mercredi, avril 25, 2007

ROX & ROUKY 2 EN DVD : Entretien avec Kimberly Oliver, superviseur de la musique

Rox & Rouky 2 se déroule durant l’enfance de nos deux héros, à la même époque d’insouciance et de magie qui nous avait tant touchés dans le premier opus. Mais cette fois, il ne s’agit plus de mettre le spectateur face aux dilemmes de la vie mais plutôt de lui rappeler les choix que l’on doit faire face à l’amitié lorsqu’on est enfant. Alors que la fête du village bat son plein, Rouky, qui se croyait bon à rien, se découvre un don pour le chant aux côtés de Cash et de son groupe, les « Singin’ Strays » et l’appel de la célébrité va mettre à mal cette belle amitié…
Or, pour coller le plus possible à l’ambiance du Sud des Etats-Unis, une bande originale très « country » a été créée pour l’occasion, permettant de renouveler le style « Broadway » déjà exploré dans d’autres classiques. Et c’est le superviseur de la musique Kimberly Oliver qui s’est occupée d’apporter cette touche d’authenticité à ce film, après nous avoir déjà ravi les oreilles sur Les Aventures de Porcinet, Winnie l’Ourson et l’Efélant, Le Roi Lion 3, Le Livre de la Jungle 2 et le prochain Tinker Bell.
Rencontre avec une authentique passionnée de musique Disney…

Rox & Rouky 2 semble avoir été conçu autour de la musique.
Je suis tout à fait d’accord avec vous. La musique est vraiment le personnage central de cette histoire. Le film comporte en tout sept chansons originales, ce qui est beaucoup et fait de Rox & Rouky 2 une véritable comédie musicale. Chaque chanson fait avancer l’histoire à sa façon. Prenez l’ouverture, Friends for Life, très « bluegrass ». Pour nous, cela permettait dès le début, en une chanson, de renouer avec l’univers de Rox et Rouky en se focalisant sur cette amitié insolite entre un renard et un chien de chasse et en montrant à quel point cette amitié (mise à mal dans le corps de l’histoire) est importante pour chacun d’entre eux. Ensuite, We’re In Harmony permet d’établir les Singin’ Strays en tant que groupe à part entière et en tant que groupe de chiens. Le compositeur Will Robinson a essayé d’intégrer le maximum d’allusions à la vie de chien dans ses paroles afin de s’intégrer au mieux dans l’histoire. Plus tard, dans Hound Dude, on retrouve Rouky et son nouvel ami, Cash, qui le prend sous son aile. Il lui montre que, contrairement à ce qu’il pense, il peut réussir dans quelque chose -la chanson- et lui fait entrevoir une autre façon de vivre, une vie de star, l’éloignant de fait de son amitié avec Rox. C’est cette chanson qui fait basculer l’histoire car elle contient les germes de la rupture entre Rox et Rouky. Vient ensuite cette mélodie magnifiquement interprétée par Reba McEntire, Good Doogie, No Bone, qui intervient en un moment dramatique de l’histoire au cours duquel son personnage, Dixie, et Rox intriguent pour récupérer leur place. La musique permet ainsi que relever les enjeux et de mettre en avant les articulations de l’histoire.

La création de Good Doggie, No Bone est à ce titre très parlante.
En effet. Cette chanson a été envisagée au départ comme une chanson sur la vie de saltimbanque. Certes il y a la gloire et la célébrité, mais passer sa vie sur les routes, c’est vraiment difficile. C’était le concept original. Puis il a changé. Vous savez, en animation, la création d’une histoire est un processus toujours assez long -deux ans et demi pour Rox & Rouky 2-. Au départ, c’était simplement une façon pour Dixie, le personnage joué par Reba McEntire, de se plaindre de Cash. Mais Jim Kammerud, le réalisateur, s’est aperçu qu’il pourrait en même temps s’agir d’une façon pour elle de convaincre Rox de l’aider à retrouver son ami. Nous avons donc abouti à une chanson à la fois sur l’expression de l’intériorité d’un personnage et qui fait avancer l’histoire en permettant à un autre héros d’évoluer.


En quoi a consisté votre travail en tant que superviseur de la musique ?
En tant que tel, mon rôle a été de superviser tout l’aspect musical de ce film depuis les premières étapes de la création jusqu’à la sortie. J’ai secondé Matt Walker, senior vice-président de Disney Toon Studio en charge de la musique, à chaque étape. Il était mon supérieur hiérarchique, mais nous étions vraiment partenaires au niveau créatif. Au départ, nous avons recherché avec les créateurs du film les moments où il serait intéressant d’avoir une chanson, puis nous avons cherché des artistes pour écrire ces chansons et leur avons proposé et expliqué ces moments avant de soumettre le résultat de ce travail au réalisateur Jim Kammerud et au producteur Ferrel Barron. Nous nous sommes également occupés du casting musical et vocal, de l’enregistrement des chansons, de la partition, du mixage, bref de chaque aspect ayant trait à la musique du film.


Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur Jim Kammerud ?
Nous avons travaillé de façon très étroite avec lui. Considérant le fait que le film devait se dérouler à la campagne, dans le Sud profond, tous (Matt, Jim, Phil et moi-même) sommes tombés d’accord sur le fait que nous devions produire cette musique à Nashville, Tennessee. C’est une décision que nous avons prise vraiment au tout début du processus. A partir de là, Matt et moi avons commencé à faire des recherches pour trouver à quels compositeurs nous pourrions faire appel pour écrire les chansons du film. Pour cela, nous nous sommes rapprochés du label discographique Lyric Street, cette division de Walt Disney Records spécialisée en musique country. Nous leur avons demandé de nous présenter un certain nombre de compositeurs auxquels nous allions présenter des moments de l’histoire pour lesquels ils pourraient écrire des chansons et nous sommes allés à Nashville pour les rencontrer. A cette époque - il y a quatre ans de cela-, nous avions six moments que nous avons présentés indépendamment à huit ou neuf compositeurs. Ils nous ont fait des démos magnifiques parmi lesquelles il fut difficile de choisir. Finalement, nous nous sommes concentrés autour de trois artistes à l’immense talent : Marcus Hummon, Gordon Kennedy et Will Robinson. Ce fut formidable car, même si l’histoire a subi quelques changements ensuite, nous avions dès le départ les bonnes chansons. Elles furent l’élément stable de cette production et l’histoire a évolué autour de cela. Il faut dire que les artistes de Nashville savent très bien raconter des histoires à travers leurs chansons.


Ce n’est pas si souvent que Disney fait appel à plusieurs compositeurs pour écrire ses chansons.
Cela s’explique par le mode de production très original de la musique que nous avons suivi. Nous sommes partis à la découverte d’artistes, à la découverte d’un style, un peu à la manière d’un casting. Et cette expérience fut différente pour chaque artiste. Nous ne connaissions pas ces compositeurs et nous nous étions préparés en écoutant leurs enregistrements et les conseils de Lyric Street, qui avait l’habitude de travailler avec eux. A partir de là, nous nous sommes dits que, par exemple, Marcus serait particulièrement bon dans tel genre de scène, Gordon pour un autre, etc., et nous avons proposé des moments différents à chacun en fonction de leur style propre. Certains moments ont été proposé à deux compositeurs en même temps. Par exemple, la chanson d’ouverture a été proposée à la fois à Marcus Hummon et à Gordon Kennedy. Nous leur avons dit que nous souhaitions une chanson sur l’amitié et nous leur avons raconté l’histoire du film original. Tous deux sont alors revenus, l’un avec Friends For Life et l’autre avec You Know I Will, et le fait est que nous avons aimé les deux chansons ! Nous avons estimé que Friends For Life était celle qui incarnait le mieux ce qui était envisagé pour la séquence d’ouverture, mais nous aimions tellement You Know I Will que nous avons décidé de la garder car elle renfermait des idées qui apportaient quelque chose de plus à notre film. Nous en avons fait la chanson du générique de fin. Parfois, comme vous le voyez, nous avons reçu plus que ce que nous attendions ! Il faut dire que tous ces artistes ont tous été très enthousiastes par rapport aux chansons que nous leur avons demandées !


Si les chansons de Rox & Rouky 2 sont globalement très joyeuses, Blue Beyond penche résolument du côté de l’émotion. Quelle est son histoire ?
C’est une très belle histoire que celle de cette chanson. Pour moi, c’est vraiment le cadeau de ce film. Cinq jours après le choix de Friends For Life, Gordon m’a appelée pour me dire : « Kim, je viens d’écrire cette chanson. J’ignore si elle a quoi que ce soit à voir avec ce film, mais cette mélodie m’est venue comme ça et je voulais te proposer de l’écouter. » Il m’a donc envoyé une démo de Blue Beyond et j’ai adoré. Nous n’avions pas de ballade dans notre film car nous ne l’avions jamais envisagé comme un « film à ballade ». Mais c’était une chanson tellement magnifique et tellement riche thématiquement que Matt et moi l’avons faite écouter à Jim en lui disant que s’il arrivait à trouver un moment dans son film pour exprimer le fait que les liens entre les différents personnages sont rompus, peut-être que cette chanson pourrait fonctionner. Et c’est exactement ce qui s’est passé. A ce moment de l’histoire, les relations entre Dixie et Cash, et entre Rox et Rouky sont au plus mal et c’est là que nous avons pu intégrer cette chanson. Elle n’a donc pas été pensée originellement pour le film, mais nous l’avons gardée parce que Gordon, après avoir écrit une première chanson, s’est senti proche de ce film et en a composé une deuxième, sans même savoir si elle pourrait être intégrée. C’est ce qui, pour moi, fait de cette chanson un véritable cadeau !

La dernière chanson du film, We Go Together, tranche par son arrangement moderne.
Il est vrai qu’elle est très « pop-country ». C’était notre but parce que nous voulions rendre hommage à toutes les tendances de la musique country. Avec We’re In Harmony, c’est la country traditionnelle, avec Friends For Life, c’est le style « bluegrass » et aujourd’hui, la pop-country a pris une place considérable dans le monde musical avec, par exemple, les Dixie Chicks. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu terminer notre film sur une note très joyeuse avec une chanson authentiquement pop-country.


Pouvez-vous nous parler maintenant de la production de la partition, signée par le grand Joel McNeely?
En plus de ses orchestrations symphoniques, Joel McNeely a voulu intégrer beaucoup de bluegrass dans sa partition. Nous sommes donc allés avec lui à Nashville pour enregistrer bon nombre de moments dans ce style avec six musiciens country très célèbres dans le milieu, dobro, banjo, mandoline, fiddle, etc, afin d’apporter une certaine intégrité à cette musique et de la lier avec le style des chansons.

Disney Toon Studios a noué une longue et passionnante relation avec Joel McNeely. Pouvez-vous nous en parler ?
Je trouve que Joel comprend nos histoires comme personne et comment la musique peut les aider, comment elle doit être pour incarner et développer la vision du réalisateur. Ce qu’il fait toujours merveilleusement, c’est de venir avec un matériel thématique magnifique, des mélodies sublimes qui nous permettent de nous connecter avec les personnages, et il lie tout cela dans sa musique. De fait, le public, l’auditeur, répond toujours très bien à la musique qui apporte ce lien qui unifie tout le film et qui relie le film au public.

Comment avez-vous envisagé les relations entre Rox & Rouky 2 et le film original ?
Je pense qu’il ne faut pas chercher d’autre relation que des retrouvailles avec Rox et Rouky tels qu’on les a connus au début du film original. Le propos de Rox & Rouky 2 est d’explorer plus en profondeur cette amitié qui les lie et ce qu’elle signifie.

On peut toujours discuter de la qualité visuelle ou scénaristique des suites Disney, mais le fait est que les chansons et la musique sont toujours du plus haut niveau.
Absolument. Quand vous travaillez pour Disney, vous devez toujours garder à l’esprit que vous avez un héritage, une tradition que vous devez poursuivre. Et si vous parlez à quelqu’un de Disney, c’est la richesse musicale de cet univers lui viendra à l’esprit. Quand il va voir un film Disney, et en particulier en 2D, le public attend la musique, il attend de nouvelles chansons inoubliables. De fait, cela a toujours été notre intention de garder toute son intégrité à ce qui a été créé avant nous afin de lui donner une nouvelle dimension. Les musiques des classiques Disney étaient intemporelles parce qu’elles avaient été créés pour les générations à venir et c’est dans le même esprit que nous nous plaçons.


A l’époque où Walt Disney Feature Animation commençait à se démarquer des comédies musicales animée, Disney Toon Studios était la division qui restait fidèle à cette tradition.
Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai toujours adoré Disney et quand je pense à Disney, je pense à toutes ces comédies musicales animées. Je pense à Mary Poppins, à La Belle et le Clochard, au Roi Lion, à La Belle et la Bête, à La Petite Sirène, tous ces films peuplés de chansons que personne n’a oubliées, que tout le monde chante encore aujourd’hui. Par conséquent, je suis très heureuse et très fière d’avoir pu travailler toutes ces années pour Disney Toon Studios car je savais dès le départ qu’ils voulaient poursuivre dans cette même voie. Vous savez, quand vous travaillez sur un film Disney, vous redevenez un enfant, tout comme le public auquel nous nous adressons et quand nous travaillions sur les chansons, nous tenions absolument à véhiculer le meilleur message possible pour inspirer nos auditeurs et les inviter à réfléchir sur tel ou tel sujet. Il n’y a pas tant de studio qui ont la capacité de le faire comme Disney. C’est un honneur d’avoir pu en faire partie.

Quel est votre meilleur souvenir chez Disney ?
Je dirais Rox & Rouky 2 car tout s’est mis en place de façon parfaite. Tous les artistes auxquels nous avons fait appel ont parfaitement compris leur rôle et toute l’importance de la musique dans ce film. Sept chansons, c’est beaucoup, d’autant plus qu’il y eut comme toujours beaucoup de changements en deux ans et demi, mais l’histoire et la qualité nous ont tous guidés. Et toutes ces rencontres avec les artistes de Nashville, compositeurs et interprètes, ont fait de cette production une expérience musicale inoubliable !


Que faites-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis un superviseur musical indépendant. J’avais noué bon nombre de relations dans le métier et quand cette opportunité s’est proposée à moi, je me suis lancée. Je travaille actuellement sur un film en prises de vue réelles, The Marc Pease Experience avec Ben Stiller. Il s’agit d’une comédie musicale à l’intérieur d’un film. Je m’occupe donc de l’acquisition des droits de certaines chansons que nous réenregistrons et je travaille avec les artistes sur le tournage. C’est un processus très similaire à ce que j’ai vécu en animation dans la mesure où je supervise tout cela depuis le concept jusqu’à l’écran et je collabore étroitement avec les producteurs exécutif pour faire le lien entre les questions de budget et les besoins créatifs du réalisateur pour l’aider à faire avancer l’histoire. Je m’occupe également d’engager l’équipe musicale pour m’entourer : directeur musical, ingénieurs du son, personnel de studio. Enfin, je suis impliquée dans la post-production avec le choix du compositeur. C’est un processus beaucoup plus rapide qu’en animation mais tout aussi passionnant !

With very special thanks to Matt Walker.

vendredi, avril 20, 2007

LA PARADE DES RÊVES DISNEY A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec la compositrice Sunny Hilden

Toute célébration a chanson. Et pour célébrer son 15e anniversaire, c'est à l'auteur-compositrice et interprète américaine Sunny Hilden que Disneyland Resort Paris a fait appel pour l'écrire. Originaire de Saint Paul dans le Minnesota, elle vit aujourd'hui en Californie où elle compose des chansons pour les plus grands artistes tels que Ray Charles, Sting, Patti LaBelle, The Temptations, Herbie Hancock, En Vogue, Yolanda Adams, The Andrae Crouch Choir, Patti Austin, Shanice Wilson, Phyllis Hyman, Angela Bofill et bien d'autres. Elle s'est faite connaître des visiteurs des parcs Disney à travers la chanson de la parade de Disney's California Adventure, Eureka! The California Adventure Parade.
Aujourd'hui, avec Just Like We Dreamed It, elle signe pour Disneyland Resort Paris non seulement la chanson de la nouvelle Parade des Rêves Disney, mais également l'hymne de cette année de fête pleine de surprises et de promesses...

Miss Hilden, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai commencé dans la musique par le classique, en tant qu’hautboïste –et cela m’arrive encore parfois de jouer des parties de hautbois dans mes compositions. C’est une chose merveilleuse de s’ouvrir à la musique en commençant par le classique. Mais ma passion principale a toujours été la chanson. J’en écris depuis toujours. J’ai toujours été fascinée par l’association des mots et de la musique. J’ai grandi dans le Midwest et là-bas, composer des chansons est davantage considéré comme un hobby pour occuper ses week-ends. Quand j’ai dit que je voulais devenir auteur-compositeur-interprète, on m’a conseillé de restreindre mes ambitions. Chose que je n’ai jamais voulu faire, j’ai toujours voulu aller de l’avant et me voici ! J’ai un esprit très positif que je retrouve chez Disney, ce qui rend mon travail avec eux si excitant !

Vous êtes en effet connue pour votre désir de transmettre un message positif à travers l’art. Pouvez-vous nous expliquer ?
Je pense que nous créons notre identité, qui nous sommes, à travers ce que nous écoutons et voyons dans le monde qui nous entoure. Il n’y a pas que les parents (quand on en a) ou les enseignants qui peuvent vous aider à trouver votre place dans le monde et votre propre façon de le regarder. Tant de messages qui nous viennent de toutes parts sont tellement négatifs. Je pense donc qu’il est très important d’envoyer dans le monde des messages positifs, de dire à un maximum de gens qu’il n’y a rien de plus beau que d’être soi-même. Certes, il faut apprendre que 2 et 2 font 4, mais chaque jour de votre vie, vous devez le vivre dans votre propre monde, dans votre propre rêve. Cela ne s’apprend pas à l’école. D’où le rôle fondamental de l’art pour vous aider à rêver et à devenir qui vous êtes vraiment. En ce sens, Disney a énormément de choses à apporter au monde.


Quels sont vos souvenirs de votre première collaboration avec Disney ?
J’étais au courant de la construction d’un nouveau parc à côté de Disneyland en Californie, Disney California Adventure. J’avais entendu dire qu’ils étaient en train de développer une nouvelle parade et qu’ils rencontraient des difficultés à trouver la bonne chanson pour cette parade. Je suis donc venue à eux avec une idée qu’ils ont beaucoup aimé : ne pas concevoir la chanson simplement pour son utilisation dans la parade, mais également comme une invitation pour le public à venir découvrir ce nouveau parc et par extension l’ensemble de l’état de Californie. J’ai donc écrit une chanson, Come Away With Me, qui puisse fonctionner à différents niveaux de compréhension. J’ai adoré faire partie de ce projet. Il y a tant de gens extraordinairement créatifs qui participent à l’élaboration d’une telle parade, depuis les premiers concepts. Et puis, découvrir finalement tout cela grandeur nature : ce fut une grande émotion !

Vous avez également travaillé pour Hong Kong Disneyland.
En effet. Il s’agit d’une chanson pour leur nouvelle parade qui débutera cet été.

Just Like We Dreamed It est désormais la chanson de la Parade des Rêves Disney à Disneyland Resort Paris. Comment met-on le rêve en musique ?
J’ai des angelots et animaux en peluche dans toute ma maison (histoire de nourrir cette pensée positive dont nous parlions), et en particulier un énorme Winnie l’Ourson que mon père m’a offert il y a très longtemps de cela. Quand j’ai écrit la chanson de la Parade des Rêves Disney, j’ai posé sur le sol toutes les magnifiques images des chars que les équipes de Disney m’ont envoyées et je me suis demandée ce que je pourrais écrire à partir de cela. J’avais un certain nombre d’idées mais je n’étais pas encore sûre du thème général. J’ai pris avec moi Winnie et je lui ai demandé : « qu’est-ce que les gens vont vouloir entendre en voyant cette parade ? » et Winnie m’a répondu : « tu rêves que je suis en vie, tu peux rêver que tu donnes vie à cette chanson ». Et ça y était. C’était la façon dont j’avais toujours rêvé mes chansons. Je rêve, je rêve et soudain la chanson vient. Et c’est exactement la même chose pour les personnages Disney. Quelqu’un les a simplement dessinés sur une feuille de papier. Mais si vous les aimez suffisamment, vous allez pouvoir rêver qu’ils sont réellement en vie et leur permettre d’entrer dans vos vies. C’était le thème idéal pour la nouvelle parade de Disneyland Resort Paris car des générations entières leur ont donné vie en les regardant, en les aimant et en partageant leurs histoires avec leurs enfants, avec leur famille. A partir de là, je me suis imaginé combien les visiteurs aimeraient rencontrer leurs personnages préférés, mais également combien les personnages Disney sur les chars aimeraient rencontrer les gens qui rêvent d’eux. A un autre niveau, je dirai que ma chanson est une chanson d’amour.


Comment avez-vous été contactée par Disneyland Resort Paris ?
C’est Katy Harris et Vasile Sirli qui m’ont contactée. Nous avons beaucoup discuté au téléphone et ils sont même venus. Katy est une grande fan de Winnie l’Ourson, ce qui fait que le courant est très bien passé entre nous deux ! Elle a su faire de ce projet une expérience merveilleuse. Elle m’a envoyé des dessins des chars et cela m’a beaucoup aidé. Avec ce support visuel, c’était un peu comme composer la musique d’un film. Cela permet vraiment de se faire une idée de ce que le public verra et de ce que les créateurs ont réellement en tête. Elle m’a aussi longuement parlé de la signification de chaque char. A partir de là, Katy et Vasile m’ont dits qu’ils souhaitaient une musique qui unifie tout cela. Chaque char devait avoir une musique spécifique composée par Vasile à partir des thèmes de chaque personnage, de chaque princesse. La chanson devait agir comme un trait d’union entre toutes ces chansons. Un peu comme pour un livre. Ils voulaient quelque chose pour commencer et finir la parade, et qui pouvait également apparaître à l’intérieur. A partir de là, j’en suis rapidement arrivée à l’idée d’une introduction lente, ce qu’ils ont beaucoup aimé, comme une invitation à venir partager la magie de cette parade dans une ambiance de rêve, un peu comme si on se réveillait.

Quand deux compositeurs se rencontrent, de quoi parlent-ils ?…
Vasile Sirli est quelqu’un de merveilleux. Ce fut une grande joie de m’apercevoir qu’il a immédiatement aimé ce que je lui ai présenté. Avec lui, j’ai particulièrement travaillé sur les différentes versions de la chanson, la version intégrale et la version pour les « show-stops ». Pour cela, le matériel que j’ai proposé a été modifié deux ou trois fois et a fait l’aller-retour entre la France et les Etats-Unis avant de trouver la durée idéale. Au départ, il fallait que la version « show-stop » ne dure que deux minutes. Il fallait donc que je supprime des choses initialement prévues. Mais après l’avoir fait, il m’a recontactée pour me dire tantôt qu’il regrettait que le « pont » musical ait disparu, tantôt que certains éléments de couplets aient disparus. Il aimait trop la version intégrale. Finalement, il s’est mis d’accord avec Katy pour une version plus longue, d’une durée de 2’40.

Comment a commencé l’écriture de cette chanson ?
Avant tout, j’aime créer des conditions optimales de concentration quand j’écris une chanson. Par exemple, je débranche mon téléphone et je me lance dans le travail. Il n’est ainsi pas rare que je travail en pleine nuit. Ensuite, les premières choses qui me sont venues furent le titre, la première ligne et le concept du couplet. Les personnages Disney nous plongent dans un univers de conte de fées, un « il était une fois » (« Once Upon a Time »). Mais dans le même temps, c’est un « il était une fois » qui a la possibilité de se réaliser encore et encore dans le présent. Vous venez dans le parc et à chaque fois, les personnages prennent vie. Ce ne sont pas seulement des histoires qui se sont passées autrefois, mais qui se déroulent encore et toujours, chaque jour, sous nos yeux dans les parcs Disney. A partir de là, la chanson s’est presque écrite toute seule ! Parfois, c’est très difficile. On essaie péniblement de piocher des idées ici et là. Mais là, ce fut une évidence. (ci-dessous, les paroles de Just Like We Dreamed It, telles que Sunny Hilden les a présentées aux équipes de Disneyland Resort Paris)

Comment composez-vous ?
Avant tout, j’utilise mon imagination. Tandis que j’écris les paroles, la mélodie vient d’elle-même à moi ce qui fait que les deux vont parfaitement ensemble. Je tiens beaucoup à cette cohérence entre paroles et musique. C’est alors que je me mets au piano pour écrire l’harmonie sur la mélodie que j’ai imaginée. Puis je passe en studio pour définir le rythme, le groove et faire une démo de tout cela.

Comment décririez-vous personnellement votre chanson du point de vue musical ?
Je voulais qu’elle exprime un sentiment de célébration et de découverte. Tout commence par le couplet qui établit le fait qu’ « il était une fois » peut-être quelque chose de très actuel, pour nous conduire vers le refrain qui devait être une explosion. Je voulais que cela monte irrépressiblement vers l’aigu, que la mélodie s’envole vers le ciel, qu’elle vous emmène où vous le souhaitez, où vous le rêver et que vous puissiez en faire une réalité. Pour moi, il est très important que la mélodie raconte la même histoire que les mots. C’est un puzzle passionnant à réaliser et c’est vraiment formidable quand cette fusion se réalise. J’ai écrit cette chanson pour voix féminine. Plus encore, j’ai envisagé dès le départ que cela pourrait être un duo –ce qui s’est finalement réalisé ! Certaines chansons ne peuvent être que des duos. De mon côté, j’ai essayé d’écrire en me laissant un maximum de portes ouvertes afin de m’adapter aux demandes de Disney.

Comment avez-vous trouvé le « groove » de cette chanson ?
Nous avons fait pas mal d’expériences en la matière, avec plus de clavier, avec plus de guitare, etc. Toutes sortes de possibilités s’offraient à nous. Mais Disney voulait vraiment quelque chose de pop et de rythmé. C’est donc dans ce sens que nous sommes allés.

Les arrangements sont signés Marco Marinangeli (Lizzie McGuire, Mickey's Dance Party). En quoi a consisté sa contribution?
Il a apporté bon nombre d’éléments californiens : la façon de structurer les guitares et la vibe générale de la chanson qu’il a enregistrée dans son propre studio. Il a fait du très beau travail.

Il est vrai que Just Like We Dreamed It sonne très californienne. Vous-même avez quitté votre Minnesota natal pour aller travailler en Californie. En quoi cet Etat vous inspire-t-il ?
Cela tient au fait que Los Angeles et tout l’Etat de Californie est un lieu de rêve par excellence. Tant de gens viennent ici avec des rêves plein leurs bagages. Rares sont les villes dans le monde qui véhiculent cet esprit et incarnent cette possibilité de donner vie à toute forme d’art. Pour moi, ce fut aussi un lieu où je pouvais apprendre des choses. Au Collège, on vous apprend la théorie de la musique : le solfège, l’harmonie, le contrepoint. Mais il y tant de choses que l’on ne vous apprend pas sur la musique pop (même si on commence à les enseigner ici et là). Le résultat de cette concentration de gens et de rêves, c’est une énergie unique que j’ai voulu retranscrire dans ma chanson, car je crois qu’on la retrouve également dans les parcs Disney.

Quel fut le rôle de Bruce Healey, directeur de la musique de Disneyland en Californie ?
Bruce est intervenu pour l’enregistrement de la version finale de la chanson. Son apport a été capital en matière logistique. De par son expérience, il savait, une fois la chanson enregistrée, comment l’intégrer dans la bande-son de la parade. C’est quelque chose de très délicat qui demande beaucoup de talent. Il m’a aussi aidé à choisir les interprètes vocaux, il m’a donné son avis d’expert en la matière.

Justement, sur quels critères avez-vous fait votre choix ?
Nous n’avons pas fait d’auditions. Tout s’est passé par cassettes. Il y avait beaucoup de voix magnifiques, mais nous cherchions quelqu’un qui soit capable d’exprimer cette joie et cet enthousiasme. Ce sont des qualités très spécifiques que l’on doit retrouver chez quiconque doit chanter des chansons Disney qui sont toujours très positives et très joyeuses. On entend tellement de choses négatives à la radio ; je ne voulais pas retrouver ce genre d’interprètes sur ma chanson. Je voulais trouver des artistes capables de chanter la joie et c’est ainsi que nous avons choisi Renee Sandstrom et Ruben Martinez.

Le résultat de tous ces efforts est éloquent. Votre chanson exprime à merveille cette joie, cette énergie et la puissance créatrice du rêve. Mais vous, quel est votre rêve ?
Mon rêve est toujours le même depuis des années. C’est de toucher les gens qui écoutent la musique que je compose, qu’ils s’y reconnaissent et qu’elle leur permette de créer les conditions de leur bonheur. Mon rêve, c’est que ma musique inspire les gens et qu’elle les aide à penser de façon plus positive que ce soit dans leur vision du monde ou dans leur vision d’eux-mêmes. Le monde est un endroit merveilleux ; il faut simplement en trouver la beauté. Et la musique est un moyen fantastique d’y parvenir !


Entretien réalisé en anglais et traduit par J.N.

mercredi, avril 18, 2007

ROX & ROUKY EN DVD : Entretien avec l'auteur Steve Hulett

"Ca alors! Un renard et un chien qui jouent ensemble!"
Tel est l'argument plein de promesses de rires et d'émotion de Rox & Rouky, le 29e chef-d'oeuvre des studios Disney, créé il y a tout juste 25 ans.
Un film majeur, emblématique d'une période charnière pour la maison de Mickey, marquant la fin d'une époque et le début d'une ère nouvelle. Car si les ébauches préliminaires de chacun des personnages furent l'oeuvre des légendaires vétérans Frank Thomas et Ollie Johnston, le reste du film a été réalisé par une nouvelle équipe pleine d'avenir avec à sa tête John Musker (La Petite Sirène, Aladdin, La Planète au Trésor) ou encore Glen Keane (animateur d'Ariel, de Tarzan et réalisateur du prochain Rapunzel).
Un passage de flambeau à l'image de celui que Chef transmet à Rouky que nous raconte l'un des créateurs de cette histoire profondément touchante, Steve Hulett.

Comment êtes-vous devenu auteur pour Disney ?
J’ai une maîtrise d’anglais et une autre en histoire et j’ai pris des cours d’écriture, car cela m’a toujours intéressé. Or, après mes études, le gouvernement m’a réquisitionné pour deux ans dans la Navy. A mon retour, à l’automne 1976, j’ai postulé chez Disney car mon père, décédé deux ans auparavant, y avait travaillé de nombreuses années en tant que décorateur. Je suis donc rentré en tant qu’apprenti au département « histoire » et j’y ai passé dix ans. Pendant cette période, j’ai travaillé sur Catfish Bend, un film qui n’a jamais vu le jour, avec Ken Anderson, sur Rox & Rouky, Taram et le Chaudron Magique, Basil, Détective Privé et sur Oliver & Compagnie. J’ai quitté Disney et j’ai travaillé pour Filmation pendant deux ans avant de devenir agent pour le syndicat des animateurs. Au cours de ma carrière, j’ai donc passé neuf ans et demi chez Disney.

Comment se sont passés vos débuts chez Disney ?
J’ai été apprenti pendant trois mois avant d’être affecté à Rox & Rouky pendant trois à quatre mois. Puis j’ai travaillé avec Ken Anderson pendant six mois avant de retourner sur Rox & Rouky de fin 1977 à la sortie du film en 1981. J’ai commencé à écrire sous la supervision de Larry Clemmons jusqu’à ce qu’il parte à la retraite en 1978. C’était l’auteur principal de Disney depuis Livre de la Jungle et il m’a beaucoup marqué. Après son départ, nous avons gardé le contact jusqu’à sa disparition une douzaine d’années plus tard. A cette époque, nous travaillions sous la direction de Woolie Reitherman (photo, à gauche, avec Steve Hulett), pendant un an et demi.

Comment cela se passait-il ?
Nous avions deux façons de procéder. Il y avait des sessions de dialogues avec des acteurs. Nous faisions des essais et nous gardions les propos qui nous semblaient les meilleurs pour le film. Cela se passait dans le studio d’enregistrement de Disney. Nous aidions le réalisateur dans la cabine. Larry était là aussi, mais auprès des acteurs. Je me souviens d’enfants que nous auditionnions pour Rox et Rouky jeunes. Il avait un grand talent pour impulser les intonations qu’il souhaitait pour telle ou telle phrase. Ce qui n’était pas possible avec des adultes car les adultes n’aiment pas qu’on leur dise comment il faut faire et il est vrai que, la plupart du temps, le résultat est meilleur que ce que vous aviez imaginé. Au début, ce genre de session me plaisait bien, mais à la longue cela s’est révélé assez fatigant d’assister pendant des heures à ces prises. Autrement, nous avions des sessions de sept heures dans le bureau de Wollie pour écrire les histoires. Larry et moi écrivions des séquences en prenant beaucoup de notes. Puis nous récrivions encore et encore. Durant ces sessions, tout le monde lançait des idées et on prenait des notes que nous retravaillions semaine après semaine. Puis Wollie arrêtait cela pendant un temps, histoire de se pencher sur les progrès de l’animation et les « story reels ». Ce n’était pas un processus formel dans lequel tout est planifié. C’était quand Woolie passait. Il nous appelait ainsi que d’autres artistes, notamment de storyboard. Il nous disait : « qu’est-ce que vous avez à proposer ? » et la réunion commençait. Il y avait là Woolie, Mel Shaw, un ancien de Disney, Larry Clemmons, Frank Thomas et Ollie Johnston étaient souvent là eux aussi. Woolie demandait souvent beaucoup de réécritures et Ollie disait à un moment : « J’en ai assez. Je descends animer. » Rox & Rouky est intéressant dans la mesure où ce fut vraiment le dernier film des anciens avant leur départ à la retraite. Milt Kahl était déjà parti, mais pour les autres, y compris mon mentor, Larry, ils étaient chez Disney depuis les années 30. Ce fut donc le dernier film de l’arrière garde, et le premier de l’avant garde, avec l’arrivée de Glen Keane, le passage de Ron Clements de l’animation à l’histoire et les débuts de John Musker en tant que réalisateur.


Comment est venue l’idée d’adapter le roman de Daniel P. Mannix en dessin-animé ?
C’est Woolie qui a initié l’idée. Il avait un renard apprivoisé et je pense pour cette raison qu’il s’est senti en phase avec ce sujet. Bernard & Bianca n’était pas encore terminé que la production de Rox & Rouky a commencé. Lors de la première réunion à laquelle j’ai assité, Woolie nous a informé qu’il désirait que ce film coûte moins que Bernard & Bianca, dont le prix s’est monté à 7,5 millions de dollars. Il nous fallait donc trouver des moyens d’être efficaces sans dépenser. Ce qui est d’ailleurs amusant, quand on compare les prix actuels !


A quoi l’histoire ressemblait-elle au départ ?
A l’époque de Rox & Rouky, l’histoire de base n’était qu’un squelette et les choses changeaient perpétuellement. A la fin, Rox et Vixy devaient avoir des petits. Il a aussi été questions de bébés et d’un sauvetage. Cela venait du fait que Woolie arrivait avec des pistes toujours différentes qui restaient pendant un certain temps tandis que le reste de l’histoire se développait lui aussi, et on s’apercevait que telle scène n’allait plus et on la supprimait. Prenez les scènes entre Rox et Rouky bébés. Larry a réalisé de merveilleux enregistrements avec les enfants. Frank Thomas est tombé dessus, cela l’a touché et il est descendu dans son bureau pour développer des scènes à partir de cela. Il y a donc eu pas mal d’animation de faite avant même que l’histoire soit finalisée. La seule chose qui n’a jamais changé, c’est l’idée d’une amitié entre un chien de chasse et un renard.
Je me souviens tout particulièrement d’une séquence imaginée par Woolie tandis que Rox découvre la forêt. Ce devait être un véritable numéro comique chanté avec des échassiers, des grues. Woolie avait même tourné des scènes avec une vraie actrice pour les références et enregistré quelques dialogues. Ce qui s’est passé, c’est qu’à la moitié, voire aux deux-tiers de la production, Woolie a été en quelque sorte poussé vers la sortie. Ron Miller, le pdg de Disney à l’époque, voulait que le film soit développé par de nouvelles têtes et que Woolie se mette en retrait et se contente de donner des conseils. Or, dans la mesure où il travaillait toujours au studio, il était très difficile pour lui de se contenter de faire des remarques. Le fait est qu’au départ Art Stevens, qui avait à peu près le même âge que Woolie, était lui aussi réalisateur. Or, dans les faits, son travail tenait plus de l’assistant réalisateur. Il est donc allé voir la direction pour leur demander de l’aider à faire en sorte qu’il puisse prendre les décisions. Et comme Art détestait cette séquence avec les grues, il l’a supprimée. Pour ma part, j’ai toujours pensé que Woolie avait raison. Il y avait besoin d’une séquence forte au milieu du film. Peut-être que l’idée d’un ballet de grues n’était pas forcément la meilleure idée pour le faire, mais de toute façon Art l’a supprimé. Le résultat est que la première moitié du film est vraiment l’œuvre de Reitherman, ainsi que certaines choses de la fin. Parmi les autres idées supprimées, il y en avait une que nous, les petits jeunes, Earl Kress, Ron Clements, deux autres collègues et moi-même avions eue. Nous pensions que Chef devait mourir. Bien sûr, après l’accident sur le pont lors de la poursuite de Rox, Rouky en veut à son ami. Mais nous pensions que, dans les circonstances que vous pouvez voir dans le film, Rouky n’avait pas assez de motivation pour en vouloir à Rox et se venger. Nous avons donc essayé de convaincre Ron Miller qu’il serait bon de tuer Chef. Je pense encore aujourd’hui que cela en aurait fait un film bien meilleur. Il aurait été plus sombre et les motivations des personnages bien plus fortes. Disney avait tué l’un de ses personnages principaux dans Bambi, et l’a refait plus récemment dans Le Roi Lion. Mais Ron Miller a eu peur de le faire. Pour le reste, Art a fait des merveilles sur le début du film en matière d’ajout de textures, d’atmosphère, notamment à travers cette ouverture silencieuse. Et à la fin, Glen Keane a totalement refait le storyboard du combat contre l’ours. C’était une séquence qui était présente dans le film depuis longtemps, mais Glen l’a rendue beaucoup plus dynamique, puis l’a animée pour la rendre encore plus passionnante.


D’autres scènes furent supprimées en cours de production. Pouvez-vous nous en parler ?
Il y en a eu pas mal. Comme je vous le disais, Frank Thomas a travaillé à bon nombre de scènes impliquant Rox et Rouky bébés. Quant à Ollie Johnston, il a animé toute une séquence avec Chef déambulant autour de la maison avec sa jambe cassée. En général, on peut se permettre de couper des séquences crayonnées alors qu’on ne supprime que quelques secondes quand elles sont peintes. Beaucoup de séquences crayonnées ont été supprimées au début de la production car elles revêtaient davantage un côté expérimental, afin de définir les personnages. Cela arrive sur pratiquement tous les films. Ces tests au crayon ne correspondent plus à la direction que prend l’histoire et on les retire du film. Cela s’est encore passé récemment sur Bienvenue chez les Robinson. Beaucoup de choses ont dû être retravaillées à la suite de l’arrivée de John Lasseter, bien que la moitié de l’animation avait été faite. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille changer les équipes. C’est une étape très utile : on développe des scènes simplement pour les animer et voir comment les personnages peuvent être. La plupart du temps, ce n’est pas utilisable dans le film final car cela n’a pas grand chose à voir avec l’histoire.


Quelles furent les différences entre les méthodes de travail de Woolie Reitherman et celles d’Art Stevens ?
Art ne fut réalisateur que d’un seul film. Il a commencé à travailler en tant que tel sur Taram et le Chaudron Magique mais Disney a estimé que ce n’était pas la bonne personne. Sur Rox & Rouky, il ne menait pas de longues sessions de création d’histoire, à la différence de Woolie qui pouvait tenir très longtemps à travailler une scène, à expérimenter toutes sortes de choses. Nous pouvions passer jusqu’à cinq heures à réécrire des dialogues, assis autour de son bureau. Art ne procédait pas comme cela. Ses sessions étaient plus courtes. C’était un film de transition pour lui et pour les autres réalisateurs. Art est passé d’animateur à réalisateur, Ted Berman est passé de storyman à réalisateur et Rich était assistant réalisateur avant Rox & Rouky. Tous ces changements ont conduit à pas mal de conflits. Mais je dois dire que j’ai plutôt apprécié de travailler avec Art parce que je pense que les changements qu’il a faits étaient bons pour la plupart : l’aspect visuel du départ avec la maman renard laissant son bébé et s’enfuyant, l’ambiance générale…. Il était aussi bon pour développer les relations entre les personnages, même si je pense toujours que le milieu n’est pas aussi bon. Mais on ne discute pas le box-office, qui a dit que le film était un succès. Une autre différence est que Woolie aimait travailler avec beaucoup de monde à la fois, alors que Art préférait travailler avec de petits groupes.


Un autre événement majeur au studio fut le départ de Don Bluth.
Absolument. Il est parti à peu près aux trois quarts de la production de Rox & Rouky, ce qui a décalé la sortie du film d’un an à peu près. Son départ pour réaliser Brisby & Le Secret de Nimh a mis le département animation sens dessus dessous car il a emmené environ un tiers de l’équipe du film avec lui, et notamment John Pomeroy et Linda Miller, qui étaient des animateurs de grand talent. Tous avaient travaillé avec Don sur le court-métrage The Small One en 1978.

Quel était son rôle sur Rox & Rouky ?
En fait, il a réalisé et animé un certain nombre de séquences. Une grande partie de son animation fait toujours partie du film, notamment des scènes avec la Veuve Tartine. Il est arrivé en cours de route car il dirigeait auparavant l’animation de Peter & Elliott le Dragon. Il a travaillé pendant à peu près un an sur Rox & Rouky, mais cela ne le satisfaisait pas. Il voulait être son propre patron. De plus, il souhaitait être davantage impliqué dans l’écriture de l’histoire alors que les gens de Disney le voulaient plutôt dans l’animation. Le résultat est qu’en quittant Disney il a dirigé plus de longs-métrages d’animation que n’importe qui d’autre.

Pouvez-vous nous parler des débuts de Glen Keane, aujourd’hui réalisateur de Rapunzel ?
Rich et Glen ont eu des discussions assez serrées à propos du combat avec l’ours. Rich voulait aller dans un sens et Glen dans un autre. Ce fut une véritable lutte de pouvoir et c’est Glen qui l’a emporté. De fait, avec l’arrivée de Glen, beaucoup de choses ont changé pour cette séquence, même si peu de choses ont été coupées.


Comment expliquez-vous la discrétion des chansons dans ce Disney ?
Il devait y avoir cette chanson avec les grues chantant dans les marais. Je pense qu’il aurait été bon d’en mettre une là. Pour le reste, je ne me souviens même plus du nom des compositeurs des chansons. Il faut dire que nous n’avions plus de compositeurs à plein temps comme les frères Sherman pour imaginer des chansons à nous faire rêver. Rich a bien participé à une chanson, lui qui avait une Maîtrise de musique. Je me souviens également que la chanson de Big Mama sur l’éducation faisait partie des toutes premières chansons écrites pour le film et qu’elle était là depuis les débuts de la production.


Pouvez-vous nous parler du travail avec les voix originales de Rox et de Rouky , Mickey Rooney et Kurt Russel ?
Malgré les aléas de la production, ce fut un film agréable à faire, et notamment le travail avec les voix. Kurt Russel est arrivé assez tard, mais c’est un tel professionnel qu’il a enregistré la quasi totalité de sa partie en deux jours seulement. Au début, Disney avait pensé à Jackie Cooper (Perry White dans Superman, JN) mais il demandait trop d’argent. A la place, Mickey Rooney a su créer une présence très forte sur le film. Je me souviens également des bons moments passés avec Jack Albertson, la voix d’Amos Slade. Ce qui est amusant dans ce genre de sessions avec des artistes de ce niveau, c’est de venir avec vos dialogues et de les voir improviser et ajouter des choses. Je me souviens également d’une séquence qui devait impliquer Mickey Rooney et Pearl Bailey (Big Mama). C’était juste au moment où Art Stevens venait de reprendre les rennes de la production à la suite de Woolie. Nous avions enregistré les dialogues d’un des deux acteurs, mais pas de l’autre (je ne me souviens plus dans quel ordre) et Art voulait que nous réécrivions les dialogues qui n’avaient pas encore été enregistrés. Nous avons ainsi passé des moments sur les chapeaux de roues car l'autre acteur devait venir quelques jours plus tards. Le but du jeu était donc de réécrire les dialogues, mais pas trop car on ne pouvait plus toucher à ce qui avait déjà été enregistré. C’était un vrai casse-tête mathématique d’améliorer un dialogue en n’en touchant que la moitié ! Je me souviens assez bien de ces moments de folie ! Je sortais de la story room pour donner mes notes à la secrétaire, qui les tapait, les transmettait à Art, puis les dialogues revenaient pour de nouvelles transformations. Tout cela à une vitesse grand V.


Quel sentiment ressentez-vous lorsqu’on évoque cette période ?
Le fait est que, lorsqu’un film sur lequel vous avez travaillé sort, il s’est passé un voire deux ans, le temps d’animer, de peindre et de monter tout cela. Entre temps, vous avez participé à d’autres projets et vous avez presque oublié ce que vous avez fait sur ce film. A partir de là, c’est étonnant de voir un tel film et de se demander : «N’aurais-je pas travaillé là-dessus ? Cela me dit quelque chose ! » C’est presque comme si quelqu’un d’autre que vous l’avez fait. Je me souviens que j’avais tellement travaillé sur Rox & Rouky que je ne suis même pas allé à la projection pour la Première (uniquement au dîner !). Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai vu le film dans son entier. Mais, pour résumer, je dirai que, pour moi, le film fonctionne plutôt bien au début, le montage du milieu également, la fin est vraiment forte. J’ai simplement des problèmes avec le milieu du film. Mais j’ai fait tout ce que je pouvais pour changer les choses. Tant pis si cela n’a pas marché. J’ai davantage de problèmes avec Taram et le Chaudron Magique. Pour moi, c’est un film raté. J’y ai travaillé pendant deux ans avec Ron Clements, John Musker, Pete Young et Vance Gerry à peu près tout ce que nous y avions fait a été retiré du film. Il y a eu un important désaccord avec les réalisateurs, ce qui a conduit ces derniers à faire appel à une équipe d’auteurs totalement différente. Sur Rox & Rouky, j’avoue être assez content de ma contribution tant au niveau des dialogues que de la structure. Le film a été un gros succès, simplement, je pense qu’il aurait pu être encore plus important.


Cette époque est aussi celle de l’ascension de réalisateurs comme Steven Spielberg et George Lucas dont le succès s’est affirmé à travers des films davantage orientés vers les adolescents. Quelle était la position de Disney par rapport à cela ?
Vous savez, avant que j’arrive chez Disney, il y avait Robin des Bois, qui était très influencé par Butch Cassidy et le Kid. Puis il y a eu cette montée de Spielberg et Lucas. Tous les deux sont venus visiter les studios Disney et déjeuner avec les anciens, l’un en 1979, l’autre juste après Star Wars. Mais je ne me souviens pas que quiconque à Disney ne se préoccupe de ce nouveau marché. Ce n’était pas dans l’esprit des studios. En 1978, Woolie faisait toujours des films de la façon dont il les a toujours faits, et encore en 1979. Frank et Ollie étaient partis à la retraite, mais ils avaient encore un bureau à l’étage où ils écrivaient leur fameux livre The Illusion of Life. Ils y ont passé un an et demi à deux ans. Larry s’est retiré en 1979 et Woolie en 1981. De fait, entre 1976 et 1981, tous les artistes qui avaient débuté dans les années 30 étaient là et nous baignions encore dans cette ambiance. Et c’est justement cette association entre les jeunes (dont je faisais partie) et les anciens, beaucoup plus que pour Robin des Bois ou même Bernard & Bianca, que je retiendrai de Rox & Rouky. Pour moi, c’est le film du passage de flambeau.

Rox & Rouky témoigne d’une époque de changements importants au sein de l’animation Disney, un peu comme ce que nous vivons aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui est amusant, c’est que John Lasseter est arrivé au studio en 1979. Il n’a pas fait grand chose car c’était un étudiant en art qui apprenait les bases de l’animation des vétérans. Il était donc là à cette époque et maintenant, c’est lui qui dirige la maison ! Et je pense qu’il est plus proche de Woolie que des gens qui ont dirigé l’animation après lui, Peter Schneider ou encore Tom Schumacher. Eux étaient plus des managers que des artistes comme Woolie. Et ce que j’entends souvent dire, c’est que Lasseter est le premier créatif à Disney Feature Animation depuis Woolie. Bien sûr, d’aucuns penseront à Walt. Mais le fait est que Woolie, quoi qu’on puisse dire de ses choix (il avait comme tout le monde ses points forts et ses points faibles), était indéniablement un artiste. Et John Lasseter est lui aussi un artiste. Cela faisait 26 ans que le chef de la division n’était plus un animateur et je pense que c’est ce qu’il faut retenir. Pour moi, ce qui fait la force de Pixar, c’est que leur méthode de travail a toujours été proche de la méthode Disney traditionnelle. Les gens comme Jeffrey Katzenberg et Michael Eisner travaillaient de façon plus structurée, par scénario (avec les risques de « formules » répétitives que cela sous-entend), tandis que les gens de Pixar étaient plus ouverts et faisaient venir les idées de toutes parts, comme Woolie le faisait.

Ce serait donc un retour aux sources ?
Maintenant, les deux méthodes coexistent, celle-ci et l’approche plus scénaristique. Cette dernière consiste à écrire tout un scénario avant de commencer à storyboarder. C’est la méthode qui a été choisie pour The Frog Princess. La méthode « traditionnelle » est plutôt utilisée pour Rapunzel et American Dog. C’est une approche qui remonte aux années 30. Comme je vous le disais au début de cet entretien, à cette époque, on n’écrivait pas de scénario d’un bloc. On écrivait des morceaux d’histoire. Le réalisateur, Woolie pour ce que j’en sais, partait d’une idée de personnage et l’on se mettait en groupe pour écrire une scène qui pourrait l’incarner. Puis le réalisateur mettait tout cela en pièce et nous récrivions, récrivions et recrivions encore. Il avait également un petit traitement de quelques pages développé durant nos sessions avec les bribes d’une histoire et il le confiait à ses artistes de storyboard, Vance Gerry, Dave Michener, Ted Berman. Parfois il s’agissait simplement de quelques lignes et ce n’était pas forcément l’histoire entière, seulement une séquence. A partir de là, ils pouvaient faire des changements, développer et inventer visuellement les détails de cette séquence. C’est la façon dont Walt procédait, la façon dont Woolie procédait, et quelques fois la façon dont John Lasseter procède. Walt développait ses histoires en compagnie du réalisateur et des créateurs. Il était celui qui orchestrait tout le développement des personnages, morceaux par morceaux, à travers des gags et des dialogues développés par ses story artists, celui qui rassemblait tous ces fils pour ne faire plus qu’une seule et même trame cohérente. C’était un processus très collaboratif dans la mesure où, lorsque cela fonctionnait bien, cela ne venait strictement pas d’un scénario linéaire mais plutôt d’un squelette alimenté par les idées de toutes sortes de gens. Et c’est un processus que l’on retrouve aujourd’hui. Que ce soit Disney ou Pixar, ce sont désormais les branches d’un même arbre dont les racines remontent de nouveau jusqu’à Walt.

Avec tous nos remerciements à Didier Ghez (Walt's People)

vendredi, avril 13, 2007

"ALPHABET YOU ARE" A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le show director Emmanuel Lenormand

Dix lettres, dix nouveaux personnages : c'est le concept intrigant du tout nouveau spectacle de Disneyland Resort Paris qui vient animer les matinées de Main Street en ce 15e anniversaire.
Un show insolite qui en a surpris plus d'un et que l'on doit à l'imagination bouillonnante du show director (metteur en scène) Emmanuel Lenormand (Festival Halloween, Starring Cruella DeVil, le Carnaval des Enfants, Lilo & Stitch surfent sur la vague, etc).
C'est avec plaisir que nous le retrouvons dans nos colonnes pour nous parler de sa conception de ce spectacle débordant d'énergie et de fantaisie, à la fois délicieusement "régressif et éminemment contemporain" (1)

Comment avez-vous créé Alphabet You Are ?
On m’avait demandé de créer un événement dans Main Street le matin ; quelque chose de complètement nouveau, de complètement ludique. En plus, normalement, lorsqu’on crée un spectacle, on a l’idée, puis on fait les auditions et on trouve les artistes. Là, ce fut un peu le contraire dans la mesure où nous avions les artistes puisque c’est toute l’équipe des marionnettistes et d’échassiers de la Parade des Rêves Disney, recrutée sur audition et formée par nos soins pour la parade. Il était hors de question de mettre ces gens dans d’autres rôles car ils avaient ce talent, et il m’incombait alors la lourde tâche d’être original dans ce contexte ! Je me suis mis à la recherche d’une idée, mais je ne trouvais rien. Et puis un jour, je suis allé me balader à Emporium pour voir le merchandising. Là, je suis tombé sur un T-Shirt où il y avait écrit 2007 avec des chiffres aux couleurs et aux attributs de Mickey, Dingo, Donald et Daisy. C’était en octobre de l’année dernière. C’est alors que j’ai eu le déclic et je me suis dit que je pouvais écrire le mot Disneyland avec l’écriture de Walt. Ce serait des lettres géantes et chaque lettre serait une évocation de l’un de nos VIP Disney. Après, j’ai cherché un nom. Je suis parti sur « alphabet », puis je me suis souvenu de l’expression américaine « I bet you are ! » et le jeu de mot était trouvé !

Le résultat est à la fois drôle et impressionnant !
En effet. Ce sont des lettres énormes, magiques, et nous avons travaillé une chorégraphie très drôle. Mon idée de concept c’était qu’au début on ne comprend pas trop ce qui se passe, on voit plein de grosses formes, puis on s’aperçoit que les lettres forment progressivement le mot « Disneyland » dans la rue, en géant, puisque certaines lettres atteignent 2,80 mètres de haut. Ce qui est également amusant, c’est qu’il y a des choses qui bougent sur chaque lettre.


Comment avez-vous structuré ce « Disneyland » insolite ?
Un peu comme pour un numéro de music-hall, les deux « d » fonctionnent comme une ouverture et un final, comme un générique et portent le logo du 15e anniversaire. Et au milieu, j’ai attribué chaque lettre à un de nos personnages préférés. Le « i », c’est Dingo avec ses couleurs, orange et bleu, avec un gros point qui tourne au dessus de sa tête, et sur le point le chapeau de Dingo. Le « s », c’est Daisy, avec de gros jupons à la base, tout en rose –les petites filles vont adorer car c’est un magnifique tissu brillant !- et un gros nœud rose au dessus de la tête. Ensuite, il y a deux « n » dans Disneyland, donc j’ai pensé tout naturellement à Tic & Tac. Les deux lettres sont toutes en fourrure en deux tons, avec les oreilles qui bougent et leur nez caractéristique. Le « e », c’est Donald, avec une base en grosses plumes et la petite veste de marin. Le « y », c’est notre chef à tous, Mickey Mouse, avec sa culotte rouge à gros points jaunes et les oreilles qui bougent. Minnie est à côté de lui, c’est le « l », et on la reconnaît grâce à son tissu à points blancs sur fond rouge, avec les oreilles qui bougent aussi. Et finalement Pluto, aux oreilles également mobiles, qui se trompe tout le temps dans la chorégraphie.

Comment avez-vous conçu l’aspect « marionnette » de ces lettres ?
Il faut dire que nous avons des spécialistes ici à Disneyland Resort Paris au niveau de nos ateliers déco, avec une grande expérience autour du Carnaval des Enfants, d’Animagique ou du spectacle La Légende du Roi Lion. Nos spécialistes nous ont indiqués les meilleurs moyens pour pouvoir actionner dans les meilleures conditions. Nous avions commencé tout doucement en la matière sur le spectacle de Winnie l’Ourson avec Gopher et aujourd’hui on peut considérer que le parc a développé une véritable expertise dans ce domaine, comme on peut le voir sur la Parade des Rêves Disney, où l’on peut voir beaucoup de choses bouger de façon beaucoup plus agréable qu’avec des mécanismes électriques. Sur Alphabet You Are, ce ne sont pas de grandes animations, mais cela apporte un plus indéniable au spectacle.

Comment avez-vous monté un spectacle à partir de là ?
Je suis parti en travaillant sur papier ou sur tableau blanc avec mon assistance, Christine. Nous sommes partis sur des dessins et des schémas. Tout cela n’est que théorique au début car nous n’avions pas les lettres devant nous, mais nous avons imaginé à partir de rien la façon dont ces lettres pouvaient arriver, se croiser, etc. Après, il fallait prendre en compte que le mot « Disneyland » devait pouvoir être lu par tous les gens qui arrivent le matin dans le parc, où qu’ils se trouvent sur Main Street, à droite, à gauche, etc. Ensuite, nous avons commencé les répétitions en extérieur et nous nous sommes rendu compte, comme cela arrive souvent, que les chorégraphies conçues sur papier étaient trop difficiles pour ces lettres géantes. Nous avons donc beaucoup adapté, fait différentes expériences afin de voir comment lire au mieux le mot. Il faut savoir que Main Street est large, mais pas tant que cela : 9 mètres. Avec 10 lettres d’un mètre de large en moyenne, on ne pouvait donc pas tenir en large et il a fallu trouver d’autres solutions. Nous avons donc travaille sur les diagonales et sur la profondeur. Enfin, nous avons fait les répétitions de nuit pour tout mettre définitivement au point et je crois qu’on pourra faire des photos sympas avec ce mot, les bannières et le Château dans le fond !

Le mot se déplace également le long de Main Street.
Exactement. Il sort à côté de Gibson Girl pour descendre jusqu’à Emporium avant une rencontre de 7-8 minutes avec les visiteurs. L’idée était aussi de permettre aux visiteurs de se faire photographier avec leur lettre. Par exemple, je m’appelle Emmanuel et je vais essayer de me faire prendre en photo avec le « e ». Idem pour les Sophie, les Alexandre, etc. Je me suis dit que ce serait amusant.

Les marionnettistes de la Parade des Rêves Disney se sont donc faits danseurs pour l’occasion.
C’est vrai, à la nuance près qu’on ne pouvait pas faire grand-chose en chorégraphie car les lettres sont tellement énormes qu’il a fallu se concentrer plutôt sur les déplacements. Elles n’ont pas de bras et pas de tête ; ce n’est qu’un bloc. Nous avons donc joué sur l’écriture, sur l’alphabet, en dehors de certains mouvements de pieds. Pour le reste, les marionnettistes ont fort à faire à l’intérieur pour actionner les oreilles, le point du « i », les « nœuds », etc. Par exemple, Donald peut saluer les gens en faisant bouger son béret et Tic & Tac ont le nez qui court tout le long du corps, etc. Il n’y avait pas un énorme choix au niveau de la chorégraphie.



Qui dit spectacle, dit musique…
En effet, et ce fut une mission importante que de trouver une musique pour accompagner ce spectacle original. Au début, j’étais parti sur l’idée de réutiliser quelque chose d’existant, puis je me suis dit que c’était toujours très agréable de créer. J’ai donc repris l’un des plus grands standards de Disney, la Mickey Mouse March, et j’ai écris de nouvelles paroles dessus. J’ai eu la chance d’avoir l’accord des Etats-Unis pour le faire. Pour nous, ce n’est plus « M-I-C-K-E-Y M-O-U-S-E », mais « D-I-S-N-E-Y-L-A-N-D ». J’ai donc écrit toutes les paroles qui vont avec cela en Français et en Anglais. De plus, cette chanson est chantée par des chœurs d’enfants et nous avons eu le plaisir d’accueillir une nouvelle fois la Maîtrise des Hauts-de-Seine dans nos studios pour renouer avec l’esprit du Disney Club. Je trouve ainsi que, chanté par des enfants, cela passe encore mieux. J’ai voulu que les enfants crient, rigolent et apportent une ambiance de fête. Plus largement, l’ensemble de la musique est un medley dans lequel on retrouve outre la Mickey Mouse March, Il En Faut Peu Pour Être Heureux, Heigh-Ho et Following… the Letters (au lieu de "Leader" dans la chanson originale de Peter Pan). Il y a même une surprise après pour les ados car nous avons fait un rap avec toutes ces lettres avec un artiste américain. Sur le plan orchestral, Vasile Sirli est parti à Budapest pour enregistrer avec l’orchestre et avec une chanteuse qu’il connaît, afin de soutenir les voix des enfants. Cette dernière nous avait fait la show tape demo et on la retrouve ainsi dans la version finale. C’est une musique très positive car j’ai vraiment voulu que les gens puissent danser, taper dans leurs mains, être dans une ambiance de fête dès le matin !

La fête dès le matin : c’est ce que vous vouliez transmettre à travers ce spectacle ?
Dans l’idée, c’est vraiment : suivez les lettres, entrez dans la folie, venez découvrir Main Street telle qu’elle n’avait jamais été, venez danser avec ces nouveaux personnages !

Il s’agit vraiment d’un spectacle d’un genre totalement nouveau pour les parcs Disney !
Absolument. Je suis assez fier de cette idée. En tant que metteur en scène, ma mission, c’est de créer des idées nouvelles, et je pense qu’avec Alphabet You Are, je suis au mieux de ma forme ! Dans toutes les présentations, c’est un spectacle qui a marqué les gens car on n’avait jamais vu quelque chose comme cela. Ces lettres, c’est presque une nouvelle série de personnages dans le Royaume Magique.



Je crois savoir que votre créativité ne s’arrête pas à Disneyland Resort Paris.
En effet, j’ai écrit un spectacle, une comédie musicale appelée Jusqu’Aux Dents, avec 16 chansons. Ce spectacle a été élu Meilleur Spectacle Musical en cours de création au festival des Musicales de Bézier. Nous avons passé Jusqu’Aux Dents en lecture et nous avons gagné ! Je n’en croyais pas mes yeux ! Nous allons le donner à Paris, lors du Festival des Découvertes cet été. Je suis donc en train de monter ce spectacle d’une heure et demie en plus de ce que je fais pour Disney.

Nous en reparlerons avec plaisir !

(1) Citation de : Plume Bleue (DCP), ainsi que photos 3 et 4. Avec tous nos remerciements.

mercredi, avril 11, 2007

LE SECRET DE TERABITHIA : Entretien avec le compositeur Aaron Zigman

Media Magic vous invite aujourd’hui à un entretien exceptionnel avec le compositeur du Secret de Térabithia, Aaron Zigman.
En tant que compositeur de musique de film, il a signé sa première musique de long métrage en 2001 avec John Q de Nick Cassavetes. Il a ensuite composé les musiques de Fighting For Care de Laura Nix et Behind the Scenes of John Q. Il a retrouvé Nick Cassavetes sur N’oublie Jamais, et dernièrement sur Alpha Dog. Il a aussi composé la musique de Raise Your Voice de Sean McNamara, The Wendell Baker Story d’Andrew et Luke Wilson, Dance With Me de Liz Friedlander, In The Mix de Ron Underwood, Sexy Dance de Anne Fletcher, et plus récemment Flicka de Michael Mayer, 10th & The Wolf de Bobby Moresco, ATL de Chris Robinson, Akeelah and the Bee de Doug Atchison et The Virgin of Juarez de Kevin James Dobson.
Mais il a commencé bien plus tôt dans la musique, en tant que producteur, arrangeur et compositeur pour des artistes comme Christina Aguilera, Seal, Aretha Franklin, Oleta Adams, Phil Collins, Tina Turner, Patti Labelle, Chicago, The Jets, Nona Gaye, Carly Simon, les Pointer Sisters, Huey Lewis, Dionne Warwick et Jennifer Holiday. Il a collaboré à la musique des films Buster de David Green, Tina de Brian Gibson, The Birdcage de Mike Nichols, Permis de Tuer de John Glen, Fame d’Alan Parker et des films d’animation Mulan et Pocahontas.
Aaron Zigman a composé par ailleurs plusieurs pièces pour orchestres symphoniques, dont un poème musical en cinq mouvements en hommage à Yitzhak Rabin, joué par le Los Angeles Jewish Symphony. L’USC Symphony Orchestra a récemment joué Impressions, une suite pour instruments à vent.
Avec Le Secret de Térabithia, il signe une partition à la fois spectaculaire et sensible, impressionnante et touchante. C’est avec grand plaisir que nous l’accueillons dans nos colonnes.


Le Secret de Térabithia n’est pas votre première collaboration avec Disney.
J’ai travaillé en tant qu’orchestrateur sur Mulan. Le compositeur était Jerry Goldsmith, disparu il y a peu, et qui était l’un de mes compositeurs préférés. Pour ce film, j’ai arrangé et orchestré la version finale de Reflection de David Zippel pour Christina Aguilera, une chanson qui a participé à lancer sa carrière. J’ai aussi participé à Pocahontas en arrangeant pour Alan Menken la chanson If I Never Knew You en version pop. J’ai repris ses arrangements orchestraux et les ai reconstruits pour la chanteuse Shanice. Enfin, j’ai également participé en tant que pianiste à l’enregistrement de la chanson I’ll Try avec Jonatha Brooke pour Peter Pan 2 : Retour au Pays Imaginaire. Avec Le Secret de Térabithia, je signais ma première partition en tant que compositeur pour Disney !


Le réalisateur du film, Gabor Csupo, nous a confié qu’il vous avait choisi notamment parce qu’il avait été séduit par votre enthousiasme par rapport à ce projet.
J’avais lu le livre il y a longtemps et j’y ai toujours été attaché. J’aime beaucoup tout ce qui est « fantasy ». Mais plus encore, ce film associait un univers imaginaire à la réalité, au drame d’une famille qui rencontre un certain nombre de problèmes. Cela devait faire une partition particulièrement intéressante de par l’imbrication des deux univers. Dans mon métier, je n’arrête pas de faire l’aller-retour entre différents styles, entre le classique et le moderne, et le fait d’avoir à réunir tout cela dans un seul film était un défi passionnant ! Tout cela a fait que je me suis tout de suite senti très proche de ce projet, très désireux d’y participer et de m’y investir.

Comment cette association entre l’ancien et le moderne s’est-elle traduite dans votre partition ?
Gabor ne voulait pas d’une partition orchestrale basique. Bien que ma musique soit majoritairement orchestrale, j’ai aussi utilisé un certain nombre d’éléments organiques et électroniques que j’appelle des « pulsations ». C’est ainsi que le thème de Térabithia est écrit dans une mesure à 6/8 et j’ai utilisé un hammer-dulcimer (photo), un cousin du cymbalum, pour apporter cette pulsation, souligner chaque changement d’harmonie et donner une sorte de rythme moderne en dessous d’une grande orchestration symphonique classique. Ce film m’a donc permis de faire des choses un peu atypiques, et c’est cela qui m’a plu.


On note également certaines touches « country ».
Il est vrai que j’ai utilisé le dobro ici ou là, avec des notes « americana » un peu à la Copland. C’était une façon de situer géographiquement le film en musique, mais pour moi, l’essentiel de ma partition est classique et mélodique. Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion de travailler sur des styles totalement différents et j’adore passer d’un style à un autre, du grand orchestre, avec The Battle, à la country, ou encore à l’ethnique (puisque j’ai également utilisé des instruments comme le duduk (photo), une flûte du Proche-Orient, pour les scènes à Térabithia), ou même le pop. Mais mes goûts me poussent vers la musique symphonique française et d’Europe de l’Est, et dès que j’en ai la possibilité, je me précipite sur ce style plutôt qu’un autre. C’est mon véritable langage.



Justement, Gabor Csupo nous a dit qu’il aimait beaucoup votre façon d’orchestrer.
Je dirai qu’en matière orchestrale, je suis de la vieille école, même si j’ai une grande expérience du milieu du disque, de la musique moderne. J’ai un lien très fort avec l’orchestre et mes modèles sont des figures comme Alex North (Un Tramway nommé Désir), Max Steiner (Casablanca, Autant en emporte le vent), Bernard Herrmann (le compositeur d’Alfred Hitchcock, Ennio Morricone. Ce sont tous des gens qui ont beaucoup de cœur, et cela transparaît dans leur musique. Et Gabor, tout comme moi, c’est ce que nous recherchons dans la musique. Pour moi, le plus important, c’est la mélodie. Je suis un compositeur de mélodies. J’aime aussi travailler sur l’enchevêtrement des voix dans l’orchestre. J’adore l’impressionnisme en musique. Je suis un grand admirateur de Maurice Ravel et Claude Debussy. Je crois que si ces artistes étaient encore vivants, ce serait eux qui composeraient de la musique de film. Pas nous !

Quelle était la taille de l’orchestre que vous avez utilisé ?
J’ai utilisé plusieurs tailles d’orchestre, allant de 80 à 105 musiciens.

Cette ampleur saute aux oreilles, notamment dans des pièces comme The Battle. Mais votre partition offre également des moments de grande intimité.
Absolument. Pour ces moments, j’ai réduit l’orchestre aux cordes, agrémentées de quelques bois et d’un piano solo. C’est une large palette, avec laquelle il fut très intéressant de jouer. Vous savez, au début, Gabor ne voulait pas tant d’orchestre. Lors de nos premiers entretiens, il désirait plutôt s’orienter vers quelque chose de plus moderne. Mais vers la fin de la production, il a admis que l’orchestre, à travers ce mélange délicat d’ancien et de moderne dont nous parlions tout à l’heure, pouvait mieux aider à raconter cette histoire.


Comment avez-vous traité les différences entre le monde réel et Térabithia ?
Le monde réel est marqué par cette intimité que nous évoquions, alors que les passages à Térabithia font appel au grand orchestre. Pour l’aspect «fantasy », ma palette était délibérément plus étendue.

Comment avez-vous utilisé le chœur ?
Le chœur apparaît tant dans le monde réel qu’à Térabithia. Il fait un peu le lien entre les deux, comme un souvenir.

Quelles sont les paroles qu’il chante ?
En fait, au départ, j’ai fait venir chez moi une chanteuse pour m’aider à écrire les paroles du chœur pour le générique d’ouverture, et elle m’a donné des paroles authentiquement celtiques. Puis je me suis retrouvé seul à imaginer les paroles des autres morceaux avec chœur, et je me suis dit que cela pourrait être intéressant d’inventer mon propre langage, un langage térabithien. Il n’y a pas de sens à ces paroles. Simplement, elles imitent les accents celtiques du premier chœur.

On trouve également beaucoup de piano dans votre partition. Quel est votre rapport à cet instrument ?
Je suis pianiste de formation. C’est vraiment mon instrument. Dès que je peux glisser un peu de piano dans une musique de film, je le fais ! C’est aussi moi qui joue les parties de piano de mes partitions.

Comment composez-vous ? Utilisez-vous le synthétiseur et l’ordinateur comme la plupart de vos collègues ?
Non, je compose toujours à la main, sur papier à musique. Ce n’est qu’ensuite que je passe à l’ordinateur pour faire mes démos pour les réalisateurs. Pour cela aussi, je suis de la vieille école !


Comment avez-vous écrit vos thèmes ?
Il y a d’abord le thème principal du film, le thème de Térabithia, celui que Bryan Adams a repris pour écrire la chanson A Place For Us. Je l’ai écrit un soir dans les studios de la Fox, pendant que je mixais une autre musique. Il était minuit. Je me suis rendu dans la salle où l’on avait enregistré l’orchestre. Il n’y avait plus qu’un piano au milieu de cette immense pièce. Je n’avais signé pour Le Secret de Térabithia que depuis peu de temps –une à deux semaines- et je n’avais pas encore écrit de thème. Je me suis donc assis au piano Steinway et je me suis mis à imaginer ces enfants, jouant dans le vent, entourés de toutes sortes de petites créatures magiques, dans un monde de fantasy. Et c’est venu tout seul ! Il y a aussi un thème romantique, quand Leslie et Jess se balancent à la corde pour passer la rivière. C’est un moment important car c’est là que Jess s’ouvre à de nouvelles idées et commence à apprécier Leslie. Je me suis donc dit qu’il fallait un thème qui unisse les deux enfants, et c’est ainsi qu’on le retrouve autour de la corde ou encore quand Prince Terrien fait son apparition. Il y a enfin le thème du Darkmaster, et un thème pour la tragédie qui frappe Leslie.

A travers votre musique, vous avez su apporter beaucoup d’humanité et de sensibilité à la fantasy.
C’est un compliment qui me touche beaucoup. J’essaie de mettre de l’humanité dans toutes mes musiques. Je n’ai jamais eu l’intention de révolutionner le genre « fantasy ». D’autres compositeurs ont pu le traiter tout aussi bien voire mieux que moi. Mais je pense que j’ai pu apporter à cet univers ma propre voix et que cette spécificité participe de rendre ce film unique et intemporel. Prenez le thème de Térabithia, ou le thème de la corde. J’ai voulu qu’ils donnent l’impression qu’ils auraient pu être écrits en même temps que le livre, dans les années 70, ou même il y a plus longtemps encore, il y a une centaine d’années. Il y a quelque chose d’universel et d’intemporel dans ce film, et je réagis à des musiques tout aussi intemporelles, des musiques anciennes. Peu importent les éléments modernes que vous mettez dans votre musique. Pour moi ce qui compte, c’est qu’elle vous touche. Et pour moi, le meilleur moyen d’y parvenir est de le faire à travers des mélodies. C’est ce que les gens retiennent, ce qui les émeut. En ce sens, j’estime n’avoir rien fait de mieux que mes collègues compositeurs sur le plan de l’écriture. J’y ai simplement mis tout mon cœur.


vendredi, avril 06, 2007

DISNEYLAND RESORT PARIS FÊTE SON 15e ANNIVERSAIRE : Entretien avec le show director Christophe Leclercq

Qui dit "anniversaire" dit "bougies". Mais quand on s'appelle Disneyland Resort Paris, on ne peut pas les souffler comme tout le monde.
C'est tout le talent du show director Christophe Leclercq que d'avoir apporté une vraie magie à l'illumination des 15 bougies du Château de la Belle au Bois Dormant tous les soirs de cette célébration. Sa Bougillumination est dores et déjà un classique, que ce soit dans sa version quotidienne ou dans sa version exceptionnelle, au soir du 31 mars, lors de l'événement presse retentissant qui a lancé la fête.
Laissons-nous guider par un artiste humain, magicien et visionnaire au coeur de cet anniversaire hors du commun.


Quel est le principe de la Bougillumination ou Candleabration?
L’idée générale est de fêter notre anniversaire et pour cela nous avons redécoré le Château de la Belle au Bois Dormant. Plusieurs statues à l’effigie des personnages Disney y ont été positionnées. Il y a là Mickey et Minnie portant le logo du 15e anniversaire, Lumière, Dumbo, Les Sept Nains, Riri, Fifi et Loulou, Le Chat Chafouin, Jiminy, Clochette, Dingo, Pluto, Daisy, Donald et Tic & Tac. L’ensemble est magnifique : à la place des flèches du Château, nous avons placé la plupart du temps des couronnes dorées dans lesquelles nous avons placé des personnages ou des familles de personnages, comme les Sept Nains, tenant une bougie. Nous avons ainsi voulu créer un événement exceptionnel pour l’illumination de ces quinze bougies. Pour ce faire, j’ai développé une cérémonie un peu dans l’esprit de la Cérémonie des Contes et Lumières de Noël.

Comment se déroule-t-elle ?
La scène centrale a été redécorée aux couleurs du 15e anniversaire : bleu, or et argent, avec des 15 partout. Comme pour la Cérémonie des Contes et Lumières, nos performers, nos danseurs et nos personnages vont sortir du Château de la Belle au Bois Dormant. C’est le moment où démarre une grande fanfare, assez royale, bien en rapport avec le Château, joué aux trompettes. Pour l’occasion, Vasile a développé une musique originale qu’il a enregistrée avec les 80 musiciens de l’orchestre de Budapest. L’idée est de présenter Mickey. Ce dernier va dire quelques mots de bienvenue à tout le monde, et tout de suite après la musique change et 5 porteurs de drapeaux vont descendre, accompagnés de 5 porteurs de rubans, des grandes perches de 2 mètres de haut, le tout aux couleurs du 15e anniversaire : bleu à liseré or pour les drapeaux, et pantalon blanc avec spencer bleu et col officier pour les costumes. L’idée est d’amener ces performers sur la scène pour un premier ballet avec les drapeaux. Ce qui est sympathique, c’est que sur une face des drapeaux, on a le logo du 15e et sur l’autre une lettre de « Happy Birthday ». J’ai donc voulu jouer là-dessus pour essayer de faire une inscription qui tournoie à 360° comme si on avait un prompteur devant nous. Tout d’un coup, on a le « h » qui passe devant nous, puis le « a », les deux « p », le « y », etc, pour former un mur de lettres souhaitant bon anniversaire sur la musique du film Peter Pan, Flying, qui m’a été suggérée par Vasile. C’est le moment où Mickey apparaît au centre de la scène. Les performers lâchent leur drapeau prennent tous un petit canotier.

A partir de là, ce n’est pas seulement une célébration, mais également un hommage à Paris, à l’instar de la nouvelle décoration des boutiques de Main Street.
En effet, puisque nous sommes à Disneyland Resort Paris. Pour ce faire, nous avons voulu être originaux. François Leroux a vraiment voulu que je parte dans un esprit avant-gardiste et contemporain. Vasile m’a écrit une musique qui n’a rien à voir avec les musiques Disney, très percussive, avec un instrument qui se rajoute aux autres au fur et à mesure que l’on avance dans la partition. Il y a d’abord les percussions, puis les trompettes, les violons, puis la guitare électrique. On se retrouve avec une musique vraiment très actuelle. L’idée est de faire un ballet avec Mickey et les 12 performers, un ballet complètement décalé dans le temps, quelque chose de très parisien et moderne à la fois, basé sur des tableaux visuels et des jeux sur les chapeaux. On travaille ainsi sur les bras, les gants blancs, le galon bleu des canotiers, et on essaie de faire des dessins avec les corps et les accessoires. Puis le ballet se termine, on laisse Mickey seul sur la scène tandis qu’il se retourne vers le Château sur une musique très magique et là une autre musique enchaîne pour l’illumination des 15 bougies l’une après l’autre.

Comment avez-vous mis en scène cette illumination ?
La lumière va monter progressivement jusqu’au sommet et au dernier moment, sur un nouveau changement musical basé sur des petites cloches, nous avons l’illumination des ailes de Clochette. En fait, pour ce dernier personnage, nous n’avons pas enlevé la dernière flèche du Château, mais au contraire nous lui avons ajouté un bras supplémentaire qui donne l’impression d’une girouette. Là, nous avons tout un système d’illumination des ailes de Clochette et de sa baguette magique, tout en leds –la technologie que nous avons utilisée pour le Château et les lampadaires à Noël. Et en plus, autour de la tour principale, nous avons positionné, en perçant le Château, un rail qui va aller jusqu’au sommet, et sur ce rail, nous avons installé plein de star flashes. L’ensemble donne un effet de poussière d’étoile qui va monter vers le haut du Château pour illuminer Clochette.


Puis vient le final.
Exactement. Juste après cela, Mickey, qui est sur scène, est rejoint par Minnie, qui trouve cela fantastique, merveilleux. Ce à quoi il lui répond : « Mais Minnie, c’est toi qui est fantastique ! », et Minnie invite ses amis Pluto, Dingo, Tic & Tac, Daisy et Donald à la rejoindre et on enchaîne sur la chanson de la parade du 15e anniversaire, Just Like We Dreamed It de Sunny Hilden. Or, il se trouve qu’il s’agit d’une musique très pop. J’ai donc demandé à ce que les personnages aient des instruments de musique : trompette, trombone, quatre caisses claires, guitare électrique, saxophone, pour qu’ils puissent faire un bœuf sur la scène centrale, dans un costume spécialement développé pour l’occasion par Sue Lecash.


Tout cela semble très spectaculaire !
Oui, mais en même temps, nous avons souhaité une cérémonie à taille humaine, à l’image de la décoration du Château, qui est tout le contraire de lourde et grossière. Prenez la statue de Clochette. Elle est toute en or et mesure 1,60 m. Rien de gigantesque.

D’où viennent les statues des personnages du Château ?
Elles ont été créées spécialement pour notre Château. Et en ce qui concerne le choix des personnages, beaucoup d’idées ont été lancée et c’est le comité exécutif de Disneyland® Resort Paris qui a finalement décidé de qui allait figurer sur le Château. Donc on a voulu prendre avant tout des gentils, et des icônes de notre parc, comme le Chat Chafouin pour Alice’s Curious Labyrinth ou encore Buzz pour la dernière attraction de Discoveryland. Nous avons aussi Riri, Fifi et Loulou. Ce ne sont pas des personnages que l’on voit beaucoup sur le parc, mais il se trouve que les enfants les apprécient beaucoup et que Donald et sa famille reviennent en force. On le retrouve de plus en plus dans les concepts alors qu’on l’avait presque oublié il y a quelques temps, tout comme Daisy. Il était l’icône des Walt Disney Studios ; il rejoint maintenant les VIP du parc Disneyland et vient de rajouter aux traditionnels Mickey, Minnie, Dingo, Pluto et Tic & Tac. Les canards sont de retour !


Les drapeaux de la Bougillumination semblent faire écho aux bannières de Main Street.
Tout-à-fait. J’ai un peu surfé sur la décoration du parc. Nous avions les superbes lampadaires de l’hiver et nous nous sommes demandés pourquoi ne pas les utiliser pour autre chose. D’énormes travaux avaient été faits dans Main Street pour pouvoir les avoir : il a fallu percer dans les trottoirs, au rythme d’un à deux trous par nuit, sans vraiment savoir ce qu’il y avait en-dessous. Ce fut assez délicat, cela s’est étalé sur plusieurs semaines, et finalement tout s’est bien passé. A partir de là, nous nous sommes dits : « on a ces magnifiques lampadaires dans la thématique de Main Street. Pourquoi ne pas les utiliser pour y accrocher une décoration, comme une bannière ? ». On a donc enlevé toutes les couronnes et les camais des princesses, ainsi que toutes les volutes avec les guirlandes bleues et blanches. On a remplacé tout cela par des globes, et on a adapté des tiges sur lesquelles vont s’intégrer les bannières. Ce qui est très joli, c’est que les bannières sont éclairées toute la journée avec des leds car leur scintillement est relativement puissant et visible même le jour. A partir de là, j’ai voulu jouer sur les lumières bleues et « Congo » du Château pour faire écho à cet ensemble. Imaginez Main Street illuminée dans les mêmes tons, le Château éclairé, les bougies scintillantes ainsi que les star flahes sur les toits qui viennent se substituer aux leds de Noël : c’est vraiment féérique.

La version de la Bougillumination présentée lors de l’événement presse du 31 mars était assez différente.
En effet. Elle est d’une certaine façon plus proche de mon idée de départ dans la mesure où j’avais imaginé que ce serait Lumière et non Mickey qui devait en être le Maître de Cérémonie. L’autre différence tenait au fait que la chorégraphie était ce soir plus complexe que celle présentée tous les jours et que, pour cela, j’ai fait appel à des danseurs professionnels venus de l’extérieur.

Une autre différence tient au fait que Clochette ne s’est pas seulement illuminée, elle a effectivement répandu sa Poussière de Fée sur le Château.
Ce fut un très bel effet que cette pluie de « Pixie Dust » qui tombe en tournoyant au gré du vent. Ce fut tellement merveilleux que nous avons décidé de le garder, au moins jusqu’au 12 avril. Après, nous verrons.


Pouvez-vous nous parler de ce sublime feu d’artifice du 31 mars ?
Ce fut en effet grandiose. Je me suis basé sur mon expérience sur Wishes pour le composer et j’ai travaillé avec le même pyrotechnicien. Déjà, Wishes était un challenge de taille car concevoir un tel spectacle basé sur la synchronisation parfaite entre les feux et la musique était unique en Europe. Là, nous n’avions pas le droit à l’erreur car il n’y avait pas de répétition. Nous avons donc procédé de la même manière. Je lui ai donné des indications de couleurs et de formes et il a entré les bombes correspondantes aux moments que je désirais sur son ProTools et a calculé tous les moments de lancements (car pour chaque top, il faut considérer le délai entre la mise à feu et l’explosion dans le ciel). Ensuite, il m’a présenté une démo en 3D de ce feu avec une vue aérienne du Château et des pas de tirs. Nous avons également présenté le projet à François Leroux, notre Vice-Président en charge des spectacles et il a trouvé cela hallucinant. Il faut dire que nous avons mis le paquet. Imaginez que pour un show de 9’ comme Wishes, nous utilisons 70 kg de poudre. Pour notre Bougillumination exceptionnelle, pour les 4’30 que dure la version longue de Just Like We Dreamed It, nous avons utilisé 450 kg de poudre ! Le tout réparti non pas seulement sur les deux pas de tir classiques situés sur les toits de Fantasyland, mais également dans un bunker situé sur le boulevard circulaire intérieur du parc, réservé aux « cast-members » (salariés de DLRP). Le résultat est un feu plus bruyant qu’à l’ordinaire, mais également plus haut dans la mesure où les fusées pouvaient atteindre cette fois les 50 mètres. Il a même fallu demander au commissariat de bloquer la circulation du boulevard extérieur, accessible au public, pendant un temps. Mais cela en valait vraiment la peine. Juste après le spectacle, j’ai été assailli par une foule de gens qui venaient me féliciter avec les larmes aux yeux. Même les responsables américains présents ont été impressionnés et ont pu vraiment apprécier le savoir-faire du parc français en matière de magie !

Lumière faisait un MC de grande classe !
Absolument. Nous l’avons positionné sur le Château car il fait vraiment partie de notre célébration. On le retrouve également à travers les quatre sculptures de Central Plaza ainsi que sur les bannières. Il incarnait tout l’esprit que nous voulions donner à notre fête : « Be Our Guest ». Je suis fier d’avoir été à l’origine de cette idée. Je l’ai suggéré à François Leroux alors qu’il cherchait une icône pour le 15e et je lui ai dit : « Pour moi, c’est Lumière. C’est le Maître de Cérémonie par excellence. » Voilà pourquoi il apparaît maintenant beaucoup sur les bannières et dans les publicités.

Pourquoi lui avoir préféré finalement Mickey pour la version classique ?
Lumière est déjà très présent en tant qu’icône du 15e anniversaire, que ce soit sur les bannières de Main Street ou sur le Château (c’est lui la première bougie qui s’allume). Il m’a semblé qu’il ferait un excellent guide pour l’ouverture des festivités, mais je voulais aussi ne pas oublier Mickey, qui nous offre une merveilleuse chorégraphie en compagnie de nos danseurs.

Vous évoquez votre projet initial. Quel était-il ?
J’étais vraiment parti sur l’idée de placer Lumière au centre de la Cérémonie quotidienne. Il me semblait que c’était un ambassadeur idéal pour la France et l’Europe. C’est déjà très net dans le dessin animé et si vous allez à Broadway pour voir la comédie musicale de la Belle et la Bête, vous noterez que Lumière parle anglais avec un accent français. Je l’ai vue également en espagnol à Madrid, et c’est la même chose. C’est toujours très marqué. Et pour faire écho à cette identité française, j’ai voulu que cette couleur soit bien présente sur la Bougillumination. La cérémonie devait commencer avec le bruit du vent puis la voix de Lumière disant « Be our guest », « c’est la fête », etc., dans toutes les langues européennes, comme un appel au public pour se rassembler. En plus du canotier, j’ai aussi voulu faire un hommage à Maurice Chevalier. J’avais même écrit une petite chanson pour Lumière, comme un clin d’œil à Paris, à travers ce personnage qui a cet accent de titi parisien. Vasile Sirli m’a dit : « on peut essayer, on va voir si ça marche. » Cela donnait : « toute ma flamme, tout mon bonheur / pour Panam, mais oui Madame ! » Il y avait 10 phrases comme cela et j’ai essayé de le faire chanter à Lumière. Finalement, cela n’a pas abouti et cela est retourné dans les tiroirs comme beaucoup d’autres idées. Mais qui sait, cela ressortira peut-être un jour dans un autre contexte…

La Bougillumination n’est pas votre seule contribution au 15e anniversaire.
En effet, je me suis également occupé du Petit Train des Personnages Disney, le Disney Characters Express. Vous vous souvenez du train de Dumbo de la Parade du Monde Merveilleux de Disney ? Eh bien, nous l’avons repris et complètement transformé. Toutes les références à Dumbo ont été retirées, ainsi que la cage du lion, la pompe à eau (on a gardé que le toit) ainsi que le wagon des girafes, et on en a fait trois plateformes très jolies, avec des structures, avec le logo du 15e au milieu et de petits drapeaux dorés. Nous l’avons totalement relooké : il est maintenant beaucoup plus magique, moins clownesque avec des tons bleus et blanc nacré pailleté et un grand ruban sur l’avant comme si le train était passé au travers et qu’il l’avait emmené avec lui. L’idée est d’amener les personnages sur Central Plaza. On sort à Town Square, on remonte Main Street, on se gare et les personnages descendent du train. Pour cela, j’ai adapté en français une chanson composée originellement pour Hong Kong, All Aboard !- tous à bord. Pour ce faire, je me suis fait aider par George Costa, le parolier attitré de Disney. Les personnages arrivent sur les plateformes sur une chorégraphie basée sur des mouvements de bras et de mains, accompagné de cinq performers habillés dans les costumes de la Bougillumination qui ouvrent l’espace devant le train en utilisant des sifflets. Ils portent tous un médaillon aux couleurs du 15e anniversaire. Il y a ainsi 20 minutes de set avec les personnages, puis le train a cinq minutes pour revenir.


C’est une rencontre originale avec les personnages, qui se transforme en véritable spectacle de rue.
Absolument. Non seulement ils viennent en « meet and greet » à la rencontre des visiteurs, mais ils sont également mis en scène et chorégraphiés. C’est l’association des deux qui donne son originalité à cet événement.


Comment vous sentez-vous maintenant que tout est lancé et bien lancé ?
Vidé ! Mais je suis ravi que tout ait commencé aussi bien. La fête est lancée, elle ne m’appartient plus. Elle appartient désormais à nos personnages, à nos artistes et à nos visiteurs…

Photos 4, 5 et 7 courtesy of dlrp-wishes.skyblog.com. Avec nos remerciements.