BIENVENUE CHEZ LES ROBINSONS : Entretien avec le réalisateur Steve Anderson (2e partie)
Très tôt, j’ai su que je voulais de la musique et des chansons, tout en sachant que ce ne serait pas une comédie musicale avec des personnages qui chantent leur chanson. J’ai isolé certains moments dans ma tête où je pouvais mettre des chansons. Ces moments étant fixés, il a ensuite fallu trouver les bonnes personnes pour y mettre leurs chansons. Ce dont je suis le plus fier par rapport aux chansons, c’est d’avoir dans ce film des artistes très différents de ceux qu’on peut trouver le plus souvent dans des films Disney. Un son très particulier. Prenez Rufus Wrainwright : c’est un véritable génie. Ce qu’il a écrit pour nous ne ressemble à rien de ce qu’on peut entendre ailleurs. Il apporte une telle personnalité et une telle émotion dans son travail. Il était parfait pour Lewis. Quand je me suis demandé qui pourrait être la voix musicale de Lewis, Rufus s’est imposé. De la même façon, Rob Thomas est un artiste qui écrit avec son cœur. Ce rapport entre Rufus et Rob était parfait pour le film. Sans oublier Jamie Conlon, une fantastique découverte. J’adore ce chanteur et sa musique ! Il était le choix idéal pour Frankie, la grenouille chantante. Nous avions des dizaines de choix possibles pour nos chansons et nous avons discuté très longtemps de cela. Je crois que nous avons trouvé la combinaison idéale. C’est amusant comment, parfois, au milieu d’un processus difficile, les pièces du puzzle se mettent en place naturellement, sans effort. C’est ce qui s’est passé sur la musique de Bienvenue chez les Robinsons !
Comment s’est passé le choix de ces artistes ?
Ce fut une véritable collaboration avec le département Musique de Disney. Chris Montan, le responsable de la musique de Disney et Tom MacDougall, le responsable de la musique de Disney Animation Studios, ont fait un travail formidable en sélectionnant différents artistes. Ils sont alors venus nous voir avec leur sélection, ils nous ont fait écouter des extraits de leurs chansons et nous ont fait découvrir beaucoup de choses inattendues. Ils nous ont vraiment ouvert l’esprit à moi et à la productrice du film, Dorothy McKim. Nous n’aurions jamais pu trouver ces artistes sans eux. Il faut dire qu’ils connaissent parfaitement le monde de la musique dans tous ses aspects et qu’ils nous ont vraiment fait entrevoir de nouvelles possibilités pour notre film et envisager des artistes auxquels nous n’aurions jamais pensé pour un film d’animation.
La partition du film possède également un ton bien à elle.
J’estime que j’ai eu énormément de chance de pouvoir travailler avec Danny Elfman. Je suis un fan absolu depuis toujours ! C’est quelqu’un de tellement unique. C’est ce qu’il y a de vraiment cool avec les artistes qui ont participé à notre film : ils ont tous une voix musicale unique et les réunir a donné quelque chose de formidable. Ce n’est pas une musique Disney au sens traditionnel du terme : c’est une musique unique qui correspond parfaitement à chacun des instants de ce film et ce de façon unique. Ce n’est pas une musique uniformisée.
Tous ces artistes musicaux sont un peu comme les membres de la famille Robinson : tous très différents, avec une forte personnalité, mais tous unis.
C’est une merveilleuse façon de voir les choses ! La magie de cette musique, c’est d’avoir pris des artistes qui n’avaient rien à voir ensemble et d’avoir créé une harmonie entre eux. Ce ne sont pas simplement des gens différents parlant tous en même temps et faisant du bruit. C’est une véritable harmonie : ils ont su créer une nouvelle identité musicale en tant que groupe à partir de leurs singularités. Je suis très fier de la musique de Bienvenue chez les Robinsons. C’est l’une des choses que je préfère dans ce film !
A la fin du film et dans l’album, on peut entendre une chanson magnifique qui n’apparaît pas dans le corps du film, The Motion Waltz.
Elle a été originellement écrite pour être dans le film. Mais aussi belle qu’elle soit, elle avait tendance à arrêter le rythmer de la narration. Je le regrette car j’adore cette chanson. Je voulais vraiment lui trouver une place, mais parfois cela marche et parfois cela ne marche pas. C’est ce qu’il y a de formidable en animation : vous avez la possibilité de tester certaines idées pendant la phase de storyboard. On peut ainsi tout repenser, tout réorganiser. Malheureusement, malgré tous nos efforts dans ce sens, cette chanson n’a pu être intégrée. Mais je suis vraiment ravi que nous ayons pu la mettre dans le générique de fin et sur le cd du film, de sorte que le public puisse malgré tout l’apprécier !
Un sujet important du film est la relation enfant/adule. Tout en étant adultes, les Robinson sont en phase avec l’enfant qui est resté en chacun d’eux.
C’est un aspect dont nous avons délibérément énormément parlé. J’ai utilisé le terme « childlike » pour décrire à nos animateurs et nos acteurs la direction dans laquelle je voulais aller pour ces personnages. Ce sont de grands enfants, des adultes qui n’ont pas perdu le sens du merveilleux et la liberté de l’enfance. Je parlais souvent de mon fils à nos équipes. A l’époque où nous faisions ce film, il avait entre cinq et six ans. C’était vraiment étonnant pour moi : il nous arrivait d’être assis dans le canapé à regarder la télévision ou autre chose. Soudain, il pouvait se lever et monter à l’étage pendant une dizaine de minutes et revenir déguisé des pieds à la tête en cowboy. Et il était vraiment un cowboy ! On ne pouvait plus que l’appeler Tex ou n’importe quel nom qu’il nous disait s’appeler : « Je ne suis pas Jake. Je suis Cowboy Tom ! » C’est donc ainsi que l’on devait s’adresser à lui et il incarnait totalement ce personnage. Il restait comme cela jusqu’à ce qu’il disparaisse à nouveau pour une dizaine de minutes et redescende en disant : « Salut, c’est de nouveau moi, Jake ! » Jamais un adulte ne pourrait faire cela. Il aurait conscience de ce qu’il est en train de faire et trouverait cela complètement fou. C’est le genre de liberté que seul un enfant peut avoir. C’est pareil pour les Robinson. Ils font ce genre de choses extrêmes : ils mettent leurs vêtements à l’envers, ils font des batailles de boulettes de viande au dîner, ils livrent des pizzas à travers la galaxie, ils ont des trains électriques grandeur nature qui roulent à travers toute la maison. Je ne pense pas que des adultes normaux agiraient de la sorte, mais des adultes/enfants, des gens qui auraient cette forme de liberté se diraient : « fais tout ce qui te rend heureux. Il n’y a pas de raison de ne pas te faire plaisir. Il n’y a pas de bien ni de mal. Ce n’est pas parce que la société pense que ce n’est pas ‘normal’ que tu ne devrais pas le faire car on se fiche d’être ‘normal’». C’est la liberté de l’enfance et malheureusement, la plupart du temps, on la perd quand on grandit. J’adore le fait que les Robinson n’ont jamais perdu cet esprit et je pense que c’est ce qui les rend charmants et attachants. Ils ont aussi un côté très humain : ils se préoccupent les uns des autres, ils ont beaucoup d’amour les uns pour les autres, ils s’acceptent les uns les autres. Leur relation à Lewis n’en est que plus poignante. Pour moi, c’est quelque chose de très amusant de voir ce film à la fois d’un point de vue enfant et d’un point de vue adulte. C’est amusant pour des enfants de voir des adultes se lâcher. Et c’est amusant pour des adultes de voir d’autres adultes se lâcher ! Ils se disent : « j’aimerais pouvoir en faire autant ! Peut être qu’en ayant vu ce film, je pourrais m’y mettre ? » A l’inverse, les enfants du film, Lewis et Wilbur, sont les personnages qui ont le plus de conversations et qui prennent une grande partie des responsabilités. Ils sont parfois plus sérieux que des adultes, particulièrement Lewis. Ce fut aussi amusant d’inverser ainsi les rôles !
C’est ainsi que Goob ne peut pas s’accomplir en tant qu’adulte car il n’a pas eu d’enfance heureuse.
Exactement. Quand il est enfant, c’est comme si il portait toute la misère du monde sur ses épaules. Il semble tout prendre au sérieux. Certes, il aime le baseball, ce qui lui donne un côté plus léger, mais il reste un enfant très calme et sensible. Sa vie semble fonctionner à l’envers. Il est plus adulte quand il est enfant et plus enfant quand il est adulte.
Vous avez fait la voix originale de l’Homme au Chapeau Melon. Comment cela est-il arrivé ?
C’est amusant comme cela s’est fait. Très tôt dans le processus, à l’étape du storyboard, nous faisons nous mêmes des voix temporaires. Nous faisons appel aux gens du studio pour le faire. Et il arrive que certaines voix nous marquent tellement qu’elles en viennent à coller à un personnage et qu’elles l’incarnent mieux qu’aucun acteur venu ensuite pourrait le faire. C’est ce qui s’est passé pour l’Homme au Chapeau Melon. J’ai fait sa voix très tôt et cela fonctionnait tellement bien qu’il fut impossible à l’équipe d’envisager quelqu’un d’autre pour le rôle. Il s’est passé la même chose avec Don Hall pour les voix d’Oncle Gaston et du Coach, et pour certaines autres voix qui ont été également faites par des membres de l’équipe créative. Cela crée une sorte d’équilibre entre nos acteurs-maison (les animateurs) et les acteurs professionnels comme Harland Williams (Carl), Angela Bassett (Mildred) et Nicole Sullivan (Franny). Ce sont de formidables acteurs qui ont véritablement donné vie à ces personnages. C’est vraiment amusant d’avoir cette rencontre au niveau des voix.
Vous avez dit que vous vous sentiez particulièrement proche de ce film dans la mesure où vous êtes vous-même un orphelin comme Lewis. En quoi le film vous a aidé à « aller de l’avant » par rapport à ces questions ?
Je crois que cela a renforcé ma croyance dans cette idée. J’ai développé ce thème dans le film à partir de ma propre expérience. Pour autant que je m’en souvienne, mes parents ne m’ont jamais caché le fait que j’avais été adopté et ont toujours été ouverts à la discussion sur ce sujet. Enfant, j’étais déterminé à retrouver mes parents biologiques. Maintenant que j’ai grandi, je n’y pense plus beaucoup. Parfois, il m’arrive même d’oublier que c’est un problème, que cela fait partie de ma vie, que j’ai été adopté, car j’ai été recueilli par une famille amante et attentionnée qui est vraiment « ma » famille. Ceci dit, cette question résonne toujours dans ma tête : est-ce que je devrais rechercher mes parents biologiques ? Cette curiosité est toujours là. J’ai toujours ce désir de savoir qui sont les gens qui m’ont conçu et m’ont jeté dans le monde, mais j’ai toujours été hésitant à passer le cap. Faire ce film m’a conforté dans l’idée que ne pas chercher à savoir jusqu’à présent a été la bonne décision et cela me fait douter d’autant plus qu’un jour je franchirai le pas, parce que je n’en ai pas vraiment besoin. Ce qui importe, c’est l’avenir et c’est le présent, la famille que j’ai fondée et la famille qui m’a adopté : ce sont eux qui font partie de moi et qui font ce que je suis. C’est cela qui compte. Pas ces gens que je ne connais pas et qui à aucun moment n’ont fait partie de ma vie. Je dois continuer à vivre pour le présent, pour les gens que j’aime aujourd’hui, pour mes buts dans la vie et ce que je veux continuer à faire. Retourner dans le passé ne va pas changer qui je suis et où je veux aller. C’est pour cela que je pense que travailler sur ce film et raconter cette histoire avec cette thématique m’a conforté dans l’idée que la meilleure chose à faire dans la vie, c’est aller de l’avant !
C’est ce qui rend la scène dans laquelle Lewis décide de ne pas parler à sa mère biologique d’autant plus poignante.
C’est un moment que j’ai imaginé durant toute ma vie. Qu’est-ce que je ferai dans un moment pareil ? Si j’étais face à face avec ma mère biologique ? Ou dans la même situation que Lewis ? C’est une séquence très forte pour moi. Je le redis : j’ai tant de fois imaginé cette scène, imaginé à quoi ma mère biologique pourrait ressembler, quelle serait sa personnalité, ce qu’elle pourrait me dire en un moment pareil. Ce fut une grande émotion que de créer cette séquence, de la porter à l’écran. C’est aussi une scène que l’on ne s’attend pas à trouver dans un film d’animation à cause, justement, de cette émotion, parce que c’est un moment vrai. Beaucoup d’histoires mettent en scène des orphelins, mais elles ne vont pas aussi loin dans le souvenir ou dans le pseudo-souvenir. La Première à Los Angeles, en mars dernier, fut aussi un grand moment d’émotion pour moi car il y avait là non seulement mon fils et mon épouse, mais également ma famille de la Côte Est, de Pennsylvanie, qui a fait le voyage exprès : mes tantes et oncles, mes cousins, mon papa et ma maman. Lors de la projection, j’étais assis tout à côté de ma maman et pendant que cette séquence passait, j’ai pu l’entendre pleurer. Et de mon côté, j’étais en larmes également. Après cela, ce fut très difficile pour moi de regarder à nouveau ce passage, et même d’en entendre la musique sans craquer. Ce fut vraiment un moment très fort pour moi que de voir ce film à côté de ma mère…
Maintenant que le film est vraiment bouclé, comment voyez-vous votre avenir ?
J’ai quelques idées sur lesquelles je travaille actuellement et je compte les présenter à John Lasseter d’ici la fin de l’année. On verra ce que cela donnera. Nous sommes tout au début de la phase de développement mais je suis déjà très impatient d’en parler avec John. Quand j’étais petit, j’avais deux rêves : travailler chez Disney et réaliser des films. J’ai eu les deux dans le même projet ! Réaliser Bienvenue chez les Robinson est un rêve devenu réalité tant du point de vue professionnel que personnel tant ce film est proche de moi et me tient à cœur. J’ai adoré chaque moment de sa fabrication. J’ai adoré les batailles, j’ai adoré les victoires, j’ai adoré l’équipe, les acteurs, les musiciens, les animateurs, les auteurs, les artistes de storyboard, tous les gens avec qui j’ai travaillé à Walt Disney Animation Studios et je suis impatient de recommencer ! Je pense que c’est la raison pour laquelle je suis là.
Merci pour le faire aussi bien !
Merci à vous ! Je suis ravi que vous ayez aimé le film. On donne tout son temps et tous ses efforts dans un film comme celui-ci et c’est une formidable récompense quand les gens viennent vous voir après coup pour voir dire : « J’ai adoré votre film ! », « j’ai été très ému » ou encore « j’ai beaucoup ri ». C’est ce pour quoi nous faisons ce métier : communiquer avec le public, partager des émotions.
Special thanks to Travis Beckner & Floriane Mathieu!
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