ROX & ROUKY 2 EN DVD : Entretien avec Kimberly Oliver, superviseur de la musique
Or, pour coller le plus possible à l’ambiance du Sud des Etats-Unis, une bande originale très « country » a été créée pour l’occasion, permettant de renouveler le style « Broadway » déjà exploré dans d’autres classiques. Et c’est le superviseur de la musique Kimberly Oliver qui s’est occupée d’apporter cette touche d’authenticité à ce film, après nous avoir déjà ravi les oreilles sur Les Aventures de Porcinet, Winnie l’Ourson et l’Efélant, Le Roi Lion 3, Le Livre de la Jungle 2 et le prochain Tinker Bell.
Rencontre avec une authentique passionnée de musique Disney…
Rox & Rouky 2 semble avoir été conçu autour de la musique.
Je suis tout à fait d’accord avec vous. La musique est vraiment le personnage central de cette histoire. Le film comporte en tout sept chansons originales, ce qui est beaucoup et fait de Rox & Rouky 2 une véritable comédie musicale. Chaque chanson fait avancer l’histoire à sa façon. Prenez l’ouverture, Friends for Life, très « bluegrass ». Pour nous, cela permettait dès le début, en une chanson, de renouer avec l’univers de Rox et Rouky en se focalisant sur cette amitié insolite entre un renard et un chien de chasse et en montrant à quel point cette amitié (mise à mal dans le corps de l’histoire) est importante pour chacun d’entre eux. Ensuite, We’re In Harmony permet d’établir les Singin’ Strays en tant que groupe à part entière et en tant que groupe de chiens. Le compositeur Will Robinson a essayé d’intégrer le maximum d’allusions à la vie de chien dans ses paroles afin de s’intégrer au mieux dans l’histoire. Plus tard, dans Hound Dude, on retrouve Rouky et son nouvel ami, Cash, qui le prend sous son aile. Il lui montre que, contrairement à ce qu’il pense, il peut réussir dans quelque chose -la chanson- et lui fait entrevoir une autre façon de vivre, une vie de star, l’éloignant de fait de son amitié avec Rox. C’est cette chanson qui fait basculer l’histoire car elle contient les germes de la rupture entre Rox et Rouky. Vient ensuite cette mélodie magnifiquement interprétée par Reba McEntire, Good Doogie, No Bone, qui intervient en un moment dramatique de l’histoire au cours duquel son personnage, Dixie, et Rox intriguent pour récupérer leur place. La musique permet ainsi que relever les enjeux et de mettre en avant les articulations de l’histoire.
La création de Good Doggie, No Bone est à ce titre très parlante.
En effet. Cette chanson a été envisagée au départ comme une chanson sur la vie de saltimbanque. Certes il y a la gloire et la célébrité, mais passer sa vie sur les routes, c’est vraiment difficile. C’était le concept original. Puis il a changé. Vous savez, en animation, la création d’une histoire est un processus toujours assez long -deux ans et demi pour Rox & Rouky 2-. Au départ, c’était simplement une façon pour Dixie, le personnage joué par Reba McEntire, de se plaindre de Cash. Mais Jim Kammerud, le réalisateur, s’est aperçu qu’il pourrait en même temps s’agir d’une façon pour elle de convaincre Rox de l’aider à retrouver son ami. Nous avons donc abouti à une chanson à la fois sur l’expression de l’intériorité d’un personnage et qui fait avancer l’histoire en permettant à un autre héros d’évoluer.
En quoi a consisté votre travail en tant que superviseur de la musique ?
En tant que tel, mon rôle a été de superviser tout l’aspect musical de ce film depuis les premières étapes de la création jusqu’à la sortie. J’ai secondé Matt Walker, senior vice-président de Disney Toon Studio en charge de la musique, à chaque étape. Il était mon supérieur hiérarchique, mais nous étions vraiment partenaires au niveau créatif. Au départ, nous avons recherché avec les créateurs du film les moments où il serait intéressant d’avoir une chanson, puis nous avons cherché des artistes pour écrire ces chansons et leur avons proposé et expliqué ces moments avant de soumettre le résultat de ce travail au réalisateur Jim Kammerud et au producteur Ferrel Barron. Nous nous sommes également occupés du casting musical et vocal, de l’enregistrement des chansons, de la partition, du mixage, bref de chaque aspect ayant trait à la musique du film.
Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur Jim Kammerud ?
Nous avons travaillé de façon très étroite avec lui. Considérant le fait que le film devait se dérouler à la campagne, dans le Sud profond, tous (Matt, Jim, Phil et moi-même) sommes tombés d’accord sur le fait que nous devions produire cette musique à Nashville, Tennessee. C’est une décision que nous avons prise vraiment au tout début du processus. A partir de là, Matt et moi avons commencé à faire des recherches pour trouver à quels compositeurs nous pourrions faire appel pour écrire les chansons du film. Pour cela, nous nous sommes rapprochés du label discographique Lyric Street, cette division de Walt Disney Records spécialisée en musique country. Nous leur avons demandé de nous présenter un certain nombre de compositeurs auxquels nous allions présenter des moments de l’histoire pour lesquels ils pourraient écrire des chansons et nous sommes allés à Nashville pour les rencontrer. A cette époque - il y a quatre ans de cela-, nous avions six moments que nous avons présentés indépendamment à huit ou neuf compositeurs. Ils nous ont fait des démos magnifiques parmi lesquelles il fut difficile de choisir. Finalement, nous nous sommes concentrés autour de trois artistes à l’immense talent : Marcus Hummon, Gordon Kennedy et Will Robinson. Ce fut formidable car, même si l’histoire a subi quelques changements ensuite, nous avions dès le départ les bonnes chansons. Elles furent l’élément stable de cette production et l’histoire a évolué autour de cela. Il faut dire que les artistes de Nashville savent très bien raconter des histoires à travers leurs chansons.
Ce n’est pas si souvent que Disney fait appel à plusieurs compositeurs pour écrire ses chansons.
Cela s’explique par le mode de production très original de la musique que nous avons suivi. Nous sommes partis à la découverte d’artistes, à la découverte d’un style, un peu à la manière d’un casting. Et cette expérience fut différente pour chaque artiste. Nous ne connaissions pas ces compositeurs et nous nous étions préparés en écoutant leurs enregistrements et les conseils de Lyric Street, qui avait l’habitude de travailler avec eux. A partir de là, nous nous sommes dits que, par exemple, Marcus serait particulièrement bon dans tel genre de scène, Gordon pour un autre, etc., et nous avons proposé des moments différents à chacun en fonction de leur style propre. Certains moments ont été proposé à deux compositeurs en même temps. Par exemple, la chanson d’ouverture a été proposée à la fois à Marcus Hummon et à Gordon Kennedy. Nous leur avons dit que nous souhaitions une chanson sur l’amitié et nous leur avons raconté l’histoire du film original. Tous deux sont alors revenus, l’un avec Friends For Life et l’autre avec You Know I Will, et le fait est que nous avons aimé les deux chansons ! Nous avons estimé que Friends For Life était celle qui incarnait le mieux ce qui était envisagé pour la séquence d’ouverture, mais nous aimions tellement You Know I Will que nous avons décidé de la garder car elle renfermait des idées qui apportaient quelque chose de plus à notre film. Nous en avons fait la chanson du générique de fin. Parfois, comme vous le voyez, nous avons reçu plus que ce que nous attendions ! Il faut dire que tous ces artistes ont tous été très enthousiastes par rapport aux chansons que nous leur avons demandées !
Si les chansons de Rox & Rouky 2 sont globalement très joyeuses, Blue Beyond penche résolument du côté de l’émotion. Quelle est son histoire ?
C’est une très belle histoire que celle de cette chanson. Pour moi, c’est vraiment le cadeau de ce film. Cinq jours après le choix de Friends For Life, Gordon m’a appelée pour me dire : « Kim, je viens d’écrire cette chanson. J’ignore si elle a quoi que ce soit à voir avec ce film, mais cette mélodie m’est venue comme ça et je voulais te proposer de l’écouter. » Il m’a donc envoyé une démo de Blue Beyond et j’ai adoré. Nous n’avions pas de ballade dans notre film car nous ne l’avions jamais envisagé comme un « film à ballade ». Mais c’était une chanson tellement magnifique et tellement riche thématiquement que Matt et moi l’avons faite écouter à Jim en lui disant que s’il arrivait à trouver un moment dans son film pour exprimer le fait que les liens entre les différents personnages sont rompus, peut-être que cette chanson pourrait fonctionner. Et c’est exactement ce qui s’est passé. A ce moment de l’histoire, les relations entre Dixie et Cash, et entre Rox et Rouky sont au plus mal et c’est là que nous avons pu intégrer cette chanson. Elle n’a donc pas été pensée originellement pour le film, mais nous l’avons gardée parce que Gordon, après avoir écrit une première chanson, s’est senti proche de ce film et en a composé une deuxième, sans même savoir si elle pourrait être intégrée. C’est ce qui, pour moi, fait de cette chanson un véritable cadeau !
La dernière chanson du film, We Go Together, tranche par son arrangement moderne.
Il est vrai qu’elle est très « pop-country ». C’était notre but parce que nous voulions rendre hommage à toutes les tendances de la musique country. Avec We’re In Harmony, c’est la country traditionnelle, avec Friends For Life, c’est le style « bluegrass » et aujourd’hui, la pop-country a pris une place considérable dans le monde musical avec, par exemple, les Dixie Chicks. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu terminer notre film sur une note très joyeuse avec une chanson authentiquement pop-country.
Pouvez-vous nous parler maintenant de la production de la partition, signée par le grand Joel McNeely?
En plus de ses orchestrations symphoniques, Joel McNeely a voulu intégrer beaucoup de bluegrass dans sa partition. Nous sommes donc allés avec lui à Nashville pour enregistrer bon nombre de moments dans ce style avec six musiciens country très célèbres dans le milieu, dobro, banjo, mandoline, fiddle, etc, afin d’apporter une certaine intégrité à cette musique et de la lier avec le style des chansons.
Disney Toon Studios a noué une longue et passionnante relation avec Joel McNeely. Pouvez-vous nous en parler ?
Je trouve que Joel comprend nos histoires comme personne et comment la musique peut les aider, comment elle doit être pour incarner et développer la vision du réalisateur. Ce qu’il fait toujours merveilleusement, c’est de venir avec un matériel thématique magnifique, des mélodies sublimes qui nous permettent de nous connecter avec les personnages, et il lie tout cela dans sa musique. De fait, le public, l’auditeur, répond toujours très bien à la musique qui apporte ce lien qui unifie tout le film et qui relie le film au public.
Comment avez-vous envisagé les relations entre Rox & Rouky 2 et le film original ?
Je pense qu’il ne faut pas chercher d’autre relation que des retrouvailles avec Rox et Rouky tels qu’on les a connus au début du film original. Le propos de Rox & Rouky 2 est d’explorer plus en profondeur cette amitié qui les lie et ce qu’elle signifie.
On peut toujours discuter de la qualité visuelle ou scénaristique des suites Disney, mais le fait est que les chansons et la musique sont toujours du plus haut niveau.
Absolument. Quand vous travaillez pour Disney, vous devez toujours garder à l’esprit que vous avez un héritage, une tradition que vous devez poursuivre. Et si vous parlez à quelqu’un de Disney, c’est la richesse musicale de cet univers lui viendra à l’esprit. Quand il va voir un film Disney, et en particulier en 2D, le public attend la musique, il attend de nouvelles chansons inoubliables. De fait, cela a toujours été notre intention de garder toute son intégrité à ce qui a été créé avant nous afin de lui donner une nouvelle dimension. Les musiques des classiques Disney étaient intemporelles parce qu’elles avaient été créés pour les générations à venir et c’est dans le même esprit que nous nous plaçons.
A l’époque où Walt Disney Feature Animation commençait à se démarquer des comédies musicales animée, Disney Toon Studios était la division qui restait fidèle à cette tradition.
Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai toujours adoré Disney et quand je pense à Disney, je pense à toutes ces comédies musicales animées. Je pense à Mary Poppins, à La Belle et le Clochard, au Roi Lion, à La Belle et la Bête, à La Petite Sirène, tous ces films peuplés de chansons que personne n’a oubliées, que tout le monde chante encore aujourd’hui. Par conséquent, je suis très heureuse et très fière d’avoir pu travailler toutes ces années pour Disney Toon Studios car je savais dès le départ qu’ils voulaient poursuivre dans cette même voie. Vous savez, quand vous travaillez sur un film Disney, vous redevenez un enfant, tout comme le public auquel nous nous adressons et quand nous travaillions sur les chansons, nous tenions absolument à véhiculer le meilleur message possible pour inspirer nos auditeurs et les inviter à réfléchir sur tel ou tel sujet. Il n’y a pas tant de studio qui ont la capacité de le faire comme Disney. C’est un honneur d’avoir pu en faire partie.
Quel est votre meilleur souvenir chez Disney ?
Je dirais Rox & Rouky 2 car tout s’est mis en place de façon parfaite. Tous les artistes auxquels nous avons fait appel ont parfaitement compris leur rôle et toute l’importance de la musique dans ce film. Sept chansons, c’est beaucoup, d’autant plus qu’il y eut comme toujours beaucoup de changements en deux ans et demi, mais l’histoire et la qualité nous ont tous guidés. Et toutes ces rencontres avec les artistes de Nashville, compositeurs et interprètes, ont fait de cette production une expérience musicale inoubliable !
Que faites-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis un superviseur musical indépendant. J’avais noué bon nombre de relations dans le métier et quand cette opportunité s’est proposée à moi, je me suis lancée. Je travaille actuellement sur un film en prises de vue réelles, The Marc Pease Experience avec Ben Stiller. Il s’agit d’une comédie musicale à l’intérieur d’un film. Je m’occupe donc de l’acquisition des droits de certaines chansons que nous réenregistrons et je travaille avec les artistes sur le tournage. C’est un processus très similaire à ce que j’ai vécu en animation dans la mesure où je supervise tout cela depuis le concept jusqu’à l’écran et je collabore étroitement avec les producteurs exécutif pour faire le lien entre les questions de budget et les besoins créatifs du réalisateur pour l’aider à faire avancer l’histoire. Je m’occupe également d’engager l’équipe musicale pour m’entourer : directeur musical, ingénieurs du son, personnel de studio. Enfin, je suis impliquée dans la post-production avec le choix du compositeur. C’est un processus beaucoup plus rapide qu’en animation mais tout aussi passionnant !
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