mercredi, août 08, 2012

REBELLE AU CINEMA : Entretien avec la scénariste et auteur du Art-of du film, Jenny Lerew


 

Avant d’écrire des histoires pour Pixar, vous avez été réalisatrice de certains épisodes de la série animée Les Animaniacs. En quoi un long métrage est différent d’un épisode de série ?
Ce sont des formes totalement différentes. J’ai abandonné mon travail de réalisatrice pour intégrer une équipe d’écriture de longs métrages en 1994 parce que la narration sur une forme longue, le développement des personnages et la possibilité de raconter une histoire du début jusqu’à la fin comptait plus pour moi. La télévision, c’est génial et j’ai beaucoup appris, mais c’est une manière totalement différente de raconter les histoires. La grande différence pour moi, c’est aussi le fait de travailler pour le grand écran. Peu importe la grandeur de l’écran de télévision et sa définition. Rien ne remplace l’expérience du cinéma, avec le public, dans le noir, avec tous ces yeux rivés sur le grand écran. Pour moi, c’est comme être à l’église. Le cinéma est très spécial. Il a une permanence et une profondeur incomparables. Voir un bon film sur grand écran est une expérience fantastique. Magique !

 

En matière d’histoire, Joe Ranft a particulièrement marqué l’héritage de Pixar. Qu’en est-il pour vous ?
En ce qui me concerne, il a été mon professeur d’écriture à Cal Arts pendant plusieurs années. J’étais dans son cours, avec Brenda Chapman, co-réalisatrice de Rebelle. C’était un professeur fantastique. Ce sont ses encouragements qui m’ont guidé, ainsi que beaucoup d’autres étudiants, vers l’écriture. J’aimais aussi beaucoup l’homme, même si je ne l’ai connu que quelques années, avant qu’il ne retourne chez Disney, Pixar et les innombrables projets auxquels il a participé.
Brenda et tous les gens de Pixar et Disney qui l’ont côtoyé l’adoraient. C’était une véritable présence dans leur vie. Je suis jalouse de cette relation qu’aucun d’entre eux n’aurait échangé pour rien au monde. Il n’y a pas assez de mots pour parler de l’influence extraordinairement positive qu’il a eu. Il est totalement irremplaçable. C’était l’homme le plus généreux, gentils et drôle, et même s’il avait conscience de ses dons, il était d’une modestie sans pareille dans le métier. C’était aussi un excellent magicien. Que puis-ajouter ? John Canemaker a été un merveilleux livre à son sujet, Two Guys named Joe, et même si John a fait un travail colossal, il y a encore beaucoup plus de choses à dire sur Joe !


La force de Rebelle, c'est de proposer une histoire de princesse vraiment nouvelle, tout en truffant le film de références disneyennes, comme notamment Frère des Ours. Comment avez-vous abordé cette dimension ?
Jamais personne dans mon équipe n’a mentionné Frère des Ours, et très honnêtement, à l’époque, cela ne m’est jamais venu à l’esprit ! Bien que ce soit un film adorable qui traite bien sûr de la transformation magique d’un homme en ours, je pense que cela n’a rien à voir. Précisément parce que, d’une part, l’histoire de Rebelle est très personnelle pour Brenda Chapman, et que, d’autre part, elle se déroule dans un endroit totalement différent, l’Ecosse. Ceci dit, c’est un fait que les contes traditionnels du monde entier ont souvent des éléments en commun, au delà des cultures, dans la mesure où ils traitent des mêmes grands questionnements des hommes.


Rebelle est une histoire de transformation, tant physique que psychologique. En quoi vous a-t-il transformée ?
Je ne dirai pas transformée, mais la passion contagieuse de chaque artiste pour son travail, que ce soit individuellement ou en équipe, a eu un impact très net sur moi en tant qu’artiste d’animation. Quel que soit le studio, quel que soit le projet (et les artistes bougent beaucoup dans ce milieu), nous partageons tous le même but : donner le meilleur de nous-mêmes afin que cela transparaisse à l’écran, quel qu’en soit le prix.
Ce n’est pas toujours facile de faire partie d’une équipe, et tout spécialement une équipe de la taille de celles qui fabriquent des films d’animation. On doit toujours garder à l’esprit que le but de ce travail n’est pas seulement notre expression personnelle, mais la communication de cette expression : ce n’est qu’à ce prix qu’un lien pourra être noué avec le public. Les artistes de Rebelle ont toujours travaillé avec ce but à l’esprit. Ils aiment tellement ce qu’ils font que cela me rappelait sans cesse, si besoin était encore, pourquoi je fais de l’animation.