PETER PAN 2 EN DVD : Entretien avec le compositeur Joel McNeely
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Pendant que j’étais au lycée, je me suis concentré sur mes études musicales à l’Interlochen Arts Academy, puis je suis allé à Miami, et enfin à l’Eastman School of Music de New York.L’ENFER BLANC (IRON WILL) (1994) fut mon tout premier grand film. J’étais vraiment terrifié ! J’ai écrit beaucoup de musique qui était très proche de la musique temporaire, et j’ai été finalement déçu de ne pas avoir eu le courage de prendre distance d’avec cette musique. Mais le studio aimait beaucoup cette musique temporaire. C’était un mélange de différentes pièces, notamment de Bruce Broughton et John Williams, et en tant que jeune compositeur débutant, j’étais terrifié à l’idée de m’en éloigner ! Mais d’un autre côté, cette expérience a été riche d’enseignements. J’ai quand même écrit une musique personnelle, et surtout ce fut le début d’une grande amitié avec le réalisateur, Charles Haid. Ce fut donc une expérience à la fois positive et négative. Après DARK ANGEL, j’ai voulu revenir à quelque chose de plus classique, de plus thématique. J’ai une formation de compositeur classique et c’est un aspect que je n’ai pas beaucoup utilisé dans DARK ANGEL.
Comment décririez-vous votre partition pour PETER PAN 2 ?
La musique de RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE repose sur quatre thèmes principaux et toute la partition est d’une façon ou d’une autre dérivée de ces thèmes. Elle fait également appel au style des musiques de film des années 40-50 comme celles d’Erich Wolfgang Korngold. Je voulais que cette partition sonne « à l’ancienne ». Les musiques de film que j’aime sont toutes inspirées de la musique classique européenne des 20e et 19e siècles. Les musiques de Korngold ou Rozsa sont directement issues de celles de Gustav Malher, et on peut même remonter jusqu’à Johannes Brahms. Il y a certes quelques sons électroniques ici ou là, mais je voulais avant tout une partition dans la tradition des classiques Disney. Disney a un répertoire tellement riche et tellement merveilleux de musiques de film que je ressentais cela comme une responsabilité, un devoir. Et lorsque j’en ai parlé avec les créateurs du film, nous sommes tous tombés d’accord sur le fait que cette partition devait être une musique orchestrale du plus haut niveau, et que nous devions nous amuser avec cela. J’étais particulièrement heureux, après toute cette musique électronique de DARK ANGEL, de retourner à mes racines.
Ces racines sont vraiment empreintes de magie.
Il y a beaucoup de magie dans ce film et je m’en suis simplement inspiré. J’ai voulu que la musique soit fidèle à la tradition de Peter Pan et qu’elle participe de donner de la vie à cette histoire. J’aime beaucoup cette partition et ce film. Le regard que je porte sur mon travail dépend du plaisir que j’y ai pris ; j’ai aimé chaque jour de travail et d’écriture sur ce film, et j’ai immensément apprécié l’enregistrement de cette musique. De plus, j’ai des enfants en bas âge et ils se sont beaucoup amusés à venir me voir travailler sur un film sans violence, dans lequel personne n’est tué. Ce fut un plaisir tant pour moi que pour eux ! En fait, j’écris toujours une musique dans l’optique de la diriger. Je sais exactement ce que je veux pour chaque scène et j’adore diriger. C’est une chose de mettre des informations sur une partition, mais l’interprétation est également donnée par la personne qui se trouve sur le podium. Par exemple, la seconde session d’enregistrement a eu lieu un mois après la première, dans la mesure où Disney devait auparavant finir l’animation. C’était début octobre, deux semaines seulement après les événements du 11 septembre et personne ne voulait prendre l’avion, personne ne voulait aller nulle part. Je ne suis donc pas retourné à Londres pour la session finale et il a fallu engager un nouveau chef d’orchestre. Ils ont donc trouvé sur place un excellent chef, qui a fait du très bon travail, mais ce n’est pas la même chose que si j’avais pu être là. Comme je vous l’ai dit, la partition est une chose, mais l’interprétation finale en est une autre, et il y a certains éléments que je voulais faire davantage ressortir dans ma direction que quelqu’un d’autre ne pouvait pas voir. C’est pour cela que je considère la direction d’orchestre comme très importante. Un autre élément très important est l’orchestre. Celui-ci a été fantastique et très énergique. La plupart du temps, on ne donne pas aux orchestres de partition stimulante, ce qui fait que, lorsqu’on leur en donne une, ils s’enthousiasment et s’investissent totalement. Le choix d’enregistrer en dehors des Etats-Unis vient de Disney, mais c’est moi qui ai demandé à le faire à Abbey Road, qui est pour moi le plus merveilleux de tous. J’adore ce studio !
Quel fut votre relation au film original et à sa musique ?
La musique d’Oliver Wallace pour le premier film est tout simplement remarquable. C’était très intimidant pour moi et je voulais que ma musique s’inscrive dans ce mouvement, s’élève au même niveau ; je ne voulais pas qu’elle soit une sorte de parent pauvre de l’original.Le fait d’avoir un nouveau thème pour Peter Pan associant le personnage à l’idée de vol fut le choix des créateurs du film. Ce fut une collaboration très étroite avec eux, en particulier avec Kevin Lima, qui a un excellent sens de la musique. Il savait exactement ce qu’il voulait, donnait son avis sur mes démos et m’indiquait les changements à faire. Il avait déjà entendu toute ma musique avant l’enregistrement avec l’orchestre. Nous avons voulu rendre hommage au film original au début et à la fin de RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE en citant les thèmes originaux, mais nous voulions également que le film ait sa propre intégrité à travers un matériel complètement nouveau. Je pense également que le retour, à la fin du film, de The Second Star to the Right n’en est que plus efficace. C’est un moment très émotionnel lorsque cette chanson magnifique revient. La décision de créer des thèmes entièrement nouveaux a donc été prise depuis départ de la production de la musique. Quant au thème du Capitaine Crochet, il est un peu plus menaçant que le thème original car le personnage lui-même a changé et est aussi plus menaçant. Et pour ce qui est des nouvelles chansons, j’ai envisagé plusieurs types de relations entre elles et la musique. Par exemple, One Of Us (Pour Être L’Un De Nous) se devait d’être intégré à la partition en tant que thème des Garçons Perdus, tandis que la chanson de Jonatha se devait d’être laissée telle quelle, notamment du fait qu’elle se distingue visuellement par un traitement de type ‘montage’.
Comment avez-vous traité le personnage de Jane ?
C’est un personnage en crise, qui tend vers un comportement d’adulte, et nous devions trouver un moyen de nuancer cela pour lui donner une dimension plus enfantine. Le lyrisme, en particulier dans le traitement musical de ce personnage, est ma façon d’essayer de l’adoucir. Je ne reprends pas le thème créé par Jonatha Brooke pour la chanson I’ll Try. Sa chanson se suffit à elle-même. Elle revient deux fois dans le film, à deux moments très spéciaux et je ne voulais pas prendre le risque de trop l’utiliser. Je voulais lui laisser sa propre intégrité. Le thème instrumental de Jane est ce que j’ai appelé le Home Theme, particulièrement présent à la fin du film. C’est là que réside le lyrisme dont je vous parlais. C’est moi qui ai voulu un tel thème. Le film tout entier parle du désir de retrouver son foyer et de redécouvrir ce que cela signifie. C’est ainsi que ce désir de rendre Jane plus enfantine est lié à l’idée de foyer, et chaque fois qu’elle songe aux choses qui sont importantes pour elle, le foyer est là, un thème particulièrement développé à la fin du film quand tous reviennent à Londres en volant.
Votre musique témoigne d’une écriture opulente !
Le contrepoint est un aspect de l’écriture très important pour moi. Les compositeurs que j’admire le plus sont de grands contrapuntistes, d’une façon ou d’une autre, à commencer par Jean-Sébastien Bach. J’adore cette complexité en musique, et c’est une façon pour moi de m’impliquer au maximum dans la musique que j’écris. J’essaie de toujours avoir des éléments contrapuntiques. C’est malheureusement quelque chose qu’on ne trouve plus que rarement en musique de film. C’est un exercice difficile. L’idée, c’est que la musique soutienne toujours le film. Le danger est d’avoir une musique si complexe qu’elle se substitue à l’action. C’est l’une de mes principales préoccupations. Chaque fois que je pense à quelque chose de complexe, j’y pense toujours à deux fois afin de m’assurer que je n’écris pas de la musique pour des raisons purement musicales, mais bien au service du film. Mais, généralement, l’animation permet particulièrement l’utilisation du contrepoint car c’est un genre qui demande une partition toujours très élaborée.
Comment s’est passée la production ?
J’ai commencé à écrire environ trois mois avant l’enregistrement de la musique. Au moment de l’enregistrement, la majeure partie du film était prête, mais il restait encore certaines séquences inachevées, en particulier le début du film (c’est la raison pour laquelle nous avons dû organiser une seconde session d’enregistrement).L’ouverture du film est en fait l’idée de Kevin Lima, le réalisateur de TARZAN. Il est arrivé avec l’idée de Clochette volant à travers les nuages et dessinant les formes des différents personnages du premier film, et chaque fois qu’un personnage apparaissait dans les nuages, on devait entendre son thème musical. C’est arrivé assez tard dans le processus de production. Kevin m’a donc demandé d’écrire la musique en premier. Ils étaient en train de travailler à l’animation, mais à ce moment, ils n’avaient rien d’autre à me montrer que des storyboards pour cette séquence. Kevin m’a donc dit ‘écris-nous la musique et nous créerons l’animation à partir de cette musique’. Ce fut particulièrement excitant ! RETOUR AU PAYS IMAGINAIRE a été l’une de mes expériences les plus excitantes. Ce fut un plaisir du début à la fin –ce qui n’est pas toujours le cas !
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