mardi, juillet 31, 2007

RATATOUILLE : Entretien avec l'accordéoniste Frank Marocco

Ahh Paris !... French « couisine », French music….
C’est le décor romantique et fleur bleue du dernier petit trésor des studios Disney*Pixar, Ratatouille, qui nous ravit (virtuellement) les papilles, mais aussi les yeux, le cœur et… les oreilles. Car qui dit Paris dit… accordéon. Et Michael Giacchino, le compositeur du film, se devait de rendre hommage à la patrie de cet instrument à faire chavirer les cœurs.
Mais, fidèle à l’esprit de ce film plein de surprises, ce ne sont pas des clichés franchouillards qu’il nous impose. Non, c’est un accordéon aux mille couleurs et aux mille saveurs qu’il nous offre, à mi chemin entre Montmartre et le jazz « Saint-Germain-des-Prés ». C'est l'accordéon de Frank Marocco, spécialiste de jazz et de musique de film natif de l'Illinois, que nous avons rencontré et qui nous a emporté dans son sillage, à travers la musique Disney, à laquelle il a beaucoup contribué...

Comment êtes-vous arrivé dans le monde de la musique de film ?
J’ai débuté ma carrière en jouant un peu partout, voyageant sans cesse. Je ne soupçonnais même pas l’existence de ce monde. Pendant de nombreuses années, j’ai ainsi travaillé six jours par semaine dans des hôtels et des clubs. Dans les années cinquante et soixante, ce type de job vous assurait un travail à temps complet. C’est dans ce contexte que j’ai pu développer ma technique et mon style, tout ce qui fait un véritable musicien. Finalement, mon épouse et moi avons eu notre premier enfant et c’est là que j’ai décidé que, pour son équilibre, il fallait que je me fixe. Nous nous sommes dont installés à Los Angeles car j’avais décroché un contrat à l’hôtel Ambassador pour six mois. A partir de là, mon agent ne pouvant plus m’organiser de tournées, il a fallu que je trouve du travail par moi-même. L’accordéon étant encore très populaire à cette époque, j’ai commencé par donner des cours la semaine et à faire de l’événementiel (mariages, anniversaires, etc) le week end. Cela marchait très bien et j’ai commencé à me faire un nom dans le métier, par le bouche à oreille. C’est ainsi que je me suis rapproché des studios dans lesquels on enregistrait toutes ces musiques pour le cinéma, la télévision et la radio et que j’ai enregistré quelques petites choses pour la radio. En ce temps là, il y avait trois ou quatre excellents accordéonistes qui se partageaient l’ensemble des enregistrements de ce type, parmi lesquels Dominic Frontiere et Carl Fortina. Mes interventions ne furent donc qu’occasionnelles dans ce milieu, notamment sur Dr. Zhivago en 1965, mais rien de stable. Il a fallu que j’attende 1978 pour que ces artistes partent à la retraite et que ce soit mon tour. A partir de là, les sessions se sont enchaînées, que ce soit dans le cinéma, la radio, la publicité, etc. Je n’ai rien fait de particulier pour cela. C’est juste arrivé comme ça.


A l'écoute de vos prestations, on s’aperçoit qu’à travers l’accordéon, vous avez abordé énormément de styles différents.
Au cours de ma carrière, j’ai en effet touché à tout. Du classique à Astor Piazzola. J’adore le jazz, c’est ce pour quoi je suis le plus connu en dehors de la musique de film. Je me souviens tout particulièrement d’un festival à Modène auquel j’ai participé avec le grand Richard Galliano. C’est un immense musicien que je respecte beaucoup. J’ai aussi joué dans le style cajun ou « zydeco ». Au cours de mes voyages, je me suis fait beaucoup d’amis français, italiens ou encore russes et je me suis beaucoup nourri de leurs styles. Je peux ainsi puiser dans cette expérience et m’en inspirer en fonction des besoins de chaque musique de film. Et c’est exactement ce qui s’est passé sur Ratatouille.


Quels sont vos souvenirs de cet enregistrement ?
Ce fut à la fois difficile et passionnant car ce jeune compositeur qu’est Michael Giacchino a écrit des parties pour l’accordéon aussi magnifiques que virtuoses. J’ai joué pour lui sur deux autres projets. Il aime beaucoup l’accordéon et il sait comment bien écrire pour cet instrument.

Et dans des styles très différents !
On y trouve en effet du swing, un peu dans la veine de Django Reinhardt comme dans Colette Shows Him Le Ropes, un peu de musique sud-américaine et bien sûr de la musique française.


Pouvez-vous nous parler de l’enregistrement du Festin, la chanson du film, très « Frenchy » ?
En fait, on m’a demandé de revenir après l’enregistrement de la partition. La chanson était déjà enregistrée par cette chanteuse française, Camille, et ils ont trouvé que cela manquait d’accordéon. C’est ainsi que je suis venu me sur-ajouter, en « overdub », à la musique déjà enregistrée.

Le son de votre accordéon est particulièrement doux dans cette chanson. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai utilisé un accordéon qui a été fabriqué spécialement pour moi par le grand facteur Julio Giulietti. Je l’apprécie tout particulièrement pour sa douceur. Il apporte ainsi une couleur assez inédite et idéale dans cette chanson.


Quels sont les autres instruments que vous avez utilisés pour la partition du film ?
La plupart du temps, j’ai utilisé un accordéon en "voix musette" ("two-reed musette"), et parfois un accordéon basse et un accordéon « dry tuned ».

Avez-vous parlé de ces choix avec Michael Giacchino ?
Il m’a fait totalement confiance dans le choix des instruments. Je savais simplement qu’il fallait une couleur française. A partir de là, je me suis imprégné de son écriture musicale, qui est très éloquente, pour choisir quel instrument j’allais utiliser ici et là. Il est simplement intervenu sur des détails d’interprétation, mais par dans les choix d’instruments.

Vous parlez de couleur française. Comment joue-t-on « à la française » ?
Vous avez la chance de vivre dans un pays où les grands accordéonistes sont légions et où la tradition propre à cet instrument est très forte. Ils ont su populariser l’accordéon à travers des enregistrements dont je me suis nourri. Je pense à Richard Galliano, Marcel Azzola, Alain Musichini. J’ai aussi fait quelques festivals en France, notamment avec Yvette Horner. Quand j’essaie de jouer « à la Française », j’essaie simplement de retrouver ce son que j’aime tant. Les italiens ne sont pas mal non plus ! Je reviens d’ailleurs tout juste de Milan où j’ai participé à un festival avec le grand accordéoniste Simone Zanchini, avec qui je viens d’enregistrer un cd intitulé Be-Bop Buffet.


On retrouve d’ailleurs ce pont entre l’esprit français et l’émotion italienne dans Abandoning Ship.
Je suis tout à fait d’accord. Michael Giacchino est d’origine italienne et vous n’êtes pas sans ignorer la sensibilité des italiens ! C’est un morceau vraiment touchant, vraiment calme que j’ai beaucoup aimé jouer.


Un bateau que vous n’avez pas abandonné, c’est celui de Pirates des Caraïbes, puisque vous avez participé aux trois films de la saga…
Comme sur Ratatouille, j’ai utilisé trois accordéons différents pour cette saga. J’ai beaucoup aimé travailler avec Hans Zimmer. C’est quelqu’un de très agréable. D’autant plus que j’ai enregistré seul avec lui puisque l’essentiel de ma participation s’est fait en « overdub », c’est à dire qu’après avoir enregistré l’ensemble de l’orchestre, il lui a semblé qu’il fallait rajouter de l’accordéon ici et là, ce qui fait qu’il m’a appelé. Il a ainsi largement utilisé cet instrument tout au long de sa partition, mais il y a tellement de bruit et tellement d’action qu’on ne le distingue pas souvent !



L’accordéon peut aussi être très américain, avec des accents « country » comme dans Toy Story 2.
J’ai en effet fait quelques films comme cela : Toy Story 2, mais aussi Cars-Quatre Roues plus récemment, avec Randy Newman. Et chaque fois que je vais jouer dans ce style, je retrouve George. C’est le guitariste numéro un de Los Angeles et peut être du monde. Ce qui est amusant, c’est que je travaille avec Randy depuis 1984, depuis The Natural, avec Robert Redford, que nous partageons la même passion pour le jazz, et que jamais nous n’avons fait un film ensemble dans ce style !

Votre actualité, c’est aussi Enchanted/Il Etait Une Fois, dont la musique vient d’être enregistrée.
J’adore travailler avec Alan Menken. C’est quelqu’un de très agréable et de très talentueux. Comme beaucoup de compositeurs « Disney », il connaît son métier sur le bout des doigts, ce qui fait qu’il est très facile de le suivre dans chacun de ses projets. Je me souviens notamment de La Belle et la Bête et du Bossu de Notre-Dame, pour lesquels j’ai joué de la musette, encore très française. Il faut dire que le style français représente à peu près les trois quarts de ce qu’on me demande de faire. Sur Il Etait Une Fois, j’ai enregistré une chanson avec le célèbre guitariste George Doering, à mi-chemin entre l’Italie et la France dans le style.

Rien que pour Disney, votre parcours est impressionnant !
Et il faut ajouter aux musiques que nous venons d'évoquer mes participations à L’Etrange Noël de Mr. Jack avec Danny Elfman, La Planète au Trésor avec James Newton Howard ou encore Monstres et Cie et James et la Pêche Géante avec Randy Newman. Ajoutez à cela des collaborations avec des gens comme John Williams sur par exemple Indiana Jones et la Dernière Croisade. Ce sont le plus souvent de petites contributions car l’accordéon n’occupe guère le devant de la place dans les musiques de film, mais vous pouvez vraiment dire que j’ai été béni. Je prends cela comme un grand honneur et un grand plaisir !

Plus d'infos sur le site de Frank Marocco, www.frankmarocco.com

vendredi, juillet 27, 2007

LES ORCHESTRES DE DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le chef d'orchestre et arrangeur Robert Fienga

Robert Fienga est le chef d'orchestre attitré de Disneyland Resort Paris. Mais ses activités ne se limitent pas à la direction d'orchestre : on lui doit en effet les musiques de certains spectacles du parc parmi lesquels Winnie l’Ourson et ses Amis, au Théâtre du Château, Halloween Magic Show, pour le Lucky Nugget Saloon, et surtout Disney Classics : The Music and the Magic et Mickey’s Showtime à Vidéopolis, Discoveryland, qui restent encore dans toutes les mémoires.
Cet artiste aux mille facettes commence ses études au conservatoire de Nîmes, puis aux conservatoires nationaux supérieurs de Paris et Lyon dans les classes de trombone et d'écriture (harmonie, fugue, contrepoint et orchestration). Il s'y passionne pour Wolfgang Amadeus Mozart, Gustav Mahler et Maurice Ravel, tout en écrivant pour big band. A sa sortie, il obtient la Fullbright Scholarship, une bourse pour partir deux ans aux Etats-Unis. Là-bas, étudie simultanément à Cal State Northridge et à la Grove School of Music, plus spécialisée en musique de film. Il revient ensuite en France pour travailler pour Michel Legrand. Il joue dans son orchestre pendant trois ans et réalise quelques orchestrations pour lui. Il a notamment écrit certains arrangements pour 3 Places pour le 26.
De ses débuts au parc aux nouveautés de cet été, portrait d’un artiste majeur du resort.

Dans quelles circonstances êtes-vous arrivé à Disneyland Resort Paris?
A l'époque où je travaillais avec Michel Legrand, des amis musiciens m'ont dit que Disney cherchait quelqu'un comme moi qui puisse diriger des orchestres, arranger et composer. J'ai donc appelé Vasile Sirli qui m'a invité à un entretien. A partir de là, les choses se sont précisées. J'ai commencé à travailler en tant qu'intermittent sur quelques projets avant d'intégrer à part entière le département de musique. Il y avait pas mal de choses à faire car tout était à construire. J'ai eu la responsabilité de plus en plus d'orchestres, puis on m'a demandé d'écrire de la musique pour certains shows comme Disney Classics en 1996. Ce qui était très intéressant pour moi était de pouvoir en écrire ou en arranger ou en adapter la musique et de pouvoir produire ces shows, avoir la responsabilité du budget. C'est également passionnant d'aller à l'étranger pour faire des séances d'enregistrement et de partir de rien pour arriver à monter un spectacle en temps et en heure et dans le budget.

Qu'est-ce qui vous a intéressé chez Disney?
En fait, je suis marié avec une américaine. Ma femme s'appelle Amy. Elle avait deux grands oncles, les frères Green, qui ont enregistré la musique originale de Steamboat Willie. Tous deux étaient extrêmement réputés comme musiciens. Ils ont participé à beaucoup de séances d'enregistrement et faisaient même les bruitages. Ils ont fait trois films pour Disney, parmi lesquels Steamboat, le premier dessin-animé sonore et The Skeleton Dance, la première Silly Symphony. Et quand Roy Disney est venu pour l'ouverture des Walt Disney Studios, je lui ai fait parvenir un petit mot lui expliquant cela avec des coupures de journaux. Il m'a alors très gentiment répondu et m'a mis en contact avec une responsable des archives de Burbank qui m'a envoyé des petits commentaires que Walt Disney faisait à l'époque sur les frères Green. Disney et moi, c'est une vieille histoire de famille! Et comme Roy Disney me l'a écrit il y a deux ans, "it's a small world after all!".

En parlant de compositeur Disney, quels sont vos goûts en la matière?
Vous l'aurez compris, j'aime beaucoup les chansons d'Alan Menken. Maintenant, dans la grande tradition, il y a également les incontournables frères Sherman. J'aime aussi beaucoup Buddy Baker (photo ci-dessus). Je l'ai rencontré à Los Angeles il y a quatre ans, et je pense à lui très souvent. Il était adorable, et d'une telle simplicité. Je l'ai appelé un jour et il m'a invité à venir le voir chez lui, à Sherman Oaks, alors qu'il ne me connaissait même pas, pauvre petit étudiant français que j'étais à Los Angeles! Nous avons beaucoup parlé de tout ce qu'il a fait pour Disney. Je lui ai demandé beaucoup de conseils en matière de musique et de métier. Il était d'une telle générosité, d'une telle gentillesse, et en même temps expérience et sagesse. Il reste un bel exemple à suivre. Tout ce qu'il m'a dit me parle encore beaucoup aujourd'hui.

En quoi consiste votre travail sur La Légende du Roi Lion en tant que directeur musical ?
Mon rôle est de donner la direction musicale artistique générale du concept sur scène. Ce qu’il y a de particulier dans ce spectacle, c’est que chaque chanteur doit vraiment développer vocalement la personnalité de chacun des personnages. De ce point de vue, il y a trois éléments à considérer. Premièrement, comment chaque chanteur peut chanter, le niveau vocal. Deuxièmement, comme il va projeter le character au niveau de l’ « acting ». Troisièmement, la façon de bouger. Il faut vraiment ce que l’on appelle un « package », une association ou un compromis entre ces trois éléments, afin d’interpréter au mieux le personnage. A ce titre, mon rôle n’est pas celui d’un coach vocal. Je ne suis pas en charge du « warm-up » technique des chanteurs et qui leur demande pour chaque phrase tantôt une interprétation en pleine voix, tantôt en voix de tête. Mais je suis malgré tout appelé à le faire car j’assiste aux répétitions et c’est aussi une dimension très importante de la projection d’un personnage. Chaque rôle demande des spécificités très particulières voire contraires, et c’est à moi de réconcilier ces contraires pour mieux servir le rôle.

Justement, comment définiriez-vous les différents rôles du spectacle ?
Scar doit être un batyon-basse, et même une basse, ce qui est très difficile à trouver. Il faut donc que le rôle soit très dramatique, avec de beaux la et sol dans le grave. Et même si une formation classique à la base ne peut qu’être utile pour apporter ce lyrisme au personnage, il faut aussi qu’il puisse chanter beaucoup plus « pop » dans le final. Le tout dans une couleur générale « black – pop ». C’est donc à moi de veiller à ce que cette couleur soit préservée, et dans le même temps d’essayer de pousser les chanteurs dans leurs derniers retranchements. Deux autres rôles difficiles à caster sont ceux de Simba et de Rafiki parce que ce sont les deux rôles principaux, parce qu’ils chantent plus que les autres et parce qu’ils sont mis sur le devant de la scène plus que les autres. Le rôle de Simba est aussi difficile vocalement car il monte très haut, jusqu’au si bémol aigu. C’est vraiment un ténor. Et dans le même temps, il faut qu’il ait un style particulièrement élégant et que la personne soit jolie à regarder. Quant aux particularités vocales de Nala, elles sont aussi exigeantes malgré le fait qu’elle ne chante pas beaucoup. Il faut être extrêmement souple et pouvoir passer de façon insensible de la voix pleine à la voix de tête dans son duo avec Simba, Can You Feel The Love Tonight, tandis que dans le final, il faut une voix de poitrine jusqu’au ré, ce qui assez haut.

Comment se passent généralement les auditions ?
Nous faisons un à trois jours d’auditions. Puis nous faisons un « call-back » avec ceux que nous avons retenus : ils reviennent pour un atelier ou workshop où on les met dans les conditions du show pendant toute une journée. C’est là qu’on voit vraiment qui projette le mieux le rôle, qui a une personnalité, qui va magnifier chaque rôle. C’est un spectacle très exigeant et, de fait, très difficile à caster.

Vous avez également écrit les harmonies vocales du spectacle, lorsque les chanteurs chantent en polyphonie.
Nous avons souvent dû réadapter ces arrangements vocaux car, notre show est différent de celui de Floride qui l’a inspiré. Il bouge beaucoup plus et il y a beaucoup plus de choses à regarder. Du coup, il a fallu changer beaucoup de choses pour les rendre plus efficaces.

Y a-t-il des liens entre votre spectacle et la comédie musicale du Roi Lion attendue cet automne au théâtre Mogador ?
En ce qui me concerne, non, mais il y a bien des artistes qui sont partis de chez nous pour aller chez eux. C’est d’ailleurs très intéressant car cela montre bien que les spectacles de Disneyland Resort Paris sont une véritable école, une véritable passerelle. C’est le cas pour un Simba et un Scar. A l’inverse, nous avons également engagé des artistes issus des différents « musicals » européens, et notamment de Hambourg.

Vous êtes également le directeur musical du spectacle High School Musical en Tournée qui fait actuellement merveille aux Walt Disney Studios !
C’est un show magnifique qui a demandé beaucoup d’effort à monter. Beaucoup de répétitions se sont faites de nuit, par exemple. De plus, son mode de fonctionnement, le fait d’être itinérant, « strolling », compliquait un peu les choses. Le char sort tandis que les « parade poles » diffusent la musique. Puis il s’arrête pour ce que l’on appelle un « show stop » de 11 minutes. Puis le char se déplace encore jusqu’à son second « show stop ». Tout cela fait qu’il s’agit d’un spectacle extrêmement physique et qu’il demande trois casts. Ce show nous vient directement des Etats-Unis, mais avec quelques différences. Du point de vue vocal, là où le spectacle américain ne nécessitait que deux solistes, nous avons opté pour deux solistes secondés par deux rôles-chanteurs, l’étudiante en art et l’étudiant en science. Cela nous permet de faire d’une pierre deux coups. D’une part, cela embellit considérablement la bande-son et apporte un surcroît d’émotion. D’autre part, cela permet de mieux gérer les impératifs scéniques et physiques d’un tel spectacle. Prenez La Légende du Roi Lion. Can You Feel The Love Tonight est chantée juste après Hakuna Matata, durant laquelle Simba court de partout sur la scène. Il faut pouvoir gérer le passage de l’un à l’autre du point de vue de la respiration. Mon rôle est donc d’adapter la musique de sorte que son intégrité ne soit pas atteinte, tout en tenant compte des problèmes humains, de savoir ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas afin d’apporter un peu plus de confort aux artistes et de fait avoir un show de qualité sur tous les plans. C’est ainsi que sur les cinq shows quotidiens (soit dix spectacles par jour), on peut faire alterner les chanteurs. Chacun d’entre eux peut faire soit le rôle principal, soit « backup singer » (étudiant en art ou en science), en alternance.

Là encore, du fait de ces deux chanteurs en plus, il a fallu écrire de nouveaux arrangements vocaux, je suppose.
Oui, mais le matériel était déjà là. Il faut savoir que, tout comme sur La Légende du Roi Lion, il y a des chœurs pré-enregistrés. Ces chœurs sur le spectacle de Videopolis sont d’ailleurs extrêmement riches puisqu’on y trouve à la fois des chœurs dans le style de la chanson, harmonisés façon « pop » en simultané avec des chœurs africains enregistrés par-dessus. Cela en plus des chanteurs live qui chantent aussi en harmonie ! Sur High School Musical en Tournée, ce fut différent car il n’y avait pas ce côté « world music », mélange d’influences ethniques. Le style est plutôt « pop » adolescent. J’aime beaucoup comment cela sonne. En ce qui concerne l’arrangement, ce fut aussi très simple car il a suffi de préciser comment partager les harmonies entre les quatre interprètes. Un autre aspect de mon travail est alors de faire l’interface avec l’ingénieur du son afin de s’assurer de l’équilibre entre tous les chanteurs. Je dois prendre en compte les tessitures de chacun d’eux à chaque moment du show et l’aider à mixer ce show au mieux (par exemple entre l’aigu du garçon et le bas medium de la fille) en faisant en sorte que chaque voix puisse être présente et compléter l’autre.

Comment travaillez-vous avec les différents coaches vocaux ?
Nous avons un relationnel très proche, que ce soit avec Eric Werman sur La Légende du Roi Lion ou Marina Albert sur High School Musical en Tournée. Nous discutons beaucoup lors des répétitions et plus tard, dès qu’il y a un problème, ils m’appellent et j’interviens tout de suite. Nos objectifs sont les mêmes : le respect du show et l’efficacité par rapport à ce respect.

Votre approche des chanteurs est-elle différentes quand il s’agit d’artistes hexagonaux comme Arno ou venus des Etats-Unis ?
Il y a une différence et chacun apporte sa propre identité. Jack et Jimmy sont américains et ils ont fait le show pendant dix mois aux Etats-Unis. Le fait est qu’ils ont vraiment le spectacle dans le sang et cela apporte beaucoup à nos artistes français. Ils ont une façon de se regarder dans les duos ou une qualité vocale inimitable. C’est aussi le cas de Rodrigo, qui chante aussi superbement bien ! D’un autre côté, nous recherchions pour notre spectacle des personnalités adolescentes un peu innocentes, avec une certaine fraîcheur. Et c’est précisément ce que les Français ont su apporter à merveille. Je pense notamment à Sophie et Mélissa, Arno et Léo. La particularité de Disneyland Resort Paris fait qu’on ne peut pas importer comme cela un spectacle des Etats-Unis. Nous nous adressons à un public français et européen et c’est presque un devoir pour nous de travailler avec nos artistes car le public va se reconnaître en eux.

Vous n’êtes pas seulement directeur musical de ces spectacles, mais également chef d’orchestre et arrangeur du resort.
J’ai en effet la responsabilité de tout ce qui est musique vivante sur le parc.

Quelle est l’actualité du resort en la matière pour cet été ?
Nous avons mis en place trois concepts avec les musiciens officiels du resort. Deux déjà ouverts et le troisième qui ouvrira le 13 juillet (je commence d’ailleurs à répéter). Le premier s’appelle La Fanfare du Château. L’ensemble se compose de 4 trompettes, 4 trombones, un tuba et un tambour. C’est la fanfare du Château de la Belle au Bois Dormant, jouant dans la cour du château. Les musiciens arrivent, costumés en habits de colonel d’opérette, et changent de position en fonction des morceaux. Leur répertoire se situe à la croisée de la musique Disney et de la musique classique. Leur programme fait alterner Hercule, Pink Elephants On Parade, Higitus Figitus de Merlin l’Enchanteur, Beauty and the Beast, Bibbidi-Bobbidi-Boo, When You Wish Upon A Star, l’Apprenti Sorcier de Paul Dukas. Tout cela arrangé de façon très « Fantasyland » et très « fanfare » avec une écriture soit modale, avec des accords creux de quarte et de quinte, dans la grande tradition de la fanfare. Avec deux pupitres complets de trompettes et de trombones, c’est vraiment impressionnant et cela sonne magnifiquement bien !

C’est donc notre premier été avec cette formule. D’ailleurs, juste avant notre interview, j'étais dans le parc en compagnie de Vasile Sirli pour voir comment cela fonctionne. Visiblement, c’est un succès. Et si cela se confirme, on peut très bien imaginer aller plus loin dans le parallèle Disney/ musique classique avec Tchaïkovski et la Belle au Bois Dormant, le Bossu de Notre-Dame, etc.


L’autre nouveauté se situe à Frontierland…
Il s’agit en en effet d’un ensemble qui joue tous les jours, trois fois dans le cadre magnifique du Lucky Nugget Saloon et deux fois en extérieur, devant Fort Comstock. Le concept s’appelle, les Gold Diggers. Cinq musiciens : un violoniste, un contrebassiste qui joue aussi du fiddle, un trompettiste, un pianiste et un percussionniste –qui a la particularité de ne pas jouer de la batterie ! Il a bien une petite caisse claire et un woodblock, mais il a surtout toutes sortes d’ustensiles de chercheur d’or : des pelles, des pioches, un cajon (un instrument mexicain sur lequel il s’assoit et qui ressemble un petit peu comme une grosse caisse), des ustensiles de cuisine, une poile, un fer à cheval, un washboard, etc. Chacun est habillé d’un costume différent : un banquier, un indien, un trompettiste mariachi,… sur un répertoire unissant des thèmes country à des thèmes Disney : Zorro, Davy Crockett, un « cowboy tv special », Le Bon, La Brute et le Truand. Il y a donc les grands classiques des films et les grands classiques country comme Elle Descend de la Montagne à Cheval, Oh Susanna !, The Yellow Rose of Texas, You Are My Sunshine, etc. Tout cela avec une sympathique interactivité avec le public et notamment les enfants qui peuvent monter sur scène pour revêtir le masque de Zorro et autres accessoires.

Des pelles, des pioches, un cajon… où allez-vous chercher tout cela ?
Vous savez, dès qu’on peut donner une particularité visuelle aux instruments présentés, c’est très important. Cela permet de faire un lien avec les éléments de décor et la musique jouée. On part donc d’un concept lié au lieu et on le détourne en musique. C’est une façon de participer et de renforcer l’histoire. C’est amusant de voir comment chaque musicien joue son personnage. Vous êtes véritablement plongé dans l’atmosphère d’une rue du Far West !

La dernière nouveauté aura lieu aux Walt Disney Studios.
Il s’agit de Toon Train : Light, Camera, Music. C’est encore un show itinérant avec trois plateformes qui se suivent. L’orchestre est au milieu, tiré par une locomotive stylisée. C’est un orchestre composé de sept musiciens du parc qui vont jouer pour le spectacle : Smile, Darn Ya Smile et Why Don’t You Do right, tirés de Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ?, Who’s Afraid of the Big Bad Wolf, et Ev’rybody Wants to be a Cat des Aristochats. L’idée était de faire une musique à cheval entre le jazz « swing » et « showtime ». C’est un moment d’interactivité avec les personnages, au milieu d’éléments de décors apporté par ce train.

Quels souvenirs gardez-vous de la journée du 31 mars 2007 où vous avez dirigé la fanfare réunie à l’occasion du lancement officiel du 15e anniversaire de Disneyland Resort Paris au cœur de Main Street ?
Je le fais toujours avec grand plaisir, et plus c’est rare, plus j’en ai de plaisir ! J’ai été extrêmement ému de voir la joie sur les visages de nos visiteurs à notre arrivée. C’était énorme. Nous étions presque 40 musiciens, tous sonorisés avec des micros HF. Quand nous sommes arrivés au bas de Main Street, je peux vous dire que c’était très impressionnant ! L’émotion était palpable et nous étions tous ravis d’en faire partie.

Comment avez-vous vécu ces célébrations du 15e anniversaire de l’intérieur?
Ce qui était extraordinaire, c’est que cet anniversaire a été comme le point d’orgue de tout ce que François Leroux, vice-président en charge des spectacles, a mis en place depuis quatre ans. C’était une façon pour lui de dire qu’il avait accompli sa mission, qu’il mettait ici la touche finale à ce passage à Disneyland Resort Paris et qu’il pouvait maintenant partir pour de nouvelles fonctions au sein de la compagnie. Tout le monde a travaillé très intensément et nous sommes très fiers du résultat. Ce fut aussi l’occasion de regarder un peu en arrière et de voir tout ce que nous avions pu réaliser en 15 années. Quelque part, nous avons commencé à laisser une empreinte unique dans l’histoire de Disneyland et il me semble que c’est là le plus important.


Merci à Aurélie, ainsi qu'à Krystof et Christine pour les photos.

mardi, juillet 24, 2007

WISHES A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le show director Christophe Leclercq

Wishes est un véritable phénomène mondial. Créé originellement pour le Magic Kingdom de Walt Disney World, ce spectacle pyrotechnique a tellement séduit Michael Eisner, ancien PDG de la Walt Disney Company, que ce dernier a demandé à le voir décliné le plus possible à travers les périodes et les parcs, de Holiday Wishes pour Noël en Floride à Remember… Dreams Come True, le feu d’artifices du 50e anniversaire de Disneyland en Californie.
C’est fort de ce succès que Wishes est arrivé à Disneyland Resort Paris il y a deux ans, dans une version unique, ajoutant aux effets pyrotechniques les projections d’images sur le Château de la Belle au Bois Dormant. Et c’est ainsi le show director Christophe Leclercq (le créateur de la magique Bougillumination) a mis ses pas dans ceux de l’imagénieur Steve Davison, concepteur du show original, pour concevoir le Wishes français qui illumine pour la troisième année consécutive le ciel du parc Disneyland, de concert avec les fameuses bougies qui ornent le Château de la Belle au Bois Dormant pour le 15e anniversaire du resort.

Pouvez-vous nous présenter le concept français de Wishes?
Pour moi, Wishes est avant tout un spectacle son et lumière. Je ne le considère pas comme un feu d’artifices traditionnel comme nous en avons produit auparavant. Wishes est le résultat du mariage de trois technologies différentes : de la projection d’images, du laser et de la pyrotechnie.

Commençons par l’élément le plus original de ce spectacle : la projection d’images.
C’était une grande première pour moi. J’ai donc fait appel à des consultants qui m’ont assuré que le Château de la Belle au Bois Dormant pouvait vraiment servir d’écran de projection, en dépit des couleurs et des dorures qui l’ornent depuis toujours. A partir de là, nous avons recherché les meilleures images possibles. Wishes est basé sur les vœux et les rêves de chacun, que l’on a au plus profond de son cœur. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers le film Pinocchio et que la Fée Bleue est devenue notre maîtresse de cérémonie, accompagnée de Jiminy Cricket, la conscience de Pinocchio, et un peu la nôtre...


Comment s’est déroulée la conception de ce programme visuel ?
Nous avons sélectionné une cinquantaine d’images que nous avons dû mettre dans un ordre bien précis très fortement inspiré par la musique. Pour moi qui suis un ancien danseur, il faut absolument que la musique sur laquelle je travaille me plaise, me rentre littéralement dans les tripes. C'est cela qui fait que j'imagine des chorégraphies. Pour Wishes, c'est comme si j'avais eu à créer un ballet de lumières dans le ciel. Et chaque détail m'inspire : une envolée de violon, un accent à la trompette, tout cela me fait vibrer, et j'y tiens beaucoup. Chaque détail de l’orchestre excite mon imagination, et dès que j’ai entendu la sublime partition de Gregory Smith, je me suis mis à visualiser des couleurs et des images. C'est ainsi, par exemple, qu'à chaque évocation, chantée ou musicale, du mot "wishes", vous avec une petite étoile qui s'envole dans le ciel...



Finalement, avec toutes ces images mises dans le bon ordre, nous avons fait des tests sur le Château et je me suis rendu compte à quel point c’était un formidable écran de projection : il prenait toutes les couleurs, toutes les images, et on a même réussi à le faire disparaître. C’est ainsi qu’au début du spectacle, nous projetons un écran noir sur lequel scintillent de petites étoiles, et là, les gens se disent : « mais où est passé le Château ? »



Comment se passe la projection ?
A la différence de ce qu’on a pu voir sur la façade d’It’s A Small World en Californie durant le feu d’artifices du 50e anniversaire du parc d’Anaheim, nos images sont fixes. Cependant, nous avons rajouté quatre projecteurs, qu’on appelle des lyres, et à partir desquels nous avons fait des animations d’images. Les grandes images fixes sont émises par quatre projecteurs TP6 situés au centre du parc. En fait, deux fois deux TP6 pour combler la hauteur du Château. C’est ainsi qu’en fait la Fée Bleue, par exemple, est coupée en deux, l’une en bas, l’autre en haut, avec un raccord d’une précision extrême entre les deux images. Les lyres sont quant à elles positionnées sur deux sites différents. Elles peuvent tourner dans tous les sens et ainsi ajouter cette impression de mouvement sur le Château. Ajoutez le laser, et l’illusion d’animation est saisissante !


Justement, comment avez-vous procédé pour le laser ?
Je dois avouer que je n’étais pas trop partant au départ pour utiliser cette technologie car j’avais d’elle une image à la fois ancienne -puisqu’elle a maintenant plus de trente ans-, et futuriste dans l’esprit, ce qui ne semblait pas correspondre à l’histoire que nous voulions raconter pour Wishes. La question qui se posait à moi était : « comment rendre ce laser magique ? ». Là encore, j’ai fait appel à un consultant, qui a été vraiment emballé par le concept et qui a fait un travail d’une précision extrême sur le tir du laser à partir des orientations que je lui ai données. Par exemple, au moment où la Fée Bleue apparaît avec sa baguette magique, je lui ai dit que j’aurais aimé un scintillement sur cette baguette. Or, il a fait mieux encore : dans la nuit étoilée, il a réalisé une myriade de petits points, comme une tornade, qui vont ensuite se rassembler en un point lumineux précédant l’arrivée de la Fée. Et à chaque intervention du laser, nous trouvions sans cesse de nouvelles idées passionnantes pour faire de ce spectacle quelque chose de vraiment magique et féérique, quelque chose que nous n’avions jamais fait sur le parc Disneyland.

Venons-en maintenant à la pyrotechnie.
Comme pour les images, c’est la musique qui a nourri mon inspiration. J’avais un pyrotechnicien avec moi, qui m’a proposé différents produits en fonction des effets que j’imaginais, des bombes de couleur, des crépitants argent, des crépitant dorés, des flamèches, etc, et ensemble nous avons composé tout un plan de tir. Nous étions tous les deux devant l’ordinateur avec un protools et j’appuyais sur une touche à chaque top qui me semblait correspondre à la musique, en lui indiquant l’endroit d’où je voulais que la bombe soit tirée, du Château ou sur les côtés. A partir de là, il a réalisé son propre timing puisque les fusée doivent être déclenchées plus tôt afin d’avoir l’explosion au bon moment, en parfaite synchronisation avec la musique.

Comment se répartissent les installations ?
Pour Wishes, nous avons installé de nouveaux pas de tir sur les toits de l’attraction Les Voyages de Pinocchio et de La Confiserie des Trois Fées. Cela a été rendu nécessaire par la complexité de ce spectacle, fort de ses 650 tops pyro, ce qui énorme. Le tout est géré par ordinateur et demande chaque jour un énorme travail de branchement sur les toits pour six personnes pendant cinq heures. J’en ai parlé encore dernièrement avec un pyrotechnicien qui m’a dit que c’était vraiment unique en France

Puis vient le moment d’associer les trois technologies…
J’avais un peu peur que l’une prenne le pas sur l’autre, mais le fait est que l’ensemble a fait preuve d’un bel équilibre, pour notre plus grand plaisir.

Est-ce que vous avez pu présenter votre spectacle à Steve Davison, le créateur du Wishes original ?
En effet, Steve est venu ici à Paris pour découvrir le concept français de son spectacle et je peux vous dire qu’il l’a tout de suite apprécié. Il nous a également fait quelques suggestions, quelques bombes qu’il aurait aimé voir et, main dans la main, nous sommes arrivés au résultat que vous connaissez maintenant.

Wishes contient, depuis l’origine, beaucoup de dialogues. Comment s’est passée l’adaptation française ?
Plus qu’une adaptation, je dirais que j’en ai fait une interprétation personnelle avec des mots faciles à comprendre pour que notre histoire puisse être comprise et appréciée par tous nos visiteurs, petits et grands.

Le Wishes de Disneyland Resort Paris propose également un nouveau montage de la musique originale. Comment avez-vous travaillé dans le sens avec Vasile Sirli, le directeur musical du parc?
Nous avons écouté ensemble la musique et nous avons fait des choix tant musicaux qu'artistiques en général : qu'est-ce que les visiteurs de Disneyland Resort Paris, venus des quatre coins de l'Europe vont pouvoir comprendre? Est-ce que telle musique est indispensable? Peut-on la supprimer? Peut-on faire tel ou tel enchaînement? Vasile m'explique aussi qu'il y a des impossibilités, notamment par rapport à l'enchaînement des tonalités ou des orchestrations. Ensuite, on travaille tout cela sur ProTools. Vasile est le garant de la qualité musicale finale. Avec Wishes, on se situe dans la grande tradition classique des musiques Disney, et il faut qu'en aucun cas cela accroche l'oreille. Et tout cela de telle sorte que cela forme une véritable histoire, avec une montée en puissance ininterrompue.

Le résultat est un spectacle à la fois éblouissant et émouvant.
Dès la première année, nous nous sommes rendus compte que Wishes touchait vraiment les gens. Certains n’arrivaient pas à décrocher, même après la fin du spectacle. Ils restaient à contempler le logo Wishes qui scintille sur la façade du Château. Et je dois dire que moi même, à chaque fois, je reste aussi sous le charme, émerveillé, comme retombé en enfance…



Un immense merci à Aurélie et Christophe pour ces instants magiques et inoubliables!
Photos (c) Disney et Christine Blanc - Avec nos plus tendres remerciements...

lundi, juillet 09, 2007

PIRATES DES CARAÏBES - JUSQU'AU BOUT DU MONDE EN JEU VIDEO : Entretien avec les compositeurs Steve Duckworth et Mark Griskey

C'est devenu une habitude : à chaque sortie cinéma son jeu vidéo. C'est donc dans l'ordre des choses que l'éditeur Disney Interactive Studio (en lieu et place de Buena Vista Games) sorte Pirates des Caraïbes - Jusqu'au Bout du Monde sur nos consoles.
Et là où, pour Le Secret du Coffre Maudit, il s'était associé à Bethesda Softworks, pour produire La Légende de Jack Sparrow, c'est avec Eurocom qu'il signe aujourd'hui ce nouveau titre qui se veut une sorte de trait d'union entre les deuxième et troisième opus de la trilogie.
Aux commandes de la musique de ce navire flambant neuf : le compositeurs Steve Duckworth, musicien attitré d'Eurocom, et Mark Griskey, dont on avait déjà pu apprécier les talents dans différentes productions LucasArts et plus récemment sur l'adaptation sur console du Monde de Narnia. Un duo de choc, donc, pour nous emporter vers l'aventure, des eaux des Caraïbes à la Mer de Chine...


Messieurs, pouvez-vous nous parler de vos parcours respectifs?
Steve Duckworth (à gauche sur la photo) : Je suis Audio Manager à Eurocom Development Ltd. et avec notre équipe de Sound Designers et de Programmateurs, nous sommes en charge de tout ce qui se rapporte à l’audio dans les produits qui sont développés ici par Eurocom. Bien que j’aie un titre de manager, mon travail appartient vraiment à la branche créative, à travers la collaboration avec nos Sound Designers sur la création et avec nos Programmateurs sur le développement technique de notre propre système et de nos outils audio.
J’ai suivi le cours Tonmeister à l’Université du Surrey (Music and Sound Recording), où j’ai eu mon diplôme en 1993, puis j’ai travaillé dans l’industrie du jeu vidéo depuis lors. Pendant cette période, j’ai participé à 30 jeux et j’ai notamment reçu un G.A.N.G. Award pour la Meilleure Musique Interactive et un autre pour la Meilleure Musique Non-originale pour James Bond 007 : Nightfire en 2002.
Mark Griskey (à droite) : De mon côté, cela fait sept ans que j’écris des musiques de jeux vidéos. Je pense notamment au Monde de Narnia, Rayman Raving Rabbids et Star Wars : Knights of the old Republic II. J’ai eu une formation de percussionniste à la California State University Northridge et j’ai étudié la composition à UCLA et par cours privés. J’ai aussi une expérience en jazz, musique latine et musique ethniques. Du point de vue orchestral, mes influences se situent autour de John Williams, Jerry Goldsmith et Bernard Herrmann.

Quelle est votre relation aux jeux vidéo en général ?
SD : Je n’en joue pas à la maison. J’ai des enfants en bas âge et un jardin, et j’essaie de leur consacrer le peu de temps libre dont je dispose !
MG : J’adore les jeux vidéo, mais malheureusement, je n’ai pas beaucoup le temps d’y jouer –je passe trop de temps à en concevoir les musiques ! Le niveau de possibilités techniques des derniers jeux est vraiment étonnant, ce qui fait qu’il est vraiment passionnant d’être partie prenante dans la conception de ces petites merveilles de technologie.

Pourquoi faire appel à deux compositeurs pour le jeu Pirates des Caraïbes – Jusqu’au Bout du Monde ?
SD : Eurocom a été contacté par Buena Vista Games pour développer At World’s End en 2005. En tant que compositeur maison, j’ai commencé à écrire des démos début 2006. L’été de cette année-là, les producteurs Nick Bridger et Ian Riches ont commencé à parler d’enregistrer une musique « live » pour ce jeu et d’y faire participer Mark, qui avait une expérience certaine dans ce domaine. Nick et Ian connaissaient bien le travail de Mark pour Le Monde de Narnia et ils se sont dits que ce serait une bonne idée que de nous associer sur At World’s End. Nick et Ian ont fait les présentations puis nous ont laissés nous débrouiller pour le reste, c’est-à-dire sur la meilleur façon de travailler ensemble.
MG : Je pense que Steve et moi avions un peu d’appréhension à propos de cette idée de faire appel à deux compositeurs en même temps, d’autant plus que nous n’avions jamais travaillé ensemble par le passé (nous ne nous connaissions même pas), mais nous avons vite fait de trouver une façon de collaborer à la fois efficace et productive.

Quelle est l’approche musicale du jeu ?
SD : Notre but était de créer une musique de jeu orchestrale et puissante qui utilise les mêmes traits thématiques inimitables des films comme la personnalité insolite de Jack ou la relation entre Will et Elizabeth. Dans le même temps, nous souhaitions coller à l’aspect dynamique et inattendu propre à ce gameplay très porté sur les combats. Dans ce but, nous avons oscillé entre de courtes musiques d’actions dynamique pour les sections rapides, de grandes vagues orchestrales pour les séquence de batailles et des morceau plus dramatiques et émotionnels pour les séquences intermédiaires.

Comment vous êtes-vous adaptés à la narration du jeu ?
SD : L’histoire du jeu alterne entre des missions destinées au joueur et des cinématiques. Dans la version normale, nous avons glissé des scènes d’action interactives dans lesquelles le joueur doit actionner certaines commandes à des moments précis pour éviter, par exemple, de se faire prendre. Ce fut très amusant de travailler à ces scènes dans la mesure où la musique devait être très stylisée, voire comique, afin de mettre l’accent sur la personnalité « spéciale » de Jack Sparrow.
MG : Beaucoup des cinématiques ont été finalisées après que le score a été enregistré. Ce qui fait que, par anticipation, nous avons enregistré un certain nombre d’éléments musicaux qui pouvaient être montés de différentes façon afin de s’adapter au montage visuel final.

Comment avez-vous travaillé tous les deux, l’un en Angleterre, l’autre aux Etats-Unis ?
SD : La plupart du temps par email, via ftp et occasionnellement par téléphone la nuit ou au petit matin.
MG : Steve m’a également fourni tout le matériel nécessaire sur le jeu en cours d’élaboration comme des versions prototypes sur CD, des concept arts et des essais de design, de sorte que je ne reste pas dans le vague.

Comment avez-vous travaillé avec le reste de l’équipe créative, réalisateur et autres ?
SD : Ils nous ont vraiment laissés travailler en tout autonomie. Ils nous ont fait confiance et ont aimé ce que nous faisions en musique. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas interféré.
MG : Il était clair que Disney voulait que la direction musicale du jeu soit fidèle à la musique des films. Tant que nous ne nous éloignions pas trop, nous étions libres de faire tout ce qui nous semblait approprié.

Comment vous êtes-vous partagés le travail ?
MG : L’emploi du temps du projet a beaucoup conditionné notre façon de travailler. Steve avait déjà travaillé dessus depuis plusieurs mois avant que j’arrive et il avait déjà écrit beaucoup de musique d’action et d’aventure formidable. Ce qui manquait, c’était les scènes plus sombre. Ce fut donc mon premier travail, par défaut. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que cet arrangement fonctionnait bien et nos styles se sont révélés très complémentaires ce qui fait que nous avons globalement continué ainsi.

Connaissiez-vous les musiques des jeux Pirates des Caraïbes auparavant ?
MG : Non. J’ai principalement utilisé la musique des films et celle que Steve avait déjà composé pour le jeu comme points de référence pour me guider dans la bonne direction.

Les jeux précédents n’utilisaient pas les thèmes musicaux des films, alors que celui-ci les cite abondamment. D’où cela vient-il ?
SD : La franchise Pirates des Caraïbes offre des thèmes très forts créés dès le premier film puis ajoutés au deuxième. J’ai donc parlé aux producteurs de l’opportunité de réutiliser ces références dans le jeu vidéo afin de renforcer ses connections avec le reste de la franchise. Bien sûr, il nous fallait l’autorisation pour le faire, mais Nick nous l’a très gentiment obtenue.

Comment avez-vous sélectionné les thèmes que vous alliez réutiliser ?
SD : Nous avons choisi les thèmes les plus génériques, ceux que l’on retrouvait le plus entre les trois films et ceux qui incarnent le plus la franchise. L’exception fut le Kraken dans la mesure où nous avons tout un niveau du jeu basé sur l’attaque de ce monstre marin et nous avons adoré de traitement très original que Hans en à fait pour Le Secret du Coffre Maudit.

A partir de quels éléments avez-vous reconstitué la partition des films ?
SD : Nous avons tous les deux fonctionné à l’oreille, à partir des CDs de la BO.
MG : Je dois dire que je connaissais déjà pas mal la musique des films dans la mesure où je l’avait déjà entendue plusieurs fois, mais je n’avais jamais pris le temps de la transcrire avant d’avoir le feu vert pour réutiliser les thèmes des films. Et en plus des thèmes, je me suis beaucoup intéressé au style de la production, à l’orchestration et l’instrumentation afin de m’aider dans mon approche et dans l’organisation des enregistrements orchestraux. A ce stade, nous avons évoqué la possibilité d’une discussion avec M. Zimmer, mais finalement il fut décidé que nos oreilles seraient les meilleures guides pour obtenir le résultat que nous recherchions.

Votre partition semble davantage empreinte du Secret du Coffre Maudit.
SD : C’est logique dans la mesure où notre jeu couvre une période allant du 2 au 3. D’ailleurs, nous aurions beaucoup aimé écouter la musique du dernier épisode, mais à ce stade de la production, cela ne fut pas possible.
MG : Les délais de développement sont extrêmement courts quand on travaille sur un grand titre de jeu vidéo sur plusieurs plateformes, et la musique demande à être enregistrée très tôt afin de s’adapter au timing de chaque plateforme. C’est la raison pour laquelle la musique du troisième opus n’était pas disponible quand nous avons enregistré en janvier.

Souvent, les jeux vidéo tirés de films essaient d’apporter des éléments en plus à l’histoire que l’on connaît ou une vision nouvelle de nos personnages favoris. Qu’en est-il ici ?
SD : Le jeu vidéo At World’s End couvre la même période que celle des deux derniers films et suit globalement le même voyage autour du monde. Il y a des missions annexes propre à notre gameplay qui développent certains aspects de l’histoire originale comme le sauvetage de Jack de l’Antre de Davy Jones. Plus généralement, notre équipe de designers s’est concentrée sur les Seigneurs des Pirates et leur Confrérie et a développé cette idée à tel point qu’elle devienne l’objectif principal de nos personnages principaux : que ce soit Jack, Will, Elizabeth ou Barbossa, votre mission est d’amadouer, convaincre ou embobiner la Confrérie des Seigneurs des Pirates pour pouvoir faire partie d’une grande réunion, un grand conclave à la fin du jeu.

Quels sont les nouveaux thèmes que vous avez créés pour le jeu ?
SD : Quand j’ai débuté sur ce projet, nous n’étions pas sûrs d’avoir la permission d’utiliser les thèmes du film. Mon idée a alors été de faire appel à des mélodies très fortes, tout comme celles du film, qui puissent être complémentaires des thèmes connus. Je pense que cette approche a payé. Nous avons eu la permission d’utiliser les thèmes des films qu’on peut maintenant entendre en conjonction avec nos propres motifs, ce que rend notre musique très riche sur le plan thématique.
MG : Dans la mesure où, quand je suis arrivé, les thèmes des films étaient déjà mêlés aux thèmes de Steve, je me suis dit que je n’avais pas besoin d’en rajouter encore. A une exception près, la scène aux Enfers, Hell… Elle me semblait suffisamment différente pour autoriser la venue d’un nouveau thème et même d’un style de composition différent de celui très « capes et épées » du jeu. J’ai fini par opter pour beaucoup de chœurs et un thème original qui offre un contraste intéressant avec le reste de la musique du jeu.

C’est en effet une séquence très intéressante.
MG : Jack court à travers les Enfers en combattant toutes sortes de morts-vivants. Bien qu’a priori cela semble très sombre, le fait qu’il s’agisse de Jack Sparrow et de Pirates des Caraïbes m’a poussé à envisager cette scène différemment qu’une scène d’horreur de base. Je me suis dit que les chœurs pourraient m’aider à évoquer le sentiment que vous combattez les forces des ténèbres tandis que l’esprit général de cette musique restait très aventurier. C’est la seule pièce de toute la partition du jeu qui fasse appel à un chœur, ce qui fait que je ne pouvais pas me permettre d’ajouter le coût d’une session avec un véritable ensemble vocal rien que pour ce niveau. J’ai donc assemblé des samples de différentes sources pour créer un chœur factice. Les paroles ne sont que des syllabes dépourvues de sens.

On trouve aussi un orgue dans votre partition !
SD : C’est un orgue numérique. Il évoque celui que joue Davy Jones dans les profondeurs de son navire, le Hollandais Volant.

Dans le film, Will Turner n’a pas vraiment de thème à lui. Vous lui en avez donné un !
SD : Oui, Will a son propre thème dans notre jeu ! Dans la mesure où il n’a pas connu son père dans sa jeunesse et compte tenu de son amour pour Elizabeth, j’ai été ému par l’aspect tourmenté de ce personnage. Will est plus sérieux que Jack et je me suis dit que ce serait l’occasion d’insuffler quelque chose une émotion, une certaine tristesse dans cette partition. C’est ainsi que j’ai écrit cette mélodie pour Will qui peut s’adapter à toutes sortes d’émotions : action, amour et tristesse.

Votre musique fait d’ailleurs une place inhabituelle à l’émotion.
SD : Une musique de jeu vidéo a besoin de soutenir l’action et de refléter ce que le joueur est en train de faire. Souvent, dans les gameplays, il n’y a presque pas de place pour les émotions sensibles comme l’amour ou la tristesse. Nous avons eu de la chance avec ce titre dans la mesure où son histoire et les relations entre les personnages nous ont permis de davantage traiter les émotions dans certaines séquence cinématiques.
MG : Les jeux vidéos sont naturellement orientés vers l’action, mais je pense qu’il peut aussi y avoir de la place pour l’émotion. Elle peut ne pas être liée à une scène en particulier comme dans un film, mais elle doit être là d’une façon ou d’une autre. J’essaie toujours de glisser de l’émotion dans mes musiques de jeux dans l’espoir qu’elle touchera le joueur.

Comment avez-vous traité les autres personnages principaux ?
SD : Nous avons essayé le plus possible de traiter le personnage de Jack avec humour, notamment dans les cinématiques. Elizabeth et Will partagent quant à eux les même thèmes quand ils sont à l’écran, histoire de rappeler subtilement qu’ils forment un couple.

Il y a beaucoup de pirates venus des quatre coins du monde comme Vasquez, Chevalle, etc. Avez-vous souhaité mettre l’accent sur leurs différentes nationalités à travers des styles spécifiques ?
SD : Considérant la façon dont ces personnages apparaissent dans le jeu, il ne me semblait pas nécessaire de souligner cette dimension nationale musicalement. Il me semblait plus pertinent de m’attarder sur l’ambiance, l’environnement et l’action et d’accentuer les thèmes des personnages incarnés par les joueurs à mesure qu’ils approchent de la victoire à chaque niveau.

Tout comme dans Le Secret du Coffre Maudit, on ne peut qu’admirer votre écriture et l’interprétation du violoncelle solo.
MG : Comme vous le soulignez, le violoncelle solo est un élément très important de la partition du deuxième épisode de la saga, et c’est là que j’ai puisé mon inspiration. Nous avons enregistré notre soliste séparément de l’orchestre de sorte de nous concentrer sur son interprétation. Cette musique apparaît dans le niveau Drunken Pirate. J’ai donc écrit « Play drunkenly » (« jouez comme si vous étiez saoul ») sur la partition, accompagné de quelques annotations sur les moments où il faut déraper sur certaines notes. Nous lui avons également donné des instructions verbalement. Ce violoncelliste a enregistré quelques prises absolument fantastiques et je les ai montées de sorte de garder le meilleur de chacune d’entre elles.
SD : Ce fut une expérience intime et très appréciable. Ce fut une façon très agréable de conclure deux jours de travail intense avec un grand orchestre en studio.

Justement, comment avez-vous choisi votre orchestre, le très prestigieux Philharmonia Orchestra ?
MG : J’ai fourni à Disney plusieurs idées d’orchestre et au final, les producteurs ont estimé que le Philharmonia était le meilleur choix pour ce projet. C’était la première fois que je travaillais avec cet ensemble et j’avais de grands espoirs quand à son niveau musical. Le moins que je puisse dire est que je n’ai pas été déçu ! Le résultat sonne de façon fantastique !

Comment se sont passés les enregistrements ?
MG : Les sessions furent fantastiques ! Les musiciens étaient excellents et se sont bien investis dans ce projet. Nous avons enregistré un jour avec 50 cordes et 15 cuivres (principalement graves) et le lendemain avec les cordes seules. Nous avons utilisé des samples pour tout le reste. Les cordes et cuivres ont été utilisés pour toutes les scènes d’action les plus excitantes ainsi que pour les moments les plus dramatiques qui nécessitaient absolument des cuivres live. L’ensemble de cordes seules a été utilisé pour tout le reste, et tout particulièrement pour certaines pièces atmosphériques et des effets orchestraux que nous avons souhaités pour les cinématiques. Il y eut beaucoup de discussions pour savoir quel type d’orchestre utiliser à chaque fois. Nous avons fini par faire appel à des samples de cuivres et des cordes live pour certains morceaux afin d’équilibrer la quantité de travail entre les deux orchestres, les deux sessions. Mon orchestrateurs, Jeff Marsh, dirigeait les sessions et a développé d’excellents rapports avec les musiciens dès le départ. Jeff a mis un point d’honneur à apprendre et à utiliser les termes musicaux britanniques au lieu des américains. Il a aussi un grand sens de l’humour qui lui a permis de garder une atmosphère légère durant le travail.

Avez-vous enregistré de la même façon que Hans Zimmer : chaque famille d’instrument séparément ?
SD : J’aurais aimé le faire, mais notre budget ne le permettait pas.
MG : Ce fut un compromis. Faire des sessions séparées prend beaucoup plus de temps et absorbe tout le budget que vous auriez pu utiliser pour avoir plus de musiciens. J’ai estimé que le choix d’avoir plus de musiciens nous permettait de nous rapprocher au mieux de l’idéal sonore que nous recherchions, avec un gros son très puissant.

Pouvez-vous nous parler de l’aspect technique de ces enregistrements ?
SD : La musique a été mixée en stéréo. Le 5.1 aurait grandement compliqué le processus de production de la musique et aurait exagérément alourdi les effets.
MG : La plupart des jeux n’utilisent le 5.1 que pour des effets environnementaux et le design sonore, mais je n’ai jamais travaillé sur un titre qui ait la musique en 5.1. Je pense que cela sera davantage le cas sur les consoles de la prochaine génération.

Quels sont vos projets ?
SD : Eurocom a de nombreux projets en préparation pour 2008, 2009 et au-delà, mais je ne peux pas en parler pour le moment…
MG : En ce moment je travaille sur Rayman Raving Rabbids 2 actuellement en développement chez mon éditeur français préféré, Ubisoft. On m’a également commandé un arrangement de ma musique pour le premier jeu pour un concert qui aura lieu durant la Convention des Jeux Vidéo de Leipzig en Allemagne (http://www.vgmconcerts.com/). D’autre part, je suis en discussion avec différents éditeurs pour des jeux, mais je ne peux en dire plus pour le moment. Steve et moi nous sommes tellement bien entendus sur ce projet que nous aimerions bien retenter l’expérience sur un nouveau titre.

Le jeu vidéo n’est maintenant plus très loin du film. Cela vous tenterait-il de passer au grand écran ?
SD : Je pense que ce serait un défi passionnant. J’ai l’habitude d’écrire des musiques de jeux vidéos, ce qui revient souvent à écrire des cycles de musique d’ambiance qui ne peuvent changer que si le joueur fait quelque chose de précis, ce qui es imprévisible. C’est la raison pour laquelle, quand je fais la musique d’un jeu, j’aime tout particulièrement écrire pour les cinématiques.
MG : Ce n’est pas quelque chose que je recherche à tout prix en ce moment, mais je suis totalement ouvert à cette idée. Les films et les jeux vidéo sont différents du point de vue du fonctionnement de la musique sur le plan technique. Mais ils se ressemblent en ce qui concerne le soutien et le renforcement de l’expérience du spectateur, dans le cas du film, ou du participant, dans le cas du jeu. Je pense que nous allons voir de plus en plus de croisements entre les deux disciplines dans l’avenir.