FANTILLUSION A DISNEYLAND RESORT PARIS : Entretien avec le show director Christophe Leclercq
"Il était une fois… Fantillusion !... "
Il était une fois… un jardin magique où Mickey a invité tous ces amis pour une fête exceptionnelle sur de thème de l’imaginaire et de l’enfance. C’est ainsi qu’on y trouve des papillons, des libellules et des champignons illuminés qui changent de couleur. C’est un vrai jardin enchanté, un monde imaginaire qu’il leur apporte sur un plateau dans le parc. C’est alors que Mickey va transmettre à toute cette parade la magie de la lumière, tandis que tous les chars se parent d’une lumière blanche éclatante. Par rapport à cela, les Méchants ont des projets plus noirs. Ils ne sont pas du tout contents de cette lumière et vont chercher à la transformer en une puissance maléfique en utilisant l’orange, le rouge et le vert. Le jardin est comme envahi par des flammes et des éclairs, tandis que la fumée rend l’atmosphère plus pesante encore et que des créatures, pieuvres, serpents et démons des flammes, surgissent de nulle part pour assister les méchants. Fort heureusement, les Princes et Princesses ont le pouvoir de faire apparaître des chandeliers et autres boules à facettes pour projeter des milliers de petites lucioles et permettre le retour de l’imaginaire, voire même de la féérie. Pour résumer, je dirai que Fantillusion est une histoire en trois actes : l’imaginaire de la lumière, le pouvoir de la lumière et la féérie de la lumière.
Comment Fantillusion a-t-elle « débarqué » à Disneyland Resort Paris ?
A l’origine, cette parade a été créée pour Tokyo Disneyland, qui allait s’en séparer. De notre côté, nous avions envie d’avoir une nouvelle parade électrique, sachant que ce genre de parade demande des moyens énormes. Par chance, maintenant, les différents parcs Disney travaillent main dans la main et il est possible de s’échanger des parades, tout en les adaptant pour chaque lieu. Du point de vue de la taille, même si certains des chars étaient trop grands, la plupart d’entre eux pouvait passer dans notre Main Street. Ensuite, une sélection a été faite par rapport au nombre de chars que nous pouvions accueillir et à l’histoire que nous voulions raconter. A partir de là, avec ce nouveau line-up, il a fallu mettre tous ces chars sur des bateaux, et ils ont traversé le monde, tout doucement mais sûrement, pour arriver à peu près un mois après sur les côtes françaises. Ensuite, il a fallu réceptionner les chars dans le port du Havre puis les emmener sur des semi-remorques. Avec l’aide de la police nationale, un itinéraire a été tracé –principalement par des routes nationales car les péages d’autoroutes posaient des problèmes de taille-, des routes ont été barrées, des pilonnes, des câbles ont été descendus, tout cela pour pouvoir faire passer les chars ! Quand on déplace des grosses pièces comme cela, c’est vraiment un convoi exceptionnel ! Il faut savoir qu’à partir du moment où nous avons décidé d’avoir la Fantillusion et le moment où nous l’avons ouverte, il s’est passé deux ans. Les chars étant designés et fabriqués au Japon, il y avait un problème d’ordre technologique, notamment au niveau de la puissance électrique. Il a donc fallu que la maintenance et nos ingénieurs revoient tout le système d’éclairage des chars, puissance, câbles et batteries, car nous n’avons pas du tout le même système.
Déjà, un grand nombre des costumes japonais n’était pas portable par nos danseurs, notamment du fait qu’ils étaient abîmés. Ce fut donc l’occasion pour Sue Lecash d’essayer des choses nouvelles. Et encore l’année dernière, nous avons mis en route de nouvelles libellules et araignées et de nouveaux papillons pour les danseurs. Pour ce faire, nous avons travaillé avec un artisan écossais installé en Bretagne et qui travaille la fibre optique. Car Sue voulait vraiment travailler sur ce matériau et sur les changements de couleur. Il a donc fallu travailler sur la manière de transporter les batteries sur le dos, avec un système de harnais. En ce qui concerne les performers au sol pour l’acte des Princes et Princesses, à l’origine, les crinolines étaient sur roulettes et les danseuses les ouvraient à un moment pour sortir des robes. Nous ne pouvions pas refaire cela car nous avons des pavés et des rails par terre et il y avait un risque de faire trembler les robes ou même de rester coincé. Voilà pourquoi Sue a travaillé sur des vêtements qui puissent être effectivement portés par les danseuses en utilisant beaucoup de plastique transparent et d’armatures en aluminium pour alléger le tout ainsi que du LED et de la fibre optique. Nous avons également revu les costumes des danseurs, ainsi que ceux des principaux Méchants et des Princesses. Nous avions bien reçu les modèles, mais il y avait un problème d’intensité lumineuse lié à la puissance des batteries et un autre problème lié au nettoyage. C’est ainsi que, pour un costume comme celui de Jafar, il a fallu faire des pièces détachées du costume. Tout est démontable. En fait, vous avez une toile sur laquelle se trouve une doublure sur laquelle sont cousues des dizaines de petites lumières raccordées à une batterie. Et au dessus de cela, il a fallu faire le costume du personnage et y faire des petits trous pour que les lumières puissent être passées à la main par les techniciens. En bref, il y a trois parties. Le costume en tissu, qui donne son aspect au personnage, à l’intérieur se trouve la technologie, puis la doublure. Et tout cela est monté sur pressions. C’est énorme !
L’adaptation fut aussi musicale.
C’est exact. La musique était déjà écrite, mais notre Directeur de la Musique, Vasile Sirli a quand même eu un gros travail d’arrangement à faire étant donné que nous n’avions pas tous les chars. Il a donc fallu remonter tout cela pour correspondre à « notre » Fantillusion. Ce fut d’autant plus compliqué que cette parade est basée sur un underliner. Cela veut dire qu’il y a une musique « générique » à laquelle s’ajoute une musique propre à chaque char.
Comment le mélange se fait-il entre l’underliner et la musique des chars ?
En fait, la musique de chaque char est retransmise dans les haut-parleurs du parc par le système Escon. C’est à dire qu’elle est transmise par sonde dans le sol, qui retransmet dans les speakers de la rue. A chaque fois qu’un char passe sur une « borne », il envoie sa musique sur haut-parleurs de la rue et cette musique se mélange alors avec l’underliner. Et tout est géré par un ordinateur, à "Parade Central". C’est là qu’est gérée toute la musique ainsi que les annonces des différentes parades. A partir de là, il a fallu faire des répétitions techniques pour caler chaque unité dans une zone bien précise de diffusion. C’est exactement comme la Parade du Monde Merveilleux de Disney, que j’avais également mise en scène. Quand deux chars se succèdent, le premier char va tirer vers lui la musique du deuxième et le deuxième va pousser devant lui celle du premier pour pouvoir rentrer dans sa zone de diffusion. C’est un mouvement de va et vient entre deux musiques qui sont synchronisées parce que c’est écrit exprès pour cela par Vasile Sirli, ce qui fait qu’il n’y a pas de cacophonie entre les différents chars et leur musique respective. Par conséquent, il a fallu caler toutes les unités, tous les chars, sur le parcours de la parade, pour qu’ils soient sur une zone bien spécifique déterminée par l’ordinateur pour des raisons de confort auditif, mais en tenant également compte du fait qu’il fallait que ce soit joli à regarder. Nous avons donc répété avec les conducteurs de chars pour qu’ils puissent caler leur char dans la bonne zone.
Ces chars sont d’ailleurs de petits bijoux de technologie !
Absolument. Déjà, ils sont très malléables dans la mesure où il y a une direction assistée, des systèmes de freinage et de freinage d’urgence. Et du point de vue technologique, tout est embarqué : la lumière et les fumigènes. Chaque char constitue donc une unité technologique à part entière, et tous les chars sont gérés par un seul ordinateur central qui va, lui, envoyer des signaux pour que chaque char diffuse la bonne musique, lance la bonne fumée au bon moment, actionne lumières et apparitions, notamment lors des arrêts, des « show stops ». La magie de tout cela, c’est que c’est Mickey, quand il lance « Starlight, starbright ! », qui déclenche tout. A ce moment-là, tous les chars des "gentils" passent en lumière blanche. Mais la voix de Mickey est aussi un signal pour les Méchants. Prenez les « push units », ces chariots poussés par des créatures sombres. A son signal, ces dernières poses délicates leurs capes et les "push units" s’ouvrent automatiquement pour laisser place à la lumière noire qui va éclairer à la fois la peinture spéciale des chars avoisinants et les costumes des danseurs peints de la même façon. Il n’y a aucun fil, tout se déclenche comme par magie.
C’est Kat de Blois qui a mis en scène la Fantillusion lors de son arrivée en France.
C’est elle, en effet, qui avait été en charge de son adaptation pour Paris et j’ai pour ma part repris le flambeau l’année dernière, en conservant les chorégraphies originales. Pour l’instant, rien n’a été changé, mais j’ai très envie d’imprimer mon propre style à cette parade et j’espère que cela pourra se faire dans l’avenir.
Si les chorégraphies n’ont pas changé, on compte cet été un arrêt de moins que les années précédentes.
Il est vrai qu’au lieu d’avoir trois "show stops", nous n’en avons que deux. Tout simplement parce que cet été nous avons un programme chargé. Il y a la Fantillusion suivie de la Bougillumination, suivie de Wishes. Et étant donné qu’il faut attendre la nuit pour pouvoir sortir les chars de la Fantillusion, on ne le fait qu’à 22h 25, ce qui veut dire qu’on ne peut présenter la Bougillumination qu’à 23h. Et après cela, on est obligé d’attendre que la troupe de la Bougillumination soit arrivée à un endroit bien précis pour ne plus être dans la zone de tir de Wishes. Tout cela fait des minutes en plus et pour ne pas trop allonger et pouvoir enchaîner ces trois spectacles, nous avons été obligés de couper un "show stop". Je pense que cette continuité est appréciée du public. Trois spectacles comme cela en fin de journée, c’est vraiment un moment magique. De plus, leur ton est à la fois merveilleux et calme, ce qui vous fait repartir avec des étoiles plein les yeux. C’est une belle fin de soirée, une belle programmation d’été.
Nous parlions de lumière au début de cet entretien. Le Château de la Belle au Bois Dormant lui aussi se pare de mille feux…
En effet. Nous avons travaillé avec le designer lumière sur l’éclairage du Château en fonction de l’arrêt des chars. En ce moment, Mickey ne s’arrête pas devant le Château, mais en temps normal, nous avons conçu trois effets différents. Le premier avec Mickey : le Château se pare d’une lumière très douce, avec l’utilisation des "star flashes", ce qui le rend très magique. Par contre, dans l’acte II, avec Maléfique, il devient oranger, voire rouge. On l’enflamme vraiment. Et enfin, dans la féérie des lumières, on revient à quelque chose de plus magique avec des couleurs pastel, plus « princesse » avec le rose bonbon d’Aurore, le jaune doré de Belle et le bleu ciel de Cendrillon. Là, le Château reprend son aspect normal. Il est simplement soutenu par des projecteurs pour le rendre plus lumineux.
Toute cette technologie est-elle un frein à la créativité ?
Pas vraiment, d’autant plus que j’avais déjà travaillé sur des parades de jour qui utilisaient le système Escon. C’est un système que je connais bien et que je maîtrise. De plus, nos ingénieurs du son savent très bien expliquer les choses. Pour moi, Fantillusion a surtout été une parade différente. Le plus difficile, en fait, fut la longueur des répétitions techniques, la synchronisation de l’informatique et de la lumière. Il faut savoir qu’il y a tellement de technologie qu’il faut programmer les chars un par un. J’ai vécu cela comme de longs moments d’attente. Une autre difficulté tient aux répétitions. Par exemple, il a fallu apprendre aux « ombres » à conduire les « push units », et ce ne fut pas simple car quand vous tournez à gauche, l’unité part à droite et inversement. Nous avons eu droit à quelques carambolages avant que cela soit fixé ! De la même façon, les Princes et Princesses ont eu quelques difficultés à se faire à leur char. Déjà, leur plateforme tourne et monte à deux mètres de haut. S’ajoutent à cela tous les fils de leurs costumes lumineux. Il faut bien vous rendre compte à quel point c’est impressionnant de se retrouver là-haut pour nos princesses. Tout s’est finalement bien terminé, et ce sont les premières à me dire que participer à cette parade est une expérience inoubliable. Et c’est bien que j’ai ressenti le jour où tout l’aspect technique a été réglé. Je me suis mis sur Central Plaza et je me suis dit que c’était sublime. J’étais époustouflé. Je me suis alors rendu compte de ce que la technique permettait de faire, et à quel point c’était merveilleux !
Quel est pour vous le plus beau moment de la parade Fantillusion?
C’est l’arrivée du premier char, celui de Mickey. Je le trouve très majestueux, avec Mickey en maître de cérémonie et cette cape en fibre optique qui change de couleur. Il est vrai que le premier char est toujours le plus magique : on annonce la parade Fantillusion, le parc est plongé dans le noir et soudain ce char apparaît. C’est magique. Je dirai même que c’est le départ de la parade qui est le plus beau. Vous êtes à It’s A Small World, en face de la porte. C’est le noir complet, les portes s’ouvrent et tout d’un coup, pof ! Mickey apparaît sur son char qui s’illumine d’un coup !
Comme vous le dites, c’est de la magie. Et le public réagit toujours beaucoup à la Fantillusion. L’émotion est toujours palpable.
J’essaie d’aller au plus simple pour faire passer le message, aller au plus simple pour vraiment toucher les gens. Si c’est trop compliqué, on finit par lasser. En fait, je fais les choses comme je les ressens. Je me dis : « qu’est-ce que j’ai envie de voir ? » Et si quelque chose me fait rêver, je pense que cela fera aussi rêver nos visiteurs. C’est en tout cas mon but et ma récompense !...
Photos (c) Disney, Kristof et Christine Blanc (photo C. Leclercq), avec tous nos remerciements.
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