vendredi, janvier 25, 2008

LE MUSICAL DU ROI LION : Entretien avec le compositeur Mark Mancina

Le succès du Roi Lion - le film, doit beaucoup au talent de Hans Zimmer, qui a su transformer les superbes ballades d'Elton John en une musique tantôt épique, tantôt irrésistible, typique du style "Mediaventures" dont il est l'initiateur. Or, c'est au sein de ce studio pas comme les autres (devenu aujourd'hui "Remote Control") que s'est exercée la fine fleur de la musique de film actuelle : Harry Gregson-Williams, John Powell, Ramin Djawadi et bien d'autres encore. C'est à l'un d'eux, Mark Mancina, bien connu pour ses musiques et ses arrangements pour Le Roi Lion, le film original, Tarzan, Frère des Ours, sans compter la sublime partition du Manoir Hanté et les 999 Fantômes, que fut confiée la tâche à la fois enviable et redoutée de transformer la musique du film en une musique scénique.
Une bien belle réussite à son actif sur laquelle il revient avec nous!

Le Roi Lion a vraiment marqué votre carrière.
C'est vrai! Tout a commencé avec Le Roi Lion. La majeure partie de mon travail sur ce film concernait les chansons, mais j'ai aussi dû composer des intermèdes musicaux au milieu de ces chansons, ce qui fait que j'ai pu ainsi me familiariser grandement avec ce processus. Puis j'ai fait la musique de plusieurs publicités animées, pour la NFL (National Football League) avant de faire Tarzan, qui a duré deux ans et demi et grâce auquel j'ai énormément appris. Et avant d'arriver sur Frère des Ours, sur lequel j'ai travaillé par intermittence pendant quatre ans, j'ai écrit la musique d'Early Bloomer, un court-métrage animé produit par Sony Pictures. J'adore vraiment l'animation!

Sur Le Roi Lion, vous avez réussi le tour de force d'intégrer parfaitement les chansons d'Elton John tant à l'intérieur de l'univers musical imaginé par Hans Zimmer que dans la narration du film, ce qui n'était pas forcément évident au départ.
C'était le challenge, et je suis heureux d'y être parvenu. Certaines chansons furent plus difficiles que d'autres à intégrer. L'Histoire De La Vie fonctionnait déjà très bien toute seule et ne présenta pas vraiment de difficulté. Au contraire, Je Voudrais Déjà Être Roi, Hakuna Matata et L'Amour Brille Sous Les Etoiles furent plus problématiques car elles n'étaient pas du tout écrites par Elton John dans le style de l'arrangement final. Des trois, c'est sans doute Hakuna Matata qui m'a donné le plus de mal. Tout d'abord, elle comporte des ralentissements et des accélérations en différents endroits, mais surtout, il fut difficile de lui donner une véritable coloration africaine. A l'origine, c'était plus une chanson dans le style de Gilbert & Sullivan. De plus, au milieu, il devait y avoir cette scène dans laquelle Simba grandit en marchant sur le tronc et j'ai dû écrire une musique pour ce passage car rien n'était prévu pour cela dans la chanson. C'est une musique qui me fait toujours sourire.

D'autres très beaux arrangements sont ceux que vous avez réalisés pour la comédie musicale du Roi Lion, cette fois.
La situation était plus confortable pour moi car je disposais de plus de temps. La difficulté de ces arrangements était qu'il fallait les concevoir en tenant compte du fait qu'ils devaient être interprétés tous les soirs en live par un orchestre. Mais en même temps, c'était un aspect que je connaissais bien.

L'originalité de cette comédie musicale vient notamment du fait que ses créateurs ne sont pas issus de Broadway. Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Julie Taymor, qui l'a mise en scène.
Avant la première réunion avec Julie Taymor, je dois avouer que je n'avais pas très envie de participer à ce projet. Mais quand je l'ai rencontrée, que j'ai découvert son travail, j'ai été enthousiasmé. Elle voulait donner encore plus de profondeur au Roi Lion en plongeant encore davantage dans la musique traditionnelle africaine. Elle m'a offert l'opportunité d'écrire une nouvelle musique et de nouvelles chansons et d'y insuffler plus de vie et plus d'authenticité en termes de choix d'instruments et d'approche musicale.

Certaines chansons comme Il Vit En Toi ont eu un destin particulier dans la mesure où elles sont passées du disque (Rhythm Of The Pride Lands) à la comédie musicale, puis au film (Le Roi Lion II : L'Honneur de la Tribu).
J'ai été très ému par cette scène entre Mufasa et Simba dans le film original et j'ai toujours pensé qu'elle aurait été encore meilleure avec une chanson. C'est ainsi que j'ai écrit la première version de He Lives In You en 1993. Puis j'ai rassemblé les pistes que j'avais et je les ai passées à Jay Rifkin, qui produisait l'album Rhythm Of The Pride Lands, et au chanteur Lebo M. A partir de là, nous avons créé les paroles et le tout a donné cette très belle chanson. C'est alors que Julie Taymor est tombée dessus et a été très inspirée par elle. Elle lui permettait de rendre cette scène bien plus forte dans la comédie musicale que dans le film. J'étais sûr qu'elle fonctionnerait à merveille dans ce spectacle.

Quant à The Morning Report, que l'on retrouve en dvd dans la version intégrale du Roi Lion, ses origines remontent également à la comédie musicale.
Comme les autres chansons d'Elton John, son style très Gilbert & Sullivan ne correspondait pas du tout, selon moi, à l'univers du Roi Lion. J'ai préféré m'orienter vers quelque chose de plus rythmé, avec accordéon et banjo, et je crois que c'est particulièrement sensible sur le dvd du film. Pour cette occasion, j'ai pu réenregistrer cette chanson et ce fut la première fois où j'ai vraiment pu atteindre le résultat que je voulais.


Le musical du Roi Lion vient d'arriver en France. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Cela me rappelle qu'en 1999, j'étais allé en Angleterre pour travailler sur la comédie musicale du Roi Lion produite là-bas. Puis j’ai pris l’Eurostar pour aller au festival du film de Belgique. Pendant le voyage, après être sortis du tunnel sous la Manche, nous avons traversé la campagne française. C’était tellement magnifique que j’en ai fait des croquis, en particulier des fermes françaises, qui furent autant d’idées pour le studio des mes rêves. J’ai associé ces croquis de fermes françaises à mon studio préféré, Abbey Road, pour créer mon propre studio (photos ci-dessous). Je l’ai construit dans une forêt ; cela m’a pris deux ans. C’est l’un des studios les plus fabuleux qu’on ait jamais vu ! Je pense que personne n’a quelque chose comme cela et je le dois à la campagne française !


Photos issues de la collection personnelle de Mark Mancina. Avec tous nos remerciements. Tous droits réservés.

Photo 5 Brinkhoff/Mögenburg (c) Disney.