samedi, janvier 20, 2007

LEROY ET STITCH EN DVD : Entretien avec le compositeur JAC Redford


On connaît le formidable compositeur d’Oliver & Compagnie, ou même l’orchestrateur de James Horner (sur Stalingrad par exemple...), mais J.A.C. Redford est bien plus que cela. Musicien complet, on lui doit près de 80 musiques de films et de séries TV. Ajoutons une cinquantaine d’oeuvres classiques allant de l’air pour soliste à la symphonie en passant par l’oratorio et la musique de chambre, qui ont été interprétées par des ensembles prestigieux. Il est également le chef d’orchestre (il a dirigé entre autres La Petite Sirène et L’Etrange Noël de Mr. Jack), éditeur de musique, auteur du livre « Welcome All Wonders : A Composers Journey » (1997), dans lequel il parle de son parcours musical et spirituel, et collabore avec le comité musical de la fameuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences.
Son oeuvre pour Disney représente donc une seulement partie de son activité, mais elle est suffisamment riche pour que nous nous y intéressions de près. Oliver & Compagnie, Newsies, Les Petits Champions 2 et 3, George de la Jungle 2, et aujourd’hui Leroy & Stitch : autant de noms éloquents qui témoignent d’un travail de premier plan pour la maison de Mickey. L’oeuvre d’un maître, un poète, un artiste, qui brille autant par son talent et son éclectisme que par sa simplicité.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical ?
J’ai été élevé dans une famille d’artistes. Mon père est acteur et metteur en scène. Il a enseigné le théâtre à l’université de l’Utah pendant de nombreuses années. Quant à ma mère, elle est cantatrice, c’est une soprano. J’ai grandi en entendant de la musique symphonique, de l’opéra et de la musique de comédie musicale. C’est pourquoi la musique est venue tout naturellement à moi, en particulier la musique dramatique, du fait de cet héritage. J’ai suivi mes premiers cours de solfège au lycée. A cette époque, je jouais du trombone et avant tout du jazz. J’ai écrit ma première oeuvre à 16 ans et je n’ai jamais cessé d’écrire depuis. J’ai passé deux ans à l’université, puis j’ai laissé tomber parce que cela ne me correspondait pas. Par la suite, j’ai donc étudié par moi-même. J’ai appris la direction d’orchestre et le contrepoint, puis je suis venu à Los Angeles pour apprendre la musique de film avec différents compositeurs. J’ai travaillé en premier lieu pour la télévision. J’ai commencé avec des films éducatifs et des documentaires pour la télévision de l’Utah avant de venir à Los Angeles où ma première contribution pour la télévision nationale fut la musique de Starsky & Hutch. Cela fait à peu près 25 ans que je travaille dans la musique de film et de télévision. Pendant ce temps, j’ai également composé de la musique classique pour des ensembles de chambre, des ensembles chorals et le théâtre.


Comment le projet Leroy & Stitch a-t-il débuté pour vous ?
J’ai beaucoup travaillé pour Disney par le passé, et nous avons toujours eu d’excellents rapports, que ce soit avec Matt Walker, le vp de la musique pour Disney Toon Studios ou avec Monica Zierhut, qui s’occupe des musiques de films. C’est donc sur cette base qu’ils ont fait appel à moi.

Qu’est-ce qui vous a conduit à accepter cette proposition ?
Avant de démarrer sur Leroy & Stitch, je dois avouer que je ne connaissais rien de l’univers de Lilo & Stitch. Mais j’ai découvert que beaucoup d’enfants de mon entourage l’adoraient. De fait, je suis devenu en un instant une célébrité pour eux : quand ils ont appris que je participais au dernier Lilo & Stitch, ils n’en sont pas revenus ! J’ajoute que, dès que les gens de Disney m’ont présenté ce projet, je l’ai trouvé formidable. C’est un film d’animation –ce que j’adore- qui a en plus beaucoup de cœur. Il y avait beaucoup à faire sur les relations entre Lilo et ses amis, et entre Lilo et sa sœur. C’était aussi un film qui permettait de jouer sur deux tableaux très différents : des scènes grandioses et d’autres plus intimes. J’aime cette diversité. Ce fut un véritable défi que d’avoir à créer un thème qui puisse être varié de façons aussi opposées.

Quels sont les grands axes de votre partition ?
C’est une partition orchestrale, classique sur le plan formel, qui essaie d’apporter une dimension supplémentaire à cette histoire et à ces images, en fonctionnant comme une sorte de pont entre ce qui se passe à l’écran et les émotions du public. J’ai donc développé une approche très traditionnelle, qui ne fait que renforcer le contraste avec les chansons d’Elvis. Personne n’a d’ailleurs remis en question cet aspect traditionnel car c’est justement ce contraste qui nourrit le film.

Avec tous ces cuivres, et ces débordements de harpes, votre partition sonne vraiment comme un classique de la musique Disney.
Merci, c’est un grand compliment. Ce fut en effet mon intention de me rapprocher le plus possible de la grande tradition musicale de Disney. Les partitions de La Belle au Bois Dormant, de Blanche-Neige, de Pinocchio, ou encore de Cendrillon (dont j’ai dirigé un nouvel enregistrement pour Walt Disney Records en 1995) sont des musiques extraordinaires que j’ai toujours admirées. Je n’ai pas cherché à reproduire le son Disney per se, mais plutôt de renouer avec la sophistication de ces partitions. J’ai aussi cherché à composer une musique qui soit aussi sophistiquée que touchante sur le plan émotionnel.

Vous avez tenu à composer votre propre arrangement de Quand on prie la Bonne Etoile pour le logo Disney : une autre façon se rester fidèle à la tradition ?
J’ai fait cela car je voulais donner le même sentiment que les ouvertures des classiques Disney. A la différence que, dans la plupart des musiques du logo Disney, on ne peut entendre que la première phrase de la chanson et que j’avais assez de place pour me permettre d’en glisser deux avant de plonger dans le film. Je n’ai pas résisté à ce plaisir !



Comment avez-vous travaillé avec les trois créateurs du film, Tony Craig, Bob Gannaway et Jess Winfield ?
J’ai produit des maquettes pour tous les morceaux de la partition et ils faisaient des commentaires sur ces ébauches. Globalement, nous étions vraiment sur la même longueur d’onde, et de fait, je n’ai pas eu beaucoup de choses à réécrire. Leur courtoisie, leur respect de ma musique et leurs grandes qualités humaines ont fait qu’il était très facile de travailler avec eux. C’est toujours très appréciable quand on part pour un si long voyage ensemble. Nous avons vraiment passé de très bon moments ensemble.

Saviez-vous que Tony Craig jouait du cor ?
Oui, je le savais. J’aime beaucoup cet instrument moi-même, mais cette fois, c’était un peu particulier car chaque fois que j’écrivais une ligne de cor, je pensais à Tony !

Pouvez-vous nous parler des thèmes que vous avez utilisés ?
C’est un mélange de thèmes originaux que j’ai écrits pour ce film et de musique pré-existante, créée par Alan Silvestri pour le tout premier film. Les créateurs de Leroy & Stitch voulaient une continuité entre les différents films. Ce qui fait qu’à certains moments, la partition temporaire collait parfaitement à l’image et il suffisait de réutiliser la musique d’origine, alors qu’à d’autres moments, il a fallu soit la ré-arranger soit utiliser mes propres thèmes. Parmi ces thèmes, il y a celui de la cérémonie qui ouvre le film. C’est une grande marche, la première chose que j’ai écrite pour le film, que j’ai également utilisée dans des scènes plus intimes, notamment lorsque Lilo est découragée. J’ai conçu ce thème de telle sorte qu’il ait cette flexibilité qui permet de l’utiliser dans des situations aussi différentes.

A quel personnage ce thème se rapporte-t-il ?
Il ne s’agit pas d’un personnage en particulier, mais plutôt de l’unité, du lien qui unit les quatre personnages principaux. Il peut se rapporter tout aussi bien à l’unité gagnée qu’à l’unité perdue. Dans ces moments-là, je le passe dans le mode mineur. Je pense notamment à la scène dans laquelle Lilo souffre du fait que ses amis sont désormais loins d’elle. C’est donc un thème qui parle de ces quatre amis en tant que groupe. Lilo avait déjà un thème, celui composé par Alan Silvestri, ce qui fait que je n’avais pas à composer quelque chose de nouveau pour elle. Ce qui était nouveau, c’est cette relation que Lilo, Stitch, Jumba et Pleakley ont noué progressivement au cours de leurs aventures et qui culmine dans cet ultime épisode. Pour bien comprendre cela, les créateurs du film m’ont parlé de cette relation dans la série et les différents films, mais j’en ai encore plus appris auprès des enfants !

Comment avez-vous traité les méchants du film : le Dr. Jacques von Hamsterviel et ses comparses ?
Je voulais un thème qui soit une sorte de marche sardonique afin de souligner le côté factice de cette quête de pouvoir qui les anime et de leur assurance dans leur entreprise pour contrôler la galaxie. Ils se prennent vraiment au sérieux, et une partie de l’humour du film provient de l’ironie que la musique peut apporter à leur portrait. Hamsterviel est un personnage pompeux et ridicule à la fois, et la musique est là pour souligner ce trait. Comme pour le thème de l’unité, ce thème, que j’ai appelé « March of the idiots », n’est pas nécessairement le motif d’un seul personnage. C’est de nouveau un thème sur les relations entre les personnages, ici entre les méchants, et les circonstances qui les unissent. C’est une façon un peu différente d’utiliser les leitmotive, mais il m’a semblé que cela fonctionnait mieux ici, en fonction de l’histoire et des films qui l’ont précédée.

Le seul personnage a avoir son propre thème semble être Pleakley.
L’une des premières maquettes que j’ai soumises aux créateurs du film se rapportait à cette longue séquence dans laquelle chacun des héros retourne vers sa planète d’origine, loin de Lilo : Jumba retrouve son laboratoire, Stitch gagne son nouveau vaisseau, etc. A cet effet, j’ai voulu reprendre le thème de l’unité et l’adapter à chaque personnage tandis qu’il découvre ou redécouvre l’endroit où il va vivre désormais. Pleakley, lui, arrive dans son université, et il y a ce débalage de tous les avantages de sa nouvelle situation. La musique temporaire choisie par les réalisateurs pour cette séquence était A Holiday for Strings, c’est à dire une musique semblable à celle d’un jeu télévisé. C’était à mourir de rire. Je me suis alors demandé comment conserver cet humour, et l’associer au thème de l’unité. Ce que vous entendez finalement dans le film est une combinaison des deux, avec une musique dans le style de Holiday for Strings sur le dessus, et le thème de l’unité dessous, joué aux violoncelles. Or il se trouve que cette parodie fonctionnait tellement bien que je me suis dit que je pourrais l’utiliser en d’autres endroits en tant que thème de Pleakley, simplement en enlevant le thème de l’unité. Je l’ai un peu ralenti, je l’ai fait jouer sur différentes harmonies et le tour était joué !



Vos thèmes semblent très marqués par la musique classique.
Je ne me suis pas penché sur Pomp and Circumstance en particulier pour la cérémonie qui ouvre le film, mais à chaque fois qu’on traite ce genre de manifestation, on ne échapper à certaines références. En ce qui concerne la March of the Idiots, je dirai que mon inspiration principale, quand j’y réfléchis a posteriori, a été Prokofiev, car il a composé beaucoup de marches ironiques dans ce genre. Par contre, une des mes sources les plus objectives a été Star Wars. Vous savez, quand on compose pour un film de ce genre, se déroulant dans l’espace, on ne peut que rendre hommage à cette référence absolue. De fait, j’ai fait quelques clins d’œil humouristiques à la musique de John Williams ici et là. Il n’y a rien dans Leroy & Stitch qui tombe sous le coup d’un copyright. Il faut savoir que la partition de Star Wars s’inpire largement des Planètes de Gustav Holst, et j’ai suivi le même processus, sauf que je l’ai fait ici de façon ironique pour dépeindre Hamsterviel. Je n’aurais sans doute pas pu le faire dans un film dramatique, mais ce genre de comédie me l’a permis et je dois avouer que je me suis plaisir car je suis un très grand admirateur de John Williams.

Comment avez-vous abordé le personnage de Leroy ?
Leroy est un peu le jumeau maléfique de Stitch. C’est un personnage totalement fou, complètement incontrôlable. J’ai donc voulu que ma musique soit aussi folle, sans jamais sonner dangereuse. N’oublions pas qu’il s’agit avant tout d’une comédie pour les enfants. J’ai donc conduit les choses aussi loin que possible, mais sans jamais dépasser une certaine limite.

Comment les références à la partition du Lilo & Stitch original ont elles été élaborées ?
Les producteurs m’ont demandé d’utiliser certains extraits de cette musique en certains endroit bien spécifiques. Disney m’a donc fourni la partition originale, ainsi que l’autorisation d’utiliser tout ce que je voulais de cette musique. Je n’ai jamais parlé directement avec Alan Silvestri ; tout s’est passé via Disney.

Mike Tavera est aussi crédité dans le générique de fin.
C’est le compositeur de Stitch : le film ainsi que de la majeure partie de la série télé. Après la scène de la bataille finale, les créateurs du film avaient choisi un extrait de Stitch : le film dans leur partition temporaire et ils m’ont demandé de le réutiliser dans la version finale, car ils souhaitaient faire une allusion à toutes les musiques de la saga. Mais surtout, lorsque toute la maquette de la scène du stade avec toutes les expériences a été conçue, ils m’ont fait savoir qu’ils n’étaient finalement pas sûr de l’utiliser dans leur film. C’était quasiment le dernier morceau de la production et il ne me restait plus beaucoup de temps pour recomposer quelque chose. C’est alors que les créateurs du film ont suggéré de demander à Mike Tavera de composer une musique selon une approche totalement différente de la mienne, de sorte qu’ils puissent choisir entre les deux. Ce fut une situation quelque peu « inhabituelle » de travailler, même si je comprends les raisons de timing qui les ont poussés à agir de la sorte. Nous avons donc enregistré les deux versions de la bataille finale, et c’est celle de Mike qui a finalement été choisie pour le film.

Avez-vous été en contact d’une façon ou d’une autre avec Mike Tavera ?
Nous nous sommes parlés au téléphone. C’était une situation assez délicate. J’aurais pu en prendre offense. Mais j’ai pris le parti de mettre mon ego de côté, et d’essayer de servir le film autant que possible. J’en ai donc parlé avec Mike. Nous étions aussi embarrassés l’un que l’autre. Nous avons dépassé tout cela, il n’y a jamais eu de sentiment négatifs entre nous et tout s’est bien terminé.

Pouvez-vous nous parler de la musique de la séquence de montage : la citation du générique d’Hawaï Police d’Etat ?
Pour cela, j’ai fait appel à un arrangeur extérieur car j’avais déjà fort à faire avec la partition originale. Nous avions besoin que cette version soit la copie exacte de la version originale, que nous avons enregistrée en commençant par les percussions. Les créateurs du film ont précisément minuté leur montage à partir de la musique de la série, et le résultat est irrésistible !



Comment se fait-il que vous avez enregistré votre partition avec l’orchestre philharmonique de Prague ?
Tout simplement parce qu’on m’a dit que c’était ainsi que cela devrait se passer ! (rires) Il y a fort à penser que cela a été décidé pour des raisons de budget, mais mon sentiment est qu’il y a eu tout un faisceau de raisons pour lesquelles Disney a envisagé d’enregistrer la partition à l’étranger. Et finalement, peu importe, car les choses se sont très bien passées. C’est un orchestre qui a fait beaucoup de progrès depuis qu’il travaille dans le milieu du cinéma, et ses musiciens ont fait du très beau travail.

Comment se sont passés les enregistrements ?
Je suis allé à Prague pour cela. Mais je n’ai pas dirigé l’orchestre, comme je le fais d’habitude. Ils ont un chef d’orchestre local qui est vraiment remarquable, et pour une fois, je me suis dit que je serais mieux en cabine pour faire mes commentaires. J’adore diriger des orchestres, mais dans la mesure où il n’était pas possible de communiquer directement avec les musiciens pour des raisons de langue, il était plus facile de ne parler qu’au chef, qui parlait très bien l’anglais, pour transmettre mes consignes. Je garde un excellent souvenir de Prague. Nous enregistrions l’après-midi et le soir, ce qui nous a permis à mon épouse et moi de profiter de cette ville magnifique. Nous avons visité le quartier juif, le château, etc. C’était merveilleux. J’aimerais ajouter une chose importante pour moi. La partition de Leroy & Stitch a été enregistrée par John Timperley, qui est depuis décédé d’une leucémie. C’était un ingénieur du son anglais qui avait enregistré un grand nombre de musiques classiques. Ce fut un honneur de travailler avec lui, et une grande tristesse quand il nous a quittés. Il a vraiment fait en sorte que cette musique sonne de façon fantastique. Après les enregistrements, nous avons quelques jours dans son studio, dans les faubourgs de Londres. Vous savez, mixer une musique, c’est à 90% fastidieux (l’occasion pour moi de faire des mots croisés entre les différentes décisions artistiques que je dois prendre), et à 10% une vraie terreur. Et John est parvenu à rendre ces moments très agréables. C’est une grand perte.

Pouvez-vous nous parler de vos dernières productions ?
Il y a surtout One Night with the King, un film de Michel O. Sajbel, et la sortie d’un album regroupant des œuvres chorales de ma composition, Evening Wind, chez Clarion.



Pouvez-vous nous parler des circonstances de la création de la musique de One Night with the King ?
Ce fut vraiment un projet de dernière minute, et je ne suis arrivé sur le projet qu’à la fin de la production. Ils avaient quelqu’un d’autre, mais cela n’a pas fonctionné. J’ai alors été contacté par un producteur qui, lui aussi, est arrivé en fin de parcours pour finir le film, et c’est lui qui a fait appel à moi. Je n’avais jamais travaillé avec lui auparavant, nous ne nous étions vus que brièvement lors d’une audition pour un film que je n’ai finalement pas fait. Je n’aurais jamais imaginé qu’il me contacte un jour, mais il se souvenait de moi et m’a demandé de finir ce film avec lui. Ce fut une tâche incroyablement difficile car il a fallu fournir deux heures de musique en un temps record ! Mais j’ai aimé le film et ses créateurs ont aimé mes thèmes.

Cela fut-il un moyen pour vous de concilier votre foi et la musique de film ?
C’est vrai que ce film est inspiré de la Bible, de la vie d'Esther, mais ce n’est pas pour autant que je dirai que sa musique est une expression très profonde de ma foi. Ce n’était pas comme The Trip to Bountiful. Ici, l’approche tenait plutôt du péplum à la Cecil B. DeMille, et ils m’ont demandé de composer une musique dans cet esprit.

Vous avez également composé les chansons du film, et notamment la très belle I Saw the Stars.
C’est une chanson intéressante, composée pour une scène de mariage, se déroulant en Perse. Pour l’interpréter nous avons auditionner un grand nombre de chanteuses, mais personne ne semblait correspondre à ce que nous attendions. Finalement, j’ai eu l’idée de faire appel à une chanteuse perse, et de la faire chanter dans sa langue d’origine. J’ai pu trouver une telle chanteuse ici à Los Angeles, ainsi qu’un parolier pour traduire les idées que nous avions pour le texte. Elle chante donc en persan, tandis que les choristes chantent essentiellement des alleluias.


Pouvez-vous nous parler maintenant d’Evening Wind ?
Il se trouve que je connais Peter Rutenberger et les Los Angeles Chamber Singers depuis un certain temps, et nous parlions depuis longtemps de la possibilité de faire un album ensemble. Ce fut possible l’année dernière, et j’ai pu ainsi rassembler quelques pièces chorales que j’avais composées ces dix dernières années. Parmi celles-ci, la dernière pièce de l’album, Love Never Fails, a été écrite pour le mariage de ma fille en 1997. Pour ce faire, nous avons dû enregistrer en studio et non dans un lieu public comme une église comme nous le souhaitions en raison du bruit occasionné par le trafic automobile.

Comment décririez-vous votre style choral ?
Au-delà de la qualité de la voix chantée, il y a un autre aspect de la musique vocale que j’aime tout autant : le mariage unique qu’elle permet de la musique et des mots. Dans le panthéon des arts, la poésie est tout aussi importante pour moi que la musique. Ce qui fait que, lorsque je compose une œuvre de ce type, le choix du texte est essentiel pour moi. Mon but est toujours d’ « enluminer » les mots, de la même façon que les moines du moyen-âge enluminaient leurs manuscrits, de telle sorte que le public comprenne mieux le poème après l’avoir entendu chanté. Pour ce faire, j’essaie de laisser les accents naturels et les rythmes du texte parlé influencer les rythmes de la musique. C’est un peu comme écrire de la musique à partir d’images en musique de film, avec une harmonie et un contrepoint en symbiose avec ce qu’on voit à l’écran. J’essaie de faire la même chose avec les textes que je choisis. Mon style musical résulte de l’association d’un lyrisme naturel et d’une harmonie et d’un contrepoint rigoureux. J’adore les rythmes de danse et les mesures inégales, les orchestrations colorées et les formes narratives qui emmènent l’auditeur dans leur voyage. Pour moi, la musique n’est pas seulement un mode d’expression personnel, mais un moyen de communication, et ce que je recherche avant tout, c’est que la musique que j’écris parle à la personne toute entière : au cœur et à l’intellect, au corps et à l’esprit.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je travaille sur un certain nombre de commandes : un thème et variations pour piano, une pièce vocale, une autre en musique de chambre et une enfin pour orchestre. Il se peut également que j’aille à Kiev en octobre pour enregistrer quelques pièces classiques.

Nous vous laissons conclure cet entretien.
Je suis personnellement très touché de l’intérêt que manifestent les passionnés de musique de film pour cette discipline particulière. La diminution de la passion pour les arts de la part du public en général me cause beaucoup de tristesse, mais ce manque d’intérêt n’est heureusement pas partagé par les afficionados de la musique de film ! Ils semblent au contraire de plus en plus passionnés et c’est une chose merveilleuse ! Je suis très reconnaissant du fait qu’il y a plus qu’un simple intérêt pour cette musique, qu’elle est considérée avec sérieux, et je pense que cela fait une réelle différence, cela nous donne de la joie, de l’émotion, c’est un grand bonheur. Je suis heureux de savoir que la musique que j’écris n’est pas juste jetée comme ça, sans signification. Quand nous les compositeurs avons fini le travail, nos partitions sont stockées un peu comme à la fin des Aventuriers de l’Arche Perdue. Elles sont ainsi archivées et ne nous appartiennent plus, excepté les rares cas où elles sont publiées. On s’investit totalement dans un projet pour le voir ensuite disparaître. Mais vous qui aimez ces musiques, vous êtes les gardiens de la flamme, vous conservez toujours votre intérêt. Cela me fait énormément plaisir. J’apprécie toujours énormément des conversations de ce type avec des gens qui s’intéressent réellement à l’art. C’est une chose formidable et je voudrais vraiment vous en remercier !