Disneyland Resort Paris : c’est vraiment là que vit la magie, si l’on en juge par les merveilles de ce Noël ! Pendant près de 2 ans, sous la houlette du Show Director Kat de Blois et du Production Manager Christian Lecossois, la division spectacle a travaillé dans le plus grand secret à une version totalement réactualisée de cette sublime parade nocturne créée au départ en 1995 pour Tokyo Disneyland. Le résultat, inauguré le 5 juillet 2003, est une pure merveille ! Fantillusion est certainement la parade la plus féérique jamais conçue par Disney. A la tombée de la nuit, le Parc Disneyland se métamorphose. De Main Street au Château de la Belle au Bois Dormant, ce n’est plus qu’un jardin enchanté où évoluent, sous la houlette de Mickey, les princes et les princesses des grands classiques en habits scintillants et où se déroule le plus titanesque des combats contre les Méchants de Disney pour que rayonne la lumière. De la poésie la plus délicate au drame le plus saisissant, le compositeur Bruce Healey, directeur musical de Disneyland en Californie, a signé ici son plus grand chef d’oeuvre.
Monsieur Healey, c’est une grande joie pour nous de percer avec vous les secrets de Fantillusion!
Merci ! Pour moi aussi. Mais avant de commencer cet entretien, je souhaiterais dire à vos lecteurs que je voudrais que les choses que je vais vous révéler n’interfèrent pas avec la possibilité de chacun d’apprécier Fantillusion selon sa personnalité, son goût et d’être émerveillé par elle. Parfois, lorsqu’on évoque quelque chose dans le détail, les gens ne pensent plus qu’à ces détails et ne profitent pas pleinement du spectacle. Les secrets de fabrication sont intéressants, mais cela ne doit pas les distraire du simple plaisir de faire l’expérience de cette merveilleuse parade !
Nous sommes tout-à-fait d’accord. Fantillusion est sans doute la musique de parade la plus symphonique que vous ayiez jamais composée. Pouvez-vous nous parler de cette tradition qu’est la parade à Disneyland et de son histoire ?
Parcourons cette aventure à rebours. La dernière musique que j’ai composée pour Disneyland est celle de la Christmas Fantasy Parade que l’on retrouve en novembre et décembre et qui célèbre les fêtes de Noël. Mais on trouve également actuellement la Parade Electrique traditionnelle, qui est de retour à Disney’s California Adventure et dont l’histoire remonte à 1972, ainsi que la Eureka Parade, la toute première parade créée pour DCA, qui est très contemporaine et très peu traditionnelle dans sa conception dans la mesure où elle fait appel à beaucoup d’éléments de pop et de rock. Elle est l’oeuvre de Steve Davis, à qui l’on doit de très nombreux projets ces dernières années, et du chorégraphe Jimmy Locust, qui a travaillé notamment avec Latoya Jackson, Janet Jackson et de nombreux artistes du mouvement hip hop afin de faire de cette parade un véritable hommage à la culture et à la musique californiennes. Auparavant, on pouvait voir la 45 Years Of Magic Parade ou Parade Of The Stars, qui était une parade aux proportions plus modestes. Sa musique était basée sur un medley de plus de trois minutes de thèmes Disney que j’ai entrelacés en contrepoint les uns par rapport aux autres. La parade qui l’a précédait était celle de Mulan, en hommage au film, dans un arrangement de ses thèmes que j’ai réalisé en collaboration avec Doug Besterman, l’orchestrateur et arrangeur des chansons du film. C’était une parade très intéressante. Elle était particulièrement belle. Mise en scène par Jean-Luc Choplin, qui a également travaillé à Disneyland Paris, elle faisait appel à de véritable musiciens chinois en live qui descendaient dans la rue, ainsi qu’à des acrobates chinois et d’autres éléments traditionnels. L’année précédente était celle de la Hercules’ Victory Parade, pour laquelle j’ai réarrangé les musiques du film. 1997 fut également l’année de Light Magic, une idée très innovante qui n’a malheureusement pas duré très longtemps, et pour laquelle j’ai composé un thème original ainsi que des arrangements de thèmes Disney dans le style celtique. Ce fut une musique passionnante à écrire. Auparavant eut lieu la Lion King Celebration, l’une des parades les plus populaires que nous ayions jamais créée à Disneyland. On pouvait y voir les principaux personnages du film comme Pumbaa ou Rafiki, entendre leur voix (notamment celle de James Earl Jones comme maître de cérémonie). C’était une parade vraiment très belle avec beaucoup de chars impressionnants et un « production number » d’environ cinq minutes basé sur le Circle of Life. C’était un moment très émouvant. Ce n’était pas la première parade à avoir un arrêt comme cela, c’était la deuxième, mais celui-ci était particulièrement signifiant en raison de la puissance de l’impact qu’il avait sur le public. L’année précédente fut celle d’ Aladdin’s Royal Caravan, une petite parade qui n’avait rien de particulièrement innovant, mais qui était très amusante du fait qu’elle était inspirée de l’esthétique si particulière du film, et le public l’a beaucoup appréciée. Comme la Parade Of The Stars, elle était basée sur une seule boucle, tirée du Prince Ali du film. La parade précédente fut The World According To Goofy Parade, une parade totalement folle sur les différents dingos du monde. Il y avait cinq chars avec chacun une chanson différente. Il y avait par exemple « The Goofosaurus », une sorte de Dingo dinosaure : c’était un peu les débuts de la vie sur terre d’après Dingo ! C’était très drôle !
Voilà tout ce que nous avons réalisé en 10 ans !
Quelles sont les origines musicales de toutes ces parades ?
La première parade avec musique enregistrée du parc fut la Parade Electrique. Les autres faisaient uniquement appel à des fanfares. Il y avait par exemple, à partir de 1966, la Very Merry Christmas Parade, que l’on ne pouvait voir qu’à l’époque de Noël. Pour cette parade, chaque char avait sa propre fanfare. J’ai fait partie du Disneyland Band, j’ai été moi-même percussionniste pour le char de Blanche-Neige de 1967 à 1970, pour le 25e anniversaire du parc. C’était une parade de grandes dimensions, avec chaque char évoquant une histoire de Disney, un peu comme, plus tard, la Fantasy On Parade : il y avait un char consacré à Blanche-Neige, un autre à Cendrillon ou encore à FANTASIA ; celui d’Alice avait une fanfare composée de musiciens portant des costumes évoquant les cartes de la Reine de Coeur et l’orchestre donnait la mesure d’une chorégraphie basée sur la Marche des Cartes. Il y avait également une parade pour la semaine de Pâques, à laquelle j’ai également participé. Quant à la Fantasy On Parade , créée en 1978, il s’agissait d’une association de musique pré-enregistrée et de fanfares en live, en fonction des différents chars. Elle eut un succès tel que, sous différentes versions, elle dura jusqu’en 1992. Mon char préféré était celui de Mary Poppins. Il s’agissait d’une reconstitution des toits de Londres sur lesquels dansaient des ramoneurs au rythme de Step In Time !
Au vu de cet impressionnant historique, Fantillusion semble être la première parade d’une telle dimension symphonique !
C’est exact. Toutes les parades précédentes étaient de dimensions plus modestes. Afin de lier les différents thèmes induits par les personnages de Fantillusion –par exemple, les thèmes de la section centrale, avec les Méchants-, je voulais une approche du type « thème et variations » basée sur un thème original que je pourrais modeler à ma guise au gré des thèmes Disney que j’y inclurais. Les procédés des compositeurs de musique classique me sont alors apparu comme idéaux pour réaliser ce que je voulais faire à ma manière. Je me suis demandé : qu’auraient fait Wolfgang Amadeus Mozart ou Ludwig van Beethoven si on leur avait demandé de travailler dans ce format ? L’approche « thème et variation » était suffisamment flexible pour permettre cela et l’approche symphonique (sans pour autant avoir l’ambition d’une symphonie) me permettait de me situer en quelque sorte hors du temps. Je ne voulais pas me limiter à un style ancré dans une période bien définie tout en restant accessible au plus grand nombre. Cela devait sonner familier pour être immédiatement accepté et apprécié. C’est ainsi que je suis arrivé au thème de Fantillusion, avec toutes les inclusions de thèmes Disney qu’il permet.
Comment décririez-vous ce thème de Fantillusion?
Pour moi, il s’agit d’un hommage à la musique classique, en particulier la symphonie classique. Il s’inspire de mon expérience de la musique de Johann Sebastian Bach et Wolfgang Amadeus Mozart, sans pour autant avoir la prétention d’atteindre ce niveau. Il fallait un thème qui réponde à la fois aux besoins de la parade et qui me plaise. Je dirais également qu’il est suffisamment simple pour être accessible à tout le monde et suffisamment sophistiqué pour permettre toutes sortes de développements.
En composant ce thème, aviez-vous dès le départ une idée de la façon dont vous le croiseriez avec les thèmes Disney. Cette dimension contrapuntique a-t-elle influencé sa forme ?
En effet, pour une grande part. Ce thème a été conçu avec en tête toute la structure musicale de la parade afin de permettre précisément tous ces développements et ces croisements.
Fantillusion a été créée en 1995 à Tokyo Disneyland et Disneyland Paris a ouvert ses portes en 1992. Or, on observe que, dès son ouverture, la musique -y compris d’ambiance- du parc français a toujours été plus symphonique que celle des autres parcs Disney, principalement américains. Pensez-vous qu’il y ait un lien entre l’évolution de la musique des parcs et celle de la musique de parade ?
Je le pense. Dès l’ouverture de Disneyland Paris, Vasile Sirli en a produit la musique en faisant appel à des orchestres européens. En faisant cela, il cherchait des façons différentes de représenter les idées musicales propres aux parcs Disney. Et cela a fonctionné, les gens ont aimé. De la même façon, à la fin des années 80, la musique de LA PETITE SIRENE, sans pour autant être totalement symphonique, a ouvert une nouvelle voie, confirmée par LA BELLE ET LA BÊTE. Cette évolution de la musique de film nous a aussi permis d’aller vers davantage de musique symphonique dans les parcs à thème, à commencer par Disneyland Paris. De notre côté, à Disneyland, nous leur avons emboîté le pas. En 1993, la Christmas Fantasy Parade faisait déjà appel à un orchestre de bonne taille et quelques touches symphoniques, même si le concept de l’était pas entièrement. Plus tard, Fantillusion devenait symphonique de bout en bout.
Orchestrez-vous vous-même vos oeuvres ?
La plupart du temps, j’orchestre ce que j’arrange et ce que je compose. Cela fait partie intégrante de mon processus. Beaucoup de compositeurs de musique de film n’orchestrent pas leurs oeuvres. Personnellement, j’ai une formation plus classique dans laquelle l’exécution, la composition, l’orchestration et l’arrangement fonctionnent tous ensemble dans mon esprit.
On discerne quelques réminiscences des fanfares qui accompagnaient les premières parades dans l’ouverture de Fantillusion (comme dans celles de nombreuses parades actuelles à Disneyland).
C’est vrai. La Very Merry Christmas Parade et la Fantasy On Parade qui comportaient des fanfares live avaient une section fantastique inspirée de la fête foraine. Il y avait neuf trompettistes suivis d’une fanfare complète. Une fanfare enregistrée indiquait au public que la parade allait commencer, puis arrivait la fanfare live qui jouait en même temps que l’enregistrement. J’ai écrit la fanfare d’ouverture de Fantillusion dans le même esprit, pour dire que la parade va démarrer et que quelque chose de grandiose va se passer. Cela permet aussi de mettre le public en état de réceptivité. Je fais souvent cela dans les musiques de parades. Il est d’ailleurs difficile d’y échapper. Une ouverture plus subtile n’aurait pas le même résultat en extérieur dans la mesure où il y a beaucoup de distractions et de bruits.
En bref, la musique de parade évolue sans cesse, mais sans jamais renier ses origines, ses traditions : un pari que vous remportez à chaque fois !
Merci ! C’est toujours un challenge de trouver de nouvelles idées dans un cadre précis. Il serait facile de tout effacer et de faire quelque chose de totalement nouveau, mais cela ne marcherait pas en raison des conditions particulières de nos représentations.
On retrouve également dans Fantillusion de petites touches de musique électronique. Sont-ce des clins d’oeil à la Parade Electrique?
J’ai toujours admiré le thème de la Parade Electrique et son approche contrapuntique. C’est d’ailleurs cette idée qui est la plus présente dans Fantillusion. Quant aux sonorités électroniques, ce sont ce que nous appelons les « happy Disney sounds » que l’on s’attend à entendre dans une telle parade, sons de cloches et autres.
Quelle est l’histoire de Fantillusion?
Lors de la conception de la parade pour Tokyo Disneyland, le point de départ était le goût du public japonais. Parmi les thèmes favoris des japonais, il y en a deux qui sont très proches du goût des familles américaines, l’un tient au concept de fantaisie, l’idée de conte de fées, de princes et de princesses et de bataille entre le bien et le mal et l’autre tient à l’idée de jardins et de fées. Le public japonais trouve dans les jardins et les fleurs beaucoup de motifs d’évasion. C’est ainsi que la première partie de la parade a été appelée Fairy Garden Fantasy. Pour la musique, j’ai repris le thème principal que j’ai ornementé et sur lequel j’ai écrit des variations pour chaque char de cette section, Flowers and Fairies, Dragonflies and Fairies, Butterflies and Fairies, qui s’enchaînent l’une à l’autre comme un grand thème et variations, sans thème Disney pour le moment. L’enregistrement de la version de Tokyo Disneyland a été conçu comme si vous assistiez à la parade –c’est d’ailleurs le premier album-souvenir de ce genre. Les chars défilent pendant la fanfare, l’annonce, la première occurence du thème et les variations (The Enchanted Fairy Garden), puis s’arrêtent pour un « production number », Fairy Garden Fantasy, qui est un medley de thèmes Disney pleins de fantaisie comme Heigh-Ho ou le thème des fées de LA BELLE AU BOIS DORMANT. La deuxième section de Fantillusion est consacrée aux Méchants et est basée sur le thème principal modulé en mineur avec des variations incluant les thèmes de chaque méchant. Quand la parade s’arrête, c’est le moment de The Light Turns Into Night and The Ghouls Dance. Quant à la troisième section, elle est plus romantique, avec ses princes et ses princesses et se conclut sur The Happy Ending Medley, chaque section étant basée sur le thème principal. C’est une organisation très logique, ce qui a permis une utilisation très claire du matériel musical, très narrative, dans un mouvement naturel du début à la fin.
C’est là l’un des intérêts de Fantillusion: ce n’est pas seulement une parade ; c’est un spectacle complet, avec une histoire.
Nous avons décidé que l’introduction, présente lors de tous les spectacles Disney, serait l’occasion de présenter l’histoire que le public va vivre. Cela met chacune des trois parties en perspective. Nous avons utilisé ce poème « Starlight, Starbright » pour raconter cette histoire et préciser la place de tous les personnages, ce qui permet de donner sens à la disparition de la lumière et de rendre la section finale encore plus belle puisqu’il s’agit en fait d’une résolution. Puis le poème revient, consacré cette fois à l’amour et à la magie.
Une autre particularité saisissante de cette parade est que non seulement les chars scintillent, mais ils scintillent en harmonie avec la musique : la lumière interagit avec la musique. Plus encore, c’est le parc tout entier, et en particulier le Château de la Belle au Bois Dormant, qui étincelle et se transforme à l’unisson de la parade. Pouvez-vous nous parler de la place de de cette interaction dans votre écriture ?
Certains aspects de la partition prennent délibérément en compte cette dimension de la parade, que ce soit dans l’écriture proprement dite que dans l’orchestration, qui est tout aussi importante. Par exemple, dans The Enchanted Fairy Garden, j’ai écrit intentionellement une musique qui permette aux chars d’étinceler ou à la lumière de changer de couleur. A cette époque, je ne savais pas précisément comment les chars seraient programmés. La musique a été composée et enregistrée bien avant que les chars soient terminés. J’ai donc simplement, après en avoir discuté avec les créateurs du spectacle original, conçu des images musicales qui offraient cette opportunité dans la programmation. C’est ainsi que, lorsqu’ils furent construits, leur éclairage a été conçu en réaction à la musique.
Dans ces conditions, de quels éléments visuels et narratifs avez-vous puisé votre inspiration ?
Je disposais de ce qu’on appelle un traitement, un document qui décrivait le concept de la parade, le fait qu’elle devait se décomposer en trois parties, que la première contiendrait beaucoup de fleurs et de fées, avec beaucoup de possibilités de changements de lumière. Y figuraient également les personnages qui seraient présents. J’avais également un storyboard comportant des esquisses de ce à quoi chaque char devait ressembler, sachant que ces dessins devaient également évoluer au cours de la production.
Il s’agit d’un processus très cinématographique.
C’est vraiment le cas, à la différence que le storyboard ne peut rendre compte de la réalité d’une parade qui se déroule dans la rue. En animation, on commence par des storyboards, puis on passe à des tests d’animation au crayon (pencil test animation) qui permettent de déterminer et de donner une idée assez précise de l’organisation temporelle d’une scène. Suit alors tout une série d’étapes supplémentaires avant la scène finale. Dans le cas d’une parade, on part bien des storyboard, mais il faut attendre ensuite que les chars soient terminés, qu’ils soient prêts à rouler, pour pouvoir se faire une idée précise de son déroulement. Pendant très longtemps, le résultat final ne réside que dans l’imagination du metteur en scène, du chorégraphe et même du directeur technique.
La section centrale est particulièrement impressionnante, de par son contrepoint et sa force dramatique !
J’ai été vraiment ravi d’avoir eu la possibilité d’aller aussi loin et d’explorer à ce point le côté obscur de nos émotions comme le font les Méchants. On ne peut apprécier la lumière si l’on n’a pas l’obscurité, la joie ne signifie rien sans la tristesse. Cela permet également de créer une belle forme en arche allant du bien au mal et du mal au bien.
Chaque Méchant possède aussi sa propre orchestration, chacune d’entre elles étant particulièrement élaborée.
Pour Jafar, j’ai utilisé des tablas et des dumbeleks ainsi que des cordophones de la famille de l’oud afin de donner cette coloration moyen-orientale. Il s’agissait toujours d’instruments originaux et non d’imitations synthétiques. Pour Ursula, j’ai fait appel à deux harpes -que l’on retrouve dans l’ensemble de l’orchestration de Fantillusion, pour donner du poids à ce type de couleurs. Pour l’enregistrement, j’ai profité de la stéréo pour placer chacune d’elles à droite et à gauche (si j’étais en concert, je pense que je les placerais de la même façon). C’est ce qui donne cette sonorité large. Cela permet également de pouvoir moduler rapidement dans d’autres tonalités et d’avoir une partition plus chromatique. C’est ainsi que procédaient des compositeurs comme Claude Debussy ou Maurice Ravel.
Pour la section The Light Turns Into Night And The Ghouls Dance, la musique semble se faire plus abstraite et plus proche cette fois du répertoire russe du 19e siècle.
J’aime beaucoup l’esthétique musicale d’Europe de l’Est. De plus, travailler dans le mode mineur est bien plus intéressant d’un point de vue harmonique, en particulier après avoir autant écrit en majeur. Cela permet d’explorer tant d’autres possibilités, d’aller encore plus loin dans la sophistication harmonique et contrapuntique. Cette pièce devait être plus évoluée que toutes les musiques de parade qui l’ont précédée !
Vous êtes, entre autres, percussionniste de formation et cela se ressent particulièrement ici !
J’ai fait appel à un certain nombre de percussions exotiques comme les taikos, ces immenses tambours japonais, dans la sorte de passacaille qui précède la danse, joués par un groupe appelé Kodo, qui fait des concerts de musique traditionnelle japonaise. Ces instruments sont très originaux, entièrement fabriquées à la main et incroyablement chers dans la mesure où ils sont faits à partir d’un seul arbre. C’est un instrument très intéressant et je savais que les japonais reconnaîtraient et apprécieraient cette sonorité. C’est pourquoi j’ai tenu à l’utiliser dans mon orchestration.
Vasile Sirli en a également utilisé à Disneyland Paris pour le spectacle Mulan, La Légende de Vidéopolis. Quant au Finale, on peut y apprécier la présence d’un choeur, ce qui est aussi très original pour une parade.
Il y a des éléments choraux dans la section médiane, mais je ne voulais pas exposer le choeur de façon trop signifiante avant le finale. C’est un autre élément qui rend cette parade unique et en même temps, c’est une sorte d’hommage aux finali de la plupart des classiques Disney, qui font généralement appel au choeur. J’ai donc voulu incorporer cet élément pour renforcer cette idée de « happy ending », ce qui a demandé beaucoup de travail du point de vue harmonique et du point de vue du choix des paroles. Ce fut vraiment passionnant !
La version de Fantillusion présentée à Disneyland Paris ainsi que sur le CD souvenir diffère quelque peu de la version japonaise et Vasile Sirli nous a confié que, pour réaliser les modifications nécessaires de la partition originale, il préférait faire appel au compositeur lui-même, par respect pour lui et pour sa musique.
J’ai été très sensible à cette attention. Certaines parties de la musique ont été supprimées pour s’adapter à la nouvelle version de la parade. Ces modifications ont été principalement dictées par de nouveaux choix du metteur en scène. Par exemple, à Tokyo, les trois fées de LA BELLE AU BOIS DORMANT, Flore, Pimprenelle et Pâquerette se trouvent sur trois chars séparés, racontent chacune leur histoire et font leurs propres commentaires. Nous avons dû les réunir sur un seul char. Les dialogues ont donc dû être remontés et remixés. Du fait de ces changements, il a fallu monter et mixer un nouveau CD souvenir pour Disneyland Paris.
Si la qualité de cette nouvelle version est indéniable, on regrettera cependant l’absence des trois morceaux qui résonnent lorsque les chars sont arrêtés et se transforment, Fairy Garden Fantasy, The Light Turns Into Night And The Ghouls Dance et The Happy Ending Medley.
La durée dont je disposais était limitée et la musique de la parade proprement dite m’a pris tout le temps que j’avais. J’aimerais beaucoup qu’il y ait une nouvelle version de ce CD dans lequel je pourrais faire figurer ces pièces sur des pistes séparées.
Quelle a été l’influence de Fantillusion sur les musiques que vous avez composées après ?
C’est une question intéressante. En particulier après avoir entendu Fantillusion en situation et vu comment le public réagissait, cela m’a permis d’évaluer jusqu’où on pouvait aller en termes de sophistication et de complexité tout en pouvant toucher et amuser tous les âges. La musique peut agir à bien des niveaux, et l’on n’a pas besoin de connaître la musique pour la comprendre. Je pense d’ailleurs qu’il est plus signifiant de voir la parade avant d’écouter l’album-souvenir ; cela permet de vraiment ressentir et comprendre la musique en situation. J’espère vraiment que Fantillusion sera autant appréciée à Paris qu’elle l’a été à Tokyo et que le public aura autant de plaisir à y assister que j’en ai eu à composer sa musique !