On dit que la santé d'un studio se mesure à la créativité de ses artistes, et que la créativités de ses artistes s'exprime au mieux dans des formats courts. Rien n'est plus vrai quand on regarde les merveilles conconctées par les studios Disney, notamment dans les années 50, sous la houlette du légendaire Ward Kimball. Rien n'est plus vrai quand on regarde les merveilles concoctées par les studios Pixar depuis 20 ans, sous la houlette de John Lasseter. Et cela ne fait que commencer si l'on en croit les dernières déclarations du papa de Toy Story en la matière.
Créativité, invention, humour, tous les ingrédients sont là pour faire de ces miniatures de véritables bijoux.
Et pour nous en parler, l'un des artistes amis de Pixar, le compositeur Michael Giacchino (Les Indestructibles, Ratatouille), pour qui le talent n'est pas un vain mot, lui qui a mis en musique L'Homme Orchestre (One Man Band, sorti avec Cars en 2006) et Extra Terrien (sorti l'année dernière avec Ratatouille).
Comment avez-vous eu vent du projet « One Man Band »/ « L’Homme-Orchestre » ?
En fait, je connaissais l’un des deux réalisateurs, Andy Jimenez. J’avais fait sa connaissance par le biais d’un ami commun il y a dix ans et nous avons gardé le contact. Je sais qu’il a suivi ma carrière et quand l’opportunité s’est présentée pour lui de réaliser un film, il m’a appelé et m’a demandé si j’étais d’accord pour en écrire la musique. Il m’a présenté son co-réalisateur, Mark Andrews. Nous nous sommes entendus à merveille et quand nous avons commencé à en parler, il était clair que ce projet allait être très excitant ! Car la principale raison pour laquelle j’ai accepté, c’était que le film était excellent.
Comment s’est déroulée la production ?
Quand je suis arrivé, il n’était encore que dans sa phase de storyboard dans la mesure où ils ne pouvaient pas lancer l’animation avant que la partition ne soit écrite, puisque tous les personnages étaient sensés jouer de la musique. Ce fut très intéressant pour moi car, d’habitude, j’arrive sur un film en fin de production. Là, ce fut le contraire, je suis arrivé très tôt et j’ai vraiment pu être impliqué dans la création du film. Nous avons essayé beaucoup de choses. J’écrivais une musique, nous la jouions sur le storyboard et voyions si cela fonctionnait. Nous avons fait plusieurs essais comme cela, ajoutant et retirant des choses en fonction de nos visions respectives. Ce fut une véritable collaboration. J’ai aussi beaucoup aimé faire évoluer les thèmes des deux personnages. Il fallait qu’ils puissent s’enchaîner l’un à l’autre, et en même temps être totalement différents et renforcer leur opposition. Tout cela fait que ce fut une expérience unique et passionnante !
Comment en êtes-vous arrivés à ces styles différents pour chaque personnage ?
Je suis arrivé chez Pixar avec toutes sortes d’idées d’instruments pour chaque personnage tandis que les réalisateurs sont arrivés avec les leurs. Nous avons placé un dessin de chaque personnage de chaque côté du board et nous avons commencé à ajouter des instruments : une flûte, un clavier, etc. en essayant de faire en sorte de trouver des groupes d’instruments qui fonctionneraient ensemble, mais qui seraient assez différents d’un personnage à l’autre de sorte que, quand l’un jouerait, cela n’aurait rien à voir avec le son de l’autre, et que, lorsque l’un interromprait l’autre, ce serait une véritable interruption, bien nette. Au final, nous en sommes arrivés à la conclusion que le grand mince serait plus élégant, avec une instrumentation plus aiguë, tandis que le gros aurait une grosse caisse et se chargerait des fréquences les plus graves. D'un côté quelqu'un de raffiné et de l'autre quelqu'un de plus spontané, bonhomme et un rien brutal. L'un devenait le haut, l'autre le bas.
En quoi vos suggestions en matière d'instrumentation ont influencé le design des musiciens, dans la mesure où ils sont habillés avec leurs instruments?Les réalisateurs avaient des idées sur certains points. Mais ce n'est qu'après ce jour où nous avons discuté ensemble de la musique de chaque personnage qu'il a été possible de finaliser le design de ces personnages. C'était unique pour moi de pouvoir intervenir à ce niveau dans un film!
Vous parlez beaucoup de collaboration. Il semble que vous soyez plus à l'aise de ce point de vue sur un court-métrage.
J'adore les courts-métrages parce qu'ils vous offre l'occasion d'expérimenter toutes sortes de choses, et cela est d'autant plus possible quand vous travaillez avec une petite équipe. C'est un processus beaucoup plus collaboration que lorsque vous travaillez sur une grosse production. Il n'y a pas tous ces gens qui vous disent comment faire ceci ou cela. Chacun essaie tout simplement de faire son travail. Cela permet vraiment de faire passer des idées nouvelles. C'est la raison pour laquelle, pour moi, les courts-métrages sont la plus belle façon de faire des films. C'est ce pour quoi je fais ce métier. Pourquoi je l'aime. J'adore cette idée qui vous pousse à être simplement le plus créatif possible. Vous êtes obligé d'imaginer des choses inédites car vous n'avez pas le budget pour faire les choses de façon traditionnelles. C'est ce qui rend ce travail amusant!
En parlant d'expérimentation, on sait que les courts-métrages permettent de tester des choses qui pourront être utilisées plus tard sur des long-métrages. Cela fut-il aussi le cas en musique?C'est en effet un moyen fantastique pour les jeunes animateurs de tester de nouvelles idées et de nouvelles techniques dans un environnement où les enjeux n'ont rien à voir avec un long-métrage de deux heures. On peut tranquillement essayer toutes sortes de choses : une nouvelle technique d'éclairage qui pourra être appliquée sur un prochain film, qui sait? Ou une nouvelle façon d'animer. Musicalement, j'ai pu essayer quelques effets que j'ai pu réutiliser sur Ratatouille. J'ai aussi eu l'occasion de faire la musique d'un court-métrage pour les studios Disney, How to Hook Up Your Own Home Theater, avec Dingo. Ce fut extraordinaire car cela m'a permis de faire un véritable voyage dans le temps. L'idée était d'écrire une musique qui sonne comme les vieux cartoons de Dingo. Cela m'a permis d'aller dans les archives de Disney et de redécouvrir les partitions originales de ces films, et j'ai beaucoup appris! Chaque fois qu'on a accès à ce genre de matériel, on apprend énormément de choses en essayant de comprendre comment tout cela fonctionnait à l'époque. D'une certaine façon, c'était comme de l'archéologie musicale! Et ce fut le même processus sur Exra Terrien, l'histoire d'un alien qui apprend à enlever des humains. Ce fut l'occasion d'essayer des choses différentes du point de vue sonore avec l'orchestre.
Comment cela?J'ai eu l'idée de disposer l'orchestre en cercle. Tout dans le studio était en cercle et nous avons tout enregistré en surround. De cette manière, vous avez l'impression que vous êtes encerclé par cet orchestre qui a la forme de la soucoupe volante. J'ai beaucoup aimé me retrouver au mieux de l'orchestre et de sentir comment cela sonne! A partir de là, nous avons mixé cela et testé toutes sortes de façons de spatialiser la musique. Cela n'avait jamais été fait! Et cela m'a inspiré des choses pour les films sur lesquels je travaille actuellement.
Gary Rydstrom, le réalisateur d'Extra Terrien, est avant tout un sound designer très connu. Comment avez-vous travaillé avec lui, dans la mesure où vous êtes tous deux des artistes travaillant sur le son?C'est quelqu'un d'incroyable! C'est l'un de mes héros! Tout ce qu'il a créé, à commencer par le cri du T-Rex dans Jurassic Park, est devenu légendaire, tout comme Ben Burtt sur Star Wars. Vous ne savez pas forcément sur quoi il travaille, mais quand vous entendez ce qu'il a créé, vous savez que c'est lui qui l'a fait. Ce que j'ai réalisé de plus important en travaillant avec lui sur Extra Terrien, c'est qu'il a un timing impeccable. C'est l'un des secrets de sa réussite. Chaque gag de son film fonctionne parfaitement grâce à cela. C'est quelqu'un qui a beaucoup de subtilité et cela se ressent à merveille dans son film. C'est l'un des artistes les plus uniques avec qui il m'a été donné de travaillé!
Sa façon d'utiliser la musique est assez originale! Il a créé une sorte d'interactivité avec la musique dans la mesure où elle est souvent coupée brutalement en fonction de ce qui se passe. Concrètement, la partition est un peu plus traditionnelle que celle de mes autres courts-métrages. Elle est moins éclectique que celle de L'Homme Orchestre. Mais la modernité de cette musique vient précisément de la façon dont nous l'avons enregistrée et dont elle est utilisée, avec tous ces arrêts inattendus tandis que le petit alien essaie de faire sortir Linguini de la maison. J'ai adoré ce genre de projet. J'adore me lancer dans des choses qui changent de d'habitude ou même qui me font peur. Et les courts-métrages sont parfaits pour cela!
Disney et Pixar ont annoncé qu'ils préparaient encore beaucoup d'autres courts-métrages comme ceux-là. Avez-vous des projets en la matière?J'ai entendu parler de certaines choses et j'en ai parlé à des amis, mais rien n'est encore sûr à 100% à cette heure. Mais je suis certain que quelque chose va arriver très prochainement....
Sur quoi travaillez-vous actuellement?Je travaille sur Speed Racer, que nous devons enregistrer en février -ce qui n'offre pas beaucoup de temps pour beaucoup de musique à écrire! Mais c'est génial! J'ai toujours été un fan de ce show depuis que je suis tout petit. J'ai même depuis toujours un poster de Speed Racer dans mon bureau, c'est vous dire! Ce qui fait que, pour moi, ce n'est pas du boulot, c'est avant tout du plaisir! Et le fait qu'il s'agisse en même temps d'un film fantastique rend les choses encore plus excitantes!
With very special thanks to Michael and Andrea!
1 Comments:
Merci pour cette excellente interview de Michaël Giacchino ! très instructive. J'adore !
Enregistrer un commentaire
<< Home