FRERE DES OURS 2 EN DVD – Entretien avec le compositeur Dave Metzger
Telle est l’histoire de Frères des Ours 2, sorti en DVD le 13 septembre dernier. Un film à la fois drôle et attachant, produit par Carolyn Bates et Jim Ballantine (Bambi 2), et mis en musique par Melissa Etheridge pour les chansons et Dave Metzger pour la partition.
C’est ce dernier, orchestrateur de Mark Mancina (Speed 2, Tarzan, Frères des Ours, Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes…) et co-compositeur de nombreux dessins animés (La Légende de Tarzan, Tarzan & Jane, Tarzan 2) que nous avons eu le plaisir de rencontrer afin de percer les mystères de cette musique pleine …d’Esprit.
Avec Frère des Ours 2, Dave Metzger signe sa toute première musique de film en solo et le résultat ne manque ni d’humour ni de poésie.
Quelle ambiance !
Frère des Ours 2 vient tout juste de sortir est c’est déjà un succès tant en Amérique qu’en France !
Je suis très content de ce film. Quand on se lance dans une suite en « direct-to-video », il y a toujours une part d’incertitude. Mais le fait est que l’histoire de Frère des Ours 2 est vraiment intéressante et que le film qui en résulte est vraiment très beau.
Comment avez-vous été contacté pour composer la musique de ce film ?
C’est un peu la conséquence de Tarzan 2, dont j’ai composé une bonne partie de la musique. Matt Walker, vice-président de la musique pour Disney Toon Studios, était très content de mon travail. Et j’avais aussi beaucoup participé aux films originaux en tant qu’orchestrateur pour Mark Mancina, le compositeur de Tarzan et Frère des Ours. Il était donc naturel de faire appel à moi pour ces deux suites.
Comment avez-vous géré le fait qu’il s’agit d’une suite ?
Avant tout, vous n’avez pas à vous préoccuper de créer le monde musical des personnages. Cela a déjà été fait pour le film original. Ceci dit, les créateurs de Frères des Ours 2 n’ont pas voulu réutiliser les thèmes du premier film. A partir de là, mon travail a consisté à renouer avec cet univers musical sans le copier exactement. Ce fut particulièrement sensible pour les élans. Le thème original était parfait, et je ne voulais pas trop m’en éloigner. Il fallait rester dans la même… ambiance. J’ai donc passé beaucoup de temps à réfléchir sur la distance idéale entre le thème original et celui que j’étais en train de créer pour cette suite. Un autre passage obligé du film était la scène de transformation de Nita, qui est une référence très explicite à celle de Kinaï dans le premier film. Je tenais absolument à renouer avec cette magie, et dans la mesure où c’est moi qui ai arrangé la chanson de Phil Collins pour le 1, je me souvenais très précisément des moyens que j’avais utilisés à l’époque pour rendre cette magie. J’ai donc traité le thème de la chanson de Melissa Etheridge exactement de la même façon dans cette scène.
On sent également les liens entre les deux films à travers vos orchestrations.
Absolument. Dans la mesure où j’avais orchestré la totalité de Frère des Ours, je n’ai pas seulement composé la musique de cette suite, mais je l’ai également orchestrée. Là encore, je me suis replongé dans le son du film original et j’ai essayé de créer une continuité musicale entre les deux. Les deux partitions semblent ainsi appartenir au même univers.
On sent bien cette continuité, mais cela ne vous a pas empêché d’apporter de nouvelles couleurs à cet univers. Je pense notamment à votre traitement des ratons laveurs, autour du dobro, cette guitare en métal typique du blues.
Nous avions déjà utilisé le dobro dans Frère des Ours, pour les scènes se déroulant au rendez-vous des saumons. Mais c’était de façon très discrète et très courte. Au moment de réfléchir à un nouveau son pour ces nouveaux personnages, je me suis souvenu de ces petites touches de guitare et j’ai décidé de lui donner une place plus importante. Je me suis dit que, dans la mesure où le film se déroule en Amérique du Nord, ce serait bien de faire appel à un style traditionnel, très « americana ».
Un style américain qui démarre avec un dobro solo pour finir avec un grand orchestre à la Aaron Copland !
Absolument ! (rires) Je m’en suis donné à cœur joie et ce fut un très grand plaisir !
Un autre instrument nouveau dans Frère des Ours est la guitare sèche.
Ce fut l’idée de Matt Walker. Il savait que les chansons de Melissa Etheridge feraient forcément appel à la guitare et le fait de l’utiliser tout au long du film était une façon de prolonger ces chansons en utilisant les mêmes couleurs. Je voudrais ajouter que Matt a été encore plus formidable que d’habitude sur ce projet. Ce fut déjà fantastique de travailler avec lui sur Tarzan 2, mais là, cette collaboration sur Frère des Ours 2 restera pour moi l’un des grands souvenirs de cette expérience !
Cette guitare apporte une dimension émotionnelle à la fois profonde et authentique.
Je suis tout à fait d’accord avec vous ! C’est aussi l’une des choses que j’ai appréciées. C’est un film rempli d’émotion. Ce n’est pas si fréquent dans une suite, et là, j’ai pu vraiment m’exprimer dans ce sens. Je voudrais en profiter pour rendre hommage au guitariste du film, Dean Parks (qui a également joué dans la B.O. de Cars, NDLR), qui a fait un travail fantastique. C’est un grand musicien, mais aussi quelqu’un de bien sur le plan humain. Nous avons enregistré sa guitare live en même temps que l’orchestre. D’habitude, les solistes sont enregistrés à part, lors de sessions séparées. Or, là, Dean était dans une cabine, et a vraiment joué avec l’orchestre. De cette façon, il a réellement pu être en harmonie sur le plan émotionnel avec tous les autres musiciens, et cela y est sans doute pour beaucoup dans l’authenticité et l’expressivité de cette partition.
Mark Mancina est crédité à vos côtés dans le générique de fin en tant que co-producteur de la musique. Quel a été son rôle exactement ?
Dans la mesure où j’avais composé avec Mark la musique de Tarzan 2, Disney m’a fait confiance pour me laisser seul aux commandes de Frères des Ours 2. Mais ils tenaient malgré tout à ce que Mark soit encore de la partie afin de s’assurer que ma partition soit bien fidèle à l’original. Concrètement, je lui ai présenté mes démos, et il me faisait part de ses commentaires et de ses conseils. Il était également présent lors de sessions d’enregistrement, environ la moitié d’entre elles. Mark est un ami et j’ai été heureux de pouvoir bénéficier de son avis éclairé pour ma première partition en solo.
Comment s’est passée votre collaboration avec le réalisateur du film, Ben Gluck ?
Le fait est que, lorsque je suis arrivé sur le projet, il n’y avait plus vraiment de réalisateur. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, mais le résultat en a été que mes interlocuteurs ont plutôt été les producteurs du film, à commencer par Carolyn Bates, ainsi que Matt Walker. Tous mes contacts avec Disney sur ce film, des spotting-sessions (réunions durant lesquels réalisateur et musicien déterminent à quels moments la musique interviendra et ce qu’elle devra exprimer, NDLR) aux sessions d’enregistrements, ont eu lieu avec cette équipe créative.
Quelles furent vos relations avec la compositrice des chansons, Melissa Etheridge ?
En réalité, nous n’avons pas passé beaucoup de temps ensemble. Elle a davantage travaillé avec Matt. Nous nous sommes rencontrés à un moment car, lors d’une spotting session, nous nous sommes dits avec les créateurs du film qu’il serait intéressant d’utiliser le thème de sa première chanson dans la partition. Je lui ai donc fait écouter les morceaux de ma partition dans lesquels son thème apparaissait, et c’est ainsi que nous en sommes arrivés à l’idée du grand final sur Welcome To This Day. J’ai alors écrit un arrangement orchestral de sa chanson et Melissa a enregistré la partie vocale à partir de mon travail. Comme vous le voyez, ce ne fut pas une collaboration très étroite, mais Melissa est un des grands noms de la musique, et j’ai vraiment apprécié cette opportunité de pouvoir la connaître. J’ai beaucoup de respect pour sa musicalité et pour sa personnalité. De son côté, je crois savoir qu’elle a beaucoup aimé avoir une de ses chansons arrangée de la sorte pour grand orchestre.
Pouvez-vous nous parler des nouveaux thèmes que vous avez composés pour Frère des Ours 2?
Le thème le plus important et le plus récurrent est sans doute celui de Nita. On le découvre dès le début du film, dans la séquence du rêve de Kenai. J’avais besoin d’un thème que je puisse utiliser pour elle et qui puisse en même temps accompagner sa relation avec Kenai. Avec le temps et l’expérience, je me suis aperçu que si l’on arrive à trouver un thème solide, qui puisse en même temps être adapté facilement aux différentes situations du film, on a déjà fait la moitié du chemin dans la l’écriture d’une telle partition. Pour ce faire, j’ai travaillé trois à quatre jours rien que sur ce thème, afin qu’il soit parfait. Car je savais que durant la majeure partie du film, il devait être léger et emprunt de liberté, mais qu’à la fin, il fallait en faire quelque chose de profond et d’émotionnel. Il y a un autre thème, que je qualifierais de secondaire, et qui unit Nita et son père. Pour moi, il signifie également beaucoup sur le plan des émotions. Enfin, il y a le thème de Kenai et Koda, le thème des deux frères. Là encore, j’y ai passé pas mal de temps car il fallait que je puisse en faire quelque chose de joyeux et d’insouciant pour le début du film, et quelque chose de sensible et profond pour les moments de réconciliation, dans la seconde partie.
C’est un thème d’une grande beauté, d’autant plus lorsqu’il est arrangé pour violoncelle solo, avec de petites touches de guitare sèche.
Merci de ce compliment ! Je dois avouer que cela fait plus d’un mois que je n’avais pas écouté cette partition, et je l’ai fait ce matin afin de préparer cet entretien. Le fait est que ce thème me parle et m’émeut toujours autant. J’aime tout composer, mais lorsqu’un film dégage une telle émotion, je n’ai pas de difficulté à me laisser porter.
Difficile de résister à Innoko, la Cha-woman, qui révèle à Nita la façon de rompre le pacte ! Et musicalement, c’est une association étonnante de musique de cartoon et de spiritualité !
Ma première approche de ce personnage a été purement comique, mais ensuite, je me suis intéressé à cette spiritualité que l’on devine en elle. J’ai alors pris le parti d’une approche littérale, en suivant l’action au plus près. Par exemple, lorsqu’on passe de l’évocation des Esprits à la comédie, je n’ai pas hésité à changer brusquement de style.
Cet équilibre entre la comédie et la profondeur est à l’image de tout le film.
Absolument. Globalement, j’ai traité la première partie du film dans un esprit de comédie de dessin-animé, utilisant des techniques typiques du Mickey-Mousing (le fait que la musique accompagne l’action au plus près, comme dans un cartoon, NDLR). Mais la fin est très différente, et m’a permis de davantage développer les thèmes introduits en première partie. Vous savez, la plupart du temps lorsque j’écris la musique d’un film, j’essaie de trouver, puis de traiter la scène la plus difficile ou la plus délicate en premier, puis le compose autour, avant et après. Or, sur Frère des Ours 2, j’ai procédé dans l’ordre du film, chose que je n’avais jamais faite auparavant. Cela m’a beaucoup aidé dans la mesure où j’ai pu véritablement accompagner l’évolution des personnages, pas à pas depuis le début jusqu’à la fin de cette histoire. De fait, lorsque je suis arrivé à la fin du film, je connaissais parfaitement les thèmes sur lesquels je travaillais, et cela m’a permis de les développer d’une manière beaucoup approfondie.
Pouvez-vous nous parler de l’aspect ethnique de votre partition ?
En ce qui concerne les percussions, j’ai tout interprété moi-même. Ce sont soit des échantillons, soit des tambours que j’ai joués moi-même. Et il en fut de même pour les flûtes ethniques. En ce qui concerne les chants traditionnels que l’on peut entendre lors de la cérémonie de mariage de Nita, il s’agit également d’échantillons empruntés à une banque de sons appelée « Voices of Native America ». A partir de là, j’ai cherché une façon d’exprimer l’idée d’une célébration en associant ces trois éléments.
Comment avez-vous choisi ces instruments ?
J’avais déjà travaillé avec des flûtes ethniques sur de précédents films, mais le fait est que je ne connaissais pas vraiment ces instruments, et notamment les notes qu’ils pouvaient jouer (car les instruments ethniques ne jouent pas les mêmes notes que nos instruments classiques). Sur Frères des Ours 2, j’ai voulu vraiment les connaître avant d’écrire pour eux. J’ai donc acheté quatre flûtes différentes auprès de deux fabriquants spécialisés ici, aux Etats-Unis ; des flûtes de différentes tailles, accordées dans des tonalités différentes. Je me suis mis à apprendre à en jouer afin d’en découvrir toutes les couleurs et les tonalités dans lesquelles elles sonneraient le mieux. Et cela m’a tellement plu que j’ai décidé d’en jouer moi-même pour l’enregistrement !
Cela ajoute une nouvelle corde à votre arc !
Il est vrai qu’en tant que contrebassiste de formation, je n’imaginais pas que je me mettrais ainsi à la flûte ! Mais cela ne m’a pas empêché de jouer de la basse également sur ce film : c’est moi qui joue la partie de guitare basse dans la reprise finale de Welcome To This Day. Je n’ai pas la prétention d’avoir le talent des musiciens de sessions, mais c’était tellement amusant que je n’ai pas résisté !
Quels sont vos projets ?
Je travaille actuellement avec Mark Mancina sur un film appelé August Rush pour Warner Bros. Nous y travaillons par intermittence depuis presque un an. C’est une histoire très intéressante à propos d’un musicien prodige de dix ans qui s’est retrouvé séparé de ses parents naturels, également musiciens. Le film raconte alors leur réunion. Il y a énormément de musique dans ce film, et notamment de la musique que nous avons dû enregistrer avant le tournage, afin que les acteurs puissent jouer dessus. Nous sommes aujourd’hui dans la dernière phase de production, et nous enregistrons à la fin du mois d’octobre. Parmi nos autres projets communs à Mark et à moi se trouvent les films Camille et Shooter, d’Antoine Fuqua, le réalisateur de Training Day.
Et avec Disney ?
J’aimerais beaucoup retravailler avec Matt Walker, mais vous savez que Disney est en train de reconcentrer ses activités en ce moment. Ce qui fait que l’avenir est incertain de ce côté-là. L’un de nos derniers projets à Mark Mancina et moi pour Disney, fut la musique du tout nouveau logo de Walt Disney Pictures. On n’a pas tous les jours l’honneur de pouvoir arranger un tel classique de la musique ! Ce fut un travail assez long et nous avons réalisé pas moins de huit démos avant d’arriver à un résultat qui convienne au studio.
Pour vous, que représente Frère des Ours 2 ?
Je n’oublierai jamais cette première opportunité de composer entièrement la musique d’un film. J’y ai beaucoup songé depuis, et je pense que ce film est vraiment l’un des grands moments de ma carrière, tout à côté de l’époque où j’ai orchestré la version Broadway du Roi Lion et que j’ai été nominé pour un Tony Award pour cela ! Tout ce qui me revient de cette expérience, ce n’est que du plaisir !
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