RATATOUILLE A DISNEYLAND PARIS : Entretien avec le Directeur Créatif Roger Gould
M. Gould,
pouvez-vous nous expliquer votre rôle en tant que Directeur Créatif Pixar pour
les Parcs à Thème ?
Mon métier est à la fois merveilleux et étrange. Il s’agit
d’une collaboration à plein temps avec Walt Disney Imagineering sur tous les
projets impliquant les personnages et les histoires Pixar à travers l’ensemble
des parcs Disney du monde. Ce qui fait que j’ai eu le grand plaisir de
participer à la création de Cars Land à Disney California Adventure, Crush’s
Coaster au Parc Walt Disney Studios et à beaucoup d’autres projets à travers le
monde. C’est fantastique ; chaque projet ne ressemble à aucun autre !
Comment Ratatouille – L’Aventure Totalement Toquée
de Rémy a-t-elle été créée?
Il y a six ans, Tom
Fitzgerald, l’Imagineer en charge de tout le côté créatif de Disneyland Paris,
a eu cette idée, cette inspiration, de donner vie à l’univers de Ratatouille au Parc Walt Disney Studios.
Nous étions alors en train de travailler sur Toy Story Playland pour ce parc. C’était déjà une manière
formidable et immersive de faire pénétrer nos visiteurs dans l’univers de Toy Story, et Tom s’est mis à réfléchir
à la façon d’aller encore plus loin et d’ajouter encore davantage d’histoires
immersives à ce parc. Ratatouille, le
film, a eu un tel succès en France et en Europe que c’était le sujet idéal pour
ce projet.
Bien sûr, tout l’attrait
du film repose sur le fait qu’il a été tourné du point de vue d’un rat. Parce que c’est toujours amusant de rapetisser. Alors nous avons passé
presque un an à expérimenter des choses en concevant cette expérience
uniquement du point de vue physique, c’est à dire en faisant appel à des décors
et des personnages gigantesques. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il y
avait des limites techniques à la vitesse à laquelle des objets de cette taille
pouvaient bouger. Prenez la scène du film dans laquelle Rémy tombe des toits de
Paris dans la cuisine de Gusteau, avec tous ses dangers. Nous voulions
retrouver cette urgence et cette excitation, mais c’était impossible avec des
éléments mécaniques. Ils bougeaient trop
lentement. Alors nous en sommes venus à l’idée d’associer des décors réels géants
(parce nous voulions que les visiteurs croient vraiment qu’ils sont réduits à
la taille de rats) avec de l’animation 3D en relief dernier cri pour le monde
de Ratatouille et ses personnages.
Cela nous a permis de prendre le meilleur des deux techniques : d’un côté,
un monde réel sur-dimensionné avec par exemple ces toits gigantesques, ces
cheminées et cas balcons géants qui vous font réellement vous sentir tout
petits, et de l’autre des écrans géants de dernière génération avec une
animation en 3D bénéficiant de la plus haute résolution jamais utilisée chez
Pixar, ce qui donne une clarté et des couleurs ahurissantes ! Cela nous a
permis de donner véritablement vie à nos personnages, avec exactement la même
vitesse et la même dynamique que dans le film.
Comment Ratatouille – L’Aventure Totalement Toquée
de Rémy s’intègre-t-elle dans l’histoire du Parc Walt Disney Studios ?
Ce que Tom
Fitzgerald souhaite en créant ces lands immersifs, c’est plonger totalement nos
visiteurs dans les univers de nos film. Nos rêves les plus fous deviennent
ainsi réalité, un peu comme lorsque le héros de Cinémagique rentre à l’intérieur de l’écran. Ici, c’est ce qui vous
arrive physiquement. Vous pouvez réellement déambuler autour de la Place de
Rémy et vous retrouver non pas simplement à Paris, mais dans le Paris de Rémy. C’est
ainsi qu’en regardant tout autour de vous, vous pourrez découvrir plein de « Hidden
Remys », un peu comme les « Hidden Mickeys », les Mickey cachés.
Parce que nous ne souhaitions pas reconstituer le vrai Paris. Nous voulions
recréer le Paris du film. C’est dans cet esprit que nous lui avons rajouté bon
nombre de clins d’œil et de surprises pour vous rappeler qu’en fait vous vous
trouvez dans le monde de l’animation.
Quel est le rôle de l’animation dans cette
attraction ?
C’est ce qui
apporte toute l’émotion de cette attraction en renouant avec les personnages du
film, Rémy, Emile et tous les chefs, mais à une échelle que nous n’avions
jamais tentée. C’est ainsi que nos écrans de projection sont tellement immenses
que certains vous enveloppent littéralement pour vous immerger dans ce monde
animé. J’ai dirigé les séquences animées ici à Pixar, et nous avons travaillé
exactement de la même manière que lorsque nous faisons un film. Nous avons commencé
par storyboarder l’ensemble de l’attraction. C’est une histoire très simple :
Rémy nous accueille, nous, ses amis rats, pour un repas qu’il va nous concocter
lui-même. Et tandis qu’il réfléchit au plat qu’il va réaliser, il tombe
accidentellement dans la cuisine de Gusteau et nous entraîne avec lui. Nous
devons éviter les multiples dangers de la cuisine et de la salle de restaurant
pour nous retrouver finalement dans la cuisine de Rémy, prêts à déguster son
plat dans son « Bistrot chez Rémy ».
Les créateurs du film original ont-il été
impliqués dans l’attraction ?
Brad Bird, le
réalisateur du film original, ainsi que John Lasseter sont venus travailler
avec nous sur le storyboard car Brad a créé l’univers du film et nous voulions
lui être totalement fidèles tant en matière de personnages que d’histoire. Il a
vraiment adoré voir son film prendre ainsi vie. Il adore les parcs Disney et il
a trouvé fantastique de voir son univers prendre corps. A partir de là, nous avons
commencé à construire chaque scène. La grande différence d’avec un film d’animation,
c’est que, normalement, un plan dure 3 à 4 secondes maximum. Dans l’attraction,
le même plan devait durer de 30 secondes à 1 minute. Parce que le film
correspond à ce que vous vivez en tant que rat.
Beaucoup d’animateurs
du film original ont également participé à l’attraction, à commencer par le
superviseur de l’animation Andy Schmidt. Ils nous ont apporté toute leur
expérience pour renouer avec leurs personnages. Par exemple, Kristoff Vergne était
Key Animator de Linguini sur le film, et comme nous avons de grands moments
avec Linguini dans l’attraction, Kristoff l’a de nouveau animé. Je n’avais pas
à le diriger parce que, Linguini, c’est lui ! Il le connaît par cœur, sous
toutes les coutures ! Ce fut extraordinaire de voir tous ces artistes
redonner vie à leur personnages !
Comme le
dit Glen Keane, les animateurs sont de vrais acteurs avec un crayon !
Exactement ! Pour ces artistes qui ont participé au film, c’était
comme retrouver de vieux copains ! Mais nous avions également
des animateurs qui n’ont pas travaillé sur le film, et pour eux, ce fut comme
rencontrer des célébrités ! Prenez par exemple Becki Tower, qui a animé Rémy
pour l’attraction. Pour elle, ce fut un rêve devenu réalité !
Comment
avez-vous réparti animation et décors réels dans l’attraction ?
Tout a été conditionné par
les personnages. Chaque fois que notre histoire devait comporter un personnage,
nous avons décidé de l’animer de sorte qu’il ait exactement la même énergie que
dans le film. Par contre, chaque fois que nous avions besoin de faire croire à
cet univers surdimensionné, nous avons construit de vrais décors. C’est ce qui
rend un parc Disney unique : cette immersion dans un univers. C’est la
raison pour laquelle nous avons voulu construire physiquement le plus de choses
possible et ensuite donner corps à cet environnement grâce à l’animation. Il n’y
a pas d’un côté les personnages et de l’autre les décors. Les deux sont
intimement connectés.
En
effet, les décors sont essentiels pour les acteurs puissent s’exprimer dans les
meilleures conditions !
Nous avons pu bénéficier
non seulement des animateurs, mais également des artistes qui ont participé à
la création du film original. Harley Jessup était le directeur artistique du
film. Il nous a aidés à concevoir l’intérieur, mais aussi l’extérieur de l’attraction
afin de capter tout l’esprit de ce Paris de dessin animé. Harley parle d’ « impression de sculpture à la main ». Parce
que, pour lui, Paris est une ville chargée d’histoire. Tous ces bâtiments ont une
histoire de plusieurs siècles, comme des œuvres d’art, des sculptures et non
pas des objets industriels. Il a donc aidé les Imagineers architectes afin de
faire en sorte que les bâtiments et tout le design de la Place de Rémy renoue
avec cet esprit. Mais cela va plus loin. A
la fin de l’attraction, vous arrivez au Bistrot Chez Rémy. On en a eu un aperçu dans
le film, à la toute fin, quand Rémy débarque dans la cuisine, que Colette lui
tend une assiette de ratatouille et qu’il y met la touche finale. Nous avons
donc demandé à Harley d’imaginer le reste de la cuisine parce que nous
voulions toute une scène à cet endroit. Il a donc conçu un décor complet que
nous avons ensuite construit numériquement dans nos ordinateurs et peuplé de
dizaines et de dizaines de rats cuisiniers ! C’est un vrai cirque ! Cela
nous a permis de dépasser les limites du film original et de créer des choses
que même les spécialistes du film n’avaient jamais vu !
Vous évoquez l’architecture parisienne, et
il est vrai qu’il y a une véritable richesse culturelle dans cette attraction,
à l’image de Disneyland Paris qui foisonne de références aux cultures
européenne et américaine.
Quand nous avons
démarré ce projet, nous savions que ce serait délicat. Nous voulions construire
un morceau de Paris juste à côté du vrai Paris. Dans ces conditions, comment en
faire un lieu unique et merveilleux et non pas une simple copie de l’original ?
La réponse nous est venue du film et notamment d’Harley, vers qui nous nous
sommes tournés pour comprendre comment il avait caricaturé Paris. Car ce que
nous voulions, c’était rendre un hommage à Paris, le célébrer, lui faire une
déclaration d’amour, dans l’esprit du parc tout entier, à la manière de Main
Street, USA, par exemple, qui est un hommage aux petites villes américaines du
tournant du siècle. Et je pense sincèrement que nous y sommes parvenus. Il y a
quelques temps, j’ai demandé à des artistes français travaillant sur le projet
ce qu’ils en pensaient, et ils m’ont répondu qu’ils étaient véritablement
charmés, que cela leur faisait penser à ces cartes postales fantaisie de Paris.
Nous n’avons jamais essayé de refaire Paris, mais plutôt de créer un Paris
rêvé. C’est ce que nous voulions faire : permettre aux visiteurs de
découvrir le Paris de leurs rêves.
Ce mélange d’art et de technologie remonte
à Walt Disney lui-même.
Ce qu’il y a de
fascinant chez Walt Disney, c’est qu’il était toujours à l’affût de nouvelles technologies
pour lui permettre de raconter ses histoires de manières toujours nouvelles. Il
ne recherchait pas la technologie pour la technologie, mais pour le potentiel
qu’elle lui offrait dans son art. Pixar et WDI se situent dans cette même
tradition. Chez Pixar, nous avons créé le premier long-métrage entièrement
animé par ordinateur avec Toy Story, motivés
par la passion de John Lasseter pour cette manière inédite de raconter des
histoires. Et c’est la même chose chez WDI. Ratatouille- L’Aventure Totalement
Toquée de Rémy en est le meilleur exemple, à travers notamment l’utilisation
des Rat-mobiles. Cette nouvelle technologie sans rail nous permet de faire en
sorte de transformer des véhicules en véritables personnages. C’est vraiment un
rat. Et vous vous prenez tout naturellement pour un rat. Comme de vrais
personnages, ils se déplacent de manière indépendante. Vous pouvez entrer dans
une scène dans un ordre précis, puis en ressortir dans un ordre totalement
différent. Cela nous a permis de vous plonger dans ce monde d’une manière
totalement inédite. Toutes ces technologies n’ont qu’un but : nous
permettre de raconter des histoires de manière chaque fois renouvelée.
Les Walt Disney Animation Studios
travaillent depuis longtemps avec WDI. Votre collaboration est plus récente.
Comment s’est passée la rencontre entre les artistes Pixar et les Imagineers ?
Merveilleuse, et
ce pour une bonne raison : nous sommes jaloux les uns des autres !
Les artistes Pixar adorent les parcs à thème et rêvent de pouvoir créer des
attractions, et les Imagineers adorent les films et rêvent de pouvoir en faire. C’est
ce qui fait que nous adorons travailler ensemble. C’est un rêve qui devient
réalité pour tout cinéaste. Chez Pixar, quand nous créons un film, nous le
faisons en trois dimensions, mais uniquement par le biais d’un écran. Harley
était à Disneyland Paris la semaine dernière pour visiter l’attraction pour la
première fois et il m’a envoyé un message pour me dire à quel point il était
enthousiaste. Pour lui, c’était incroyable de marcher réellement dans le film
qu’il avait designé. C’est ce qui nous plaît dans cette collaboration : nous
partageons avec les Imagineers cette
même envie de donner vie à nos créations avec une véritable exigence de
qualité. Nous ne construisons pas des attractions pour un week end ou même une
saison. Nous construisons pour des décennies, pour les générations à venir. L’engagement
et l’amour que chacun d’entre nous met dans son travail sont impressionnants.
Pour l’Imagineer/Directrice Artistique Beth Clapeerton, qui a supervisé le
projet sur place, chaque détail compte. Elle veut être sûre que, lorsque le
travail sera fini, nous puissions être fiers du moindre détail. Et je pense qu’il
y a vraiment lieu d’être fiers. Se promener sur la Place de Rémy rend vraiment
les gens heureux !
Pour vous, qu’est-ce qui rend Ratatouille – L’Attraction Totalement Toquée
de Rémy unique ?
Ce qui me passionne, c’est
de pouvoir raconter une histoire en construisant un puzzle aussi complexe. C’est
comme monter un automate dont tous les éléments sont animés. Et quand il est
construit, qu’il fonctionne, vous oubliez toute la mécanique et vous ne retenez
que cette histoire immersive qui vous permet d’aller en des endroits dont vous
aviez simplement rêvé par le passé. Vous savez, chaque fois que nous lançons un
projet dans un parc Disney, je me demande : « quelle est l’expérience
du film la plus importante que j’aimerais vivre pour de vrai ? » Et
sur Ratatouille – L’Attraction Totalement
Toquée de Rémy, c’est pour moi la rencontre avec Rémy, sa passion, sa
passion pour la cuisine, sa passion de la vie. Et si nous avons réussi à vous
la faire partager à travers cette aventure, rien ne saurait me rendre plus
heureux !
Un grand merci à Roger Gould, Chris Wiggum et Mathias Dugoujon !
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home