IL ETAIT UNE FOIS : Entretien avec le compositeur Alan Menken
Avant tout, je savais qu’Andalasia devait être un royaume animé et pendant un certain temps, il fut question de faire une parodie de ce que Howard Ashman et moi avions fait sur les dessins animés Disney des années 90. Mais j’ai fait savoir aux créateurs du film que je ne me sentais pas à l’aise avec cette idée. Je préférais replonger dans le monde de Blanche-neige et de Cendrillon. Il y a tant de choses intéressantes à puiser de ce matériel : l’ouverture avec le livre, le grand chœur Disney… De cette manière, cela m’amusait beaucoup. Ensuite, quand Giselle arrive dans notre monde, à Time Square, nous avons renforcé le contraste en faisant évoluer le style. En fait, les chansons évoluent, grandissent avec notre héroïne. Tandis que nos personnages passent de 2 à 3 dimensions, les chansons deviennent de plus en plus actuelles. C’est ainsi que la Happy Working Song est très proche musicalement de Belle ou Something There dans La Belle et La Bête. De la même façon, j’ai imaginé That’s How You Know comme une chanson urbaine, mais lorsque la section en contrepoint arrive et que tout le monde rejoint Giselle, cela devient comme un grand numéro à la « Disney », tout en étant très actuel, à travers ce mélange de pop et de théâtre musical. Enfin, So Close est vraiment dans mon style de ballade tandis qu’Ever, Ever After est la chanson la plus moderne du lot, étant le single du film.
Vous êtes-vous replongé dans les musiques des Grands Classiques Disney comme vous l’aviez fait à la fin des années 80 pour préparer votre musique pour La Petite Sirène, afin de vous imprégner de ce langage et de cet univers ?
Oui, je voulais m’assurer que nous étions tous sur la même longueur d’onde, que ma vision de la musique de cette époque coïncide avec celle de Kevin Lima et de Stephen Schwartz. C’est ainsi que l’ouverture avec le livre, par exemple, vient directement des premiers Disney. Je suis donc retourné aux origines et j’ai réécouté toutes ces musiques en pointant tel ou tel passage que j’aimais particulièrement pour le partager avec Kevin et Stephen.
Comment avez-vous abordé cette histoire au moment où les personnages sont à New York ?
C’est un mélange de deux styles parce qu’il s’agit de « Giselle » à « New York ». Par conséquent, j’ai fait sans cesse des allers-retours entre l’esprit de conte de fée d’Andalasia et une approche à la fois cynique et moderne pour New York. La difficulté a alors été de trouver l’équilibre entre ces deux styles. Pour That’s How You Know, j’ai utilisé un style latino, un peu salsa, avec une touche de reggae, et je l’ai mélangé à une rythmique pop. C’est un véritable melting-pot, à l’image de New York.
Pour cela, j’ai fait appel à deux orchestrateurs différents. Kevin Kliesch s’est occupé du monde réel tandis que Danny Troob a orchestré le monde animé ainsi que les séquences réelles les plus influencées par l’animation. C’était la première fois que je travaillais avec Kevin et ce fut un grand plaisir. C’est un orchestrateur remarquable. Et bien sûr, Danny, qui est mon principal orchestrateur depuis La Belle et la Bête, a été parfait, comme d’habitude.
A quelle taille d’orchestre avez-vous fait appel ?
Pour la majeure partie, nous avons eu un orchestre de 82 musiciens, enregistré à Los Angeles, plus deux petits orchestres. Nous avons enregistré tout cela aux studios Todd-AO.
C’était une séquence de montage, comme dans La Belle et La Bête. Mais en raison de la réalité de ce film, nous nous sommes dits que ce serait bien d’avoir quelqu’un d’autre qui la chante durant le bal. Il me semble que cela apporte une touche de plus.
Comment avez-vous décidé de la place de chaque chanson dans l’histoire ?
Stephen Schwartz (photo ci-dessous, avec Alan Menken à Paris, pour Le Bossu de Notre-Dame) et moi avons été totalement dans ce choix. Nous avons imaginé beaucoup d’autres moments pour des chansons et les avons essayés. Certains ne fonctionnaient pas, mais les séquences chantées que vous trouvez dans le film sont celles sur lesquelles nous sommes tous tombés d’accord.
Les grands films Disney ont de grands méchants. Ici, Narissa ne chante pas. Comment l’avez-vous abordée musicalement ?
Elle a un thème-signature très caractéristique avec une couleur chorale très marquée. C’est Stephen Schwartz qui en a écrit les paroles, en fait des mots inventés, qui résonnent quand Narissa apparaît à l’écran, et qui prennent de plus en plus d’importance à mesure qu’on s’approche de la fin du film, à la manière de Carmina Burana.
Il Etait Une Fois offre une belle part à la parodie. Quelle fut votre position par rapport à cela en tant que compositeur ?
Musicalement, je voulais être avant tout le plus sincère possible et le plus fidèle possible à ce qu’étaient les chansons de Blanche Neige, La Belle au Bois Dormant ou Cendrillon. Je voulais renouer avec ces prototypes de sorte d’évoquer chez le public cette période en particulier et d’associer Giselle à cette époque d’innocence et d’émerveillement, contrastant avec notre monde moderne. Il était aussi capital que les chansons aient un véritable contenu émotionnel. Nous ne voulions en aucune façon nous moquer de ces personnages. Nous voulions simplement faire sourire le public quand il reconnaîtrait nos références.
De La Petite Sirène à Raymond (The Shaggy Dog), on vous connaît tant pour vos musiques de dessins animés que vos partitions de films en prises de vue réelles. Vous étiez le compositeur idéal pour Il Etait Une Fois !
J’ai dû d’une certaine façon faire l’aller-retour en ma casquette animée et ma casquette « réelle », et mêler les deux de façon très consciente. Ce rapport a représenté une partie importante du travail que nous avons mené, Kevin Lima et moi.
Comment s’est passée votre collaboration avec lui ?
Je lui envoyais mes démos, et parfois c’était un incessant aller-retour en fonction de ses commentaires : « c’est trop dense… faites cela plus clair… moins thématique…. Pouvez-vous mettre le thème en avant ici ? Pourquoi n’utilisez-vous pas ce thème-là ? » Il était très, très précis. Il n’y a pas une note de cette partition qui n’ait été scrutée et pesée. Je n’ai jamais vu ça !
A quel stade de la production êtes-vous arrivé ?
J’ai été impliqué dans le projet à un stade de développement antérieur à l’arrivée de Kevin. Mais une fois que Chris Chase et lui sont arrivés, les choses ont été mises en suspens. Kevin était libre de faire appel à qui il voulait. J’espérais beaucoup qu’il me contacte, mais il n’y avait aucune garantie. Il avait le droit de considérer toute autre alternative. Heureusement, il a pensé que je serais la bonne personne et il m’a explicitement demandé de retravailler avec Stephen Schwartz, ce qui m’a ravi.
D’habitude, vous enregistrez vos chansons de dessins animés dans les mêmes conditions qu’un enregistrement de type « Broadway » (chanteurs et orchestre enregistrés en même temps). Cela fut-il aussi le cas sur Il Etait Une Fois ?
Il y eut de nombreuses phrases différentes. Nous avons réalisé des démos plus d’un an avant les dates d’enregistrement avec orchestre. A ce moment, nous avons mis en place les parties vocales des trois premières chansons, True Love’s Kiss, Happy Working Song et That’s How You Know. Sur So Close, je me suis occupé des premières démos, mais la piste a été effectivement produite par Robbie Buchanan. C’est Jon McLaughlin qui la chante. La chanson est passée entre plusieurs mains avant qu’elle revienne à Robbie, puis à moi, et que nous ensuite l’orchestrions et écrivions une section centrale pour le moment où ils dansent. Comme vous le voyez, une grande partie de ce film a consisté à créer quelque chose, le mettre en morceaux, utiliser chaque partie de façon spécifique et créer de nouvelles parties. Quand on imagine cela, c’est incroyable que nous soyons arrivés à ce que tout fonctionne aussi bien !
Vous avez écrit pour beaucoup de Princesses Disney, et tout particulièrement aujourd’hui avec Giselle et Ariel, qui s’apprête à faire ses débuts à Broadway. Vous sentez-vous proche d’elles ? Pensez-vous qu’elles ont toujours leur place dans le monde dans lequel nous vivons ?
J’ai deux filles qui sont la lumière de ma vie. Je me sens donc tout naturellement concerné émotionnellement par leur rapport au monde. En tant que père, je me sens totalement impliqué dans ce voyage. Le destin ou la chance ont voulu que j’écrive pour un grand nombre de Princesses Disney. Certes, mes deux prochains projets, les versions scéniques de Sister Act et de Leap of Faith n’ont pas grand chose à voir avec des princesses mais je pense que ces dernières nous offrent l’occasion de raconter des histoires de courage et de dépassement de soi pour vaincre des obstacles qui parcourent notre monde.
Après une relative désaffection ces dernières années, Il Etait Une Fois semble sonner le grand retour de la comédie musicale Disney au cinéma. Qu’en pensez-vous ?
C’est à espérer ! Je veux dire par là que, d’une façon ou d’une autre, si le film a du succès, je pense que cela va ouvrir la porte pour d’autres dans la même veine. Mais Dieu seul sait…C’est pour cela que je me suis dit que c’était une opportunité à saisir. Je pense que John Lasseter a encore besoin de réfléchir à la part que les comédies musicales vont prendre dans les films qu’il va superviser dans l’avenir.
Cela veut dire que vous seriez prêt pour une nouvelle aventure musicale et animée ?
Je dois avouer que j’en ai faits tellement que je serai heureux quoi qu’on me demande : comédie musicale, film en prises de vue réelles, mélange entre les deux comme Il Etait Une Fois ou production pour Broadway !
Pour l’heure, quels sont vos projets ?
Bien sûr. En marge de la préparation des débuts de La Petite Sirène à Broadway, nous sommes en train de ré-écrire Sister Act. La production a ouvert à Los Angeles et Atlanta l’année dernière et elle va arriver à Londres l’automne prochain. Elle sera mise en scène par Peter Schneider, l’ancien président de Walt Disney Feature Animation. La comédie musicale de Leap of Faith va quant à elle faire ses débuts à Broadway pour la saison 2008-2009. Elle sera dirigée par Taylor Hackford, qui est connu pour avoir réalisé Ray, Officier et Gentleman et produit La Bamba. Il y a un palmarès impressionnant et c’est à l’évidence un metteur en scène qui travaille beaucoup avec la musique. J’adore travailler avec lui. Enfin, Stephen Schwartz et moi réfléchissons à quelques projets : une comédie musicale filmée, une version scénique de Newsies et peut-être une nouvelle production du musical du Bossu de Notre-Dame. Comme vous le voyez, je suis pas mal occupé !
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