vendredi, décembre 21, 2012

DISNEY DREAMS! A DISNEYLAND PARIS : Entretien avec le compositeur Joel McNeely

Pouvez-vous nous parler du rôle de la musique dans Disney Dreams !® ? 
Dans cette production, la musique est venue avant l’image ! J’avais juste un script pour me donner une idée de l'histoire. Je suis parti de là pour écrire toute la partition musicale, et c’est sur cette base que l’animation a été produite. Jusqu'à ce que je vienne à Paris cet automne, je n'avais jamais réellement vu le spectacle ! 

Comment avez-vous travaillé sur ce projet ? 
Le spectacle, le timing, le scénario, tout cela provient de l'esprit brillant de Steven Davison ! Il a une véritable force créatrice. J’ai travaillé essentiellement avec lui. Il me présentait ses idées, à partir desquelles je faisais des arrangements et des maquettes. Puis il apportait des changements et des modifications et nous améliorions ainsi chaque séquence petit à petit jusqu’à ce que ce soit parfait. La production de la musique a duré environ 6 mois.  


La partition de Disney Dreams !® s’inspire beaucoup de la musique que vous avez écrite pour la suite animée de Peter Pan, Retour au Pays Imaginaire. 
 C’est Steven Davison qui a eu cette idée et je lui en suis très reconnaissant. Il a également eu l'idée de transformer le thème principal du film en une chanson dont il a écrit les paroles et que l’on peut entendre après le spectacle.  

Pouvez-vous nous parler plus en détails de vos arrangements des classiques Disney ? 
J'ai consulté les partitions originales de quelques morceaux, mais pour la plupart des séquences, ce sont le plus souvent de nouveaux arrangements. Disney a fait des recherches sur les morceaux les plus populaires en France, comme Le Bossu de Notre-Dame, qui a fait partie des premiers choix. Les cloches de la cathédrale sont une idée de Steven et c’est pour cette raison que je les ai mises au cœur de cet arrangement. Autre clin d’œil à la France : La Belle et la Bête, dans un arrangement digne d’Offenbach. Cela me semblait naturel. C'est cela arranger : apporter de nouvelles idées et de nouveaux traitements à une chanson.  

L’Angleterre est aussi présente. A travers Peter Pan, bien sûr, mais également Mary Poppins. La séquence Step in Time est l’un des numéros de danse les plus longs et énergiques qui soient. Pour les besoins du spectacle, nous avons dû la réduire quelque peu mais il n’en reste pas moins que c’est la musique orchestrale la plus difficile que j'ai jamais écrite. 


Quelle fut la partie la plus délicate du processus ? 
Dans la mesure où les voix originales emblématiques comme celles de Robin Williams dans Je Suis ton Meilleur Ami, Louis Prima (King Louie), ou encore Mandy Moore et Zachary Levi (Raiponce) devaient être conservées, j'ai eu à écrire les arrangements de plusieurs chansons à partir de celles-ci. Ce fut vraiment difficile car il a fallu se caler exactement sur la performance d’origine pour créer quelque chose de nouveau . Nous avons également eu à remplacer tous les chœurs sur des morceaux tels que Être un Homme comme Vous. Ce fut très complexe.  

En parlant de voix, ce n’est pas un mais deux chœurs qui chantent dans Disney Dreams ® !. 
Dès le départ, je voulais un chœur d'enfants. Je ne peux résister à cette sonorité ! Puis nous avons fait appel à chœur d'adultes et quelques solistes. Parmi eux, la fillette de 8 ans qui chante The Second Star to The Right est tout simplement fantastique !  

Sans compter Cara Dillon, qui chante la chanson de post-show. Magique ! 
 C'est l’un de mes moments préférés. Quand je l'ai vu sur place, j'ai été profondément ému. Après le final spectaculaire vient la douce voix de Cara qui vient bercer les milliers d'enfants du public qui sont maintenant prêts à aller au lit. Ce fut quelque chose de très touchant à voir et à entendre. J'ai connu Cara grâce à Jonathan Allen des studios d’Abbey Road, qui me l'a présentée. Je suis tout de suite devenu fan ! Cara et son mari Sam Lakeman sont venus à Abbey Road. Nous avons fait un enregistrement rapide avec moi au piano et Sam à la guitare et c’est ainsi que la chanson a été créée. J'ai ajouté un arrangement pour cordes, et voilà !  


Quel souvenir garderez-vous de votre premier spectacle pour un Parc Disney ? 
Le souvenir d’une expérience complètement différente car le fait de démarrer avec la musique revient à écrire pour un film qui n’existe pas encore !

samedi, décembre 15, 2012

20e ANNIVERSAIRE DE DISNEYLAND PARIS : Entretien avec Bill Gorgensen (Associate Show Producer d'Adventureland)

Voici un nouvel extrait de mon livre Entretiens avec un Empire / Disneyland Paris raconté par ses créateurs, disponible en librairie ou auprès d'amazon en cliquant sur ce lien!

 

Pouvez-vous me parler du rôle que vous avez joué dans la création d’Adventureland à Euro Disneyland ?
En fait, j’ai occupé plusieurs rôles. J’ai commencé en tant que Show Set Designer (décorateur en quelque sorte) en 1987, au tout début de la conception du parc. Je dois avouer que tout a commencé pour moi sur un malentendu. Avant Disney, j’ai travaillé pendant 15 ans dans le milieu de l’opéra. Et quand Walt Disney Imagineering m’a proposé un poste de Show Designer, je pensais qu’il s’agissait de décorer des scènes, alors que c’est en fait un environnement complet. Par la suite, je me suis lié d’amitié avec Chris Tietz, le Show Producer d’Aventureland Paris. Et comme il ne pouvait se déplacer, c’est moi qui suis devenu Associate Show Producer sur place, à Paris, ainsi que Overall Land Art Director. En termes de design, mon projet principal a été Pirates of the Caribbean. Je me suis occupé de toutes les scènes nouvelles, ainsi que de la direction artistique de la maquette et de l’extérieur du bâtiment durant la construction. J’ai beaucoup discuté des lumières avec le créateur des effets lumineux, Joe Falzetta, car, venant pour ma part du théâtre et non des parcs, j’avais une approche différente. Je me suis également occupé en particulier de lieux comme Adventure Isle et le Bazaar. Puis, après l’ouverture du parc, je suis resté en tant que Directeur Artistique pour SQS. Pour le resort dans son ensemble, j’ai réalisé plusieurs projets comme le grand portail du Disney Village, l’entrée du Gaumont/Buffalo Bill’s Wild West Show, le Rainforest Café, l’extension du Steakhouse, le buffet de La Grange au Bill Bob’s et la mezzanine d’Annette.
Selon vous, qu’est-ce qui différencie Adventureland Paris de ceux des autres parcs Disney ?
Tony Baxter souhaitait que l’attention aux détails soit très poussée. Nous avons donc fait beaucoup de recherches pour être le plus crédible possible. Par exemple, à la fin de la construction de Captain Hook’s Pirate Ship, nous avons fait appel à un groupe de marins anglais experts en nœuds et cordages de bateau du 16e siècle pour que la décoration finale soit vraiment authentique. En ce qui concerne Pirates of the Caribbean, je pense que l’histoire est meilleure que celle des autres parcs. Aux Etats-Unis, on commence avec les squelettes de pirates, puis il y a la bataille, et on finit par l’arsenal. Chris Tietz voulait remettre les choses dans le bon ordre. C’est ainsi que la file d’attente et le lagon représentent la forteresse de nos jours. Au moment de l’ascension, c’est là qu’on remonte le temps et qu’on commence à entendre la musique, Yo Ho ! Au sommet de la rampe, vous voyez l’attaque de la forteresse dans le passé. Vous pénétrez à l’intérieur de cette forteresse - ce qui est nouveau - et vous pouvez voir l’attaque des pirates avec notamment le pirate qui se balance à sa corde. Ensuite, vous avez les prisonniers qui sont censés détourner votre attention afin que vous ne voyiez pas que vous enchaînez avec une chute ! Là, vous vous retrouvez au beau milieu de la bataille, avant d’assister au sac de la ville puis à l’explosion. Ce n’est qu’ensuite que vous voyez le destin qui attend les pirates, avec les squelettes et le fameux « Dead men tell no tale ! ». Ces changements ont été faits pour des raisons de narration, mais également à cause du fait que le niveau de l’eau est assez haut en France. Nous ne pouvions pas commencer par une chute, et donc descendre très bas, comme en Californie. C’est la raison pour laquelle on commence par monter, pour ensuite descendre, en deux fois. Cela a d’ailleurs posé pas mal de problèmes d’engineering.
Adventure Isle> est aussi une exclusivité. Et en son centre, l’arbre des Robinson est le seul à être construit à 360°. Les autres, en Californie et en Floride, ne sont destinés à être vus que d’un côté. Un autre problème tenait aux feuilles de l’arbre qui, en Floride, devenaient bleues à cause des rayons UV. Nous avons donc mené des recherches afin de trouver une formule qui empêche les feuilles de changer de couleur.
Côté authenticité, nous avons utilisé au maximum le vrai bois, que ce soit pour les portes, la Cabane des Robinson et autres, que nous avons fabriquées à partir d’essences venues de Normandie. De la même façon, l’un des charpentiers anglais qui ont construit l’épave du lagon et tous les éléments nautiques, qui venait de la société Watts and Corey de Rochdale, était un véritable charpentier de marine qui avait appris le métier d’un homme qui avait navigué sur des clippers. De fait, tout est authentique ! Le résultat est superbe et ce sont ces multiples détails qui font qu’Adventureland Paris est vraiment unique !


Adventureland est riche de ses très nombreuses références à différentes contrées exotiques. Pouvez-vous nous parler des recherches que cela a demandé ? 
A WDI, nous avions une bibliothèque incroyable. Je me souviens y avoir souvent retrouvé Ahmad Jafari pour développer toute la façade du bazar. Le mariage de toutes ces architectures a été un véritable défi et je trouve qu’il a fait un travail remarquable dans la mesure où tous ces styles et ces textures se côtoient naturellement, sans conflit. Nous avons fait beaucoup de recherches pour Pirates of the Caribbean, afin que le fort soit typique de l’architecture hidalgo et des couleurs spécifiques à cette région du globe. Je me souviens qu’un illustrateur avait laissé parler son imagination pour le fort, sans référence historique, et que j’ai dû effacer les trois-quarts des briques qu’il avait dessinées afin de rester fidèle au style original des bâtiments de cette région et de cette époque. Un autre très vaste terrain de recherche pour nous a été les bateaux, que ce soit le galion ou même les petites embarcations que vous pouvez voir sur la plage. Pour les avoir, nous nous sommes rendus à Hastings, au Sud de l’Angleterre, pour acheter nos bateaux car, là, la fabrication et la forme n’ont jamais changé. Pour l’Explorer’s Club, nous nous sommes tournés vers une maison de type « plantation house », le type de maison qu’on trouvait près des plantations de caoutchouc et de canne à sucre. Cela a conduit ensuite à toutes sortes de recherches sur les arbres, comme le banyan, à mettre autour afin que cela donne l’impression d’être vraiment dans la jungle. Cette bibliothèque de WDI était un véritable trésor ! Elle nous a aidés en ce qui concerne les détails d’architectures et de décor, mais également en ce qui concerne les accessoires. Grâce à cela, nous avons pu acheter des objets correspondant à tous les lieux évoqués dans le land dans leur pays d’origine. De la même façon, le canon de Pirates of the Caribbean est un authentique canon qui avait précisément servi à défendre un fort. On doit tout cela à Pat Burke, qui a également trouvé tous les accessoires et véhicules de Frontierland. C’est ce qui fait dire à Michael Eisner lors de l’ouverture du parc qu’il serait impossible de reconstruire un parc comme cela. 

 

Comment l’Explorer’s Club est-il devenu le Colonel Hathi’s Pizza Outpost ? 
L’Explorer’s Club a été envisagé à l’origine comme une vieille maison coloniale située à la lisière de la jungle, à l’emplacement d’un point d’eau bien connu des explorateurs. Il y a une étude préliminaire de John Horny qui présente l’intérieur comme un bar accueillant des dizaines d’explorateurs comme Cousteau qui regardent leur verre tandis que le barman est en train de prendre un pistolet dans un tiroir afin de régler son compte à un perroquet indélicat. Cela va sans dire que cela allait un peu trop loin, mais c’était une façon amusante de démarrer. Nous avons fait beaucoup de recherches sur les maisons coloniales des Caraïbes et essayé de retranscrire cela dans notre design.  Evidemment, les oiseaux du restaurant sont inspirés de ceux de l’attraction Walt Disney’s Enchanted Tiki Room. C’était un désir du Show Producer Chris Tietz. Par contre, il n’a jamais été envisagé d’en faire un spectacle. Tout autour de la salle de restaurant se trouvent des dizaines d’affiches de voyages, dessinées par le même John Horny. Je les adore. Et au centre, vous avez cet eucalyptus autour duquel a été construite la maison. Pour autant que je m’en souvienne, après l’ouverture, il est devenu évident qu’il y avait trop de restaurants avec service à table dans le Parc. Nous en avions deux à Adventureland, l’Explorer’s Club et le Blue Lagoon, ainsi que deux grands buffets, African Harbor et Le Chalet de la Marionnette, que nous partagions avec Fantasyland. Les premières études ont montré que les Européens, et spécialement les Français, ont l’habitude de manger à table tous les jours à midi, et ce pour une heure environ. Après l’ouverture, il s’est avéré que les Européens, comme tous les visiteurs du monde, étaient davantage intéressés par faire les attractions que rester assis dans des restaurants, même excellents et bien thémés. Nous nous sommes donc adaptés et l’Exporer’s Club est devenu un buffet de spécialités asiatiques. Or, même si le canoë pendu au plafond a été remplacé par un rickshaw, ce changement n’a pas eu de succès et n’a pas duré longtemps. A partir de là, comment en sommes-nous venus au Colonel Hathi’s Pizza Outpost? Il y a deux raisons à cela. La première, c’est la nourriture. Les pizzas fonctionnaient bien sur le Parc et il fut décidé d’en proposer davantage –je pense notamment à Pizza Planet à Discoveryland. La seconde, c’est le besoin de se recentrer sur les personnages Disney. Le Roi Lion venait juste de sortir et African Harbor était devenu Hakuna Matata. C’est ainsi que l’Explorer’s Club a été rebaptisé d’après l’éléphant du Livre de la Jungle pour coller à son environnement. L’intérieur a été légèrement redécoré et j’ai dessiné les nouveaux panneaux de l’entrée ainsi que la disposition de l’extérieur du restaurant.


Quelles images garderez-vous de l’aventure Adventureland ? 
J’en garderai deux. La première, c’est le moment où nous avons installé le sommet de la tour de Pirates of the Caribbean. Ce fut incroyable car on pouvait voir pour la première fois la tête de mort qui se dessinait sur la façade. Nous sommes tous montés au sommet avec un poinçon et nous avons tous gravé nos noms. Puis nous avons ouvert deux bouteilles de champagne sur ce toit. La seconde, c’est le moment où je suis monté au sommet de l’Arbre des Robinson juste après son achèvement, avant l’ouverture du parc. J’ai simplement regardé le panorama, regardé Adventureland dans son ensemble, en repensant aux deux ans et demi que j’y avais passé. J’avais le souffle coupé. Je n’aurais raté cette expérience pour rien au monde !