REBELLE AU CINEMA : Entretien avec la scénariste et auteur du Art-of du film, Jenny Lerew
Avant d’écrire
des histoires pour Pixar, vous avez été réalisatrice de certains épisodes de la
série animée Les Animaniacs. En quoi un long métrage est différent d’un épisode
de série ?
Ce sont des formes
totalement différentes. J’ai abandonné mon travail de réalisatrice pour
intégrer une équipe d’écriture de longs métrages en 1994 parce que la narration
sur une forme longue, le développement des personnages et la possibilité de
raconter une histoire du début jusqu’à la fin comptait plus pour moi. La
télévision, c’est génial et j’ai beaucoup appris, mais c’est une manière
totalement différente de raconter les histoires. La grande différence pour moi,
c’est aussi le fait de travailler pour le grand écran. Peu importe la grandeur
de l’écran de télévision et sa définition. Rien ne remplace l’expérience du
cinéma, avec le public, dans le noir, avec tous ces yeux rivés sur le grand
écran. Pour moi, c’est comme être à l’église. Le cinéma est très spécial. Il a
une permanence et une profondeur incomparables. Voir un bon film sur grand
écran est une expérience fantastique. Magique !
En
matière d’histoire, Joe Ranft a particulièrement marqué l’héritage de Pixar. Qu’en
est-il pour vous ?
En ce qui me concerne, il
a été mon professeur d’écriture à Cal Arts pendant plusieurs années. J’étais
dans son cours, avec Brenda Chapman, co-réalisatrice de Rebelle. C’était un
professeur fantastique. Ce sont ses encouragements qui m’ont guidé, ainsi que
beaucoup d’autres étudiants, vers l’écriture. J’aimais aussi beaucoup l’homme,
même si je ne l’ai connu que quelques années, avant qu’il ne retourne chez
Disney, Pixar et les innombrables projets auxquels il a participé.
Brenda et tous les gens de
Pixar et Disney qui l’ont côtoyé l’adoraient. C’était une véritable présence
dans leur vie. Je suis jalouse de cette relation qu’aucun d’entre eux n’aurait
échangé pour rien au monde. Il n’y a pas assez de mots pour parler de l’influence
extraordinairement positive qu’il a eu. Il est totalement irremplaçable. C’était
l’homme le plus généreux, gentils et drôle, et même s’il avait conscience de
ses dons, il était d’une modestie sans pareille dans le métier. C’était aussi un excellent magicien. Que puis-ajouter ? John Canemaker a été un
merveilleux livre à son sujet, Two Guys named Joe, et même si John a fait un
travail colossal, il y a encore beaucoup plus de choses à dire sur Joe !
La force de Rebelle, c'est de proposer une histoire de princesse vraiment nouvelle, tout en truffant le film de références disneyennes, comme notamment Frère des Ours. Comment avez-vous abordé cette dimension ?
Jamais personne dans mon
équipe n’a mentionné Frère des Ours, et très honnêtement, à l’époque, cela ne m’est
jamais venu à l’esprit ! Bien que ce soit un film adorable qui traite bien
sûr de la transformation magique d’un homme en ours, je pense que cela n’a rien
à voir. Précisément parce que, d’une part, l’histoire de Rebelle est très
personnelle pour Brenda Chapman, et que, d’autre part, elle se déroule dans un
endroit totalement différent, l’Ecosse. Ceci dit, c’est un fait que les contes
traditionnels du monde entier ont souvent des éléments en commun, au delà des
cultures, dans la mesure où ils traitent des mêmes grands questionnements des
hommes.
Rebelle
est une histoire de transformation, tant physique que psychologique. En quoi
vous a-t-il transformée ?
Je ne dirai pas
transformée, mais la passion contagieuse de chaque artiste pour son travail,
que ce soit individuellement ou en équipe, a eu un impact très net sur moi en
tant qu’artiste d’animation. Quel que soit le studio, quel que soit le projet
(et les artistes bougent beaucoup dans ce milieu), nous partageons tous le même
but : donner le meilleur de nous-mêmes afin que cela transparaisse à l’écran,
quel qu’en soit le prix.
Ce n’est pas toujours
facile de faire partie d’une équipe, et tout spécialement une équipe de la
taille de celles qui fabriquent des films d’animation. On doit toujours garder
à l’esprit que le but de ce travail n’est pas seulement notre expression
personnelle, mais la communication de cette expression : ce n’est qu’à ce
prix qu’un lien pourra être noué avec le public. Les artistes de Rebelle ont
toujours travaillé avec ce but à l’esprit. Ils aiment tellement ce qu’ils font
que cela me rappelait sans cesse, si besoin était encore, pourquoi je fais de l’animation.
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