. Il ne fait plus partie des humains et se retrouve tout seul dans le désert, ce qui le rend complètement fou. L’idée était donc de refléter cet état d’esprit à travers la musique en utilisant le matériel thématique qui lui est propre. Et pour la seconde partie de ce morceau, j’ai voulu prendre mes distances de cet aspect mélodique tandis que Jack descend du Black Pearl et découvre les crabes qui vont ensuite mettre le bateau à l’eau pour lui. Cette pièce est sans doute la plus différente de toute la partition du film de par sa dimension électronique. L’idée était de pénétrer dans l’esprit de Jack tandis qu’il marche dans ce désert inondé de soleil et d’exprimer ce qui s’y passe. Or, c’est une scène tellement à part que nous avons voulu souligner cette distinction en faisant appel au synthétiseur agrémenté de différents effets. Gore a vraiment encouragé cela et m’a même poussé à être aussi innovant que possible.


Comment s’est passée la création de cette musique insolite ?
C’est la toute première scène du film que j’ai vue. J’étais encore en train de travailler sur The Holiday quand Hans est venu me la montrer. C’était en octobre-novembre de l’année dernière. Hans et moi avons une chose en commun : nous sommes tous les deux de grands fans d’Ennio Morricone. Quand il m’a confié cette scène, il m’a simplement invité à prendre les musiques les plus « avant-garde » d’Ennio comme source d’inspiration. J’ai tellement écouté de musiques d’Ennio que c’était naturel pour moi. A partir de là, je suis parti sur cette musique comme une musique de cirque, avec une touche de Nino Rota. C’était mes références de départ, puis j’ai essayé d’oublier tout cela pour trouver quelque chose de vraiment personnel. J’ai imaginé ce mélange entre des instruments acoustiques et électroniques. Du côté acoustique vous avez le banjo, la harpe, l’accordéon et un peu de cordes en pizzicato et de l’autres des sonorités de synthèse tirées pour partie de la bibliothèque de sons de Hans et pour partie créés par moi à partir du système Absynth, sur une base de guitare et d’effets sonores. L’idée était d’être aussi inventif que possible.


Le synthétiseur semble avoir toujours fait partie de votre langage musical ?
Absolument. J’avais douze ans quand j’ai eu mon premier synthétiseur. J’étudiais toujours la musique classique, mais j’ai toujours été passionné par l’électronique. Je pense que c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous nous entendons si bien Hans et moi. Il me semble qu’en matière de musique de film, on ne fait plus guère la distinction, plus guère de hiérarchie entre l’acoustique et l’électronique. Tous deux sont tout aussi valides et Hans demeure pour nous le maître absolu dans l’art de marier les deux. Pour ma part, dans Multiple Jacks, l’électronique s’imposait vraiment comme une façon tout à fait intéressante de souligner le contraste entre cette scène et le reste du film.

Un autre morceau très morriconien est sans aucun doute Parlay pour la scène de confrontation entre Beckett et ses âmes damnées et Jack et ses amis sur ce banc de sable au milieu de l'océan.
C’est un morceau dont Hans s’est principalement occupé, avec la partie de guitare électrique jouée par Gore Verbinski lui-même !


Vous vous êtes également occupé de la mort de Norrington.
Ce n’est pas un moment très significatif dans le film, mais il a beaucoup compté pour moi. Norrington meurt juste après avoir permis à Elizabeth de s’échapper du Hollandais Volant où elle était retenue prisonnière avec son équipage. C’est une musique d’environ 4’30 qui doit couvrir tant d’histoires différentes. Le challenge était donc de composer une pièce cohérente, mais qui raconte plusieurs histoires en même temps et saute rapidement de l’une à l’autre. C’est cela écrire de la musique : résoudre des problèmes. On a des thèmes et il faut qu’ils trouvent leur place dans la narration du film. J’aime à pense que ce morceau est en lui-même agréable à écouter, mais qu’en même temps il couvre tous les aspects de l’histoire. C’est ce qui fait que j’ai eu tant de plaisir à y travailler.


On vous doit, d’une certaine façon, une autre mort... celle de Beckett.
L’idée était de traiter sa mort avec dignité et respect car même s’il apparaît comme l’un des méchants de l’histoire, il aborde sa propre mort de façon très honorable. La musique devait refléter cela. C’est une scène très longue dans laquelle il descend les escaliers de son bateau au ralenti tandis que ce dernier est en train d’être réduit en poussière. Il fallait vraiment donner du poids à ce passage qui correspond au moment où l’issue de la bataille nous apparaît. J’ai donc essayé de trouver un son qui ait du poids et je me souviens qu’au final, nous n’avions pas loin de 700 pistes à mixer, entre l’orchestre et les chœurs. Il fallait aussi que cela soit intéressant du point de vue musical car le score devait accompagner et même soutenir cette longue descente des escaliers. C’est la raison pour laquelle je l’ai traité comme un Requiem. Je suis parti du thème de Beckett et je l’ai rendu plus lyrique et plus « tragique » dans le sens de « noble ». Je voulais qu’il y ait de l’émotion, que cela touche les gens, dans la veine du Requiem de Verdi.


Le fait est qu’on en aurait presque de la peine pour lui !
C’est l’effet recherché, c’est ce que souhaitait Hans. Vous savez, il est très fort pour trouver des idées, des approches intellectuelles originales des personnages. Je trouve très intéressante l’idée de faire en sorte que le public ressente des choses pour Beckett car, après tout, c’est un homme comme les autres qui affronte la mort avec noblesse, comme un homme.


Qu’est ce que cette expérience sur Pirates des Caraïbes représente pour vous ?
Déjà, je suis un fan de ces films, ce qui fait que j’ai été extrêmement ravi d’avoir l’opportunité de pouvoir y travailler. Mais au-delà de cela, en tant que compositeur, je dois dire que cette expérience m’a permis de faire sortir de moi des choses que je n’avais jamais eu l’occasion de pouvoir écrire. Par exemple, je n’ai jamais eu l’occasion de composer un Requiem –même si c’est un Requiem très court. Composer à une telle échelle, vivre une telle aventure, c’est unique. C’est très différent d’avoir à écrire la musique d’un téléfilm réaliste. Dans la mesure où il s’agit d’une aventure, vous avez la liberté de faire des choses démesurées. C’est ce que j’ai aimé dans cette expérience !

Avez-vous des projets en solo ?
Je viens de commencer la musique d’un film Sony qui sortira l’année prochaine, Vantage Point, avec Forrest Whitaker, Sigourney Weaver, Dennis Quaid et William Hurt. Une nouvelle aventure commence !


With special thanks to Henry Jackman.

vendredi, juin 22, 2007

HIGH SCHOOL MUSICAL EN TOURNEE AUX WALT DISNEY STUDIOS : Entretien avec le show director Katy Harris

C’est un spectacle sans précédent qui secoue les Walt Disney Studios cet été : High School Musical en Tournée apporte une énergie nouvelle au studio à travers une adaptation survitaminée du film – événement de Disney Channel devenu culte pour toute une génération.
A peine remise du lancement de La Parade des Rêves Disney, la metteur en scène Katy Harris frappe donc encore avec un nouveau fleuron à son palmarès.
Un grand moment de bonheur et de partage pour tous les visiteurs du parc duquel nous sommes tous invités à faire partie : We’re all in this together !
Go Wildcats !

La Parade des Rêves Disney a déjà reçu un accueil très chaleureux. J’imagine que cela vous fait plaisir !
Absolument. Je suis vraiment très heureuse. Je l’ai revue il y a peu et j’ai ressenti les mêmes émotions qu’au premier jour. Je suis ravie qu’elle plaise à nos visiteurs. L’ambiance est formidable quand elle passe dans le parc. Nous avons vraiment beaucoup travaillé dessus et cela me fait très plaisir que tout le monde apprécie !

Aujourd’hui, votre actualité, c’est High School Musical en Tournée aux Walt Disney Studios. Comment est venue l’idée de ce spectacle ?
C’est un spectacle qui a vu le jour l’année dernière dans le parc Disney’s California Adventure, un peu avant que le film n’arrive en Europe, et ce fut un énorme succès. Il a été repris en Floride au début de cette année et depuis, devant la popularité croissante du film en Europe, il nous a semblé que ce serait un produit intéressant pour nos Walt Disney Studios. Nous avons donc travaillé avec l’équipe de Californie pour faire venir ce spectacle en France, et nous avons fait quelques modifications pour l’adapter au public européen.


Comment s’est passée cette coopération entre les parcs Disney ?
Ils nous ont envoyé tous les scripts et bandes musicales de leur spectacle et j’ai adapté les dialogues en Français (car nous allons jouer en Anglais et en Français), sachant que, tout comme dans le premier film, les chansons ne sont pas traduites. Ensuite, mon chorégraphe et moi sommes partis en Californie pour apprendre la chorégraphie de leur spectacle. Il faut savoir que certains tableaux reprennent exactement les chorégraphies du film. Kenny Ortega les a apprises au chorégraphe du show de Californie, qui nous a, à son tour, transmis les pas. Et nous sommes ainsi revenus avec tous les outils nécessaires pour mettre en scène notre spectacle, en lui ajoutant une touche européenne.

C’est-à-dire ?
Nous avons ajouté un peu plus de « hip-hop » dans notre show parce que c’est un style qui parle tout particulièrement aux jeunes en France.

Les chorégraphies du film étaient pour le moins originales.
En effet. Pour le spectacle, nous avons repris celle de We’re All In This Together. C’est la scène finale du film dans laquelle tous les étudiants sont réunis : les basketteurs, les pom-pom girls, les étudiants de science, toute l’école. C’est exactement ce que nous avons recréé ici. Nous faisons notre final avec les mêmes personnages et nous invitons les enfants à venir apprendre la danse des Wild Cats, l’équipe de basket. Ils peuvent même s’entraîner devant le film avant de venir pour participer de façon encore plus intense à notre spectacle.


Comment votre spectacle s’intègre-t-il à l’intérieur de l’histoire que racontent les Walt Disney Studios ?
En fait, c’est une véritable célébration du film. Notre spectacle met en scène les étudiants de East High, le lycée du film, qui passent leurs vacances en France. Ce n’est donc pas l’histoire du film, mais bien un prolongement avec les mêmes personnages, de passage dans notre pays. Ils ont appris notre langue et apportent un peu de leur culture (le basket, les pom-pom girls) dans notre parc.

Ce n’est donc pas simplement une transposition, mais une véritable adaptation au parc français. Cela a-t-il posé des problèmes de timing ?
Le fait d’avoir un spectacle bilingue rallonge un tout petit peu le spectacle, mais dans la mesure où notre histoire est différente de celle racontée dans les parcs américains, nous avons pu nous adapter. Il y a seulement deux boucles de musique en plus sur un passage, sinon, c’est le même timing qu’aux USA. On retrouve ainsi toutes les scènes principales du film, la même trame, si ce n’est que chez nous, on apprend que nos deux héros se sont rencontrés ici, aux Walt Disney Studios, pendant leurs vacances. Je voulais vraiment que ce spectacle ait une raison d’être dans ce cadre et l’intégrer au mieux dans l’histoire de nos studios.



Comment avez-vous investi les Walt Disney Studios du point de vue scénique ?
Il faut savoir que les Californiens ont créé un char tout spécialement pour ce spectacle, tout comme le gens de Floride, qui ont transféré dernièrement leur show du Magic Kingdom aux Disney-MGM Studios. De notre côté, nous avons le même char qu’en Californie, et il fera deux arrêts, comme à Anaheim. L’un devant Rock’n Roller Coaster et l’autre sur Production Courtyard.

Comment le char a-t-il été fabriqué ?
C’est un char qui a été fabriqué ici, sur place, d’après les plans fournis par Disneyland.

Comment se passe la sonorisation des différents espaces ?
En fait, il y a un système audio intégré au char et on utilise en renfort les « parade poles », les enceintes de la rue de la parade. Le tout est alors synchronisé par le char. On dit qu’on « passe la main » : le contrôle des deux zones est alors géré par notre technicien audio à partir de sa régie sur le char.


Quel est le message de votre spectacle ?
L’idée est d’inviter tout le monde à se réunir et à ouvrir son esprit. On n’est pas obligé d’être ce que les autres veulent qu’on soit. Chacun a le droit de poursuivre ses propres rêves.

Comment s’est passé le casting des différents interprètes ?
Ce ne fut pas évident car nous cherchions un style très précis de performers. Pour les chanteurs, ce fut encore plus difficile car il fallait trouver des artistes qui puissent interpréter des titres très rythmés comme Head in the Game, qui pouvaient chanter en anglais, parler en anglais et en français et qui avaient le bon look. Pour cela nous avons pu réunir une équipe extraordinaire et notamment un couple qui a déjà joué le spectacle là-bas. Ils ont appris phonétiquement les textes français et s’en sortent très bien. C’est merveilleux pour l’équipe car tous les deux apportent vraiment cette culture des lycées américains que l’on ne connaît pas en Europe. C’est vraiment un atout pour tout le cast pour les aider à se mettre dans le bon style. De l’autre côté, nous avons également casté Arno, qui était le benjamin de la Star Academy d’il y a deux ans. Et pour les danseurs, nous avions besoin d’une équipe avec une base de jazz, une énergie considérable (car une fois que le spectacle démarre, c’est du show non-stop !), mais également avec une pratique du hip-hop, puisque c’est vers ce style que nous souhaitions aller. Nous avons auditionné près de 300 danseurs, nous avons fait des call-back et avons finalement sélectionné 7 filles et 7 garçons au total. Ce qui jouait autant que leur niveau de danse, c’était leur interprétation au niveau du visage. High School Musical en Tournée est une vraie comédie musicale, ce qui fait que tous nos artistes doivent également être comédiens.


Et un peu basketteurs !
Absolument. Pour cela, nous avons fait appel à un coach basket qui est venu nous aider pour les auditions et qui leur a fait faire quelques exercices de basket pour voir si les candidats avaient des aptitudes pour être formés. Ensuite, une fois le casting finalisé, pendant la première semaine de répétitions, ils ont suivi, une demi-journée par jour, un entraînement intense pour faire les bonnes passes, et nous avons intégré cela dans notre spectacle.

Comment se sont passées les répétitions du point de vue vocal ?
C’est Robert Fienga, le chef d’orchestre et arrangeur du parc, qui a travaillé avec les chanteurs avec Marina Alberta, notre coach vocal qui va suivre le spectacle pendant toute la saison. Tous les deux ont ainsi travaillé ensemble pour caler toutes les harmonies qui n’existaient pas sur les spectacles des Etats-Unis.

C’est une véritable troupe qui vient de se former. Comment cette aventure humaine se construit-elle ?
Tout s’est très bien passé. Au départ, les danseurs ont travaillé de leur côté et les chanteurs en studio. Ensuite, on les a réunis et il se trouve que les énergies de chaque groupe se sont révélées très complémentaires. Cela se voit dans le spectacle : les danseurs doivent jouer la comédie tandis que les chanteurs doivent danser avec les danseurs. Je crois aussi que l’aspect « basket », le côté « équipe » a beaucoup joué, même pour les filles, qui ne jouent pas, pour mettre une bonne ambiance. C’est vraiment une atmosphère unique !

Bonne chance à High School Musical en Tournée !
Je sais que beaucoup de fans du film sont impatients de découvrir notre spectacle et je pense qu’ils ne seront pas déçus. En tout cas, nous écouterons leurs avis avec grand intérêt !

mardi, juin 19, 2007

PIRATES DES CARAÏBES - JUSQU'AU BOUT DU MONDE : Entretien avec le compositeur de musique additionnelle Henry Jackman


Dans Pirates des Caraïbes - Jusqu'au Bout du Monde, il y a un morceau qui a particulièrement séduit les oreilles des mélomanes et autres béophiles de tout poil. C'est la musique que l'on entend quand Jack demande à son équipage de faire renverser le Black Pearl afin de regagner le monde des vivants. Judicieusement intitulée Up Is Down, cette pièce a été écrite par un membre récent de l'équipe de Hans Zimmer, Henry Jackman, qui, de par son parcours oscillant entre le classique et l'électronique, a su apporter une approche nouvelle au style "Media Venture". Pirate et gentleman à la fois!

Comment en êtes-vous venu à travailler avec Hans Zimmer ?
J’ai commencé le piano à cinq ans avant d’entrer dans le chœur de garçons de la Cathédrale Saint Paul de Londres où nous chantions le répertoire classique, baroque et Renaissance. J’ai continué à étudier la musique à l’université d’Oxford. Mais la découverte des possibilités de l’ordinateur alors que j’étais au Collège m’a poussé à arrêter la musique classique pour me tourner vers la « danse music ». J’avais alors entre 18 et 22 ans. J’ai commencé à travailler dans le milieu du disque, avec Trevor Horn, Art of Noise ou encore Coolio en tant que programmeur et producteur. J’ai notamment produit l’album The Seduction of Claude Debussy pour Art of Noise. Or, vers l’âge de 29 ans, la musique pop, avec son format immuable de 3’, a commencé à m’ennuyer et la musique classique est revenue pour moi sur le devant de la scène. J’ai passé deux ans à travailler sur mon propre album, Transfiguration, une combinaison de musique orchestrale dans la veine de Bach et Mahler et d’électronique. En l’écoutant, mon manager m’a dit que je devais vraiment me lancer dans la musique de film. Elle en a donc envoyé une copie à Hans Zimmer. Il l’a mis dans son lecteur et quand il est arrivé à la piste 2, il m’a appelé pour le dire : « Henry, avez-vous déjà travaillé sur un film ? » -Non. –Avez-vous déjà travaillé sur des images ? –Non plus… -Je suis en train de travailler sur un petit film appelé Da Vinci Code. Vous voulez en être ? –Oui ! » Pas mal pour un début ! Mais très impressionnant aussi. Je me suis occupé de toute la partie électronique du film. Puis Hans m’a proposé de participer au Secret du Coffre Maudit sur des morceaux orchestraux. Cela m’a replongé dans mes études musicales ! A cette occasion, j’ai pu utiliser des sons tirés de sa gigantesque bibliothèque de samples. C’était incroyable. Après cela, j’ai travaillé sur The Holiday. Et aujourd’hui, je viens de finir Jusqu’au Bout du Monde.



Quel effet cela vous a fait de retrouver Pirates des Caraïbes ?
Je n’ai que peu participé au Secret du Coffre Maudit. J’ai été plus impliqué dans Jusqu’au Bout du Monde et je m’en réjouis car il me semble que Pirates des Caraïbes 2 n’était qu’une ré-interprétation de la musique de La Malédiction du Black Pearl alors que le 3 est beaucoup plus intéressant. Sur ce troisième opus, Hans a eu la liberté de développer un matériel complètement nouveau, ce qui fait que je le préfère. Il a donc réalisé des suites, des démos absolument éblouissantes. Pour moi, le niveau musical de ce troisième opus est fantastique, digne d’une musique classique.


L’un des principaux extraits dont vous vous êtes occupé est le magnifique Up Is Down, tandis que l’équipage du Black Pearl tente de renverser le navire pour rejoindre le monde des vivants.
Aussi surprenant que cela paraisse, ce morceau n’a pas été composé expressément pour cette partie du film. Durant l’été, avant même que le film ne soit terminé, Hans avait écrit ce thème d’amour extraordinaire. Mais il ne savait quoi en faire. Le film n’était pas si romantique. Il s’agissait avant tout de pirates et de trahison. Cependant, Hans ne pouvait se résoudre à abandonner son thème. Or il se trouve que ses thèmes peuvent être adaptés de toutes sortes de manières. Si cela ne marchait pas sous une forme romantique, on pouvait donc en faire un thème d’action ! Hans a donc eu l’idée de me confier son thème pour en faire quelque chose de complètement différent. A partir de son motif, j’ai écrit un morceau de cinq minutes environ que tout le monde a fini par appeler « la gigue ». Plus tard, on m’a confié la musique de cette scène dans laquelle Jack a l’idée de faire basculer le Pearl pour pouvoir quitter l’antre de Davy Jones. Là, j’ai eu moins de chance. J’ai essayé toutes sortes de choses qui semblaient intéressantes sur le plan intellectuel comme de grands traits de cordes ascendants et descendants quand Jack dit «up is down » mais rien de marchait réellement. C’est alors que le superviseur de la musique, Bob Badami, a suggéré d’y mettre la gigue. Je pense que c’est ce début avec les montées et descentes de basses qui lui a donné cette idée. Et ensuite, je n’ai eu qu’à l’adapter aux images.


Comment s’est passée la création de cette pièce ?
La première idée que j’ai eue, c’est précisément cette mélodie en forme de gigue. J’ai fait un arrangement pour flûtes et percussions en bois, un peu à la manière d’un chant de marins. Puis je me suis dit que c’était peut-être un peu trop léger. Alors je lui ai ajouté le thème d’amour joué aux cors, très rythmé avec des percussions puissantes et cela fonctionnait. Puis j’ai eu l’idée de lui donner encore plus de puissance par des modulations brusques et répétées, marquées par des motifs ascendants. Le tout fini en apothéose avec le thème de plus en plus aigu et un écho aux trompettes.


A travers cette gigue, cette orchestration et ce contrepoint, on devine un artiste avec une solide formation classique.
En fait, quand on compose, on ne pense pas à tout cela. Vous êtes devant votre clavier et votre ordinateur, avec tous ces sons fantastiques à votre disposition et vous créez. Seulement, vous avez raison, si je n’avais pas passé tout ce temps à m’entraîner à composer des quatuors à cordes dans le style des trois viennois (Haydn, Mozart, Beethoven) ou des chorals dans le style de Bach, je pense que je n’aurais pas ce style. De plus, il faut dire que Hans est très marqué par la tradition musicale austro-germanique. Je veux dire par là qu’il adore le fait de développer un matériel mélodique de toutes les façons possibles, musicalement et intellectuellement et il nous encourage beaucoup dans ce sens.

Alors que le style d’orchestration « classique » « Media Ventures » tend à éluder les bois, vous les avez utilisés explicitement dans cette pièce avec une flûte, une clarinette et un basson solos jouant successivement le motif de la gigue.
Cela vient du fait qu’à l’intérieur d’une musique de cape et d’épée comme celle-ci, on ne peut totalement éluder les bois. Sur Jusqu’au Bout du Monde, Hans m’a laissé une liberté totale et j’en ai profité pour glisser ces quelques allusions aux grands classiques des films de pirates. Si Hans utilise si peu les bois, c’est qu’il n’y vient pas spontanément dans le cadre de ce que l’on appelle le « style Media Ventures ». Mais cela ne l’empêche pas d’y faire appel dans d’autres de ses partitions, marquées par des styles très différents. C’est quelqu’un d’étonnamment flexible, à tel point que, parfois, on n’arrive même pas à reconnaître que c’est lui le compositeur !


Quels sont les autres moments forts du film dont vous vous êtes occupé ?
Il y a cette séquence où la jonque de nos héros est sur le point de basculer à l’extrémité du monde, via la chute d’eau. Hans a développé ce puissant ostinato, mais la scène posait un certain nombre de problèmes. Nous sommes allés tous les deux dans son bureau et nous avons essayé de construire la musique de ce moment rien qu’avec le piano, à partir des images. Nous avons notamment essayé différentes tonalités. Après quatre heures d’essais de ce type, je suis reparti avec un plan de travail et j’ai passé la semaine suivante à le retravailler afin de rendre cette musique aussi spectaculaire que possible !



Mais, pour moi, la scène la plus importante a été la scène du mariage. Elizabeth et Will demandent à Barbossa de les marier tandis qu’ils se battent contre l’équipage de Davy Jones et qu’ils sont aspirés par un tourbillon ! C’est difficile de l’entendre au milieu de tout le tumulte de la bataille, mais c’est un morceau absolument incroyable. Je crois que ce n’est pas de sitôt que j’écrirai de nouveau quelque chose comme cela. Tout se passe à une vitesse incroyable, et on alterne entre les morceaux de bravoure et la romance. Et il en fut de même pour les interprètes. Les parties de cuivres sont tellement intenses qu’elles sont à la limite de ce qu’il est humainement possible de jouer ! Je crois que j’étais en forme quand j’ai écrit cela !



Quels souvenirs vous resteront de Pirates des Caraïbes – Jusqu’au Bout du Monde ?
L’une des choses les plus extraordinaires de ce projet, en dehors de sa qualité, ce fut cette opportunité de travailler sur quelque chose d’aussi intense. Même sur Da Vinci Code ou encore sur Le Secret du Coffre Maudit, il n’y a pas eu a) cette intensité, b) cette quantité de travail et c) ce niveau de stress, en toute honnêteté. Mais, si parfois tous les efforts qu’on peut faire ne conduisent à rien, ici, cela valait vraiment la peine. Nous nous sommes tous vraiment dépassés sur ce projet pour essayer d’apporter le plus haut niveau d’écriture. Et si, parfois on se dit que ce n’est pas la peine, que personne ne remarquera tel détail d’écriture, votre intérêt témoigne du contraire et justifie les efforts que nous avons faits !



Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Nous avons bientôt fini la musique du film des Simpson, qui sortira cet été.



With very special thanks to Geoff Zanelli.
Photos of Henry Jackman by Veronique Roblin (http://veroniqueroblin.com/). Thanks!

vendredi, juin 15, 2007

TOON STUDIO A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec l'imagénieur Cory Sewelson

Créateur de rêve : ce pourrait être la définition du métier d’imagénieur.
Créateur de rêve, c’est le métier de Cory Sewelson.
Durant ses 25 années à Walt Disney Imagineering, il a travaillé sur tous les resorts du globe à l’exception de Hong Kong. Parmi ses plus récentes réalisations, on compte la création du Toontown de Tokyo Disneyland, du Hollywood Backlot de Disney’s California Adventure et maintenant des dernières expansions de Disneyland Resort Paris comme le tout nouveau Toon Studio des Walt Disney Studios Paris, en lieu et place d’Animation Courtyard.
Créateur de rêve, Cory Sewelson l’est aussi en partageant ses rêves avec nous, pour notre plus grand plaisir !

Comment et pourquoi êtes-vous devenu imagénieur?
J’ai étudié l’art et le design et pour moi il n’y avait pas de meilleur endroit qu’Imagineering pour exercer au mieux ces talents. WDI regroupe plus de 100 métiers différents, ce qui fait qu’il est si excitant de travailler avec nos équipes et de bénéficier des toutes dernières avancées dans chaque domaine. Cela fait plus de 25 ans que je suis à Imagineering et, en tant que designer, je trouve ce travail toujours aussi passionnant et enrichissant !

Quelle fut votre responsabilité dans la création de Toon Studio?
Je suis Senior Show Producer et metteur en scène pour Walt Disney Imagineering. Pour Toon Studio, j’ai travaillé en tant que metteur en scène et producteur, tout comme pour les nouvelles attractions qui font partie des tout derniers développements de Disneyland Resort Paris.



Comment êtes-vous passé d’Animation Courtyard à Toon Studio?
Comme vous l’évoquez, à l’origine, les Walt Disney Studios avaient déjà un lieu dévolu à l’animation. Quand nous avons ouvert le parc en 2002, il était tout entier conçu sur le thème des studios de cinéma. Différents districts ont été ainsi créés à l’intérieur de ces studios. Animation Courtyard était l’un d’entre eux, avec des attractions comme Art of Animation, Animagique et Tapis Volants. Aujourd’hui, Toon Studio intègre ce lieu et le développe avec de nouvelles attractions, Crush’s Coaster et Cars Quatre Roues Rallye. En agrandissant les Walt Disney Studios Paris, nous avons voulu davantage développer chaque land séparément, en approfondissant pour chacun d’entre eux sa propre histoire et son sens de l’espace. Dans ce sens, Toon Studio est une version agrandie d’Animation Courtyard. A travers une offre plus importante en matière d’attraction, nous avons voulu en faire un monde à part entière et plus simplement une « esplanade » (courtyard). Que ce soit dans son état actuel ou dans ses futures extensions, nous voulons désormais que Toon Studio soit le lieu privilégié de toutes les attractions inspirés du cinéma d’animation.

Vous voulez dire que vous avez déjà envisagé les prochains développements?
Absolument. Nos parcs ne sont jamais finis et nous avons déjà en réserve un grand nombre d’attractions basées sur des films d’animation pour l’extension future de Toon Studio.


Comment s’organise ce nouvel univers?
Toon Studio est vraiment le royaume de l’animation des Walt Disney Studios. A ce titre, ce land est organisé comme un véritable studio à l’intérieur d’un parc plus important. Nos visiteurs entrent en passant entre une statue de Mickey Apprenti Sorcier et un immense chapeau de Sorcier. Ce chapeau est entouré par Peter Pan, Wendy et Clochette volant autour de lui. Les attractions Art of Animation et Animagique font partie du Front Lot de Toon Studio. Les rides font partie du Toon Backlot. Chaque ride est conçu comme un plateau de tournage. Je veux dire par là que chacun d’entre eux possède un backdrop scénique ou cyclorama avec le décor construit juste devant lui. Les trois rides, Crush’s Coaster, Cars Quatre Roues Rallye et Tapis Volants sont proches les uns des autres afin de créer un endroit débordant d’énergie, à la fois riche et animé. Au delà de ces studios, les visiteurs aperçoivent Toontown, là où vivent les personnages de dessins-animés. On ne peut pas aller les voir, mais eux viennent en fait travailler en passant par leur propre entrée. Quand ils apparaissent pour aller travailler, nous avons la possibilité d’aller à leur rencontre et de se faire prendre en photo avec eux.


Comment êtes-vous parvenu à donner sa propre identité à Toon Studio du point de vue du design?
Comme je vous le disais, nous avons voulu faire de Toon Studio un land à part entière à l’intérieur des Walt Disney Studios. Pour ce faire, nous avons créé un style graphique unique, un code couleurs particulier pour les bâtiments, un agencement spécifique de l’espace et des costumes propres aux cast members de ce lieu. Les rides sont quant à eux destinés à plonger totalement nos visiteurs dans l’histoire de chaque film qui les ont inspirés. De ce point de vue, les couleurs des rides et les styles des plateaux proviennent directement des films. Le reste de Toon Studio fait appel à des couleurs vives et brillantes, des graphismes ludiques et des costumes qui, tous ensemble, participent au sentiment que nous sommes vraiment transportés dans le monde de l’animation.


Toon Studio semble être un lieu plus spécifiquement destiné aux familles, se posant comme un complément bienvenu aux autres attractions des Walt Disney Studios, qui plaisent davantage aux ados et jeunes adultes.
Toon Studio, comme l’ensemble des parcs Disney, propose un divertissement pour toute la famille. Nous avons vraiment souhaité proposer davantage de rides et d’attractions pour nos plus jeunes visiteurs. C’est ainsi que Cars Quatre Roues Rallye et nos lieux de rencontre avec les personnages Disney leur sont tout spécialement dédiés. Mais toute la famille peut profiter de Toon Studio. Je dirai que c’est un peu le Fantasyland des Walt Disney Studios.


Quelle est la spécificité de Toon Studio par rapport aux Toontowns des autres parcs Disney?
Dans nos autres parcs Disney, Toontown est le lieu où les personnages de dessins-animés travaillent et s’amusent. Les visiteurs peuvent visiter leurs maisons et voir la ville dans laquelle se fait le « Toon business ». Toon Studio est davantage un studio animé à l’intérieur d’un studio/parc à thème. C’est un lieu où les toons et les humains travaillent côte à côte pour faire des films d’animation et des cartoons.Toon Studio a sa propre entrée pour toons et ses propres studios et plateaux. On ne peut qu’apercevoir Toontown, là où tous ces personnages vivent, de l’autre côté de l’enceinte du studio. C’est un autre point de vue sur la vie des toons.

Si les murs des attractions de Toon Studio ont été repeints, le land est également habillé d’une musique « ad hoc » !
En créant le monde magique de ce land, nous avons sélectionné avec grand soin les couleurs, graphismes et costumes qui, ensemble, permettraient de raconter l’histoire de cet univers. Le choix de la musique est tout aussi capital afin de compléter le tableau. La musique des films Disney*Pixar, Le Monde de Némo et Cars Quatre Roues a ainsi été adaptée à nos deux nouvelles attractions basées sur ces films. En plus de la musique des films, nous avons créé une compilation de « road songs » classiques pour la file d’attente de Cars Quatre Roues Rallye, afin de vraiment vous plonger dans l’ambiance. Enfin, lorsque nos personnages apparaissent sur le tournage pour venir rencontrer nos visiteurs, ils sont annoncés par une fanfare typique de la musique de dessin-animé. C’est vraiment cette coopération entre toutes les formes de design qui rend nos expériences uniques et si réalistes.


Votre travail à Disneyland Resort Paris est loin d’être fini, je crois !
Nous avons une équipe d’imagénieurs à Paris qui travaille à nos futurs projets pour Disneyland Resort Paris sur 5 ans. L’année dernière, nous avons réalisé l’attraction très populaire Buzz L’Eclair Bataille Laser pour le parc Disneyland. Aujourd’hui, nous ouvrons Toon Studio, avec des attractions que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs, et plus tard dans l’année, nous allons terminer la Tour de la Terreur et Stitch Encounter. Toutes ces nouveautés fantastiques font partie d’une stratégie visant à prolonger l’expansion des Walt Disney Studios Paris et d’élargir son potentiel d’appel à travers toute une gamme d’expériences sans équivalent !


Photos (c) Disney (very special thanks to Marilyn J. Water, WDI) et Kristof (Photos Magiques), avec nos remerciements. Merci également à Isabelle (Disneyland Resort Paris)