dimanche, août 28, 2016

LES ORCHESTRES DE DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec Maître Nono, des Tams-Tams Africains


Maître Nono, qu’est-ce qu’un maître en tam-tam ?
Cela n’a rien avoir avec un gourou ! C’est plutôt comme un professeur. A l’origine, j’étais responsable de l’orchestre du ballet national du Congo. Mais ma curiosité m’a poussé à approfondir ma connaissance du répertoire du tam-tam. C’est la raison pour laquelle j’ai fondé un groupe. A partir de là, mon expérience m’a permis de pouvoir expliquer cette musique aux jeunes. Les anciens du pays jouent, mais ne peuvent pas expliquer. Ce fut mon rôle de le faire, sachant qu’il n’y a pas d’école de percussion. Les petits commencent à taper tout jeunes, et j’ai décidé d’essayer d’encadrer tout cela. J’ai ainsi monté des groupes de 20 à 30 percussionnistes et c’est cela qui m’a conféré le titre de maître. C’est plus une marque de respect. 


Vous êtes l'un des membres des fameux Tams-Tams africains de Disneyland Paris depuis de nombreuses années. Comment tout cela a-t-il commencé ?
Tout commencé en fait en 1990. J’ai appris par un ami de Radio France International que Disneyland Paris cherchait à former un groupe de Tams-Tams pour l’ouverture du parc. Nous avons donc passé une audition à Noisy-le-Grand et en moins de deux minutes nous avons été engagés ! C'était à ne pas y croire! 

Quelles sont les origines de votre ensemble ?Nous nous sommes connus au pays, la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre. Nous venons donc de là-bas, tout comme nos instruments et notre répertoire.

Comment avez-vous constitué votre répertoire pour le parc ?
Nous avons fait nos propres arrangements des musiques traditionnelles que nous avons connues chez nous et les avons proposés à Robert Fienga, qui valide le répertoire des différents ensembles. Le plus difficile, ce fut les chansons car, si tous les quatre nous venons du Congo, nous sommes originaires de régions différentes, parlant des langues différentes. Nous avons donc commencé par des morceaux purement instrumentaux puis au fur et à mesure que nous avons joué tous les jours, nous avons trouvé une façon d’intégrer ces chansons dans notre programme. Nos arrangements actuels sont bien différents de ceux de nos débuts car nous nous sommes progressivement adaptés au parc, sans pour autant renier les origines de nos morceaux. Nous avons trouvé notre propre langage. 


Quelles sont les différentes langues du Congo que vous utilisez dans vos chansons?
Il y en a beaucoup, mais officiellement on en compte cinq. Le Français, que l’on apprend à l’école. Le Lingala, que l’on parle dans la capitale, le Kikongo qui est parlé dans le centre du pays, le Swahili, parlé à l’Est, frontalier de l’Ouganda et le Rwanda, et dans le sud, où l’on exploite l’or et le diamant, on parle Tshiluba. Avec ces quatre langues, on essaie de se débrouiller à parler dans toute la République. Pour les chansons, on chante plutôt en Lingala, qui est la langue qui nous permet aussi de communiquer entre nous. 


Comment avez-vous arrangé ces chansons ?
Il y a toujours un membre du groupe qui lance la chanson comme soliste, puis il reprend en chœur avec les trois autres à l’unisson.

Quels en sont les thèmes ?
On y parle de sujets le plus souvent joyeux, la moisson, les mariages, la culture, … Certaines paroles disent : « si tout le monde cultivait, il n’y aurait pas de famine / si tout le monde cultivait, il y aurait de la nourriture en abondance pour tous. » Il y a également des chansons pour les naissances, et s’il s’agit de jumeaux, ce sont encore d’autres chansons ! 


D’où vient l’idée d’utiliser le sifflet ?
Ce sont les Portugais qui nous ont amené le sifflet quand ils sont venus chez nous… tout comme le "Corned Beef" ! A l’époque, il n’y avait pas de porte-voix pour transmettre les nouvelles et le sifflet a donc été utilisé par les chefs de village pour attirer l’attention et transmettre les messages. Nous sommes partis de là pour ensuite créer un rythme qui accompagne les mouvements du danseur et des solistes.

Comment fonctionnez-vous tous les quatre ensemble ?
Beaucoup de choses dépendent en fait du soliste, qui a les trois gros tams-tams. Il peut improviser. Il peut jouer ou s’arrêter quand il veut, faire des grimaces, solliciter les visiteurs, les faire danser, etc… tandis que les trois autres gardent le rythme de base. Or, dans certains morceaux, à travers son tam-tam, il peut nous dire ce qu’il va faire. C’est une petite complicité entre nous. Au pays, il y a des astuces comme cela. Par exemple, le soliste d’un concert peut faire savoir, à travers la musique, à l’organisateur, s’il est de la même ethnie, que les musiciens ont soif et que s’il ne leur donne pas très vite à boire, ils vont arrêter de jouer ! (rires)

Pour une telle complicité, on imagine que vous devez travailler ensemble depuis fort longtemps !Nous sommes les mêmes musiciens depuis le début. Les seules modifications du groupe ont lieu quand l’un de nous est en congé ou malade. A ce compte là, nous faisons appel à personnes avec qui nous avons pu avoir l’opportunité de jouer et qui connaissent également notre jeu. 


L’intervention du danseur est toujours très appréciée par les visiteurs !
A l’origine, nous étions toujours accompagnés de danseurs. En passant à une formation de quatre musiciens, il a fallu que l’un d’entre nous s’improvise danseur ! Et cela fonctionne toujours très bien avec nos visiteurs. On rigole bien avec eux. Notre danseur fait participer le père de famille, la maman ou les enfants et cette participation du public fait partie du succès de notre ensemble !


On sent vraiment en vous le désir et le plaisir de partager !
Ah oui. J’adore cela. Que ce soit avec les visiteurs du parc ou avec les "cast-members", les personnes travaillant à Disneyland Paris, lors d’événements internes, que ce soit sur des événements spéciaux ou bénévolement, c’est toujours un plaisir ! 


On vous retrouvait aussi sur le char des Rêves d’Aventure de la Parade des Rêves Disney.
Il y a quelques mois, on nous avait déjà proposé de faire le "pré-show" du spectacle de Vidéopolis La Légende du Roi Lion. Mais, de ce fait, Adventureland était sans tams-tams pendant ce temps. Cela manquait tellement que nous sommes vite retournés à Hakuna Matata. Mais comme la savane de Simba n’est pas si éloignée de notre Congo natal, les créateurs de la parade se sont dits qu’en nous intégrant à ce char, cela apporterait un petit plus. Et de fait, on nous a rapporté que, lorsque nous ne sommes pas là, il manque quelque chose à ce char. D’un point de vue pratique, c’est également compliqué dans la mesure où le char est fait de telle sorte que nous ne nous voyons pas. Heureusement, nous avons beaucoup travaillé ces morceaux avec Robert Fienga. Grâce à lui, nous avons pu intégrer cette rythmique très différente et nous en imprégner pour être le plus efficace sur le char malgré notre configuration, pour jouer ensemble par-dessus la musique enregistrée. La musique du char n’est pas très forte, alors que nos tams-tams sont très puissants, ce qui fait que nous n’avons pas besoin d’amplification, tout comme à Hakuna Matata. Nos tams-tams sont tellement puissants que même dans les coulisses on peut nous entendre! (rires)


Comment sont-ils fabriqués ?
Nous avons un tambour en bois rouge, plutôt destiné à la danse. Mais sinon, la plupart de nos tams-tams sont faits en bois blanc, le même qu’on utilise pour fabriquer des pirogues chez nous. Il est brûlé afin de noircir, puis l’artisan sculpte les motifs au couteau, faisant ainsi réapparaître la couleur blanc d’origine sous ses dessins. Quant aux peaux, il s’agit de peaux de vaches et non de peaux de chèvres comme on le croit souvent. La chèvre, c’est pour le djembé alors que nos tams-tams sont des Ngomas. C’est différent. Les gens connaissent plus le djembé, et nous sommes heureux de pouvoir leur montrer qu’il n’y a pas que cela comme percussions.

A quelles manifestations participez-vous à l’extérieur du parc ?
Début juillet nous avons participé au festival "Jazz à Vienne". Nous y avons mis le feu ! Tout comme nous l’avons fait à Nice et à Marsillac. Nous ne faisons pas de jazz, mais nous avons une expérience des tournées (même avant de travailler à Disneyland Paris) et de la musique ensemble et nous comptons bien faire découvrir notre répertoire dans ce nouveau cadre, échanger, partager, faire des bœufs. Nous sommes heureux quand d’autres musiciens nous invitent à jouer avec eux, tout comme nous sommes heureux de faire jouer des confrères percussionnistes avec nous lorsqu’ils sont de passage sur le parc ! La fête n’en devient que plus intéressante ! A chaque fois, nous sommes très impatients de vivre de telles expériences ! 


A travers toutes ces années sur le parc et à l’extérieur, vous avez beaucoup apporté au public. Qu’est-ce que le parc vous a apporté à vous ?Déjà, la ponctualité !! En tant qu’africains, il nous fut difficile de nous adapter à l’idée d’une heure exacte. Sinon, c’est une expérience considérable que nous a apporté le parc, qui a transformé notre musique, et nous-mêmes par la même occasion !