vendredi, décembre 19, 2008

HISTOIRES ENCHANTEES: Entretien avec le compositeur Rupert Gregson-Williams

Skeeter Bronson travaille comme homme à tout faire dans un hôtel.
Pour aider sa sœur, il accepte sans enthousiasme de veiller sur ses deux neveux pendant une semaine. Avant qu'ils ne s'endorment, il leur raconte des histoires inventées de toutes pièces, mélange de sa propre vie et de celle de son entourage.
Ces récits les entraînent dans des aventures dépassant de très loin leur imagination... Des confins de l'espace aux grandes plaines de l'Ouest, de la Grèce antique aux arcanes de l'Europe médiévale, les histoires se succèdent, toutes plus folles les unes que les autres.
Mais lorsque mystérieusement elles deviennent vraies, Skeeter prend soudain conscience de l’importance des enfants dans sa vie...
Tel est l'argument de Histoires Enchantées (Bedtime Stories), le dernier film des studios Disney pour ce Noël, qui nous emmène dans un voyage tout aussi visuel que musical.
Pour nous en parler, nous nous sommes tournés vers son compositeur, Rupert Gregson-Williams, le frère d'Harry Gregson-Williams (Le Monde de Narnia)
Rupert a composé la musique originale de nombreux projets cinématographiques et télévisuels. Parmi eux : Le Témoin Amoureux, Bee Movie et Nos Voisins les Hommes. En 2004, il a collaboré avec Andrea Guerra à la musique de Hotel Rwanda, film pour lequel il a remporté un European Film Award.
Rupert Greson-Williams a déjà travaillé avec Adam Sandler avant Histoires Enchantées sur les films, Rien que pour vos Cheveux, Quand Chuck Rencontre Larry et Click.
Il a récemment travaillé sur le long métrage The Lonely Maiden avec Morgan Freeman.

Comment avez-vous été amené à nous raconter ces Histoires Enchantées en musique?
Je connais Adam Sandler depuis un certain temps et il m'a présenté à Adam Shankman, le réalisateur du film, à qui l'on doit également Hairspray. Nous nous sommes entendus immédiatement. J'ai tout de suite adoré cette idée d'avoir un film qui n'est pas linéaire, qui change sans cesse de lieu et d'époque. A un moment, vous êtes sous l'Antiquité et la minute d'après, vous êtes en pleine Conquête de l'Ouest, et tout de suite après dans l'Angleterre médiévale. De ce fait, il ne fallait pas concevoir une partie toute électronique ou toute orchestrale, mais voyager d'un style à l'autre, d'un genre à l'autre tout au long du film. C'était un défi passionnant!

C'est bien là tout l'intérêt de votre partition, et vous avez su traiter chaque genre de façon spécifique, sans jamais plonger dans la facilité, le cliché.
Merci beaucoup! En fait, je connaissais bien ces genres musicaux pour les avoir traités dans différents films par le passé, mais recourir à des clichés m'aurait bloqué, je n'aurais pas pu vraiment m'exprimer. Prenez The Wild West Adventure. De par sa situation, je devais faire quelque chose dans le style d'Aaron Copland, le créateur de la musique américaine symphonique, je devais aussi recourir à l'harmonica, comme dans les films de ce genre. Mais dans le même temps, j'ai écrit un thème actuel pour ces histoires. C'est ainsi qu'en associant ce thème à des arrangements tantôt "Western", tantôt médiévaux, j'ai réussi à éviter l'écueil du cliché et créer quelque chose de personnel.

Comment avez-vous travaillé sur ce plan avec le réalisateur?
Pendant la production de la plupart des films actuels, les réalisateurs et les monteurs musique créent des partitions temporaires afin de trouver le ton de leur film avant que le compositeur n'arrive sur le projet. Mon attitude a été tantôt de m'inspirer de cette partition, tantôt de l'ignorer. Par exemple, la partition temporaire de la séquence médiévale était purement historique. Elle n'avait rien de moderne. Je l'ai donc écoutée une fois, puis je l'ai laissée de côté. A partir de là, la difficulté était donc de faire en sorte que le public comprenne que l'on est plongé en plein Moyen-Âge dès les premières notes de musique, sans pour autant être proposer une musique générique. A ce titre, Adam Shankman a été formidable. Il adore la musique et m'a totalement soutenu dans mon désir de proposer quelque chose d'original. De plus, il sait aller jusqu'aux bout de ses idées musicales. Il n'a pas peur de sonner authentique. Si un thème est sensé être romantique, il veut qu'il soit vraiment romantique. Il n'a pas peur de faire rire ou de faire pleurer avec la musique de ses films!

En parlant d'immersion dans un monde, The Tale of Sir Fixalot semble très intéressant dans le choix des instruments.
En fait, j'ai trouvé un ensemble à Londres utilisant les instruments que je recherchais, et notamment des trompettes naturelles telles qu'on les utilisait à cette époque. A la différence des trompettes modernes en si bémol, ces trompettes anciennes n'ont pas de pistons, ce qui fait qu'elles ne peuvent jouer qu'un nombre limité de notes. J'ai beaucoup discuté avec leur chef afin de bien saisir leurs possibilités avant d'écrire pour elles et de les enregistrer. Avec ces instruments, chaque note est formée uniquement par les lèvres, ce qui crée des effets assez inhabituels. J'ai également fait appel à des instruments anciens à anche comme les cromornes ou encore à un luth. Quand j'ai écrit pour lui, j'ai songé à la guitare, que je connaissais mieux, puis j'ai adapté ma partition aux possibilités du luth dans l'avion qui m'amenait de Los Angeles à Londres pour l'enregistrement.

Toujours dans les références historiques, comment avez-vous abordé la course de char de The Legend of Skeetacus?
Pour cette séquence, je n'ai rien écouté de particulier. Il faut dire qu'il n'existe guère d'enregistrements de musique antique! En fait, il y a deux aspects dans ce passage. L'un est romantique, et je me suis uniquement basé sur mon imagination. Quant à la course en char dans l'amphithéâtre, j'ai pris le parti de ne pas écouter la partition de Ben-Hur, mais plutôt d'essayer d'imaginer ce que j'aurais écrit si j'avais été le compositeur de ce film. Le résultat est très spectaculaire, mais dans le même temps, je voulais que ce soit drôle, à l'inverse du sérieux de la partition de Ben Hur. J'ai voulu faire quelque chose de tellement énorme que cela en serait ridicule et amusant!

Enfin, Space Odyssey nous emmène non plus dans le passé, mais dans un futur… très hypothétique!
Le début de cette musique est probablement le plus générique. Il fallait qu'en seulement 16 mesures je donne l'impression que nous sommes au cœur d'une bataille spatiale. Ce n'est qu'ensuite que j'ai développé une approche plus modale pour le monstre, au synthétiseur. Là, c'est vraiment mon style.

La bande originale du film comporte également une chanson très jazzy, Nottingham's Broadway Mega Resort.
Je n'ai écrit que l'introduction de cette chanson. C'est Marc Shaiman, qui s'avère être le compositeur de Hairspray, qui l'a écrite. Il a fait un travail remarquable –et c'est d'ailleurs dommage qu'on n'en entende qu'une toute petite partie dans le film- et ce fut un grand plaisir pour moi d'imaginer un arrangement de type "Broadway" de sa chanson!

Dans la mesure où le film fait largement appel à des effets spéciaux, j'imagine que les images sur lesquelles vous avez travaillé n'étaient pas encore finalisées.
Il est vrai qu'au début, j'avais des prises de vue avec les acteurs devant un écran bleu ou un écran vert. Mais à mesure que j'écrivais, le film se construisait jour après jour et au moment où je m'approchais de la fin de l'écriture, la plupart des effets étaient finalisés. Le fait est qu'il est assez difficile d'être inspiré par des images d'écrans bleus, notamment en tout début de production, mais j'ai beaucoup d'imagination et j'ai dès le départ beaucoup discuté avec les équipes du son et des effets et bien sûr avec le réalisateur. C'est un peu comme en animation. Il arrive qu'on travaille sur une scène ou une séquence entière à partir de simples esquisses. C'est à vous de compléter la scène avec votre imagination, et c'est là que les discussion avec les animateurs et le réalisateur peuvent vraiment vous aider. Puis vous découvrez la scène finalisée et vous vous rendez compte que le résultat est de beaucoup plus impressionnant que ce à quoi vous vous attendiez! C'est ce qui s'est passé dans le segment qui se déroule dans l'espace. Il y avait ce combat autour de la station spatiale. On m'avait dit que ce serait grandiose, mais c'est toujours difficile de se faire une idée quand on n'a rien devant les yeux. Fort heureusement, j'ai écrit quelque chose d'énorme, et j'ai bien fait car, lorsque les images définitives me sont arrivées, je me suis rendu compte que ce combat était bien plus impressionnant que tout ce que j'avais pu imaginer!

Histoires Enchantées est un film drôle et spectaculaire, mais il possède également sa petite touche romantique!
Comme je vous l'ai dit, j'ai participé à plusieurs films d'Adam Sandler, mais celui-ci est tout particulièrement charmant. Kerri Russel y est magnifique et son histoire d'amour avec Adam sonne vraiment juste. Du point de vue musical, c'est le thème le plus fort du film. Je l'ai écrit assez tard car je savais exactement ce que je voulais faire. C'est une mélodie moderne, parfaite pour une chanson, et qui accompagne Adam et Kerri tout au long du film.

A mesure qu'on s'approche de la fin du film, le passage d'un style à l'autre s'accélère. Concrètement, comment avez-vous réalisé ce "zapping" musical?
Il y a en effet une scène de course en moto où cela est caractéristique, Motorcycle Rescue, dans laquelle Adam revisite tous les univers de ses histoires à toute vitesse. Pour ce faire, j'ai passé beaucoup de temps à programmer ma partition sur ordinateur en essayant de gérer tous ces changements. A partir de là, j'ai enregistré l'orchestre par-dessus cet orchestre virtuel puis je suis allé en Angleterre pour enregistrer les sections médiévales, que j'ai donc glissé dans cette suite, puis enfin quelques anches spécifiques pour la partie "Grèce Antique" et les sections "intersidérales". Ce fut donc une série d'enregistrements (overdubs) sur un modèle réalisé à l'ordinateur avec des échantillons d'orchestre de base et des percussions. En tout, trois ou quatre sessions dans différentes villes pour ce passage!

Ce fut donc une production assez complexe!
Tout-à-fait, et je dois dire que Disney a été d'une aide très précieuse pour que tout se passe au mieux.


With very special thanks to Rupert Gregson-Williams and Pearl Evidente