vendredi, septembre 26, 2008

LE SECRET DE LA PETITE SIRENE: Entretien avec le directeur artistique Tony Pulham

Imaginer à quoi ressemblent les lieux dans lesquels l'histoire doit se dérouler, c'est le rôle du directeur artistique d'un film. Dans le cas du Secret de la Petite Sirène, c'est Tony Pulham, de retour à DisneyToon Studios où il avait déjà travaillé sur le film Winnie l'Ourson & l'Efélant, qui a donné sa couleur personnelle à l'océan.
Né en Angleterre, Tony habite aux Etats Unis depuis les douze dernières années. Il a commencé sa carrière à Londres, en travaillant principalement pour les studios commerciaux, s'exerçant sur toutes les facettes des processus de l'animation. En 1996, il déménagea avec sa famille à Los Angeles, et commença à travailler pour la Warner Bros. Feature Animation, et a travaillé sur Quest for Camelot, Iron Giant (le dessin animé acclamé par la critique), Osmosis Jones, et sur le développement de nombreux projets. Il a dirigé pour Mattel en 2001 la production en CGI Barbie in the Nutcracker et c'est en 2002 qu'il a commencé à travailler pour les DisneyToons Studios, utilisant son expertise dans les arts pour donner vie à la foret des rêves bleus. Il a ensuite donné sa vision du monde d'Ariel dans Le Secret de la Petite Sirène, dès le tout début du projet qui a commencé en 2005.
Comme vous le voyez, Tony Pulham est un artiste qui peut vraiment peindre en mille couleur l'air…marin!


Comment décririez-vous le rôle d'un Directeur Artistique?
Pour moi, c'est tout simplement créer et diriger une unité visuelle pour la production, avec des contraintes de simplicité, en valorisant l'histoire, mais sans prendre le pas dessus.

Les animateurs se référent souvent à un des Maitres du passé auquel ils souhaitent que leur travaille ressemble. En tant que Directeur Artistique, avez-vous un mentor quelconque?
Je n'ai pas réellement de mentor. Je suis influencé par le travail de nombreux artistes et réalisateurs, mais la plus grande partie du travail que j'effectue est instinctif, donc je ne cherche pas souvent qui ou quoi m'influence.

Comment en êtes vous venus à travailler pour Disney?
J'ai reçu un appel téléphonique, pendant lequel j'ai discuté avec la productrice de Pooh’s Heffalump Movie, Jessica Miller et le réalisateur Franck Nissen de ce qu'il souhaitaient réellement.

Comment avez-vous conçu le style visuel de Winnie l'Ourson & l'Efélant?
Je voulais rendre hommage aux premières productions Disney, et aussi me rapprocher le plus possible du livre d'illustration original de Ernest H. Shepard. Je suis anglais, et de ce fait j'ai grandi avec les histoires de A. A. Milne. Les concept arts Disney étaient merveilleux, mais un peu trop américanisés à mon goût. Il était important pour moi de retrouver cette ambiance de la campagne anglaise que Milne avait si bien su représenter.
Comment avez-vous apporté un peu de cette ambiance durant la production sur ce film en particulier?
Le film avait déjà été storyboardé lorsque nous avons développé le style visuel, donc au départ, seuls les moments clefs ont été dessinés par Franck et je les ai colorés. Ces images ont été utilisées pour vendre l'ambiance générale du film aux responsables exécutifs. Durant ce temps, nous avions des artistes layout qui peaufinaient les différents lieux, avec des notes pour le réalisateur et moi. Les artistes ont dû affiner le ton des images jusqu'à ce qu'ils les trouvent correspondre parfaitement à leurs attentes.



Et c'est alors que Disney a décidé de conserver votre style pour les productions suivantes de Winnie L'Ourson...
Chaque directeur artistique chez Disney crée un guide du style pour leur production. C'est un document très fourni qui explique et illustre le langage particulier de cette production. Ce fut identique pour Winnie & l'Efélant, mais comme notre film était animé par nos studios japonais, et que je ne pouvais pas travailler en face à face avec la plus grande partie de notre équipe, j'ai dû créer un guide encore plus détaillé et précis du style souhaité. Le résultat fut finalement que Disney a été particulièrement content de l'ambiance que nous avions réussi à obtenir sur ce film, et j'ai donc été chargé de développer et d'adapter le guide pour qu'il puisse être utilisé sur toutes les prochaines production de Winnie.

A quoi ressemble le processus sur Le Secret de la Petite Sirène?
Je me suis assis avec la réalisatrice, Peggy Holmes, et elle m'a décrit l'histoire dans sa globalité. Peggy a un passé dans les films avec acteurs réels, et elle est chorégraphe, donc elle a une approche moins traditionnelle de l'animation, mais malgré cela elle a beaucoup de passion pour le film original "la petite Sirène". Elle voulait ajouter un sentiment très théâtral au Secret de la Petite Sirène, tout en conservant l'ambiance originale, et je pense que nous avons parfaitement réussi.


Quelle touche personnelle avez-vous apporté au projet?
Je voulais que l'on ressente quelque chose de plus dans le film plutôt qu'il ne soit qu'un simple film de type "direct to DVD". Certaines personnes regardent les sequels ou les prequels d'un moins bon œil que le film original, et décident que l'on ne doit pas dépenser trop de ressource et de temps dessus. Ce n'est pas ma façon de travailler, ni celle de Peggy.

Comment cela a-t-il influencé votre direction artistique sur le film?
J'ai été très fortement influencé par le premier film. J'ai essayé de coller à ce film de façon aussi proche que possible. En fait j'ai utilisé de nombreux artworks du premier film, comme base de travail. La seule différence réelle que j'ai apportée est une palette un peu plus claire, et plus de réalisme des lieux dans les dessins des localisations (j'ai essayé de les faire moins abstraits). Mais en fait cela découle à la base de l'histoire du Secret de la Petite Sirène, où l'on voit Ariel trouver un club underground, s'échapper etc. Je ne me suis pas vraiment inspiré du deuxième film ou de la série télé.


Quelques décors comme la Piscine m'ont fait repenser à quelques décors de Peter Pan comme le "mermaid lagoon". Est-ce une de vos références?
Le design de la piscine, par exemple, a été induit par l'histoire. C'était la beauté et la paix, de façon à ce que l'arrivée des pirates ait le plus grand impact possible. Mais aussi il fallait qu'elle s'intègre au monde de Disney. Je dirai que nous avons plus été influencés par un look Disney en général que par des artistes en particulier. Nous n'avions pas regardé Peter Pan à ce moment là, mais je suis sûr qu'il doit être par là quelque part dans le film. Je pense que cette piscine a plus été influencée par l'artiste britannique Roger Dean (ci-dessous) qui a fait de nombreuses couvertures d'albums de disques dans les années 70.


J'ai remarqué que très souvent, les couleurs dans les sequels sont bien plus claires que dans les films originaux. Pouvez-vous me dire pourquoi? Est-ce que c'est parce que les sequels sont plutôt destinées à un public plus jeune?
C'est vrai qu'il y a une tendance ces dernières années dans les films à trouver des couleurs plus claires et plus frappantes. Disney est affecté par les études de marché etc. et ils savent qui achète leurs produits, mais ce n'est pas la seule chose qui fait prendre les décisions chez Disney. Il y a une discussion de fond continuelle sur comment faire pour rendre les films plus vivants. Je pense personnellement que le choix de la palette de couleurs devrait être effectuée selon le contexte. En effet si le film est très coloré et très clair sur toute sa durée, cela neutralise complètement l'effet de la palette choisie.

Quels sont les différents outils utilisés et les différentes techniques que vous utilisez pour dessiner quand vous êtes Directeur Artistique d'une telle production?
Nous avons de très nombreuses possibilités lorsque vient le moment de choisir l'ambiance visuelle d'un dessin animé, il faut donc être un guide pour l'équipe qui prépare la palette, le design, les sentiments etc. de la production. C'est en fait le "Style Guide". Le matériel qu'il contient rassemble les différents artworks, les color keys, et parfois des éléménts de précédentes productions. A la base, vous donnez le but, la voie à suivre pour l'ambiance et vous expliquez pourquoi.
Un color key est un nuancier de couleur ou un décor peint et complètement terminé d'un lieu particulier, ou d'un moment dans le film qui montre aux autres décorateurs comment peindre tous les décors du film.
Le "color script" est un guide de couleur pour le film dans sa globalité, montrant l'évolution de l'émotion au long de l'histoire. Par exemple, un contraste sombre peut indiquer la tristesse, alors qu'un contraste brillant peut donner l'idée de drame ou d'excitation. Il n'y a pas de règles pré établies, mais le ressenti doit être clair et compréhensible.
Un "location guide" est habituellement deux ou trois images d'un lieu en particulier, agrémenté de toutes les notes d'explication nécessaires. Un guide pour les artistes qui leur permet de savoir comment dessiner le lieu.


Et tout cela permet de fabriquer les décors du film. Mais comment cela se passe-t-il concrètement?
Maintenant, les décors sont créés de façon numérique. La plupart des artistes utilisent un programme appelé "Photoshop". Vu simplement, le dessin au crayon ou le layout est scanné, puis (tout en se référant aux couleurs clef pour ce lieu) le layout est peint en couleur sur des niveaux différents. Le décor terminé est alors inséré derrière l'animation.

Comment avez-vous imaginé l'environnement de Marina del Rey? Vouliez-vous des couleurs rappelant le monde d'Ursula, la méchante du dessin animé classique de la Petite sirène?
Le lieu où habite Ursula est revenu de façons différentes lors de la production, alors que l'histoire évoluait encore. Mais honnêtement, je n'ai pas vraiment regardé l'environnement d'Ursula. Une fois que nous avons eu le personnage de Miss Del Rey, son environnement a suivit tout naturellement.


Pour le Catfish Club, les couleurs ne sont pas aussi brillantes et chatoyantes que celle auxquelles on pourrait s'attendre a priori, avec des tons de bleu, gris et pourpre, alors qu'il s'agit d'un endroit très musical et branché. Pouvez-vous me dire pourquoi?
C'est purement à cause de raisons techniques. Il est bien plus facile d'utiliser différentes techniques d'éclairage sur un fond neutre que sur un fond brillant et très contrasté.

Peggy Holmes est chorégraphe. Est-ce que ça a influencé la façon dont vous avez conçu certains lieux?
Oui, bien entendu. A chaque fois que nous devions utiliser des chorégraphies dans le film, le lieu devait être travaillé très attentivement, pour convenir à l'action, à l'angle des caméras etc. Peggy a engagé de vrais danseurs pour ses chorégraphies. Ils ont étés filmés, et on les a utilisés comme point de départ pour nos designs.


Il y a eu énormément à faire pour retravailler ce film. Pouvez-vous me parler de cet aspect de la production?
Avant même que le film soit envoyé au delà des mers dans nos studios partenaires, il y avait eu déjà des changement d'histoire ici aux studios de Los Angeles. Ce n'est pas inhabituel. Cela signifie que beaucoup des matériels que nous recevions d'outre mer était déjà obsolètes, et que des ajustements devaient être faits. C'est aussi souvent le cas quand les artworks produits par les studios partenaires sont "plussés" ou développés part les studios de Los Angeles. C'est comme cela sur ce genre de production. La petit équipe de Los Angeles était une équipe d'effets spéciaux que nous avons utilisée sur la séquence de la piscine. Les studios outremer était bien trop débordés pour s'attaquer à de tels effets.

Qu'avez vous retenu de cette expérience particulière?
Il est difficile de ne pas paraître prétentieux, mais ce que j'en ai retenu, c'est le plaisir de travailler avec Peggy et toute l'équipe, y compris l'équipe outremer. Tout le monde a travaillé très dur, non seulement pour faire le film, mais pour ajouter toute la qualité possible à la production.


Pouvez-vous me parler de vos prochains projets?
Je travaille actuellement sur un projet en CG pour Warner Brothers, mais je suis désolé, je ne peux rien ajouter de plus pour le moment....

Traduction: Scrooge, avec nos remerciements!

samedi, septembre 13, 2008

LE LIVRE DE LA JUNGLE 2 EN EDITION EXCLUSIVE: Entretien avec le compositeur Joel McNeely

Les suites Disney sont loin d’être une nouveauté pour le réalisateur Steve Trenbirth puisqu’il fut, avant de diriger LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, directeur de l’animation du RETOUR DE JAFAR, d’ALADDIN ET LE ROI DES VOLEURS, de DINGO ET MAX 2 : LES SPORTIFS DE L’EXTREME, du ROI LION II : L’HONNEUR DE LA TRIBU et de LA BELLE ET LE CLOCHARD II : L’APPEL DE LA RUE. Après le succès retentissant du premier opus en décembre 1968 en France (plus de 14 millions d’entrées !), il était naturel d’envisager une suite aux aventures de Mowgli. « Ces personnages sont si connus que l’envie de les retrouver était irrésistible, précise le producteur Christopher Chase. Plus nous y pensions, plus nous réalisions qu’il était logique que Mowgli se sente bien avec ceux de son espèce mais que les grandes influences de son enfance allaient forcément lui manquer. C’est de cette situation-là que nous sommes partis. » « Nous nous sommes efforcés de faire passer le sentiment que la jungle était toujours présente en lui, qu’il se sent étranger au milieu de ceux de son espèce, ajoute le réalisateur. Il a certains traits et attitudes découverts dans le film original qui sont vraiment ceux d’un animal de la jungle –cela se voit à sa façon de bouger, dans sa manière d’utiliser son environnement. Nous avons en quelque sorte pris cela comme assise pour souligner les problèmes qu’il a à s’intégrer. » LE LIVRE DE LA JUNGLE 2 répond aussi à une question qui demeurait sans réponse à la fin du premier opus : « qui est cette jolie fille ? comment la relation entre elle et Mowgli va évoluer ? Cette notion était l’une des bases de la genèse de la suite, et nous a offert un formidable personnage à développer. Shanti craint la jungle et les animaux qu’adore Mowgli, c’est une dynamique formidable pour leur relation. »

Car la conclusion du film de 1967 n’était pas tout à fait une « happy end » : l’ordre des choses était respecté avec le retour de Mowgli parmi ses semblables, mais il n’en demeurait pas moins une véritable rupture entre le monde des hommes et celui des animaux, la nature, rupture symbolisée précisément par Shanti. Il fallait donc que les deux mondes se rencontrent et s’acceptent, et c’est là tout l’objet de cette suite.

Entre rythme et émotion, le compositeur Joel McNeely, qui nous avait émerveillés et enthousiasmés dans PETER PAN 2 : RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE, nous revient en très grande forme et nous révèle de nouvelles couleurs passionnantes de sa décidément très large palette.
Quel est le style musical du LIVRE DE LA JUNGLE 2 ?
Il s’agit d’une partition basée sur la musique indienne ainsi que sur la musique française de la fin du 19e siècle. Les créateurs du film et moi-même avons pensé qu’elle ne devrait pas se focaliser uniquement sur la musique indienne. C’est la raison pour laquelle je suis allé chercher certaines couleurs dans l’impressionnisme afin de peindre en musique les paysages exotiques de la jungle ainsi que pour souligner le voyage émotionnel de Mowgli.

Le jazz était également un passage obligé. Après avoir évoqué la musique d’Erich Wolfgang Korngold dans PETER PAN 2, ainsi que la culture hip hop dans DARK ANGEL, comment êtes-vous parvenu à manier aussi bien ce style ô combien spécifique ?
En fait, lorsque j’ai commencé mon parcours musical, je m’intéressais essentiellement au jazz et c’est en tant qu’interprète de jazz (saxophone) que j’ai eu mes premiers diplômes. C’est la première musique que j’ai aimée, et je la joue chaque fois que j’ai besoin d’un retour aux sources.

Que pensez-vous du film original et de sa musique?
LE LIVRE DE LA JUNGLE est un classique, à tout point de vue. Quant à sa musique, elle est tout simplement géniale. George Bruns a su créer tant de couleurs merveilleuses pour cette jungle. Je me souviens particulièrement de son emploi envoûtant des flûtes alto et basse pour le thème de Kaa et pour la jungle elle-même. C’est devenu un classique. Mon rôle a été de renouer avec cette même ambiance mystérieuse tout en faisant en sorte que cette musique prenne sa place dans un contexte légèrement plus contemporain.

Comment avez-vous organisé votre partition par rapport aux différents styles et aux différents personnages ?
Il y a tout d’abord la musique de Baloo, qui est essentiellement basée sur le jazz, et que j’ai employée dans le même contexte que dans le premier film. Ensuite, vient la jungle, pour laquelle j’ai composé un thème envoûtant en perpétuelle expansion. Il y a aussi le thème de la quête d’un foyer de Mowgli et enfin un thème amusant pour Mowgli et Rahjan. Toutes les chansons sont basées sur le jazz, mais, de mon côté, je n’ai fait qu’incorporer des éléments de jazz dans les scènes avec Baloo.

Quelle fut votre implication vis-à-vis des chansons ?
J’ai fait quelques variations sur Il En Faut Peu Pour Être Heureux, mais les chansons originales étaient pour ainsi dire achevées lorsque je suis arrivé sur le projet. La seule exception fut le thème que j’ai écrit pour Mowgli recherchant un foyer, pour lequel Matt Walker a demandé que des paroles soient écrites. Lorraine Feather a écrit de très belles paroles et mon thème est devenu Right Where I Belong, la chanson du générique de fin. Matt Walker est un exécutif unique en son genre dans la mesure où il se double d’un excellent musicien ; il se comporte à maints égards comme un collaborateur et un producteur de la partition. J’accorde une grande valeur à son jugement et nous faisons du bon travail ensemble.


Pour le film original, Walt Disney sembla quelque peu négliger le personnage de Shere Khan, qui est une sorte de méchant classique à l’anglaise, et a repoussé jusqu’au dernier moment son traitement pour mieux se focaliser sur les relations originales entre les autres personnages et Mowgli. Le résultat est tel que le tigre n’est jamais personnifié musicalement. De son côté, Steve Trenbirth a cherché, lui, une nouvelle approche à ce personnage. Il évolue d’abord dans l’ombre avant de passer progressivement à la lumière du jour. « Nous avons renforcé ses couleurs, l’avons nimbé de lumières rasantes qui le font ressortir sur le décor de la jungle, pour lui donner corps et le rendre plus impressionnant. » Ses traits sont également plus anguleux. Quelle fut votre interprétation de ce personnage ?
J’ai imaginé une sorte de passacaille dans un registre très grave, avec peu de mouvement, car ses dialogues sont toujours très distanciés et menaçants.

Cela donne lieu à du Mickey Mousing en jazz, au lieu de l’approche classique traditionnelle. Cela fut-il difficile ?
Oui, un peu. J’avais à réaliser quelques scènes de comédie avec big band et ce fut petit challenge du point de vue de l’orchestration.

Un film comme LE LIVRE DE LA JUNGLE 2 se devait de posséder un certain rythme. Quelle fut votre approche en la matière?
J’ai fait appel à des mesures composées sortant de l’ordinaire. Tout comme dans la musique indienne, le rythme est fluide et pas toujours symétrique. On peut ainsi avoir un groove qui sonne de façon très stable, très carrée, alors qu’il s’agit en fait d’une mesure à 11 ou 13 temps !

Avant de faire ce film, le réalisateur Steve Trenbirth a travaillé comme directeur de l’animation sur des films comme LE ROI LION II : L’HONNEUR DE LA TRIBU dans lequel le rythme avait déjà une importance cruciale. Dans quelle mesure le rythme du film, de sa mise en scène et de son animation vous a inspiré ?
Le film est très compact. Il y a en fait très peu de moments dans lesquels la musique peut se développer librement et prendre son temps de développer un thème. C’était très stimulant d’essayer de conserver une certaine continuité tandis que les besoins de la comédie étaient tels que je devais constamment passer d’une idée musicale à une autre à l’intérieur d’une même scène ! Pour cela, j’ai travaillé en étroite collaboration avec le réalisateur. J’ai fait une maquette de tout ce que j’avais écrit, qui nous a servi de point de départ pour nos discussions créatives.

L’orchestre du film original était plutôt réduit. Comment avez-vous envisagé la taille du vôtre ?
En fait, la majeure partie de ma musique a été exécutée par un orchestre de taille moyenne. Il n’était pas aussi petit que l’orchestre du film original, bien sûr, mais autour de 70 musiciens. Il y eu néanmoins des sessions avec 96 musiciens, mais la plupart étaient plus légères. Ces choix ont été uniquement motivés par l’ambiance du film. Un orchestre géant l’aurait écrasé. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’un film léger et amusant. Une petite taille semblait la seule solution convenable.

Pouvez-vous nous parler de votre orchestration ?
Cette partition fait une grande place au hautbois et j’ai eu la chance qu’elle soit jouée par le hautboïste de renommée mondiale Alan Vogel. D’autre part, j’ai fait appel à des loops ethniques et samplé des instruments extra-européens, notamment indiens.

Pour PETER PAN 2, vous aviez enregistré avec un fantastique orchestre britannique. A quel orchestre avez-vous fait appel pour la partition très différente du LIVRE DE LA JUNGLE 2 ?
Nous l’avons enregistrée à Los Angeles avec le meilleur orchestre de la ville. Ils ont joué magnifiquement, comme toujours. Quant aux sections de jazz, elles ont été réalisées par un big band. Dans ce cas, je me suis abstenu de diriger pour pouvoir jouer avec les musiciens de l’orchestre. Ce fut un immense plaisir !

Y a-t-il eu des moments d’improvisation, comme ce fut le cas pour le film original ?
Dans une certaine mesure, mais la majeure partie du matériel de jazz était écrite.

Qu’est-ce que ce projet vous a apporté en tant que compositeur et musicien?
J’adore travailler sur des film familiaux car j’ai deux jeunes enfants. C’est une joie de pouvoir les impliquer dans mon travail pour ensuite les entendre courir à travers la maison en chantant Il En Faut Peu Pour Être Heureux ! J’ai aussi apprécié me replonger dans le jazz ! Ce fut un plaisir de bout en bout. D’autant plus que mes collègues et collaborateurs sur ce projet sont tous des gens formidables !

samedi, septembre 06, 2008

LE LIVRE DE LA JUNGLE 2 EN EDITION EXCLUSIVE: Entretien avec les compositeurs des chansons Lorraine Feather & Paul Grabowsky

Un nouveau rythme monte du coeur de la forêt : LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, qui a réuni près de 3,5 millions de spectateurs en France, vient de sortir en dvd Edition Exclusive ! Car c’est bien de rythme qu’il s’agit avant tout dans ce second opus, comme l’explique le réalisateur australien Steve Trenbirth: « Le jazz vous saisit, il vous donne envie de bouger et de bondir de votre siège pour danser. La musique et les chansons vous attachent aux images et à l’histoire. Nous voulions qu’en regardant ce film, on se sente happé, entraîné dans le tourbillon de l’aventure et des émotions. Non seulement on a envie de regarder LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, mais on a aussi envie de l’écouter ! ».
Ce « rythme de la jungle », c’est celui qu’ont su lui donner la parolière Lorraine Feather, dont Billie Holiday fut la marraine, et Paul Grabowsky, compositeur éclectique, pétri de jazz. Tous deux ont ainsi écrit les nouvelles chansons du film, qui nous permettent à la fois de connaître encore mieux les personnages, mais aussi de transmettre à ce nouvel épisode cette énergie débordante qui a séduit tant de spectateurs.
La production du LIVRE DE LA JUNGLE 2 fut longue et complexe, mais toujours passionnante. Walt Disney Records a ainsi eu la bonne idée de faire figurer dans l’album du film toutes les chansons de cette nouvelle production, y compris celles qui furent supprimées durant le processus, et qui apparaissent également dans le DVD du film, présentées par Matt Walker en personne. Comme à notre habitude, nous avons voulu en savoir encore plus et nous sommes allés véritablement au coeur du film en compagnie de Lorraine Feather et de Paul Grabowsky.
Vous sentez ? Le rythme de la jungle vous envahit déjà !

Comment êtes-vous arrivés sur le projet JUNGLE BOOK 2 ?
PG) C’est une histoire intéressante. Mon agent, Maggie Rodford à Air-Edel, était en relation avec Matt Walker, le superviseur musical du projet, qui avait des difficultés à trouver une chanson en particulier pour le film, pour une scène demandant une chanson jazzy, dans la tradition du film original. De toutes les propositions qu’il avait reçues, aucune ne le satisfaisait. C’est ainsi que Maggie a suggéré que je compose quelque chose. Elle a alors contacté également Lorraine Feather, qui figure aussi parmi ses clients. J’étais à Melbourne, Lorraine était chez elle, près de San Francisco et les cadres Disney étaient dans leur studio et ils nous ont dit ce qu’ils recherchaient. A cette époque, Lorraine et moi ne nous étions jamais rencontrés, mais je connaissais son travail, et son père, Leonard, était un célèbre journaliste de jazz. Je savais alors que nous avions des intérêts en commun ! Et après avoir discuté avec Lorraine, je suis allé dans mon studio et ai écrit Jungle Rhythm, que je lui ai envoyé sous forme de dossiers MP3 via internet, sur laquelle elle a écrit des paroles et nous avons décroché ce contrat. Ce fut une sorte de cyber-composition !
LF) C’était assez inhabituel car Paul vit en Australie. Mais le courant est très bien passé dès notre premier contact téléphonique. Nous sommes tout de suite partis du bon pied tous les deux. Je travaille souvent par téléphone et ce ne fut guère différent sur ce projet. Nous en avons ensuite écrites d’autres, dont deux n’apparaissent finalement pas dans le film dans la mesure où leur scène a été supprimée. Mais nous les avons conservées pour l’album. Ce fut donc un long processus et il a finalement été décidé que le film, au lieu de sortir directement en vidéo, serait d’abord projeté en salles, ce qui fut très excitant pour moi dans la mesure où, même si j’avais déjà écrit des chansons pour l’animation, cela n’avait jamais été dans le cadre d’un film Disney destiné au cinéma.

Au départ, Le Rythme de la Jungle n’était pas la chanson de Mowgli dans le village des hommes.
LF) A l’époque, elle devait être chantée par Baloo au milieu du film au moment où Mowgli et lui se retrouvent. Elle était légèrement différente, j’avais écrit quelques dialogues simples qui devaient y être incorporés. Mais le script a évolué pendant un certain temps et cette chanson s’est finalement retrouvée chantée par Mowgli au début du film. Là encore, elle n’était pas exactement comme il a fini par être. Pour elle, notre collaboration a été particulièrement fructueuse. Je suis par exemple venue avec l’idée du pont à la Fred Astaire et Paul a été suffisamment flexible pour le faire. C’est dans cet esprit de collaboration et d’ouverture que nous avons travaillé, et notre vision a été encore modifiée par la suite par les orchestrations de Martin Erskine et les magnifiques arrangements vocaux de Doug Besterman. Tous deux ont apporté leur propre créativité et cette section centrale s’est ainsi enrichie de tous ces apports successifs qui l’ont transformée. Ce fut un vrai travail d’équipe et tous les artistes avec lesquels j’ai travaillé sur ce projet ont été particulièrement gentils, positifs et généreux. Paul tout spécialement. On doit aussi avoir un grand sens de l’humour dans ce genre de situation car c’est un processus très long et semé d’incertitudes. C’est une vraie leçon de vie.

Comment décririez-vous cette chanson ?
PG) C’est une swing song dans la tradition de Sing, Sing, Sing ou des grands succès de Benny Goodman dans les années 30. Son pont est quant à lui plus proche de Dancing Cheek to Cheek d’Irving Berlin. J’aime beaucoup cette façon qu’à cette chanson d’aller du mode mineur au mode majeur, ce changement d’atmosphère, et inversement.
LF) Quant à moi, j’aimais beaucoup l’idée des rhinocéros frottant leurs yeux à l’aurore !...

D’où vient l’idée du choeur imitant des cris d’animaux ?
PG) C’est l’idée de Lorraine. C’est une chanteuse très intelligente. Elle a fait beaucoup de chansons pour l’animation et je pense qu’elle comprend vraiment bien ce style.

Pour les chansons du film original, les frères Sherman ont beaucoup joué sur les sonorités des mots. Comment présenteriez-vous votre approche en tant qu’auteur ?
LF) Mon style s’enracine librement dans le jazz. Je suis d’ailleurs également chanteuse de jazz. Mon dernier album se composait de musiques de Fats Waller avec mes propres paroles. Je viens vraiment de ce monde et j’aime que la musique swinge et chante, tout comme elle doit représenter une scène et faire avancer l’histoire. Je voulais faire quelque chose à mi-chemin entre le passé et le présent, un parfum de nostalgie, mais qui soit toujours d’actualité.

Et du point de vue musical, quelle fut votre attitude en regard des chansons du film original ?
PG) Ce sont des classiques. Il est quasiment impossible de retrouver cette même spontanéité. C’est pourquoi j’ai plutôt choisi de me concentrer sur ma compréhension des différents genres des nouvelles chansons. J’ai essayé d’imaginer les sentiments, le groove qui étaient les plus appropriés. Il n’était donc pas question d’imitation, mais plutôt de leur apporter un complément. On ne peut recréer une époque. Nous vivons des temps différents. Mais nous avons accès à des éléments historiques qui nous aident à créer un continuum.

La seconde chanson originale présente dans le film est Sauvagerie (W-I-L-D), chantée par Baloo
LF) J’ai toujours rêvé de voir des animaux parfaitement dessinés chanter mes chansons. Elles ont quelque chose de fantaisiste, ce qui convient à merveille pour la jungle ou les animaux des bois. C’est sans doute pour cela que certaines des paroles me sont venues très facilement.
PG) Il y a eu beaucoup de changements, de scénario, de réalisateur... C’était une situation très fluide. Après Jungle Rhythm, on nous a demandé d’écrire une autre chanson, qui est devenue I’ve Got You Beat, que l’on ne retrouve pas dans le film puisque la scène a dû être supprimée. Je me suis rendu à Los Angeles où nous avons eu une importante réunion avec Matt Walker. Elle devait concerner la réalisation d’I’ve Got You Beat, mais Matt est arrivé et a dit : « J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. La scène vient d’être coupée, nous n’avons plus besoin de cette chanson. Cependant, nous avons besoin d’une autre chanson. » Ce fut W-I-L-D. Nous avons beaucoup, beaucoup discuté, puis j’ai demandé où était le studio pour que j’écrive tout de suite cette chanson. Je comprenais parfaitement ce dont ils avaient besoin puisqu’elle devait avoir une touche de rockabilly et de swing. Il y avait un studio juste à côté, et c’est là que je l’ai écrite. Lorraine a écrit les paroles la nuit même et nous avons enregistré la démo le lendemain.

C’est ce qui s’appelle ne pas perdre de temps !
PG) Je crois dans le travail rapide ! Je pense que, si une chanson ne se révèle pas rapidement, en général c’est qu’il y a un problème avec elle. Une chanson doit sortir de vous comme dans une respiration. C’est le cas des meilleures chansons. Je recommande toujours de suivre son instinct.
LF) Ce fut assez amusant, d’autant plus que je chante également dans cette chanson en tant que choriste. Nous étions huit chanteurs qui faisions les parties des animaux. Ce fut très agréable car Disney fait toujours appel aux plus grands chanteurs de studio, enfants comme adultes et l’animation se construisait en même temps sous nos yeux !

La plupart du temps, les chansons des films d’animation participent activement à la narration. Ici, en particulier avec Sauvagerie, il semble qu’il s’agit plus simplement de s’amuser.
LF) Les chansons qu’on nous a demandées pour ce film n’étaient pas destinées à faire avancer l’histoire, comme c’est le cas traditionnellement –l’exemple le plus caractéristique étant celui de Belle dans LA BELLE ET LA BÊTE, qui est du pur génie et qui dit tout. Pour LE LIVRE DE LA JUNGLE 2, de par la nature musicale du film original, ils voulaient avant tout des « groove tunes », des chansons rythmiques et non pas dans la tradition de Broadway. La notion de rythme est centrale dans ce film et il fallait que cela se sente dans la musique, que son rythme contamine tout.
PG) W-I-L-D n’est finalement qu’un blues en 12 mesures avec un pont. Mais ce moment avait besoin d’une chanson qui ne soit qu’amusement. Il ne fallait surtout aucune sophistication, pour en faire une chanson populaire et facile à comprendre.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’I’ve Got You Beat ?
LF) Il s’agit d’une chanson qui devait être interprétée par Mowgli et Shanti. Il devait y avoir une sorte de compétition amicale dans le village entre Mowgli parlant du rythme de la jungle et Shanti lui montrant que le village possède son propre rythme. Chacun montrait ainsi sa propre personnalité, et notamment la force de caractère de la jeune fille, qui avait des choses à enseigner à Mowgli. C’était une chanson ambitieuse car elle devait être très percussive et excitante tant du point de vue de la diversité des percussions que de l’animation, finissant par le sac du village et les habitants les poursuivant ! C’est donc l’idée qui est venue en premier, dans la lignée de Iko Iko.Nous avons alors beaucoup travaillé et retravaillé à cette chanson très dansante avant d’arriver à ce qu’elle plaise à tout le monde... et que la scène soit totalement bouleversée. D’une certaine façon, Jungle Rhythm a pris sa place, mais tout n’arrive pas de la même façon dans la nouvelle séquence. Shanti participe maintenant davantage. Cependant, nous aimions tous tellement cette chanson que nous avons décidé de partir de la démo originale, de lui donner plus de corps et de lui ajouter des voix enfantines pour la faire figurer dans l’album. Je l’ai arrangée et produite avec un ami appelé Yutaka. Il a un studio à Los Angeles où j’ai enregistré les parties vocales de mes propres albums. C’est là que nous avons produit la démo d’I’ve Got You Beat, avec l’aide du percussionniste Zé Bruno. Nous sommes ensuite allés dans un autre studio pour les autres parties vocales.
PG) J’aime beaucoup I’ve Got You Beat. Elle est assez sophistiquée, inspirée par la musique des Caraïbes.

Ce qui peut paraître surprenant pour un film sensé se situer en Inde !
PG) Il y a quelque chose de la Nouvelle-Orléans dans cette chanson. Elle était prévue au départ pour simplement faire taper dans les mains, comme Iko Iko. La scène devait commencer comme cela... pour mieux dégénérer de façon percussive ! On part donc des Caraïbes pour évoluer vers une structure harmonique raisonnablement complexe basée sur question et réponse. Cela peut certes paraître étrange, mais si vous considérez le film original, et sa musique nettement jazz New-Orleans, je ne trouve pas que cette nouvelle évolution soit si étrange que cela !

Braver est sans doute ma chanson préférée.
LF) Je vous remercie ! Elle était destinée au moment où Shanti pénètre dans la jungle pour retrouver Mowgli. Nous voulions très fortement qu’elle reste dans le film, mais elle ne figure finalement que sur l’album pour des raisons de timing de la narration. Cette chanson est l’une de mes préférées. Ce fut la troisième que Paul et moi avons écrite. Au départ, elle devait être plus jazzy mais fut complètement reconçue pour en faire une chanson Disney classique. C’est Windy Wagner, bien connue dans le monde de la musique pour enfants, qui chante merveilleusement Braver et Right Where I Belong.
PG) J’ai écrit cette chanson durant les répétitions d’un opéra que j’avais composé. Je me suis éclipsé un moment tandis qu’on n’avait pas besoin de moi et j’ai fait cette chanson, dans le calme d’une salle de répétition, comme en cachette !... Pour cette chanson, j’ai demandé à Lorraine d’imaginer les paroles en premier.

Son harmonie est également complexe.
PG) Elle l’était davantage au départ ; je l’ai simplifiée. C’est une chanson plus proche du style de Broadway, même si elle est écrite pour une enfant. Je voulais une grande ballade avec un grand finale.

Right Where I Belong, sur un thème magnifique de Joel McNeely a également un statut à part dans ce film.
LF) C’est la dernière chanson que j’ai écrite, et que l’on peut entendre au cours du générique de fin de la version originale. Elle a été conçue à la dernière minute. J’ai reçu un appel de Matt peu avant l’enregistrement de la partition, me disant que Joel avait composé un thème mélodique, et qu’il estimait qu’il devait y avoir des paroles dessus. J’ai écrit ces paroles très vite et on a intégré cette chanson juste après celle de Smash Mouth.

C’est certainement la chanson la plus profonde et la plus signifiante du film.
LF) Je l’adore. Je l’ai trouvée extrêmement touchante du point de vue mélodique, très évocative et j’ai été vraiment ravie qu’une telle chanson ait pu être incluse dans le film. Lorsqu’on m’a transmis cette mélodie, elle était sous-titrée « Mowgli’s Home Song ». C’est donc la chanson de Mowgli. Je l’ai voulue mystérieuse et j’aime beaucoup cette idée de la rivière qui chante pour lui parce qu’il est lié aux animaux et à la jungle toute entière. J’ai voulu peindre une scène, et c’est celle qui m’est immédiatement apparue à l’écoute de cette musique. Nous avons principalement travaillé par téléphone en faisant des adaptations à l’un et à l’autre avant de nous rencontrer pour l’enregistrement que nous avons produit tous deux.

Miss Feather, comment conciliez-vous votre travail d’auteur et celui d’auteur-interprète ?
LF) J’aime assez faire l’aller-retour entre les deux. Tout d’abord, chanter ses propres chansons demande une gestion particulière de votre énergie et de prendre les décisions finales vous-même, c’est un challenge mental très particulier alors qu’écrire pour quelqu’un d’autres, et en particulier pour l’animation, est une autre sorte de défi, un acte encore plus privé dans la mesure où cela ne sort pas physiquement, vocalement de vous. Parfois, je fais des choeurs, mais je ne chante jamais en soliste dans ce contexte. Cela permet de voir d’autres personnes interpréter ce que vous avez écrit. Les deux activités sont différentes mais chacune permet d’améliorer l’autre car il s’agit toujours d’écrire, ce qui est vraiment ce que j’aime faire, m’asseoir à une table et créer à partir de rien. De plus, Paul Grabowsky est lui-même un grand pianiste de jazz et, d’une certaine façon, travailler avec lui n’était pas très différent du travail avec les pianistes à qui j’ai fait appel pour mes albums.

Monsieur Grabowsky, vous évoquiez tout à l’heure votre opéra. Pouvez-vous nous en dire plus ?
PG) Je l’ai écrit avec la librettiste Joanna Murray Smith. Il s’appelle LOVE IN THE AGE OF THERAPY. C’est une comédie avec 7 acteurs, une sorte de chassé-croisé amoureux. Nous l’avons créé à Melbourne en octobre dernier avant qu’il soit donné à l’opéra de Sydney en janvier et qu’il y connaisse un certain succès. Il est écrit pour un orchestre de 20 musiciens, toujours avec une section rythmique. Je dirais qu’il s’agit d’une fusion entre musique contemporaine et jazz. On y trouve des fugues, des passacailles et les chanteurs doivent chanter dans un style opératique, mais dont le phrasé emprunte beaucoup au jazz.

Comment développe-t-on une telle expérience musicale ?
PG) J’ai une formation de pianiste classique au conservatoire de Melbourne mais je suis avant tout un compositeur autodidacte et un musicien de jazz. Je viens d’ailleurs d’enregistrer à New York mon premier album destiné au marché international, Tales of Space and Time, en compagnie de Brandon Marsalis, Joe Lovana et d’autres musiciens new yorkais. En tant que compositeur de musique de films, j’ai travaillé sur de nombreux projets australiens, comme avec le réalisateur australien Paul Cox ou l’anglais John Irvin. Le plus célèbre d’entre eux est Fred Skipsy avec qui j’ai fait LAST ORDERS ou plus récemment IT RUNS IN THE FAMILLY, avec Michael et Kirk Douglas. Sur ces films, j’ai travaillé en tant que compositeur de la partition, et ce dans différents styles. Pour NOAH’S ARK (NBC), par exemple, il s’agissait de musique symphonique. Mais la plupart du temps, on peut y reconnaître une touche de jazz. Je fais souvent appel à un petit orchestre avec une section rythmique. Mais tout dépend de la situation.


En tant que compositeur aussi éclectique, qu’avez-vous retiré de cette expérience disneyenne ?
PG) Ce fut une opportunité passionnante et un grand honneur qu’on me demande de soumettre des chansons pour la suite d’un film qui tient une place tout à fait particulière dans mon enfance. Cela n’arrive pas tous les jours ! Je ne savais pas à quoi m’attendre quand j’ai soumis Jungle Rhythm, et quand elle a été acceptée, ce fut un sentiment merveilleux. J’en suis très fier.