KUZCO, L'EMPEREUR MEGALO EN HD : Entretien avec le compositeur John Debney
Vous
êtes arrivé de manière un peu précipitée sur Kuzco, l’Empereur Mégalo.
Marc
Shaiman devait composer la musique, mais a quitté le projet à la dernière
minute. On m‟a appelé trois semaines seulement avant l‟enregistrement et on m‟a demandé de composer une musique totalement nouvelle. Ce film est extrêmement
drôle, une véritable bouffée d‟air frais
pour Disney et j‟ai adoré ce projet ainsi que son équipe créative. Mark
Dindal et Randy Fullmer ont créé un film tellement irrésistible et inoubliable.
Ce fut une joie d‟y participer.
Et
sans doute une consécration pour vous d’avoir à mettre en musique un film
d’animation Disney !
Kuzco,
l’Empereur Mégalo est en effet mon
premier long métrage animé, mais j‟écris
de la musique pour l‟animation depuis presque quinze ans. J‟ai commencé avec Hanna-Barbera, puis Warner Bros (Tiny
Toons), puis finalement Disney. Je me sens à l‟aise en composant pour l‟animation. C‟est un genre très spécifique et très exigeant. Il s‟agit par conséquent d‟un type de musique plus difficile à écrire. On a l‟habitude de dire aux Etats-Unis qu‟écrire pour l‟animation
est ce qui sépare les hommes des garçons. L‟art
de l‟animation est bien plus délicat que la plupart des
musiques de films en prises de vue réelles.
Fort
de cette expérience, vous avez pu marquer le film de votre empreintre en dépit
des délais.
Avant
que j‟arrive, le concept musical était différent. J‟ai choisi pour ma part une approche légèrement différente
de celle de Marc. Par endroits, sa musique était plutôt classique et, par
moments, elle avait une influence Latino/Jazz. Je ne voulais pas composer une
partition latino. Cependant, je voulais vraiment utiliser cette influence. En
fait, mon utilisation de la guitare est juste une allusion à la situation géographique
de l‟histoire. Finalement, l‟équipe créative du film et moi-même avons opté pour une partition
classique inspirée des premières musiques de dessins-animés de Disney.
Le
Jazz est aussi très présent.
J’ai
une passion pour le Jazz et la musique classique, et j‟emploie régulièrement des éléments des deux dans ma
musique. C‟est tout à fait délibéré et je trouve cela très
amusant. George Bruns, le compositeur des classiques Disney allant de La
Belle au Bois Dormant à Robin des Bois, était un compositeur fabuleux
et malheureusement sous-estimé. Je trouve également la partition de La Belle
et le Clochard fantastique. Vous retrouvez ces influences notamment dans Run
Llama Run. Pour ce moment, les créateurs du film voulaient un air jazzy
dans le style de Sing, Sing, Sing. Je me suis beaucoup amusé à écrire
cette pièce. Les solos de clarinette furent magnifiquement interprétés par Gary
Foster dans le style de Benny Goodman.
Il
est particulièrement difficile de manier l’humour en musique. Comment y
êtes-vous parvenu avec tant de succès, à travers notamment le recours au
pastiche ?
Il
faudrait un livre entier pour traiter de l‟humour
en musique. En bref, je dirai que la musique peut tout à la fois relever l‟humour ou bien le détruire si elle est pauvrement écrite.
C‟est une question de timing et de degré. Vous évoquez
le pastiche. Il se trouve que mes compositeurs de musique de film préférés sont
John Williams, Jerry Goldsmith, Alan Silvestri et beaucoup d‟autres. Pour la musique classique, je citerai Debussy,
Ravel, Rimsky Korsakov, Stravinsky et Aaron Copland. J‟aime tellement de musiques différentes que j‟inclus souvent toutes sortes de références dans mes
partitions, parfois intentionnellement, parfois inconsciemment. J‟essaie toujours de progresser en tant que compositeur
et j‟étudie énormément de partitions et de styles de
musique. Je m‟efforce de rester toujours au courant de ce qui se
fait. John Williams est ce que nous, en tant qu‟artistes, aspirrons à être. Lui et Jerry, selon moi. J‟ai ainsi glissé quelques références à Star Wars dans
la musique de Kuzco. Par exemple, dans Escape, lorsque Kuzco et
Pacha s‟échappent du restaurant.
On
retient de Kuzco, l’Empereur Mégalo ses deux thèmes principaux, celui de Yzma,
sous forme de tango, et un autre thème, plus émotionnel, tiré de la chanson de
Sting, My Funny Friend and Me.
Pour
Yzma, j‟ai choisi un tango afin de représenter la façon
sensuelle, passionnée et un peu folle dont elle se voit elle-même, ainsi que
son ambition. Sans doute le tango est-il une extension de son ego et de la manière
dont elle se perçoit (un tango un peu retro, un peu daté, presque opératique).
A l‟origine, les créateurs du film pensaient le faire
commencer avec un morceau qui serait comme une parodie de film noir. Quelque
chose de si outré que le public aurait su tout de suite que le film se moquait
de lui-même. Lorsque nous avons visionné cela au studio, je me suis rendu
compte que cette pièce, bien que drôle et sombre à la fois, ne renvoyait à rien
dans ma partition. C‟est pourquoi j‟ai
pensé que ce serait amusant de créer une ouverture sombre, presque «
frankeinsteinienne », mais qui utiliserait le thème d‟Yzma. Nous l‟avons
enregistrée et Mark et Randy, le réalisateur et le producteur, sont presque
tombés tombés de leur chaise à force de rire. Cela a très bien fonctionné et présente
immédiatement Yzma comme la méchante du film !
Pour
l‟autre thème, nous voulions simplement préserver cette
mélodie de Sting pour les moments importants du film. Je l‟ai appelée le Thème de l’Amitié. C‟est un thème très joli et ce fut un grand plaisir de l’orchestrer.
Que gardez-vous de cette expérience ?
A chaque morceau que j‟écris, j‟essaie
toujours de m‟améliorer et d‟apprendre. Kuzco, l’Empereur Mégalo n‟y
fait pas exception. Quelque part, cette partition fait partie de celles dont je
suis le plus fier. Et par maints aspects, je pense que mes racines classiques y
transparaissent particulièrement, et plus précisément ma passion pour l‟impressionnisme
français ainsi que pour la musique russe.
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