lundi, septembre 03, 2007

LES ORCHESTRES DE DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec Jean-Marc Charrel, joueur de banjo du Dixieland Band

Entrez dans le parc Disneyland. Pénétrez dans Main Street, USA. Vous sentez cet esprit ? C’est l’Amérique de Walt Disney qui vous envahit avec ses devantures du début du siècle idéalisées, ses lampadaires, ses voitures et… sa musique. Car ce sont bien les musiciens du Dixieland Band qui viennent vous accueillir en musique aux portes du parc avec leur répertoire inspiré de la Nouvelle-Orléans. Un petit air d’Amérique et un petit air du Disneyland de Walt Disney qui se répand aussi à travers toute la France à l’occasion de festivals d’été comme nous l’explique Jean-Marc Charrel, qui joue du banjo dans cet ensemble.
Chronique de la vie d’un orchestre de Disneyland Resort Paris.



Quel fut votre parcours avant de rejoindre Disneyland Resort Paris ?
Je suis musicien autodidacte. J’ai eu l’occasion de jouer pendant une quinzaine d’années dans différents cadres, allant du club au parc d’attraction, et j’ai aussi fait beaucoup de pédagogie : j’ai enseigné la guitare et le banjo et j’ai animé des ateliers d’éveil musical pour de jeunes enfants.

Comment est venue l’idée de rallier Disneyland Resort Paris ?
En fait, j’avais déjà une petite expérience de parcs créés précédemment et ce contexte m’intéressait pour pouvoir me produire dans ce cadre. Il y a eu une période de recrutement un an avant l’ouverture du parc. J’ai donc envoyé mon CV et on m’a rappelé pour que j’intègre l’équipe du spectacle du Lucky Nugget.

Comment avez-vous évolué depuis ?
Du fait que je suis à la fois guitariste et banjoïste, j’ai eu l’occasion de jouer dans pratiquement tous les orchestres du parc, saisonniers ou pas, nécessitant ces instruments : le Promenade Band, le Dixieland Band sur Main Street, mais aussi le Cartoon Band de Discoveryland ainsi que de l’événementiel dans les hôtels du resort. Cela m’a donc ouvert à différents styles, enrichi mon vocabulaire et cela m’a beaucoup apporté sur le plan artistique. Car chaque style enrichit l’autre ; il y a toujours un lien entre la musique western, le jazz New-Orleans et le jazz moderne. C’est une sorte de continuum autour de la musique afro-américaine, ce qui est vraiment passionnant !

Votre orchestre, en ce moment, c’est le Dixieland Band de Main Street, USA.

Effectivement. Le Dixieland Band est une formation typique de la musique américaine des années 20 composée d’une trompette, d’une clarinette, d’un trombone et aujourd’hui d’un saxophone, et d’une section rythmique, contrebasse, batterie et banjo. Nous interprétons un répertoire typique de ces années 20 à la Nouvelle Orléans puis à Chicago après la fermeture du Quartier Français en 1917. A partir de ce moment là, les musiciens ont donc migré vers Chicago. Les orchestres « New Orleans » étaient plutôt composés de musiciens noirs tandis que les ensemble « Dixieland » de musiciens blancs, et les deux formules co-existaient à la Nouvelle-Orléans.

Comment intervenez-vous sur Main Street ?
Nous avons un nombre variable de sets, c'est-à-dire d’interventions à faire sur la journée, pour un total de 120 minutes. Ces sets peuvent être de 20, 30 ou 45 minutes. Durant la haute saison, nous avons l’habitude d’accueillir les visiteurs dès 9h00 le matin devant la gare. C’est là que nous faisons nos trois premiers sets, puis nous nous déplaçons au Riverboat Landing pour animer les files d’attente de Frontierland. Mais nous sommes appelés à intervenir un peu partout dans le parc, à condition que le land s'y prête, notamment sous le kiosque de Town Square, en fonction des événements et des besoins, d’autant plus que nous n’avons besoin d’aucun support technique : tout est acoustique, ce qui permet une grande souplesse.

L’ajout récent d’un saxophone doit apporter une nouvelle couleur à l’ensemble.
Le saxophone ténor a été introduit dans les orchestres de Dixieland un petit peu plus tard, quand l’ensemble de la scène jazz s’est déplacée vers Chicago. Cela a eu pour effet de changer la couleur de l’orchestre en induisant un changement de positionnement des instruments à vent autour de la trompette. A l’origine, la trompette exposait le thème, la clarinette caracolait au-dessus tandis que le trombone assurait les notes-relais, les glissandi, etc. Le saxophone induit une nouvelle relation au thème, avec une approche plus urbaine, très « Chicago », même si le répertoire reste à peu près le même, celui du jazz traditionnel.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre répertoire ?
Bien sûr. Royal Garden Blues est l’un de nos morceaux-fétiches. Il y a aussi That’s a-Plenty, Lazy River ou Sweet George Brown.

Comment trouvez-vous tous ces morceaux ?
En tant que jazz band, nous avons un fonctionnement un peu particulier puisque notre musique est en grande partie improvisée. Une partie de notre répertoire nous est fournie par notre chef d’orchestre, Robert Fienga, qui réalise pour nous des arrangements qui souvent tournent autour des thèmes Disney. Et par ailleurs, nous alimentons nous-mêmes notre répertoire en faisant des relevés, en écoutant et amenant des disques. Tout le monde participe à ce travail et à l’heure actuelle, nous avons constitué un répertoire d’une centaine de morceaux.

Votre ensemble est très emblématique des parcs Disney dans la mesure où on en retrouve de comparables dans chaque parc à travers le monde.
C’est un orchestre identitaire dans la mesure où il incarne la culture américaine qui est au cœur du concept de Main Street, USA. A ce titre, une partie de notre répertoire est commun avec les orchestres Dixieland de tous les Parcs Disneyland, comme Le Livre de la Jungle ou Les Aristochats, qui ont été originellement écrits dans notre style de musique.

Comment se déroule la journée-type d’un musicien du Dixieland Band ?
Actuellement, elle commence à 9 heures. Nous arrivons aux loges une demi-heure avant le début du premier set de façon à nous préparer. Nous mettons nos costumes, nous faisons quelquefois un petit raccord, si un des musiciens absent est remplacé, puis nous faisons nos sets par tranches de 20 minutes toutes les heures, jusqu’à 14 heures. Ce déroulé pouvant changer selon les saisons ou événements.

Quand les répétitions ont-elles lieu ?
Nous avons des périodes prévues pour cela, en général au début d’une saison ou à l’inter-saison. Cela peut aller de cinq à dix jours en fonction des besoins, afin d’ajouter des morceaux au répertoire et de mémoriser des arrangements apportés par notre chef d’orchestre. Je voudrais souligner ce gros travail de mémorisation qui permet de nous concentrer sur la relation avec le public.

Quelle est votre relation avec les visiteurs ?
Il y a une très forte interactivité avec les visiteurs du fait que nous sommes un orchestre acoustique qui peut se déplacer très facilement et venir au cœur du public. Les gens nous sollicitent aussi beaucoup pour faire des photos et nous consacrons assez souvent une partie du set à cela.

Qu’est-ce que vous apporte cette expérience sur le plan artistique ?
Il faut savoir que l’opportunité de jouer tous les jours dans un orchestre de jazz est assez exceptionnelle. Que ce soit sur Paris ou sur toute la France, je ne suis pas sûr qu’il existe un autre ensemble qui joue ainsi quotidiennement son répertoire. C’est quelque chose de très précieux pour nous car cela nous permet d’avoir une pratique quotidienne et d’approfondir vraiment les choses, de travailler plus au niveau du son que du répertoire. Car c’est là le plus délicat et cela ne peut se faire qu’à partir d’une pratique intensive.

Quel est l’idéal sonore que vous recherchez ?
Ce que l’on recherche avant tout, c’est une homogénéité. Déjà, au niveau de la section des soufflants, trompette, clarinette, trombone, saxophone, mais aussi au niveau de la rythmique, dont je fais partie. Pour que les soufflants puissent s’exprimer correctement et être inspirés dans leur jeu, il est indispensable que la rythmique soit cohérente et soudée. Nous travaillons beaucoup là-dessus au niveau de la mise en place et du rendu sonore entre le banjo, la contrebasse et la batterie de façon à avoir une impulsion vigoureuse mais qui, en même temps, laisse aux soufflants la possibilité de s’exprimer. Dans le style Dixieland, cela veut dire que tous les musiciens ne sont pas sur un pied d’égalité : la rythmique est au service des solistes ; ce qui n’est plus le cas dans le jazz moderne où chacun des musiciens de la formation a son mot à dire.

Mais le Dixieland Band ne se produit pas qu’à Disneyland Resort Paris !
En effet. Nous avons récemment participé aux Festivals de Jazz d’Orléans et de Vienne. Nous avons ainsi joué en « off » ainsi qu’à différentes manifestations qui lui sont liées, dans les villages avoisinants. Le but de tout cela est de faire en sorte que les ensembles de Disneyland Resort Paris puissent jouer le plus souvent possible à l’extérieur comme le Festival de Nice ou d’Armentières. Et chaque année, nous nous produisons à l’Ambassade Américaine à Paris pour la fête du 4 juillet. C’est toujours très enrichissant : cela nous permet de changer d’ambiance et de pouvoir montrer au public qu’à Disneyland Resort Paris il y a des musiciens, et que ce sont des professionnels de talent. Et à chaque fois, nous ressentons que les gens sont plutôt agréablement surpris par la qualité de la musique que nous interprétons.

Remerciements particuliers à Scrooge (DMI) et Kristof (Photomagiques)