vendredi, février 08, 2008

BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS EN DVD : Entretien avec le compositeur Trevor Rabin

Comme ses ancêtres, Benjamin Gates a consacré sa vie à traquer les indices qui pourraient le conduire au fabuleux trésor des Templiers.
Depuis les temps les plus anciens, ce trésor mythique est l’enjeu d’un jeu de piste aussi acharné que fascinant. A travers ses recherches, Benjamin a fait une découverte extraordinaire et déchiffre le premier les indices que le monde entier a sous les yeux…
L’emplacement du trésor se trouve en fait sur une carte tracée au dos de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis, précieusement conservée dans les Archives Nationales américaines. Mais Benjamin n’est pas le seul à vouloir retrouver l’héritage des templiers : le puissant Ian Howes est prêt à tout pour se l’approprier. Dans ces conditions, pour sauver la Déclaration, Gates devra la voler….
Dans BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS qui vient de ressortir en édition 2-DVD (en prélude à la sortie de BENJAMIN GATES ET LE LIVRE DES SECRETS), abondent mystères et péripéties, et 2000 ans d’Histoire s’allient à la technologie de pointe pour une chasse au trésor d’un nouveau genre.
Le cadre idéal pour le compositeur Trevor Rabin, aussi à son aise face à un orchestre symphonique que devant un ordinateur dernier cri. Entre émotion et électronique, il nous livre une partition particulièrement énergique qui apporte humanité, jeunesse et vigueur à cet Indiana Jones des temps modernes.



C’est un réel plaisir que de vous retrouver sur un film Disney / Jerry Bruckheimer, comme au bon vieux temps des ARMAGEDDON et autres PLUS BEAU DES COMBATS…
C’est le cas pour moi aussi. J’adore toujours travailler avec Disney, tant pour la qualité de leurs films que pour la gentillesse et la compétence de leurs équipes, à commencer par Monica Zierhut, vice-présidente de la production musicale. Dans le même temps, chaque fois que je me lance dans un film produit par Jerry, je sais que ce sera difficile car il a un très haut niveau d’exigence, avec beaucoup de pression. Ce ne sont pas du tout des vacances, mais c’est toujours très excitant !

Quelles furent les contraintes de BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS ?
Il y a beaucoup de musique dans ce film et Jon Turteltaub (photo ci-dessous) m’a demandé beaucoup d’esquisses et de démos différentes au cours de la production. Il avait des idées très précises quant à la musique qu’il voulait, et parfois, cela ne correspondait pas à ce que Jerry envisageait. Dans ces cas là, je m’attachais à trouver quelque chose qui convienne aux deux. C’était délicat. Ajoutez à cela la pression de l’emploi du temps, toujours très serré, et vous aurez une idée de l’ambiance sur ce film !




Comment s’est passée la conception de cette partition ?
Ce que j’ai particulièrement aimé sur ce film, c’est que Jon et Jerry avaient certes des idées précises de ce qu’ils souhaitaient par rapport à la musique, mais en même temps, le réalisateur n’était pas attaché à une musique temporaire en particulier, ce qui fait que j’ai pu bénéficier d’une liberté appréciable dans mon travail. Il est très agréable d’arriver avec des idées qui ne sont pas forcément celles des créateurs du film, mais qui leur font voir les choses d’une façon différente qui leur plaît. C’est arrivé assez souvent sur ce film.

Avez-vous des exemples de ces idées personnelles qui ont conquis les créateurs de BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS ?
Pour le motif de piano qui parcours le film, je suis arrivé avec une mesure à 6/8, ce qui crée un ensemble et un rapport au temps qu’ils n’avaient pas prévu.

Il y a de l’Indiana Jones dans Benjamin Gates, mais l’ambiance générale est très différente du film de Spielberg, beaucoup plus moderne, et cela se ressent nettement dans votre musique.
Je n’ai délibérément pas voulu aller dans le sens du film de Spielberg. Ce dernier fonctionne parfaitement tel qu’il est. J’avais des idées très précises quant à l’approche spécifique de ce film. Pour preuve, c’est le premier thème que j’ai écrit qui a été retenu. Il faut dire que je commence toujours un projet par l’élaboration des thèmes. Ce n’est pas la peine de se lancer dans une musique tant qu’on ne sait pas quel matériel thématique on va utiliser. D’habitude, je viens toujours avec plusieurs thèmes susceptibles de devenir le thème principal, mais là, j’avais une telle conscience de ce personnage et de sa modernité que j’ai trouvé le bon thème immédiatement. Lors de ce genre de présentation à Jerry, il dit souvent sur le premier thème : « c’est pas mal, mais j’aimerais entendre les autres thèmes que tu as composés. ». Sur ce film, il a donné son accord immédiatement. L’effet ne fut pas aussi immédiat sur Jon, mais le thème a mûri en lui et a fini par le convaincre. Il fallait respecter la nature particulière de ce film, certes d’action, mais mêlant une certaine légèreté, un certain humour, avec beaucoup de suspens. Je pense que c’est pour cela, ainsi qu’à cause de son contexte historique, il n’était pas possible ne serait-ce que de songer une seconde à une approche à la INDIANA JONES, mais bien plutôt de s’orienter vers quelque chose de résolument moderne et actuel en associant quelques loops électroniques à un véritable piano et à beaucoup de cordes, que ce soit en grand orchestre ou sous forme d’octuor, pour les scènes plus intimes.


Dans BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS, on reconnaît la même griffe que pour ARMAGEDDON ou encore LE PLUS BEAU DES COMBATS, mais votre style a beaucoup évolué depuis.
C’est une question intéressante. ARMAGGEDON fut l’un de mes tout premiers films. Je débutais à peine. J’adore ce film, mais en même temps, ce fut pour moi comme si j’apprenais à nager en plongeant directement dans le grand bassin d’une piscine ! Mais j’assume totalement car ce n’est pas Jerry qui m’a appelé, c’est moi qui l’ai contacté afin qu’il considère la possibilité de me compter parmi son équipe pour ce film qui m’attirait énormément. J’ai écrit un thème qui a eu le bonheur de plaire à Jerry et le reste fait partie de l’Histoire… Ce fut à peu près la même chose sur ENNEMI D’ETAT. Ce n’était pas moi qui était pressenti. Mais Tony Scott tenait à baser son choix de compositeur sur les thèmes avant tout. J’ai donc écrit une batterie de thèmes que je lui ai soumis. C’est de là que je me suis dit que commencer par les thèmes était une méthode de travail intéressante. Pour LE PLUS BEAU DES COMBATS, j’étais en plein milieu de la production de la musique de 60 SECONDES CHRONO. Nous étions en train de faire une partie du montage et de réfléchir sur les chansons qui figureraient dans le film tandis que l’équipe du PLUS BEAU DES COMBATS travaillait dans le studio d’à côté. C’est ainsi que j’ai rencontré le réalisateur, et j’ai adoré le film. Ce fut tout à fait naturel de passer de 60 SECONDES au PLUS BEAU DES COMBATS. Mais plus encore que sur mes précédents films, au delà de la thématique, c’est sur BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS que je me suis le plus intéressé aux questions de style. Il ne s’agissait pas de faire du moderne pour du moderne. Je n’ai pas voulu me restreindre à un seul style de musique. Il y avait une dimension histoire et, de fait, je me suis orienté vers les cordes, plus traditionnelles. Mais il y a aussi une partie de percussions très actuelle par dessus tout cela qui donne sa modernité à l’ensemble, tout comme les guitares électriques.


Cette association de percussions modernes et de cordes fait immanquablement songer à Mediaventures/Remote Control. Quelles sont vos relations avec Hans Zimmer?
Il est vrai que l’on m’associe souvent avec Mediaventures. Je connais Hans Zimmer depuis fort longtemps et nous sommes amis. A mes débuts, j’habitais assez loin du studio de Jerry. Pour LES AILES DE L’ENFER, il avait l’habitude de venir jusque chez moi, ce qui lui faisait assez loin. Lorsqu’il s’est agi de faire ARMAGEDDON, il a donné son accord pour que ce soit moi qui fasse la musique, mais il a demandé à ce que je vienne habiter plus près de ses studios. Or, il se trouve que Mediaventures se trouve non loin de chez lui et Disney m’a proposé de louer une chambre et un studio pour moi chez eux. Ce qui fait que j’ai habité chez Mediaventures pendant tout le temps de la production du film. Cela m’a permis de bénéficier de l’aide d’Harry Gregson-Williams et de Don Harper (qui a écrit la musique additionnelle de BENJAMIN GATES) entre autres. De la même façon, quand j’ai eu des problèmes de timing sur ENNEMI D’ETAT (car les dates se chevauchaient avec JACK FROST), j’ai demandé à Harry Gregson-Williams et à Tim Heintz de venir m’aider à finir le film. Ce fut facile car j’avais déjà écrit tous les thèmes et mes collègues savaient ainsi exactement où aller. Ce sont là mes seules relations avec les gens de Mediaventures, même si leur style m’a grandement influencé. Je suis heureux que vous me posiez cette question car les gens font souvent la confusion entre Mediaventures et moi.


Votre partition associe différents instruments issus de mondes très différents. Du côté classique, il y a le piano. Quel est son rôle dans la musique de BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS ?
On s’attend toujours à une déferlante de thèmes dans un film de Jerry Bruckheimer, notamment pour la grande scène finale. Au contraire, au début de la production de la musique de ce film, je me suis dit qu’il serait intéressant de miser sur une approche plus minimaliste, plus intime, avec simplement un octuor à cordes et un piano. Puis tout a évolué à partir de là. Finalement, la musique de la scène du trésor a complètement changé, mais le piano a contaminé tout le reste du film ! Pour une fois, j’ai voulu jouer à l’inverse de l’image afin de créer un contraste intéressant. C’est là tout le sens de ce piano.


Toujours du côté classique, les cordes sont aussi très présentes, et très nombreuses : pas loin de 50 dans l'orchestre.
C’est sans doute l’un des plus gros orchestres avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler ! Qui plus est, il s’agissait de musiciens vraiment remarquables. Prenez 60 SECONDES CHRONO : il y avait des éléments orchestraux, joués à la perfection d’un point de vue technique. Les musiciens sont venus, ont joué leur partie très professionnellement et s’en sont allés. Sur BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS, les musiciens se sont vraiment fait plaisir ! Ils se sont véritablement plongés dans la musique. Ralph Morrison, mon premier violon, s’est vraiment impliqué dans ce travail et s’est attaché à trouver les meilleurs coups d’archet pour chaque passage afin de mettre en valeur le contrepoint de cette partition. Le tout étant dirigé par Gordon Goodwin.


A l’opposé, on note une impressionnante section rock dans votre partition.
Dans 60 SECONDES CHRONO, les guitares sont très présentes. Je voulais apporter à BENJAMIN GATES ET LE TRESOR DES TEMPLIERS une dimension aussi forte et dure, mais sans que cela vous saute à la figure et soit trop démonstratif. Il fallait pour cela que les guitares fassent vraiment partie de l’orchestre, au même titre que les autres sections. J’ai apporté beaucoup de soin à ce que ces différents mondes –le classique et le moderne- n’entrent jamais en conflit, mais bien plutôt s’associe, dans l’esprit du film. Pour l’enregistrement, j’ai utilisé des guitares électriques traditionnelles comme les stratocasters de Fender, ainsi qu’à une guitare que j’ai conçue moi même et dont je suis très fier. C’est moi qui joue de toutes les guitares de la partition. J’ai aussi utilisé beaucoup de mandoline, mais utilisée comme un instrument à percussion… en frappant à la fois les cordes et le bois tout près du micro. Cela apporte une couleur percussive totalement différente.

Comment cette idée vous est-elle venue ?
Il m’arrive parfois d’avoir des idées étranges, sans autre raison d’être que mon imagination musicale. Mais le fait est que lorsque j’ai vu que ce film parlait de l’histoire américaine, j’ai pensé à cet instrument. Seulement, je ne voulais pas d’une approche traditionnelle, historique de la mandoline. C’est ainsi que de la mandoline, je suis passé aux percussions, mais aussi à la mandoline ténor et même au bouzouki, simplement pour des raisons sonores.



Au delà de l’aventure, on s’aperçoit que le cœur émotionnel du film repose sur la relation difficile entre Ben et son père.
Ce conflit entre père et fils est au cœur de mon thème secondaire, mais aussi du thème principal. C’est un aspect du film qui m’a beaucoup marqué et touché, et je me suis attaché à le souligner au plus près tout au long de l’histoire et de l’évolution de cette relation.



Vous assurez toujours vos propres orchestrations, chose rare pour un compositeur aujourd’hui.
Pour moi, l’orchestration fait intégralement partie du processus d’écriture. Je me fais parfois aider, mais très partiellement, pour des raisons de timing. Si quelqu’un avait demandé à Arnold Schoenberg qui faisait ses orchestrations, il lui aurait certainement mis son poing dans la figure!