ROX & ROUKY EN DVD : Entretien avec l'auteur Steve Hulett
Tel est l'argument plein de promesses de rires et d'émotion de Rox & Rouky, le 29e chef-d'oeuvre des studios Disney, créé il y a tout juste 25 ans.
Comment êtes-vous devenu auteur pour Disney ?
J’ai une maîtrise d’anglais et une autre en histoire et j’ai pris des cours d’écriture, car cela m’a toujours intéressé. Or, après mes études, le gouvernement m’a réquisitionné pour deux ans dans la Navy. A mon retour, à l’automne 1976, j’ai postulé chez Disney car mon père, décédé deux ans auparavant, y avait travaillé de nombreuses années en tant que décorateur. Je suis donc rentré en tant qu’apprenti au département « histoire » et j’y ai passé dix ans. Pendant cette période, j’ai travaillé sur Catfish Bend, un film qui n’a jamais vu le jour, avec Ken Anderson, sur Rox & Rouky, Taram et le Chaudron Magique, Basil, Détective Privé et sur Oliver & Compagnie. J’ai quitté Disney et j’ai travaillé pour Filmation pendant deux ans avant de devenir agent pour le syndicat des animateurs. Au cours de ma carrière, j’ai donc passé neuf ans et demi chez Disney.
Comment se sont passés vos débuts chez Disney ?
J’ai été apprenti pendant trois mois avant d’être affecté à Rox & Rouky pendant trois à quatre mois. Puis j’ai travaillé avec Ken Anderson pendant six mois avant de retourner sur Rox & Rouky de fin 1977 à la sortie du film en 1981. J’ai commencé à écrire sous la supervision de Larry Clemmons jusqu’à ce qu’il parte à la retraite en 1978. C’était l’auteur principal de Disney depuis Livre de la Jungle et il m’a beaucoup marqué. Après son départ, nous avons gardé le contact jusqu’à sa disparition une douzaine d’années plus tard. A cette époque, nous travaillions sous la direction de Woolie Reitherman (photo, à gauche, avec Steve Hulett), pendant un an et demi.
Comment cela se passait-il ?
Nous avions deux façons de procéder. Il y avait des sessions de dialogues avec des acteurs. Nous faisions des essais et nous gardions les propos qui nous semblaient les meilleurs pour le film. Cela se passait dans le studio d’enregistrement de Disney. Nous aidions le réalisateur dans la cabine. Larry était là aussi, mais auprès des acteurs. Je me souviens d’enfants que nous auditionnions pour Rox et Rouky jeunes. Il avait un grand talent pour impulser les intonations qu’il souhaitait pour telle ou telle phrase. Ce qui n’était pas possible avec des adultes car les adultes n’aiment pas qu’on leur dise comment il faut faire et il est vrai que, la plupart du temps, le résultat est meilleur que ce que vous aviez imaginé. Au début, ce genre de session me plaisait bien, mais à la longue cela s’est révélé assez fatigant d’assister pendant des heures à ces prises. Autrement, nous avions des sessions de sept heures dans le bureau de Wollie pour écrire les histoires. Larry et moi écrivions des séquences en prenant beaucoup de notes. Puis nous récrivions encore et encore. Durant ces sessions, tout le monde lançait des idées et on prenait des notes que nous retravaillions semaine après semaine. Puis Wollie arrêtait cela pendant un temps, histoire de se pencher sur les progrès de l’animation et les « story reels ». Ce n’était pas un processus formel dans lequel tout est planifié. C’était quand Woolie passait. Il nous appelait ainsi que d’autres artistes, notamment de storyboard. Il nous disait : « qu’est-ce que vous avez à proposer ? » et la réunion commençait. Il y avait là Woolie, Mel Shaw, un ancien de Disney, Larry Clemmons, Frank Thomas et Ollie Johnston étaient souvent là eux aussi. Woolie demandait souvent beaucoup de réécritures et Ollie disait à un moment : « J’en ai assez. Je descends animer. » Rox & Rouky est intéressant dans la mesure où ce fut vraiment le dernier film des anciens avant leur départ à la retraite. Milt Kahl était déjà parti, mais pour les autres, y compris mon mentor, Larry, ils étaient chez Disney depuis les années 30. Ce fut donc le dernier film de l’arrière garde, et le premier de l’avant garde, avec l’arrivée de Glen Keane, le passage de Ron Clements de l’animation à l’histoire et les débuts de John Musker en tant que réalisateur.
Comment est venue l’idée d’adapter le roman de Daniel P. Mannix en dessin-animé ?
C’est Woolie qui a initié l’idée. Il avait un renard apprivoisé et je pense pour cette raison qu’il s’est senti en phase avec ce sujet. Bernard & Bianca n’était pas encore terminé que la production de Rox & Rouky a commencé. Lors de la première réunion à laquelle j’ai assité, Woolie nous a informé qu’il désirait que ce film coûte moins que Bernard & Bianca, dont le prix s’est monté à 7,5 millions de dollars. Il nous fallait donc trouver des moyens d’être efficaces sans dépenser. Ce qui est d’ailleurs amusant, quand on compare les prix actuels !
A quoi l’histoire ressemblait-elle au départ ?
A l’époque de Rox & Rouky, l’histoire de base n’était qu’un squelette et les choses changeaient perpétuellement. A la fin, Rox et Vixy devaient avoir des petits. Il a aussi été questions de bébés et d’un sauvetage. Cela venait du fait que Woolie arrivait avec des pistes toujours différentes qui restaient pendant un certain temps tandis que le reste de l’histoire se développait lui aussi, et on s’apercevait que telle scène n’allait plus et on la supprimait. Prenez les scènes entre Rox et Rouky bébés. Larry a réalisé de merveilleux enregistrements avec les enfants. Frank Thomas est tombé dessus, cela l’a touché et il est descendu dans son bureau pour développer des scènes à partir de cela. Il y a donc eu pas mal d’animation de faite avant même que l’histoire soit finalisée. La seule chose qui n’a jamais changé, c’est l’idée d’une amitié entre un chien de chasse et un renard.
Je me souviens tout particulièrement d’une séquence imaginée par Woolie tandis que Rox découvre la forêt. Ce devait être un véritable numéro comique chanté avec des échassiers, des grues. Woolie avait même tourné des scènes avec une vraie actrice pour les références et enregistré quelques dialogues. Ce qui s’est passé, c’est qu’à la moitié, voire aux deux-tiers de la production, Woolie a été en quelque sorte poussé vers la sortie. Ron Miller, le pdg de Disney à l’époque, voulait que le film soit développé par de nouvelles têtes et que Woolie se mette en retrait et se contente de donner des conseils. Or, dans la mesure où il travaillait toujours au studio, il était très difficile pour lui de se contenter de faire des remarques. Le fait est qu’au départ Art Stevens, qui avait à peu près le même âge que Woolie, était lui aussi réalisateur. Or, dans les faits, son travail tenait plus de l’assistant réalisateur. Il est donc allé voir la direction pour leur demander de l’aider à faire en sorte qu’il puisse prendre les décisions. Et comme Art détestait cette séquence avec les grues, il l’a supprimée. Pour ma part, j’ai toujours pensé que Woolie avait raison. Il y avait besoin d’une séquence forte au milieu du film. Peut-être que l’idée d’un ballet de grues n’était pas forcément la meilleure idée pour le faire, mais de toute façon Art l’a supprimé. Le résultat est que la première moitié du film est vraiment l’œuvre de Reitherman, ainsi que certaines choses de la fin. Parmi les autres idées supprimées, il y en avait une que nous, les petits jeunes, Earl Kress, Ron Clements, deux autres collègues et moi-même avions eue. Nous pensions que Chef devait mourir. Bien sûr, après l’accident sur le pont lors de la poursuite de Rox, Rouky en veut à son ami. Mais nous pensions que, dans les circonstances que vous pouvez voir dans le film, Rouky n’avait pas assez de motivation pour en vouloir à Rox et se venger. Nous avons donc essayé de convaincre Ron Miller qu’il serait bon de tuer Chef. Je pense encore aujourd’hui que cela en aurait fait un film bien meilleur. Il aurait été plus sombre et les motivations des personnages bien plus fortes. Disney avait tué l’un de ses personnages principaux dans Bambi, et l’a refait plus récemment dans Le Roi Lion. Mais Ron Miller a eu peur de le faire. Pour le reste, Art a fait des merveilles sur le début du film en matière d’ajout de textures, d’atmosphère, notamment à travers cette ouverture silencieuse. Et à la fin, Glen Keane a totalement refait le storyboard du combat contre l’ours. C’était une séquence qui était présente dans le film depuis longtemps, mais Glen l’a rendue beaucoup plus dynamique, puis l’a animée pour la rendre encore plus passionnante.
D’autres scènes furent supprimées en cours de production. Pouvez-vous nous en parler ?
Il y en a eu pas mal. Comme je vous le disais, Frank Thomas a travaillé à bon nombre de scènes impliquant Rox et Rouky bébés. Quant à Ollie Johnston, il a animé toute une séquence avec Chef déambulant autour de la maison avec sa jambe cassée. En général, on peut se permettre de couper des séquences crayonnées alors qu’on ne supprime que quelques secondes quand elles sont peintes. Beaucoup de séquences crayonnées ont été supprimées au début de la production car elles revêtaient davantage un côté expérimental, afin de définir les personnages. Cela arrive sur pratiquement tous les films. Ces tests au crayon ne correspondent plus à la direction que prend l’histoire et on les retire du film. Cela s’est encore passé récemment sur Bienvenue chez les Robinson. Beaucoup de choses ont dû être retravaillées à la suite de l’arrivée de John Lasseter, bien que la moitié de l’animation avait été faite. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille changer les équipes. C’est une étape très utile : on développe des scènes simplement pour les animer et voir comment les personnages peuvent être. La plupart du temps, ce n’est pas utilisable dans le film final car cela n’a pas grand chose à voir avec l’histoire.
Quelles furent les différences entre les méthodes de travail de Woolie Reitherman et celles d’Art Stevens ?
Art ne fut réalisateur que d’un seul film. Il a commencé à travailler en tant que tel sur Taram et le Chaudron Magique mais Disney a estimé que ce n’était pas la bonne personne. Sur Rox & Rouky, il ne menait pas de longues sessions de création d’histoire, à la différence de Woolie qui pouvait tenir très longtemps à travailler une scène, à expérimenter toutes sortes de choses. Nous pouvions passer jusqu’à cinq heures à réécrire des dialogues, assis autour de son bureau. Art ne procédait pas comme cela. Ses sessions étaient plus courtes. C’était un film de transition pour lui et pour les autres réalisateurs. Art est passé d’animateur à réalisateur, Ted Berman est passé de storyman à réalisateur et Rich était assistant réalisateur avant Rox & Rouky. Tous ces changements ont conduit à pas mal de conflits. Mais je dois dire que j’ai plutôt apprécié de travailler avec Art parce que je pense que les changements qu’il a faits étaient bons pour la plupart : l’aspect visuel du départ avec la maman renard laissant son bébé et s’enfuyant, l’ambiance générale…. Il était aussi bon pour développer les relations entre les personnages, même si je pense toujours que le milieu n’est pas aussi bon. Mais on ne discute pas le box-office, qui a dit que le film était un succès. Une autre différence est que Woolie aimait travailler avec beaucoup de monde à la fois, alors que Art préférait travailler avec de petits groupes.
Un autre événement majeur au studio fut le départ de Don Bluth.
Absolument. Il est parti à peu près aux trois quarts de la production de Rox & Rouky, ce qui a décalé la sortie du film d’un an à peu près. Son départ pour réaliser Brisby & Le Secret de Nimh a mis le département animation sens dessus dessous car il a emmené environ un tiers de l’équipe du film avec lui, et notamment John Pomeroy et Linda Miller, qui étaient des animateurs de grand talent. Tous avaient travaillé avec Don sur le court-métrage The Small One en 1978.
Quel était son rôle sur Rox & Rouky ?
En fait, il a réalisé et animé un certain nombre de séquences. Une grande partie de son animation fait toujours partie du film, notamment des scènes avec la Veuve Tartine. Il est arrivé en cours de route car il dirigeait auparavant l’animation de Peter & Elliott le Dragon. Il a travaillé pendant à peu près un an sur Rox & Rouky, mais cela ne le satisfaisait pas. Il voulait être son propre patron. De plus, il souhaitait être davantage impliqué dans l’écriture de l’histoire alors que les gens de Disney le voulaient plutôt dans l’animation. Le résultat est qu’en quittant Disney il a dirigé plus de longs-métrages d’animation que n’importe qui d’autre.
Pouvez-vous nous parler des débuts de Glen Keane, aujourd’hui réalisateur de Rapunzel ?
Rich et Glen ont eu des discussions assez serrées à propos du combat avec l’ours. Rich voulait aller dans un sens et Glen dans un autre. Ce fut une véritable lutte de pouvoir et c’est Glen qui l’a emporté. De fait, avec l’arrivée de Glen, beaucoup de choses ont changé pour cette séquence, même si peu de choses ont été coupées.
Comment expliquez-vous la discrétion des chansons dans ce Disney ?
Il devait y avoir cette chanson avec les grues chantant dans les marais. Je pense qu’il aurait été bon d’en mettre une là. Pour le reste, je ne me souviens même plus du nom des compositeurs des chansons. Il faut dire que nous n’avions plus de compositeurs à plein temps comme les frères Sherman pour imaginer des chansons à nous faire rêver. Rich a bien participé à une chanson, lui qui avait une Maîtrise de musique. Je me souviens également que la chanson de Big Mama sur l’éducation faisait partie des toutes premières chansons écrites pour le film et qu’elle était là depuis les débuts de la production.
Pouvez-vous nous parler du travail avec les voix originales de Rox et de Rouky , Mickey Rooney et Kurt Russel ?
Malgré les aléas de la production, ce fut un film agréable à faire, et notamment le travail avec les voix. Kurt Russel est arrivé assez tard, mais c’est un tel professionnel qu’il a enregistré la quasi totalité de sa partie en deux jours seulement. Au début, Disney avait pensé à Jackie Cooper (Perry White dans Superman, JN) mais il demandait trop d’argent. A la place, Mickey Rooney a su créer une présence très forte sur le film. Je me souviens également des bons moments passés avec Jack Albertson, la voix d’Amos Slade. Ce qui est amusant dans ce genre de sessions avec des artistes de ce niveau, c’est de venir avec vos dialogues et de les voir improviser et ajouter des choses. Je me souviens également d’une séquence qui devait impliquer Mickey Rooney et Pearl Bailey (Big Mama). C’était juste au moment où Art Stevens venait de reprendre les rennes de la production à la suite de Woolie. Nous avions enregistré les dialogues d’un des deux acteurs, mais pas de l’autre (je ne me souviens plus dans quel ordre) et Art voulait que nous réécrivions les dialogues qui n’avaient pas encore été enregistrés. Nous avons ainsi passé des moments sur les chapeaux de roues car l'autre acteur devait venir quelques jours plus tards. Le but du jeu était donc de réécrire les dialogues, mais pas trop car on ne pouvait plus toucher à ce qui avait déjà été enregistré. C’était un vrai casse-tête mathématique d’améliorer un dialogue en n’en touchant que la moitié ! Je me souviens assez bien de ces moments de folie ! Je sortais de la story room pour donner mes notes à la secrétaire, qui les tapait, les transmettait à Art, puis les dialogues revenaient pour de nouvelles transformations. Tout cela à une vitesse grand V.
Le fait est que, lorsqu’un film sur lequel vous avez travaillé sort, il s’est passé un voire deux ans, le temps d’animer, de peindre et de monter tout cela. Entre temps, vous avez participé à d’autres projets et vous avez presque oublié ce que vous avez fait sur ce film. A partir de là, c’est étonnant de voir un tel film et de se demander : «N’aurais-je pas travaillé là-dessus ? Cela me dit quelque chose ! » C’est presque comme si quelqu’un d’autre que vous l’avez fait. Je me souviens que j’avais tellement travaillé sur Rox & Rouky que je ne suis même pas allé à la projection pour la Première (uniquement au dîner !). Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai vu le film dans son entier. Mais, pour résumer, je dirai que, pour moi, le film fonctionne plutôt bien au début, le montage du milieu également, la fin est vraiment forte. J’ai simplement des problèmes avec le milieu du film. Mais j’ai fait tout ce que je pouvais pour changer les choses. Tant pis si cela n’a pas marché. J’ai davantage de problèmes avec Taram et le Chaudron Magique. Pour moi, c’est un film raté. J’y ai travaillé pendant deux ans avec Ron Clements, John Musker, Pete Young et Vance Gerry à peu près tout ce que nous y avions fait a été retiré du film. Il y a eu un important désaccord avec les réalisateurs, ce qui a conduit ces derniers à faire appel à une équipe d’auteurs totalement différente. Sur Rox & Rouky, j’avoue être assez content de ma contribution tant au niveau des dialogues que de la structure. Le film a été un gros succès, simplement, je pense qu’il aurait pu être encore plus important.
Cette époque est aussi celle de l’ascension de réalisateurs comme Steven Spielberg et George Lucas dont le succès s’est affirmé à travers des films davantage orientés vers les adolescents. Quelle était la position de Disney par rapport à cela ?
Vous savez, avant que j’arrive chez Disney, il y avait Robin des Bois, qui était très influencé par Butch Cassidy et le Kid. Puis il y a eu cette montée de Spielberg et Lucas. Tous les deux sont venus visiter les studios Disney et déjeuner avec les anciens, l’un en 1979, l’autre juste après Star Wars. Mais je ne me souviens pas que quiconque à Disney ne se préoccupe de ce nouveau marché. Ce n’était pas dans l’esprit des studios. En 1978, Woolie faisait toujours des films de la façon dont il les a toujours faits, et encore en 1979. Frank et Ollie étaient partis à la retraite, mais ils avaient encore un bureau à l’étage où ils écrivaient leur fameux livre The Illusion of Life. Ils y ont passé un an et demi à deux ans. Larry s’est retiré en 1979 et Woolie en 1981. De fait, entre 1976 et 1981, tous les artistes qui avaient débuté dans les années 30 étaient là et nous baignions encore dans cette ambiance. Et c’est justement cette association entre les jeunes (dont je faisais partie) et les anciens, beaucoup plus que pour Robin des Bois ou même Bernard & Bianca, que je retiendrai de Rox & Rouky. Pour moi, c’est le film du passage de flambeau.
Rox & Rouky témoigne d’une époque de changements importants au sein de l’animation Disney, un peu comme ce que nous vivons aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui est amusant, c’est que John Lasseter est arrivé au studio en 1979. Il n’a pas fait grand chose car c’était un étudiant en art qui apprenait les bases de l’animation des vétérans. Il était donc là à cette époque et maintenant, c’est lui qui dirige la maison ! Et je pense qu’il est plus proche de Woolie que des gens qui ont dirigé l’animation après lui, Peter Schneider ou encore Tom Schumacher. Eux étaient plus des managers que des artistes comme Woolie. Et ce que j’entends souvent dire, c’est que Lasseter est le premier créatif à Disney Feature Animation depuis Woolie. Bien sûr, d’aucuns penseront à Walt. Mais le fait est que Woolie, quoi qu’on puisse dire de ses choix (il avait comme tout le monde ses points forts et ses points faibles), était indéniablement un artiste. Et John Lasseter est lui aussi un artiste. Cela faisait 26 ans que le chef de la division n’était plus un animateur et je pense que c’est ce qu’il faut retenir. Pour moi, ce qui fait la force de Pixar, c’est que leur méthode de travail a toujours été proche de la méthode Disney traditionnelle. Les gens comme Jeffrey Katzenberg et Michael Eisner travaillaient de façon plus structurée, par scénario (avec les risques de « formules » répétitives que cela sous-entend), tandis que les gens de Pixar étaient plus ouverts et faisaient venir les idées de toutes parts, comme Woolie le faisait.
Ce serait donc un retour aux sources ?
Maintenant, les deux méthodes coexistent, celle-ci et l’approche plus scénaristique. Cette dernière consiste à écrire tout un scénario avant de commencer à storyboarder. C’est la méthode qui a été choisie pour The Frog Princess. La méthode « traditionnelle » est plutôt utilisée pour Rapunzel et American Dog. C’est une approche qui remonte aux années 30. Comme je vous le disais au début de cet entretien, à cette époque, on n’écrivait pas de scénario d’un bloc. On écrivait des morceaux d’histoire. Le réalisateur, Woolie pour ce que j’en sais, partait d’une idée de personnage et l’on se mettait en groupe pour écrire une scène qui pourrait l’incarner. Puis le réalisateur mettait tout cela en pièce et nous récrivions, récrivions et recrivions encore. Il avait également un petit traitement de quelques pages développé durant nos sessions avec les bribes d’une histoire et il le confiait à ses artistes de storyboard, Vance Gerry, Dave Michener, Ted Berman. Parfois il s’agissait simplement de quelques lignes et ce n’était pas forcément l’histoire entière, seulement une séquence. A partir de là, ils pouvaient faire des changements, développer et inventer visuellement les détails de cette séquence. C’est la façon dont Walt procédait, la façon dont Woolie procédait, et quelques fois la façon dont John Lasseter procède. Walt développait ses histoires en compagnie du réalisateur et des créateurs. Il était celui qui orchestrait tout le développement des personnages, morceaux par morceaux, à travers des gags et des dialogues développés par ses story artists, celui qui rassemblait tous ces fils pour ne faire plus qu’une seule et même trame cohérente. C’était un processus très collaboratif dans la mesure où, lorsque cela fonctionnait bien, cela ne venait strictement pas d’un scénario linéaire mais plutôt d’un squelette alimenté par les idées de toutes sortes de gens. Et c’est un processus que l’on retrouve aujourd’hui. Que ce soit Disney ou Pixar, ce sont désormais les branches d’un même arbre dont les racines remontent de nouveau jusqu’à Walt.
Avec tous nos remerciements à Didier Ghez (Walt's People)
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