lundi, août 22, 2011

LE ROI LION EN BLURAY : Entretien avec le compositeur Hans Zimmer


Le Roi Lion doit être votre partition la plus célèbre !
Paradoxalement, non ! Je pense que pour un public averti, Le Roi Lion arriverait devant Gladiator. Mais pour la majorité des gens, tous pensent que c'est Elton John qui à tout fait. Ou du moins que je me suis inspiré de ses thèmes. C'est dommage bien sûr.

Est-ce l'une de vos partitions favorites ?
Sans aucun doute. Primo, pour ce qu'elle m'a rapporté en notoriété, en aisance pour l'avenir et en satisfaction artistique. Secundo pour m'avoir permis de m'exprimer dans une liberté que peu de gens croyaient que Disney allait me laisser. Vous avez des grands compositeurs Disney dont il est impossible de s'éloigner si l'on tente d'aller dans la même direction qu'eux. Je pense aux frères Sherman ou Alan Menken par exemple. Vous aviez une autre solution, celle d'aller dans tous les axes possibles et inimaginables et c'est ce que j'ai voulu faire avec Le Roi Lion. Encore une fois, si l'on ne gratte pas un peu, on ne retiendra de cette partition qu'une surface un peu basique: les chants africains, deux ou trois belles mélodies, des percussions agressives bref, tout ce qui fait une excellente bande originale mais pas une musique inoubliable. Et je voulais plus que ça. En dehors de cette surface, je qualifierais la musique du Roi Lion de "mondialiste" vu d'un point de vue hyper occidental - le mien - car j'ai puisé dans chaque continent une part de cet univers sonore, parts qui assemblées forment une longue parabole de György Ligeti à Youssou N'dour ou de Richard Wagner aux Buggles (rires). C'est vaste et sans prétention, et c'est justement ce qui en fait sa valeur.


La notion de valeur est toujours primordiale dans les films Disney.
Le Roi Lion exprime à merveille l'importance de la famille, la fraternité, l'amitié ou l'honnêteté.

Curieusement, ces valeurs ne sont pas prioritaires dans votre partition.
Parce que je ne suis pas un compositeur Disney. Il y a une sensibilité toute particulière qui ne s'acquiert pas. Elle est innée ou pas. Et c'est faire preuve d'humilité de ma part que de dire ça car je pourrais bien prétendre le contraire et vous dire que tel passage fait référence à la famille ou tel autre à l'amitié. Ceci n'est pas valable pour moi, préférant fonctionner au "feeling". J'ai composé une partition thématique où vient s'intercaler toute une panoplie instrumentale pour englober les images et les chansons d'Elton John. En sus de cette écriture, il y a eu un énorme travail sur l'orchestration "générale" du Roi Lion, fruit de la collaboration de toute mon équipe et moi-même avec Elton John et Lebo M pour aboutir au "final cut" sonore que vous connaissez. Mais si valeur, il doit y avoir, alors j'opterai volontiers pour un lien désinvolte avec la nature, une espèce de collaboration entre la partie légère de l'orchestration et la beauté végétale de l'Afrique, entre également la sauvagerie des percussions et la ruguesse du désert et du climat. C'est un lien néanmoins subtil car toujours en second plan.





Quelle est votre plus grande fierté, presque 20 ans après ?

D'avoir réussi à équilibrer toutes les composantes de la musique, et ce n'était gagné d'avance, croyez-moi. D'avoir aussi su rendre simple une écriture compliquée simple. C’est plus souvent le contraire qui se passe ! (rires).


Quelle est votre séquence favorite ?
D'un point de vue musical, la mort de Mufasa et la façon dont Simba l'interprète puis la comprend. C'est le meilleur moment du film. J'y ai puisé une essence chorale ligetienne que j'adore en même temps qu'une force sonore globale. Cette forme simple d'un son vocalique qui émerge du brouillard tel un souvenir. J'ai toujours apprécié la linéarité d'une note chantée chez György Ligeti, sa stabilité face aux délires du compositeur et l'ampleur qu'elle acquiert. Quand j'écoute certains passages du Lux Aeterna ou d’Adventures, je suis fasciné par tant de simplicité au service de la complexité, par l'apaisement vocal dans un vacarme orchestral totalement singulier. Certes, il n'y a pas tant de modernité et d'audaces dans Le Roi Lion, mais il y a un peu de tout ça dans ces moments forts du film. Puis à titre plus personnel, ma séquence favorite est celle de Pumbaa et Timon chantant Le Lion Est Mort Ce Soir. C'est une scène irrésistible !