samedi, octobre 20, 2007

BEAUTY AND THE BEAST - THE BROADWAY MUSICAL : Entretiens avec le compositeur Alan Menken et l'orchestrateur Danny Troob

Quand les studios d'animation Disney faisaient appel à Alan Menken et Howard Ashman à la fin des années 80 pour écrire la musique de LA PETITE SIRENE, ils réunissaient pour notre plus grand bonheur l'art du dessin animé et celui de la comédie musicale. En 1994, ils inversaient le processus en adaptant un dessin-animé à la scène. Succès mondial et considérable, BEAUTY AND THE BEAST - THE BROADWAY MUSICAL a connu jusqu'à cette année pas moins de 5464 représentations toutes aussi magiques les unes que les autres. Nous avons eu l'honneur de pouvoir en parler avec le grand Alan Menken (premier plan à gauche), ainsi qu'avec son orchestrateur de génie, Danny Troob.

ALAN MENKEN

Quel rapport concevez-vous entre LA BELLE ET LA BÊTE et BEAUTY AND THE BEAST-THE BROADWAY MUSICAL ?
J’ai conçu la comédie musicale comme une extension naturelle du film. Les deux sont différents dans la mesure où les paroles des chansons du film ont été entièrement écrites par Howard Ashman tandis que la comédie musicale possède de très nombreux textes de Tim Rice. Cela crée un équilibre très différent. Néanmoins, Tim s’est efforcé de créer quelque chose qui s’intègre naturellement dans l’oeuvre d’Howard. C’est pour cela que je considère le spectacle comme un développement naturel du film, d’autant plus que pour la version intégrale de LA BELLE ET LA BÊTE, nous avons repris les paroles du spectacle de Broadway pour le mettre dans le dessin-animé.

Il y a quelques différences entre le dessin animé et la comédie musicale. Notamment au niveau de l'histoire.

Avant tout pour des raisons de mise en scène. Par exemple, Zip (Chip) est davantage présent dans la version scénique que dans le film. Dans la mesure où c’est un véritable enfant sur scène, ce personnage parle davantage aux enfants du public que dans la version animée. Il n’a finalement pas le même rôle dans les deux versions. Dans le film, il vient prévenir Belle et Maurice que le château va être attaqué alors que cette scène est absente de la version scénique. Zip participe vraiment à l’histoire du dessin-animé alors que sur scène, il est plus là pour représenter l’enfance. Ce sont deux médiums différents, avec des besoins différents.

Un grand nombre des nouvelles chansons de BEAUTY AND THE BEAST sont tirées de thèmes instrumentaux. Cela veut-il dire que vous concevez vos thèmes instrumentaux comme des chansons ?
Non. Ce que je fais, c’est prendre certains matériels de la partition qui n’ont pas été conçus au départ comme des chansons, et seuls certains éléments thématiques peuvent être utilisés dans une chanson. C’est aussi ce que j'ai fait sur LA PETITE SIRENE. Dans certains cas, on s’aperçoit qu’il vaut mieux créer un nouveau thème que reprendre un thème instrumental. Mais la plupart du temps, je crée une chanson à partir des germes d’un thème initialement pensé instrumentalement, et c’est un exercice très amusant.


DANNY TROOB

Le passage du film à la comédie musicale fut un véritable challenge. Comment êtes-vous parvenu à conserver l’esprit du film avec bien moins d’instruments à votre disposition dans la fosse d’orchestre.
Ce fut difficile. A certains moments, c’était comme si j’avais à préparer un banquet pour les 1500 personnes du public avec seulement un kilo de viande ! Mais c’est comme la cuisine, vous devez bien connaître les ingrédients que vous avez à votre disposition et réfléchir au meilleur moyen de les mélanger. Je disposais de synthétiseurs, mais je ne voulais pas qu’ils se remarquent car je pense qu’une grande partie du spectacle dépend de l’impression d’avoir tout un orchestre symphonique et, pour moi, cela aurait été un désastre de donner au public des sonorités de synthèse. A chaque fois que je les utilise pour soutenir les cordes, je leur donne la partie de second violon, ou je les fais jouer à l’unisson avec tous les violons, mais doucement. A moins d’être vraiment très attentif, on entend toujours les instruments acoustiques. Le synthétiseur ne fait que remplir des espaces que l’on n’entend pas consciemment dans l’orchestre. Dans une partition d’orchestre, les gens n’entendent pas beaucoup les voix intermédiaires comme les seconds violons, les altos, ou les cors et les clarinettes dans le registre médium. Ils entendent la mélodie, la basse, le contrechant, le contrepoint des bois, mais les notes centrales, l’harmonie se remarquent moins. En tant qu’orchestrateur, vous avez donc la possibilité de remplacer ces instruments par des synthétiseurs si vous le faites avec beaucoup de soin. Il existe même une tournée du spectacle au Royaume-Uni avec seulement 15 musiciens : une trompette, un trombone, un cor, un premier violon, un second violon, un violoncelle et trois claviers. C’est vraiment la taille minimum ! Ce fut la version la plus difficile à orchestrer. A cause de cette situation particulière, j’ai également sacrifié l’une des autres priorités qui est d’écrire des parties faciles à jouer. Ici, chaque instrumentiste est essentiel et si le moindre musicien n’est pas excellent, l’orchestration en pâtit. Les parties de cuivres sont particulièrement difficiles. Cependant, l’idée de départ était aussi de pouvoir emmener un orchestre en tournée. Nous avons finalement eu un ensemble similaire en tournée à travers les Etats-Unis. Ce qui me console, c’est qu’à la fin de la soirée ou de la semaine, les musiciens étaient en grande forme et ils reviennaient de leur tournée meilleurs qu’ils n’ont jamais été !


Cette nouvelle version a peut-être également été une opportunité pour changer certaines choses qui ne vous plaisaient finalement pas dans la version filmée ?
Ce fut en effet l’occasion de corriger certaines choses que je considérais comme des erreurs dans le film. Par exemple, dans la chanson Belle, les dialogues étaient accompagnés tantôt pas les cordes et le piano, tantôt pas les cordes et le clavecin, et pour la version scénique, je n’ai gardé que les cordes, considérant que les claviers pouvaient distraire l’attention des dialogues. Un autre élément tient à la taille de l’orchestre. Dans le film, nous avons fait appel à des orchestres allant de 38 à 80 musiciens selon les pièces, alors que le spectacle fait appel à un seul ensemble, ce qui permet de créer un monde plus homogène. Par endroits, je pense que cette contrainte a suscité en fait une meilleure orchestration. La Mob Song me semble légèrement meilleure. J’ai pu utiliser les cors graves d’une façon plus ‘économique’ et j’ai retiré certains éléments contrapuntiques. J’avais un tel orchestre à ma disposition dans le film ; je me devais de l’utiliser au maximum. Plus généralement, je pense que le son du spectacle est plus cohérent, justement à cause de l’unité de l’orchestre. Mais ce sont là les seules opportunités positives qu’offrait le changement de situation. La plupart du temps, il s’est agi de se battre pour rester le plus proche possible de la musique originale avec des moyens totalement différents.


C'est le succès de Human Again dans la comédie musicale qui a poussé les créateurs du film à rajouter cette chanson (originellement supprimée) dans la version intégrale du dessin-animé.

C’est le même début, et le même grand finale que dans la version intégrale du dessin-animé, mais ce numéro avait besoin de faire 7 à 8 minutes pour correspondre aux besoins d’une adaptation scénique de grande ampleur et pour pouvoir faire tous les tableaux qu’ils voulaient faire. Cette nouvelle version couvre donc une grande palette de styles très différents. Il y a un tango, une danse russe. La section avec les assiettes tournantes est quant à elle typique d’Hollywood, des comédies musicales filmées des années 40. L’idée était ici d’être drôle. Puis, Ms. Samovar fait son entrée et l’on retrouve la musique du film. La musique de cette nouvelle section centrale a été écrite en fonction des pas de danse de la chorégraphie originale, mais après cela, devant le succès de la chanson, ce sont les autres chorégraphes qui ont dû s’inspirer de la musique. L’orchestration de la version ‘Broadway’ de LA BELLE ET LA BÊTE a été très difficile. Nous avions un timing très serré et cela m’a pris 6 heures rien que pour le tango. Car il y a beaucoup de changements de textures, mais avec un petit ensemble. Avec un grand orchestre, il est facile de changer de texture car vous avez tous les instruments sous la main. Avec un petit ensemble, il faut vraiment faire attention et savoir gérer au mieux les moyens dont on dispose. C’est paradoxal : on pourrait penser que pour un tel ensemble, les choses vont aller plus vite alors que c’est souvent le contraire.

Il y a aussi davantage de percussions dans la version Broadway.
Parce qu’il y a davantage de numéros dansés. Dans le théâtre musical, quand il y a de la danse, les percussions ne sont jamais loin. Le fait est que les parties de percussions des chansons sont pratiquement identiques dans les deux versions, mais les musiques de ballet ajoutées à Gaston et à Be Our Guest font très largement appel aux percussions, tout comme la scène du combat entre les objets et les envahisseurs.


En tant que professionnel de la comédie musicale, habitué de Broadway, quel est votre sentiment sur le fait de transposer un dessin-animé à la scène comme ce fut le cas pour LA BELLE ET LA BÊTE ?
Ce fut un événement pour Broadway. Et il ne fut pas accueilli très chaleureusement par la communauté. La corporation voyait cela comme une invasion. La réception par la presse fut également glaciale. Mais le public était près à le recevoir. Vous voyez maintenant que, malgré tout cela, le spectacle a remporté un très grand succès, et c’est toujours le cas aujourd’hui, neuf ans après. Il est également donné avec beaucoup de succès dans une centaine de villes à travers le monde, en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Je crois qu’une tournée européenne est en préparation pour 2004. Je pense personnellement que c’était une bonne idée, ce que confirme le succès du ROI LION à Broadway. D’autres studios envisagent même de se lancer dans l’aventure. Bien qu’il ne se base pas sur un dessin-animé, WICKED est une nouvelle version de l’histoire du Magicien d’Oz, ce qui veut dire qu’il contiendra des idées issues du cinéma.

Que pensez-vous que l’arrivée de Disney dans le monde de la comédie musicale a apporté à cet univers très spécifique ?
Le plus grand changement initié par Disney est d’abord économique. Tout le monde a été stupéfait du succès des produits dérivés vendus par Disney le foyer du théâtre. Cela peut paraître insignifiant mais pas du tout, cela participe grandement à la valeur de la production. Cela n’apparaît pas dans les recettes du box office, mais cet argent change totalement la donne d’un point de vue économique. Les autres compagnies ont toujours vendu des programmes, des CDs, ou des T-Shirts, mais les ventes de Disney se sont avérées bien plus efficaces. A partir de là, les gens de Broadway ont considéré les produits dérivés plus sérieusement. Une autre innovation tient au fait qu’il est maintenant possible d’acheter des billets pour une comédie musicale, par exemple BEAUTY AND THE BEAST, au box office d’une autre, par exemple LION KING, ce qui a également favorisé les ventes. Du point de vue stylistique, je ne pense pas que les choses ont vraiment changé. Broadway reste toujours attaché au répertoire traditionnel. Du point de vue artistique, je crois que Disney, par le fait qu’il s’agit d’adaptations de dessin-animés bien connus, a apporté une dimension familiale à la comédie musicale et je pense que nous allons voir de plus en plus de spectacles comiques dans lesquels l’esprit et l’intelligence du livret (comme c’est le cas pour MAMMA MIA ! par exemple, même s’il est sans prétention) sont des éléments importants de leur succès, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le style d’Andrew Lloyd Webber, fait de musique pop légère, telle une mince surface au-dessus de sous-entendus sérieux (à mon avis sans intérêt) était très présent et prédominant depuis environ 1978 jusqu’en 1993-94. Durant cette période, l’esprit et l’intelligence n’étaient pas vraiment au rendez-vous et l’humour était totalement absent. A l’époque où Alan et Howard travaillaient à LA BELLE ET LA BÊTE, Broadway était pratiquement fermé aux oeuvres des jeunes artistes américains. Il y avait bien des exceptions comme CHORUS LINE, mais c’était en 1976 et la production de LA BELLE ET LA BÊTE remonte plutôt à 1987-88. Ce qu’il y a de plus important, c’est que Disney a fait appel à de jeunes talents et leur a donné une chance de faire entendre leurs chansons et cela a permis en retour à de jeunes artistes de se faire entendre à Broadway. Il faut dire que la tendance visant à faire appel à des sujets très sérieux, lourds et pédants (qui demanderaient un traitement très rigoureux), s’accompagnait et s’accompagne toujours d’un traitement musical très superficiel. Howard, au contraire, avait le don pour choisir des sujets qui semblaient très légers et pour leur infuser une grande profondeur. C’est beaucoup plus difficile. La tendance s’inverse aujourd’hui et je salue le fait que les familles viennent maintenant au théâtre. Dans les années 80, il était facile de faire la différence entre les nouvelles comédies musicales de Webber et de ses disciples et les comédies musicales classiques. Aujourd’hui, le paysage est plus éclectique et mon approche n’est que l’une des nombreuses approches présentes sur la place.

Photo d'Alan Menken et des créateurs de Beauty and the Beast, The Broadway Musical : Copyright 2007 Disney. Photo by Lyn Hughes.

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Je voudrais savoir s'il existe un support dvd ou cassette vidéo de la comédie musicale !!
Je l'es en CD, est c'est un véritable bonheur !! Les musiques sont magnifiques !!!

10:41 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je voudrais savoir s'il existe un support dvd de la comédie musical, j'ai déjà le cd, je pense qu'avec les images se sera encore plus fantastique !!

10:43 PM  
Blogger Jeremie NOYER said...

Malheureusement, il n'existe aucun support video officiel de ce chef d'oeuvre.

11:41 AM  
Anonymous Anonyme said...

J'ai pu voir la version brésilienne (qui est excellente)sur you tube, dommage que la version originale n'a pas de support vidéo, mais existe d'autre version sorti qu'importe le langage!!!

6:08 PM  
Anonymous Anonyme said...

Et es que il n'existe pas une version dans d'autre langues ??

7:18 PM  
Blogger Jeremie NOYER said...

A ma connaissance, rien d'officiel nulle part, hélas!

7:26 PM  

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